Commission, 15 janvier 2016, n° M.7567
COMMISSION EUROPÉENNE
Résumé de la décision
Ball/Rexam
Le 15 janvier 2016, la Commission a adopté une décision dans une affaire de concentration en application du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (1), et notamment de son article 8, paragraphe 2. Une version non confidentielle du texte intégral de la décision dans la langue faisant foi, le cas échéant en version provisoire, figure sur le site web de la direction générale de la concurrence, à l'adresse suivante: http://ec.europa.eu/comm/competition/index_en.html.
I. Les parties
(1) Ball Corporation (ci-après "Ball"), dont le siège se trouve aux États-Unis d'Amérique, est une entreprise présente sur le marché mondial de la fabrication et de la fourniture d'emballages métalliques pour boissons, denrées alimentaires et produits domestiques. Ball possède des installations de production en Amérique du Nord, au Brésil, en Europe et dans la région Asie-Pacifique. Elle exerce également des activités ayant trait à la conception, au développement et à la fabrication de systèmes aéronautiques. Elle est le premier fournisseur de cannettes pour boissons à l'échelle mondiale, et le deuxième au niveau de l'EEE.
(2) Rexam PLC (ci-après "Rexam"), entreprise ayant son siège au Royaume-Uni, est active à l'échelle mondiale dans la fabrication de cannettes pour boissons et possède des installations de production en Amérique du Nord et du Sud, en Europe, en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie. Elle est le deuxième fournisseur de cannettes pour boissons à l'échelle mondiale, et le premier au niveau de l'EEE.
II. L'opération
(3) Le 15 juin 2015, la Commission a reçu, conformément à l'article 4 du règlement sur les concentrations, la notification officielle d'un projet de concentration par lequel Ball entendait acquérir la totalité des parts de capital émises et à émettre de Rexam (ci-après l'"opération"). Ball sera dénommée ci-après la "partie notifiante". Ball et Rexam seront dénommées collectivement ci-après les "parties".
III. Dimension européenne
(4) Les entreprises concernées ont réalisé ensemble, au niveau mondial, un chiffre d'affaires total de plus de 5 milliards d'EUR (2). Toutes deux enregistrent un chiffre d'affaires de plus de 250 millions d'EUR dans l'Union européenne et ne réalisent pas plus de deux tiers de leur chiffre d'affaires cumulé au niveau de l'Union européenne dans un seul et même État membre. Aussi l'opération possède-t-elle une dimension européenne.
IV. La procédure
(5) Le 20 juillet 2015, la Commission a estimé que l'opération soulevait des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché intérieur et l'accord EEE et a décidé d'engager la procédure prévue à l'article 6, paragraphe 1, point c), du règlement sur les concentrations. Les doutes sérieux portaient sur les cannettes pour boissons, ainsi que sur les bouteilles en aluminium.
(6) Le 29 septembre 2015, la Commission a adopté une communication des griefs conformément à l'article 18 du règlement sur les concentrations, à laquelle la partie notifiante a répondu le 13 octobre 2015. Une réunion-bilan formelle a été organisée le 23 octobre 2015.
(7) Le 18 novembre 2015, la partie notifiante a présenté des engagements afin de remédier aux problèmes de concurrence relevés dans la communication des griefs (ci-après les "engagements du 18 novembre 2015"). En conséquence, le délai prévu pour l'adoption d'une décision finale a été prolongé de 15 jours ouvrables conformément à l'article 10, paragraphe 3, du règlement sur les concentrations.
(8) Le 20 novembre 2015, la Commission a lancé une consultation des acteurs du marché sur les engagements du 18 novembre 2015.
(9) Le 3 décembre 2015, la partie notifiante a présenté des engagements définitifs (ci-après les "engagements définitifs").
