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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 3 février 2017, n° 16-02505

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

International Sport Fashion (SARL), Sport Négoce International (SARL)

Défendeur :

Converse Inc. (Sté), All Star CV (Sté) , Bonneuil Exploitation (SAS), Sodiam Exploitation (SAS), Clerdis (SAS), Saint-Herblain Distribution (SAS), Varedis (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Avocats :

Mes Etevenard, Guin, Oudinot, Bloret-Pucci, Taze Bernard, Parleani, Cordier, Bigeard, Michel, Benillouche

TGI Paris, 3e ch. sect. 2, du 15 janv. 2…

15 janvier 2016

Faits et procédure

La société Converse Inc. (ci-après Converse) était propriétaire des marques suivante :

- marque française semi-figurative n° 1356944 " Converse All Star Chuck Taylor " déposée le 30 mai 1986, renouvelée le 22 mars 2006 et le 5 février 2016 pour désigner des chaussures (classe 25)

- marques internationales n° 924653 " Converse All Star " enregistrée le 16 mars 2007 désignant l'Union Européenne et n° 929078 " All Star " enregistrée le 15 mai 2007 couvrant notamment des articles chaussant de la classe 25.

A compter de décembre 2009, la société Converse Inc. a confié à la société Avery Dennison la mise en place d'une technologie consistant à imprimer sur une étiquette thermocollée sur la languette de la chaussure un numéro de série unique, tous les numéros étant répertoriés dans une base de données.

En cours d'instance, la société Converse a cédé ses marques précitées à la société All Star qui est intervenue volontairement à la procédure.

Les sociétés Saint-Herblain Distribution, Sodiam Exploitation, Varedis, Bonneuil Exploitation et Clerdis exploitent chacune un hypermarché E.Leclerc.

Des retenues douanières portant sur des chaussures ont été effectuées dans différents magasins du groupe Leclerc à savoir :

- le 9 mars 2013, dans les locaux de la société Saint-Herblain Distribution portant sur 824 paires de chaussures

- le 22 mars 2013, dans les locaux de la société Sodiam Exploitation portant sur 187 paires de chaussures,

- le 26 mars 2013, dans les locaux de la société Veradis portant sur 480 paires,

- le 28 mars 2013, dans les locaux de la société Bonneuil Exploitation portant sur 256 paires de chaussures,

- le 12/04/2013, dans les locaux de la société Clerdis portant sur 63 paires de chaussures.

A la suite de ces saisies la société Converse a été autorisée à faire pratiquer des saisies contrefaçon dans les locaux des magasins Leclerc précités soit :

dans le magasin de la société Saint Herblain Distribution, sur six palettes, comportant 824 paires de chaussures placées en retenue douanière, 17 paires ont été prélevées et il a été produit à l'huissier deux factures en date des 12 octobre 2012 et 10 janvier 2013 émises par la société Sport Négoce International (ci-après SNI),

dans le magasin de la société Sodiam Exploitation, sur 185 paires il a été prélevé 3 paires,

dans le magasin Varedis sur 480 paires, il a été prélevé 27 paires,

dans le magasin Bonneuil sur 256 paires, il a été prélevé 67 paires,

dans le magasin Clerdis sur sur 63 paires, il a été prélevé 8 paires.

Ces sociétés ont désigné la société SNI, filiale de la société International Sport Fashion (ci-après ISF) qui exerce une activité de grossiste d'articles de chaussures et vêtements comme fournisseur de tout ou partie des chaussures en cause.

La société Converse estimant que les articles précités n'étaient pas authentiques, soit en raison des constatations faites soit à l'aide du code apposé sur les chaussures, soit en raison des caractéristiques des chaussures, a assigné chacune des sociétés du groupe Leclerc en contrefaçon de marques, lesquelles ont appelé en garantie leurs fournisseurs, les sociétés SNI et ISF.

Le tribunal a alors prononcé la jonction de ces quatre affaires, le 7 janvier 2014.

Par acte du 4 décembre 2013, les sociétés SNI et ISF ont assigné en intervention forcée leur propre fournisseur la société de droit suisse Dieseel AG.

La société Dieseel n'a jamais conclu ; elle a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire et a été définitivement radiée du registre des sociétés suisses le 14 juillet 2016.