V. Les marchés de produits en cause
Cannettes pour boissons
(10) La Commission est arrivée aux conclusions suivantes: i) les cannettes pour boissons constituent un marché distinct d'autres types de solutions d'emballage pour boissons, telles que le verre, le téréphtalate de polyéthylène (PET) et le carton; ii) les corps et les fonds de cannettes relèvent du même marché, qu'ils soient en acier ou en aluminium, et iii) les cannettes de tailles et de types différents appartiennent au même marché même si elles constituent des produits différenciés sur ce même marché.
Bouteilles en aluminium
(11) La Commission a constaté que les bouteilles en aluminium et les cannettes pour boissons appartenaient à des marchés distincts. Elle a également noté qu'en fonction de la technologie de production employée, les bouteilles en aluminium pouvaient être séparées en bouteilles obtenues par extrusion d'impact et bouteilles obtenues par emboutissage-étirage. Pour autant, la Commission ne s'est pas prononcée sur la définition exacte du marché des produits.
VI. Les marchés géographiques en cause
Cannettes pour boissons
(12) La Commission a pris pour point de départ une zone d'attraction d'un rayon de 700 kilomètres autour de chaque installation de remplissage des clients des parties, pour arriver à la conclusion que les zones d'attraction autour des différentes installations de remplissage pouvaient être regroupées en zones géographiques plus vastes là où lesdites zones d'attraction sont soumises à des conditions de concurrence suffisamment homogènes.
(13) La Commission considère que les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes pour les installations de remplissage situées dans les régions suivantes: Europe centrale (Autriche et Allemagne), Benelux, France, Italie, péninsule ibérique (Espagne et Portugal), Europe du Nord-Est (Pologne, République tchèque, Slovaquie, Lituanie, Estonie et Lettonie), Europe du Sud-Est (Hongrie, Slovénie, Croatie, Roumanie, Bulgarie, Grèce et Chypre), les pays nordiques (Danemark, Norvège, Suède, Finlande et Islande) et le Royaume-Uni et l'Irlande.
Bouteilles en aluminium
(14) La Commission ne s'est pas prononcée sur la définition du marché géographique des bouteilles en aluminium étant donné que l'opération envisagée n'entrave pas de manière significative l'exercice d'une concurrence effective, quelle que soit la définition retenue parmi les définitions plausibles du marché géographique.
VII. Appréciation sous l'angle de la concurrence
Cannettes pour boissons
(15) Rexam et Ball occupent les deux premières places sur ce marché au sein de l'EEE. Au niveau de l'EEE, l'entité issue de la concentration jouirait d'une position fortement dominante au terme de l'opération, affichant [60-70] % des volumes de ventes et [60-70] % des capacités.
(16) Le secteur des cannettes pour boissons, déjà très concentré, est caractérisé par une faible concurrence, l'EEE ne comptant pour l'essentiel que les parties, Crown et Can-Pack. L'opération réduirait le nombre d'acteurs, déjà peu élevé, de quatre à trois dans l'EEE.
(17) À l'issue de l'opération, Crown et Can-Pack ne seraient pas en mesure de rivaliser sur un pied d'égalité avec l'entité née de la concentration du fait de leur taille et de leur zone de chalandise nettement plus petites.
(18) L'opération éliminerait une force concurrentielle du point de vue de l'innovation. Les acteurs du marché considèrent les parties comme les principales sociétés innovantes au sein de l'EEE, tandis que Crown et Can-Pack sont à la traîne. Après l'opération, les parties pourraient être moins incitées à innover.
(19) L'EEE se caractérise par des capacités très étroites, leur taux d'utilisation dépassant généralement les 90 %. En 2014, la capacité inutilisée globale des concurrents, pour ce qui est des usines situées dans l'EEE, représentait entre 5 et 10 % des ventes cumulées des parties aux clients dans l'EEE cette année-là.
(20) De même, la possibilité de passer à d'autres formes d'emballage n'exercerait pas une pression concurrentielle suffisante sur l'entité issue de la concentration ni sur les prix. Le choix des clients parmi la palette de conditionnements est la plupart du temps déterminé par les besoins du consommateur final, et non, en premier lieu, par les prix.