Par jugement contradictoire du 15 janvier 2016, le Tribunal de grande instance de Paris a :

- déclaré l'intervention volontaire de la société All Star CV recevable,

- dit qu'en ayant détenu des chaussures revêtues des marques internationales Converse All Star n° 924653 et All Star n° 929078 et de la marque française Converse All Star Chuck Taylor n° 1356 944, les sociétés Saint-Herblain Distribution, Sodiam Exploitation, Varedis, Bonneuil Exploitation, Clerdis, Sport Négoce International (SNI), International Sport Fashion (ISF) et Dieseel AG ont fait un usage illicite de ces marques au préjudice de la société Converse Inc. aux droits de laquelle se trouve la société All Star CV ;

- condamné in solidum les sociétés Saint-Herblain Distribution, Sport Négoce International (SNI) et International Sport Fashion (ISF) à payer à la société All Star CV la somme de 10 000 euros en réparation de l'atteinte portée à ses marques et 10 000 euros au titre du préjudice commercial ;

- condamné in solidum les sociétés Sodiam Exploitation, SNI et ISF à payer à la société All Star CV la somme de 10 000 euros en réparation de l'atteinte portée à ses marques et 10 000 euros au titre du préjudice commercial ;

- condamné in solidum les sociétés Varedis, Sport Négoce International (SNI) et International Sport Fashion (ISF) à payer à la société All Star CV la somme de 10 000 euros en réparation de l'atteinte portée à ses marques et 1 000 euros au titre du préjudice commercial ;

- condamné in solidum les sociétés Bonneuil Exploitation, Sport Négoce International (SNI) et International Sport Fashion (ISF) à payer à la société All Star CV la somme de 10 000 euros en réparation de l'atteinte portée à ses marques et 10 000 euros au titre du préjudice commercial ;

- condamné in solidum les sociétés Clerdis, Sport Négoce International (SNI) et International Sport Fashion (ISF) à payer à la société All Star CV la somme de 10 000 euros en réparation de l'atteinte portée à ses marques et 1 000 euros au titre du préjudice commercial ;

- dit que les sociétés Sport Négoce International (SNI) et International Sport Fashion (ISF) seront tenues in solidum de garantir les sociétés Saint Herblain Distribution, Sodiam Exploitation, Varedis, Bonneuil Exploitation et Clerdis des condamnations prononcées à leur encontre ;

- ordonné la destruction des marchandises retenues aux frais des sociétés Saint Herblain Distribution, Sodiam Exploitation, Varedis, Bonneuil Exploitation, Clerdis, Sport Négoce International (SNI) et International Sport Fashion (ISF) sous contrôle d'huissier,

- rejeté les demandes de publication ;

- débouté les sociétés Converse Inc. et All Star de leurs autres demandes ;

- débouté les sociétés SNI et ISF de leur demande de garantie dirigée contre la société Dieseel AG ;

- condamné chacune des sociétés Saint Herblain Distribution, Sodiam Exploitation, Varedis, Bonneuil Exploitation, Clerdis, SNI et ISF à payer aux sociétés Converse Inc. et All Star CV la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et in solidum les sociétés Saint-Herblain Distribution, Sport Négoce International (SNI) et International Sport Fashion (ISF) à rembourser à la société Converse Inc. les frais de la saisie-contrefaçon du 19 mars 2013 et aux dépens.

Le 20 janvier 2016, les sociétés SNI et ISF ont interjeté appel de ce jugement.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 24 novembre 2016.

Par conclusions signifiées le 23 novembre 2016, les sociétés Sport Négoce International et Sport International Fashion demandent à la cour de :

- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, de :

- débouter toutes les parties de toutes leurs demandes à l'encontre de la société ISF

Sur la charge de la preuve de l'épuisement des droits,

- constater que la société SNI rapporte la preuve d'un risque réel de cloisonnement des marchés au sens de l'arrêt Van Doren du 8 avril 2003 de la CJUE,

- juger que les sociétés Converse et All Star, ne rapportent pas la preuve que les contrats de distribution qui les lient à leurs distributeurs exclusifs permettent à ces distributeurs de procéder à des ventes passives en dehors de leur territoire,

- juger que la preuve de ventes de distributeurs exclusifs de Converse en, dehors de leur territoire n'est pas de nature à écarter l'existence d'un risque réel de cloisonnement des marchés, et l'est d'autant moins en l'espèce, faute d'éléments permettant d'apprécier leur représentativité et donc leur caractère significatif,

- juger que la cour de justice de l'Union européenne n'a pas soumis l'aménagement de la charge de la preuve de l'épuisement des droits à la preuve d'un cloisonnement absolu des marchés nationaux, mais à un risque réel de cloisonnement dans l'hypothèse où le titulaire pourrait utiliser une action en justice pour identifier et tarir des sources d'approvisionnement et cloisonner effectivement les marchés nationaux,

- juger que la preuve d'un tel risque réel de cloisonnement des marchés nationaux, au sens de l'arrêt Van Doren de la CJUE (C-244/00), a été rapportée en l'espèce par les défenderesses.