(21) Les clients, même les plus grands, possèdent une puissance d'achat compensatrice limitée pendant les négociations. Plus particulièrement, la taille et la zone de chalandise des parties et l'étroitesse des capacités globales réduisent le pouvoir des clients sur le marché. Il est également ressorti de l'enquête qu'en Europe, l'auto-approvisionnement n'est pas une solution économiquement viable.
(22) Les barrières à l'entrée et à l'expansion sont importantes. La création d'une usine nécessite du temps, de l'expertise et du savoir-faire, ainsi que des engagements à long terme portant sur des gros volumes de la part des clients. La construction d'une usine à une seule ligne de production nécessite un investissement compris entre 50 et 100 millions d'EUR. Et pour être efficace, une usine a généralement besoin d'au moins deux lignes de production exploitées à plein régime.
(23) L'opération de concentration impliquerait, au mieux, une réduction de quatre à trois fournisseurs et résulterait dans la création ou le renforcement d'une position dominante dans les bassins régionaux suivants : Benelux, Europe centrale, France, Italie, Europe du Nord-Est et Europe du Sud-Est. Dans les pays nordiques, l'opération consisterait principalement en une concentration réduisant le nombre d'acteurs de trois à deux. Elle donnerait lieu à la création ou au renforcement d'une position dominante également dans la péninsule ibérique, ainsi qu'au Royaume-Uni et en Irlande. La part de capacité cumulée des parties se situerait entre [40-50] % et [90-100] %, les augmentations oscillant entre [5-10] % et [30-40] %.
(24) La Commission est donc arrivée à la conclusion que l'opération entraverait de manière significative l'exercice d'une concurrence effective sur le marché des cannettes pour boissons dans l'ensemble des bassins régionaux.
Bouteilles en aluminium
(25) La Commission est arrivée à la conclusion qu'il était peu probable que l'opération ait pour effet d'entraver de manière significative l'exercice d'une concurrence effective sur le marché des bouteilles en aluminium.
VIII. Engagements
(26) Afin de rendre l'opération compatible avec le marché intérieur, la partie notifiante a présenté les engagements du 18 novembre 2015.
(27) La partie notifiante a proposé de céder l'ensemble des activités qu'elle exerce en Europe dans le segment des emballages métalliques pour boissons, sauf pour certains actifs, membres du personnel et entités tels qu'énumérés dans les engagements du 18 novembre 2015 (les exclusions portent principalement sur certaines sociétés holding, trois usines Ball de corps de cannettes, certains collaborateurs essentiels et membres du personnel industriel travaillant sur des produits en cours de développement). De plus, la partie notifiante a proposé de se défaire de deux usines Rexam de corps de cannettes.
(28) Les actifs à céder conformément aux engagements du 18 novembre 2015 se composaient essentiellement des installations suivantes : les installations de production de Ball au Royaume-Uni (Rugby et Wrexham), en Europe centrale (Weissenthurm, Hassloch et Hermsdorf) et au Benelux (Oss), ainsi que l'une des installations de production de Ball en France (La Ciotat), l'installation de production de Rexam en Autriche (Enzesfeld) et l'une des installations de production de Rexam en Espagne (Valdemorillo), le centre technique et d'affaires de Ball à Bonn et, au choix de l'acquéreur, le siège européen de Ball à Zurich, les installations de production de fonds de cannettes de Ball à Braunschweig et Deeside (à l'exception d'un module de production).
(29) Les cessions proposées prévoyaient le transfert d'entités juridiques, de personnel, de contrats avec les clients, de contrats avec les fournisseurs, de droits de propriété intellectuelle, etc., sous réserve de quelques exclusions. Elles incluaient également une clause relative à l'acquéreur initial et prévoyaient la vente des activités à céder à un acheteur unique.