Sur l'absence de preuve par les demanderesses de leurs allégations et la preuve rapportée par les défenderesses d'allégations inexactes des demanderesses,

- dire que, dès lors que les sociétés Converse Inc. et All Star CV allèguent que les sociétés SNI, ISF, Saint-Herblain, Sodiam Exploitation, Bonneuil Exploitation, Varedis et Clerdis auraient commercialisé des produits non-authentiques, c'est-à-dire fabriqués et mis sur le marché sans leur consentement, il leur appartenait d'en rapporter la preuve, et que cette preuve n'a pas été rapportée,

- juger que la société Converse et la société All Star CV ne rapportent aucune preuve au soutien de leurs allégations selon lesquelles les paires de chaussures en cause, revêtues d'étiquettes utilisées par Converse avant décembre 2009 seraient non authentiques,

- constater l'insuffisance des seules attestations de Monsieur Paul Chamandy, versées aux débats par la société Converse, pour rapporter la preuve du caractère prétendument contrefaisant des chaussures revêtues d'étiquettes utilisées par la société Converse après décembre 2009, en l'absence de possibilité d'apprécier contradictoirement la pertinence des données invoqués et de leur enregistrement,

- juger que la société Converse et la société All Star CV ne rapportent pas la preuve du caractère prétendument contrefaisant des paires de chaussures en cause revêtues des étiquettes utilisées par Converse à partir de décembre 2009,

- dire que les sociétés Converse Inc. et All Star CV n'ont versé aux débats aucun élément probant et qui ne repose pas sur leur seules affirmations, ou sur celles de personnes leur sont liées économiquement, pour prétendre justifier du caractère prétendument contrefaisant des produits en cause,

- juger qu'au regard de la carence des sociétés Converse et All Star CV dans les preuves qu'il leur incombait d'apporter et au regard de la preuve rapportée par les défenderesses de l'inexactitude de nombres de ces allégations, le caractère contrefaisant des produits dont la vente est reprochée aux défenderesses n'est pas établi, en conséquence :

- débouter la société Converse et la société All Star CV de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions

A titre subsidiaire : si par extraordinaire la cour considérait que la preuve de la contrefaçon peut être reportée par la seule présomption tirée des attestations relatives à la base de donnée Avery Dennison.

Vu l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme :

- instituer, aux frais des demanderesses, une expertise ayant pour objet de vérifier en premier lieu, la fiabilité alléguée de la Base Avery Dennison, c'est-à-dire notamment l'impossibilité alléguée que des chaussures soient mises sur le marché par les sociétés Converse ou leurs distributeurs exclusifs sans que leur numéro ne soient enregistrés, mais également l'impossibilité de modifier le contenu de cette base ; en second lieu les informations prétendument issues de cette base pour les chaussures en cause et en troisième lieu les allégations de Converse portant sur la prétendue non authenticité des produits.

- juger que l'expert désigné dressera un rapport de sa mission et surseoir à statuer dans l'attente de la réalisation de cette mesure d'instruction,

Sur le préjudice allégué (à titre subsidiaire)

- juger que l'indemnisation sollicitée ne pourrait porter que sur les chaussures dont le caractère contrefaisant et la vente par les sociétés SNI, ISF, Saint-Herblain, Sodiam Exploitation, Bonneuil Exploitation, Varedis et Clerdis, seraient établis et non pas sur l'ensemble des chaussures de marque Converse ayant fait l'objet de retenues par les Douanes ou de saisie-contrefaçon,

- juger que les sociétés Converse Inc. et All Star CV ne justifient pas d'un préjudice et de son quantum que chacune d'entre elles auraient effectivement et personnellement subi;

en conséquence :

- les débouter de l'ensemble de leurs demandes de dommages et intérêts;

en toute hypothèse :

- les débouter de leur demande de voir confirmer le jugement en toutes ses dispositions, et de leur demande de condamnation au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et juger dès lors les appels en garantie sans objet, et les rejeter,

- les condamner au paiement, à chacune des sociétés SNI et ISF, d'une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile d'un montant de 50 000 euros et aux entiers dépens dont le recouvrement pourra être poursuivi conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par conclusions signifiées le 9 novembre 2016, les sociétés Bonneuil Exploitation et Sodiam Exploitation demandent à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

fait droit à l'appel en garantie des appelantes à l'encontre des sociétés ISF et SNI, qui leur ont fourni les produits litigieux, laquelle n'est pas contestée par ces dernières suivant leurs conclusions d'appel en date du 14 avril 2016,

retenu que les dispositions de l'article L. 716-14 du Code de la propriété intellectuelle dans leur version issue de la loi n° 2014-315 du 11 mars 2014 ne sont pas applicables en l'espèce, seule étant applicable leur version issue de la loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007,

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions, et statuant à nouveau,

1) A titre principal,

a) Sur le prétendu défaut d'authenticité des produits litigieux :

- juger qu'il appartient aux sociétés Converse Inc. et All Star CV, en leur qualité de demanderesses à l'instance, de rapporter la preuve des faits de contrefaçon dont elles se prévalent,

- constater que les sociétés Converse Inc. et All Star CV ont reconnu, en première instance, dans leurs dernières écritures (n° 2, page 23 et pages 34 et 35), qu'elles ne sont pas en mesure de rapporter la preuve de l'absence d'authenticité des chaussures de sport revêtues d'étiquettes utilisées par la société Converse Inc. avant le mois de décembre 2009,

- juger que les sociétés Converse Inc. et All Star CV n'établissent nullement que la SAS Bonneuil Exploitation et la SAS Sodiam Exploitation auraient mis en vente des chaussures de sport contrefaisant les marques " Converse ", qu'il s'agisse des chaussures revêtues d'étiquettes utilisées par la société Converse Inc. avant le mois de décembre 2009, ou des chaussures revêtues d'étiquettes utilisées après cette date,

- constater à cet égard que les sociétés Converse Inc. et All Star CV ne rapportent nullement la preuve de la prétendue absence d'authenticité des chaussures en cause,

En conséquence,

- les débouter de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

b) Sur le prétendu usage non autorisé des marques Converse :

- juger que les chaussures prétendument contrefaisantes ont été initialement mises dans le commerce par un " distributeur " exclusif de la société Converse Inc. à l'intérieur de l'Espace économique européen,

- juger, en tout état de cause, que la SAS Bonneuil Exploitation et la SAS Sodiam Exploitation, établissent l'existence d'un risque réel et sérieux de cloisonnement du marché,

- juger qu'il appartient à la société Converse Inc. et à la société All Star CV de démontrer que les chaussures prétendument contrefaisantes ont été initialement mises dans le commerce par elle-même ou avec son consentement en dehors de l'Espace économique européen et que cette preuve n'est pas rapportée,

en conséquence,

- juger que la SAS Bonneuil Exploitation et la SAS Sodiam Exploitation n'ont pas fait un usage non autorisé des marques Converse, et débouter les sociétés Converse Inc. et All Star CV de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

2) Subsidiairement,

- juger que les sociétés Converse Inc. et All Star CV n'établissent nullement le préjudice qu'elles invoquent et les débouter de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions,

3) A titre infiniment subsidiaire,

- condamner solidairement la société Sport Négoce International et la société International Sport Fashion à garantir à la fois la SAS Bonneuil Exploitation et la SAS Sodiam Exploitation de toute condamnation qui serait prononcée à leur encontre,

4) En tout état de cause,

- condamner solidairement les sociétés Converse Inc. et All Star CV, et, subsidiairement et solidairement, les sociétés Sport Négoce International et International Sport Fashion, à verser à chacune des sociétés Bonneuil Exploitation et Sodiam Exploitation, la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera directement poursuivi par Maître Laurence Taze-Bernard, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par dernières conclusions signifiées le 13 juin 2016, la société Saint Herblain Distribution demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré en toutes ces dispositions sauf en ce qu'il a " Dit que les sociétés Sport Négoce International (SNI) et International Sport Fashion (ISF) seront tenues in solidum de garantir les sociétés Saint-Herblain Distribution, Sodiam Exploitation, Varedis, Bonneuil Exploitation et Clerdis des condamnations prononcées à leur encontre ", et statuant à nouveau :

A titre principal,

Sur le prétendu usage non autorisé des marques Converse :