(30) La Commission a constaté que les engagements du 18 novembre 2015 ne permettaient pas de remédier à l'affaiblissement de la concurrence dans le bassin d'Europe du Nord-Est. En l'absence de concentration, il est probable que Rexam aurait renforcé ses capacités dans la région et, en conséquence, réduit la concentration du marché. Lesdits engagements ne permettaient pas non plus d'éliminer des effets de concentration considérables sur un sous-ensemble de clients dans le bassin de l'Europe centrale.
(31) Pour ce qui est de la viabilité et de la compétitivité des activités à céder, la Commission a observé que la partie notifiante avait exclu un grand nombre de collaborateurs essentiels (notamment dans l'encadrement, la recherche et le développement, les ventes, entre autres) de la portée des engagements du 18 novembre 2015. Cependant, comme les activités à céder auraient impliqué un très vaste réseau d'usines à travers l'EEE, débouchant sur une combinaison d'actifs des deux parties, et fonctionnant dans un secteur très concentré et présentant des capacités limitées, la Commission a considéré qu'un niveau élevé de continuité au niveau des collaborateurs essentiels serait primordial pour que les activités à céder soient en mesure de servir les clients et d'exercer une concurrence effective sur le marché immédiatement après la cession. Par ailleurs, il a semblé peu probable que l'exclusion de tous les membres du personnel figurant sur la liste puisse se justifier. De plus, le degré de concurrence à l'issue de l'opération entre l'entité née de la concentration et le nouvel entrant pourrait susciter des inquiétudes si tous ces collaborateurs continuaient de travailler pour l'entité issue de la concentration. La consultation des acteurs du marché a elle aussi mis ces éléments en lumière.
(32) La Commission a donc conclu que les engagements du 18 novembre 2015 n'étaient pas de nature à rendre l'opération compatible avec le marché intérieur, notamment parce qu'ils n'élimineraient pas complètement l'entrave significative à l'exercice d'une concurrence effective relevée par la Commission pour le bassin de l'Europe du Nord-Est, et ne garantissaient pas suffisamment la viabilité des activités à céder.
(33) La partie notifiante a présenté les engagements définitifs le 3 décembre 2015 afin de répondre aux points d'inquiétude restants de la Commission. Plus particulièrement, elle a ajouté aux cessions prévues l'usine Ball de Radomsko, en Pologne, ainsi que d'autres collaborateurs, dont des personnes occupant des postes de direction, en R&D et dans le secteur des ventes.
(34) La Commission a estimé que l'ajout de Radomsko permettait de dissiper ses doutes quant au bassin régional d'Europe du Nord-Est, en particulier ses craintes quant au fait que l'opération empêche l'expansion des capacités. En outre, l'ajout de Radomsko atténue également les effets de concentration considérables auxquels demeuraient confrontés un sous-ensemble de clients dans le bassin de l'Europe centrale. La Commission en a donc conclu que les engagements définitifs dissipaient toutes ses craintes concernant la concurrence.
(35) En ce qui concerne les craintes qu'elle nourrit à l'égard de la viabilité et de la compétitivité des activités à céder, l'ajout de collaborateurs supplémentaires occupant des postes d'encadrement, dans la R&D et dans les ventes, associé à la clause relative à l'acquéreur unique et à l'acquéreur initial, devrait garantir la mise en vente d'activités en continuité d'exploitation.
(36) Pour ces raisons, la Commission a considéré que les engagements définitifs étaient adéquats et suffisants pour dissiper les interrogations soulevées par l'opération sur le plan de la concurrence et pour rendre celle-ci compatible avec le marché intérieur et l'accord EEE.
IX. Conclusions
(37) Compte tenu de ce qui précède, la Commission conclut que l'opération proposée n'entravera pas de manière significative l'exercice d'une concurrence effective sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci.
(38) En conséquence, il y a lieu de déclarer l'opération compatible avec le marché intérieur et avec le fonctionnement de l'accord EEE, conformément à l'article 2, paragraphe 2, et à l'article 8, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations, ainsi qu'à l'article 57 de l'accord EEE.
NOTES
(1) JO L 24 du 29.1.2004, p. 1 (ci-après le "règlement sur les concentrations").