- juger que les appelantes et la société Saint-Herblain Distribution établissent l'existence d'un risque réel et sérieux de cloisonnement du marché des chaussures Converse, ce risque étant confirmé par la mise en œuvre de conditions de vente différenciée selon le territoire, et également par le refus péremptoire de Converse de produire ses contrats de distribution exclusifs ;

- juger qu'il appartient dès lors aux sociétés Converse Inc. et All Star CV de démontrer que les chaussures prétendument contrefaisantes ont été initialement mises dans le commerce par elle-même ou avec son consentement en dehors de l'Espace Economique Européen ;

- juger que cette preuve n'est pas rapportée en l'espèce,

- juger qu'elle n'a pas fait un usage non autorisé des marques Converse,

- débouter les sociétés Converse Inc. et All Star CV, de toutes demandes, fins et prétentions formulées au titre de la contrefaçon de marque à son encontre

Sur le prétendu défaut d'authenticité des chaussures litigieuses :

- juger que les sociétés Converse Inc. et All Star CV ne rapportent pas la preuve qui leur incombait de la prétendue absence d'authenticité des chaussures en cause,

- constater que les sociétés Converse Inc. et All Star CV ont d'ailleurs reconnu en première instance (conclusions récap n° 2, p. 23, 34-35) ne pas être en mesure de rapporter cette preuve pour les chaussures revêtues d' " étiquettes anciennes " utilisées par Converse avant le mois de décembre 2009, et qu'elles ont abandonné toute réclamation pour cette catégorie de chaussures.

- les débouter de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ; et ordonner en conséquence la mainlevée de la saisie-contrefaçon indûment entreprise.

A titre subsidiaire,

- juger que celles-ci n'établissent aucune des préjudices qu'elles invoquent et les débouter de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions

A titre très subsidiaire,

- dire que les sociétés SNI et ISF devront la garantir et la relever indemne de toutes éventuelles condamnations qui seraient prononcées à son encontre, ainsi que du prix d'acquisition des chaussures litigieuses mises sous scellés, soit la contrevaleur de 23 449 euros avec intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 18 avril 2016.

En toute hypothèse,

- condamner les sociétés Converse Inc. et All Star CV ou toute autre partie succombant au paiement de la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par dernières conclusions signifiées le 13 juin 2016, la société Varedis demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que les sociétés Sport Négoce International et la société International Sport Fashion seront tenues in solidum de la garantir des condamnations prononcées à son encontre, y compris celles éventuellement prononcées sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- l'infirmer en toutes ses autres dispositions et statuant à nouveau,

1/ Sur le prétendu usage non autorisé des marques Converse

A titre principal

- juger que la preuve de la mise en place par Converse d'un système de distribution présentant un risque de cloisonnement des marchés est établie ;

- juger qu'il appartient en conséquence aux sociétés Converse Inc. et All Star CV d'établir qu'elle a commercialisé des produits non authentiques, c'est-à-dire fabriqués et mis sur le marché sans leur consentement ;

- juger que les sociétés Converse Inc. et All Star CV sont défaillantes dans l'administration de la preuve qui leur incombe ;

en conséquence,

- les débouter de l'ensemble de leurs moyens, fins et conclusions ;

Subsidiairement

- donner acte à la société Converse de ses protestations et réserves sur l'organisation de la mesure d'expertise du système de traçage ;

à titre subsidiaire,

- sur les prétendus préjudices allégués, juger que les sociétés Converse Inc. et All Star CV n'établissent nullement les préjudices invoqués, ni le quantum de leurs demandes indemnitaires et les en débouter ;

à titre infiniment subsidiaire, sur la garantie par ISF et SNI des condamnations prononcées contre Varedis ;

- condamner les sociétés Sport Négoce International et la société International Sport Fashion in solidum à la garantir des condamnations prononcées à son encontre, y compris celles éventuellement prononcées sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

en tout état de cause,

- condamner solidairement les sociétés Converse Inc. et All Star CV, et subsidiairement, solidairement les sociétés Sport Négoce International et International Sport Fashion, à lui verser la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de la présente procédure dont distraction au profit de Maître Raphaël Benillouche.

Par dernières conclusions signifiées le 9 juin 2016, la société Clerdis demande à la cour de :

- lui donner acte de ce qu'elle fait siens les moyens et prétentions des appelantes en tant que dirigés contre les sociétés Converse Inc. et All Star CV,

- réformer le jugement du 15 janvier 2016 en toutes ses dispositions en tant que dirigées contre la société Clerdis,

-débouter les sociétés Converse Inc. et All Star CV de l'intégralité de leurs prétentions et demandes en tant que dirigées contre la société Clerdis,

en toute hypothèse et à titre infiniment subsidiaire, déclarer recevable et bien fondé son appel incident à l'encontre de la société Sport Négoce International (SNI) sous le visa des articles 1625 et 1626 du Code de procédure civile,

- condamner la société Converse inc, la société All Star CV, ou qui d'entre les parties mieux le devra, à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'en tous dépens, ceux d'appel distraits au profit de Me Maxime Cordier.

Par dernières conclusions signifiées le 17 novembre 2016, les sociétés Converse Inc. et All Star CV demandent à la cour de :

- déclarer mal fondées en leur appel les sociétés SNI et ISF, Bonneuil Exploitation, Sodiam Exploitation, Varedis et Saint-Herblain Distribution,

- déclarer irrecevables et mal fondées en toutes leurs demandes, fins et conclusions et les débouter purement et simplement;

- la déclarer recevable en sa qualité de propriétaire, à l'époque des faits, des marques Converse All Star chuck taylor n° 1356944, Converse All Star n° 924653 et All Star n° 929078.

- déclarer recevable et fondée la société All Star en ses demandes en sa qualité de cessionnaire dûment inscrit de la marque française Converse All Star Chuck Taylor n° 1356944 et des marques internationales désignant la communauté européenne Converse n° 924653 et All Star n° 929078.

- confirmer le jugement de la 3ème section de la 3ème chambre du Tribunal de grande instance de Paris du 15 janvier 2016;

en conséquence:

- constater qu'elles invoquent un usage non autorisé des marques Converse susvisés par les sociétés Sport Négoce International, International Sport Fashion, Bonneuil Exploitation, Sodiam Exploitation, Varedis et saint-Herblain Distribution, et donc une violation des dispositions des articles 9 du Règlement (CE) du 26 février 2009 et des articles L. 717-1, L. 713-2, L. 71-3 et L. 716-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle;

- constater que l'atteinte ainsi alléguée constitue un fait juridique dont la preuve peut être administrée par tous moyens et qu'en conséquence cette preuve peut résulter de simples présomptions de faits, dès lors qu'elles sont propres à entraîner l'intime conviction du juge;

- juger qu'en ce qui concerne les produits présentant l'apparence de produits commercialisés à partir de Décembre 2009 et identifiable selon la technologie mise en œuvre à leur égard par une société indépendante, la société Avery Dennison, qu'aucun des échantillons représentatifs prélevés dans les locaux des sociétés appelantes Bonneuil Exploitation, Sodiam Exploitation, Varedis et Saint-Herblain Distribution fourni par les sociétés SNI et ISF n'est revêtu d'un code-sécurité enregistré à l'identique dans la base de données de la société Avery Dennison et ne peut dont avoir été fabriqué avec l'autorisation de Converse;

- juger qu'en toute hypothèse, les sociétés SNI, ISF, Bonneuil Exploitation, Sodiam Exploitation et Saint-Herblain Distribution qui invoquent l'épuisement des droits de marque des intimées ont manqué à rapporter la preuve qui leur incombait d'une première commercialisation de chacun des produits litigieux, par le titulaire du droit de marque lui-même ou avec son consentement, dans l'Union européenne;

- dire et juger en conséquence qu'à défaut d'autorisation de l'usage des marques Converse, la contrefaçon est caractérisée et le jugement condamnant de ce chef les sociétés sociétés SNI, ISF, Bonneuil Exploitation, Sodiam Exploitation et Saint-Herblain Distribution doit être confirmé dans toutes ses dispositions ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés Saint-Herblain Distribution, Sport Négoce International (SNI) et International Sport Fashion (ISF) à payer à la société All Star CV ;

- la somme de 10 000 euros en réparation de l'atteinte portée à ses marques et 10 000 euros au titre du préjudice commercial ;

- la somme de 10 000 euros en réparation de l'atteinte portée à ses marques et 10 000 euros au titre du préjudice commercial ;

- la somme de 10 000 euros en réparation de l'atteinte portée à ses marques et 1 000 euros au titre du préjudice commercial ;

- la somme de 10 000 euros en réparation de l'atteinte portée à ses marques et 10 000 euros au titre du préjudice commercial ;

- la somme de 10 000 euros en réparation de l'atteinte portée à ses marques et 1 000 euros au titre du préjudice commercial ;

en ce qu'il a dit que les sociétés Sport Négoce International (SNI) et International Sport Fashion (ISF) seront tenues in solidum de garantir les sociétés Saint Herblain Distribution, Sodiam Exploitation, Varedis, Bonneuil Exploitation et Clerdis des condamnations prononcées à leur encontre et condamné les sociétés Saint Herblain Distribution, Sodiam Exploitation, Varedis, Bonneuil Exploitation, SNI et ISF aux dépens de première instance;

Et y ajoutant :

- condamner les sociétés SNI, ISF, Bonneuil Exploitation, Sodiam Exploitation, Varedis et Saint Herblain Distribution à leur payer à chacune une somme complémentaire de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens d'appel.

LA COUR renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

Motifs

Sur le risque de cloisonnement des marchés

Considérant que les appelantes soutiennent que le jugement entrepris doit être infirmé en ce en ce qu'il a écarté tout risque de cloisonnement du marché et retenu qu'elles ne rapportaient pas la preuve d'un usage autorisé des marques Converse alors qu'elles prétendent faire la preuve d'un tel risque de sorte que la charge de la preuve doit peser sur les demanderesses à l'action de contrefaçon qui sont, selon elles, défaillantes à l'apporter.

Considérant que l'article L. 713-2 du Code de la propriété intellectuelle interdit la reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque française ainsi que l'usage d'une marque française reproduite sans l'autorisation du propriétaire de la marque.

Qu'en application de l'article 9 du règlement (CE) 2007/2009 du 26 février 2009 la marque communautaire confère à son titulaire un droit exclusif qui l'habilite à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe identique à la marque communautaire pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée; qu'aux termes de cet article, " Il peut être interdit (...) b) d'offrir les produits ou de les mettre dans le commerce ou de les détenir à ces fins (...) d'utiliser le signe dans les papiers d'affaires et la publicité. "

Considérant cependant que l'article L. 713-4 du Code de la propriété intellectuelle et l'article 13 alinéa 1 du règlement (CE) 2007/2009 du 26 février 2009 prévoient l'épuisement du droit conféré par la marque, ce droit ne permettant pas à son titulaire d'interdire l'usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis dans le commerce de l'Espace économique européen, sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement ; qu'en vertu de ces dispositions, le titulaire de la marque ne peut pas s'opposer à la libre circulation des produits marqués à l'intérieur de l'Espace économique européen après que ces produits ont été mis sur le marché de cet espace par lui-même ou avec son consentement ; qu'en revanche, l'importation de produits marqués dans l'Espace économique européen, sans l'autorisation du titulaire, donne à ce dernier un droit de suite et de contrôle jusqu'à l'acquéreur final.

Considérant qu'il n'est pas contesté la reproduction sur des produits identiques des marques précitées dont est présentement propriétaire la société All Star CV, ni la matérialité des actes de détention, d'offre à la vente des produits ayant fait l'objet des retenues douanières.

Considérant qu'en application du principe de la libre circulation des marchandises, l'article 7 de la directive n° 2008/95 sur les marques, l'article 3 du règlement CE n° 207/2009 du 26 février 2009 sur la marque communautaire et l'article L. 713-4 du Code de la propriété intellectuelle prévoient que dès qu'un produit est mis sur le marché de la Communauté européenne, par le titulaire des droits ou avec son consentement, celui-ci ne peut plus interdire son usage ou sa vente.

Considérant que la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit dans l'arrêt Van Doren du 8 avril 2003 que " dans l'hypothèse où le tiers poursuivi par le titulaire de la marque parvient à démontrer qu'il existe un risque réel de cloisonnement des marchés nationaux, si lui-même supporte la charge de cette preuve, en particulier lorsque le titulaire de la marque commerciale distribue ses produits dans l'Espace économique européen au moyen d'un système de distribution exclusive ", la charge de la preuve repose alors sur titulaire de la marque.

Considérant que l'existence d'un risque réel de cloisonnement des marchés nationaux fait obstacle à ce que le tiers poursuivi par le titulaire de la marque supporte la charge de la preuve de l'épuisement du droit de la marque ; que le défendeur à l'action en contrefaçon est alors autorisé à ne pas révéler sa source d'approvisionnement et qu'il appartient au titulaire de la marque de prouver que les produits en cause ont été initialement mis dans le commerce par lui-même ou avec son consentement en dehors du territoire de l'Espace économique européen.

Considérant que la société Converse Inc. a choisi de segmenter territorialement la distribution de ses produits via un réseau de distribution exclusive, à raison d'un seul distributeur par pays, ainsi la société Royer pour la France, ou par groupe de pays.

Considérant que cette segmentation permet la pratique par la société Converse et la société All Star de prix différenciés en les adaptant au pouvoir d'achat des consommateurs selon le territoire ; que celles-ci, qui contestent les différences de prix tirées de la comparaison des factures qu'elle a produites dont il résulte que le prix peut varier de 7,36 euros à 33 euros, ont refusé de produire les tarifs pratiqués auprès des différents distributeurs ;

Que la pratique de tarifs différenciés dans le cadre du principe de la libre circulation des marchandises favorise un approvisionnement auprès des distributeurs ayant la possibilité d'être ainsi moins disant en écartant le distributeur exclusif ; que, par ailleurs, ces ventes en dehors du territoire d'exclusivité peuvent aussi permettre à un distributeur d'atteindre des quotas de vente ; qu'en revanche, le distributeur exclusif affecté par la pénétration sur son territoire de produits Converse venant d'un autre distributeur pourra faire pression auprès de la société Converse, notamment pour obtenir des tarifs identiques ; que, dès lors, les sociétés Converse et All Star ainsi que certains de leurs distributeurs exclusifs ont intérêt à la mise en œuvre d'une politique restrictive ; que pour autant celle-ci ne peut conduire au cloisonnement du marché contraire aux règles de libre concurrence sur le marché européen.

Considérant qu'il résulte du rapport de l'Office fédéral allemand de lutte contre les cartels du 20 juillet 2011 qu'il a dû intervenir auprès de la société All Star qui fournit les commerces de distribution des produits Converse pour qu'elle cesse d'imposer des prix de vente aux distributeurs, ceux-ci devant demeurer libres de fixer leur prix de vente.

Considérant qu'il faut entendre par " cloisonnement du marché " non pas un cloisonnement étanche et absolu des marchés mais comme l'indique la Commission européenne dans ses Lignes directrices relatives aux restrictions verticales de concurrence, les accords qui " limitent les possibilités de choisir sa source d'approvisionnement " notamment " dans les restrictions territoriales de vente ".

Considérant qu'il existe un précédent d'éviction dans le réseau Converse, le distributeur exclusif des produits Converse en Autriche, la société Formicron n'ayant pas eu son contrat renouvelé en 1992 après avoir vendu des produits Converse en Allemagne, soit en dehors de son territoire ; que, si cette éviction est bien antérieure aux faits du litige, elle n'en constitue pas moins un fait avéré de nature à générer encore aujourd'hui des craintes chez les distributeurs d'autant qu'il n'est pas démontré que ce risque est à écarter dès lors qu'il n'est ni démontré ni même allégué que les contrats de distribution en vigueur seraient différents de celui dont bénéficiait le distributeur autrichien ou auraient été depuis lors modifiés.

Considérant que les appelantes ont versé à la procédure huit courriels qui avaient été produits par la société Diesel dans le cadre d'une procédure dont avait été saisi le Tribunal de grande instance de Marseille par lesquels les distributeurs allemand, Italien, espagnol, slovène, français et polonais ont tous indiqué n'avoir pas l'autorisation de vendre les produits Converse en dehors du territoire qui leur était imparti.

Considérant que la société Converse fait valoir que ces courriels ne sont pas probants car ces échanges sont tous de 2009 bien antérieurs aux faits de la cause et ne sauraient dès lors caractériser sa politique au moment de ceux-ci ; que, par ailleurs, elle prétend que les factures qu'elle produit illustrent parfaitement la faculté ouverte aux distributeurs exclusifs de fournir des acheteurs d'un territoire autre que le leur.

Considérant que les courriels en cause quand bien même ils sont de 2009 sont parfaitement clairs et démontrent sans équivoque la situation des distributeurs en ce que ceux-ci ne peuvent commercer en dehors de leur territoire d'exclusivité sans l'accord des sociétés Converse et All Star.

Considérant que, dans la présente procédure, le juge de la mise en état a constaté que " Converse ne souhaite pas produire les contrats de distribution la liant à ses distributeurs exclusifs, les prétendues difficultés rencontrées dans les investigations qu'elle poursuit n'étant pas crédibles s'agissant de ce type de contrats "; qu'il y a lieu de constater que la production de ces contrats aurait eu le mérite de permettre à la cour d'apprécier la liberté octroyée par les sociétés Converse et All Star à leurs distributeurs et notamment de vérifier que les éléments de preuve produits par les appelantes n'avaient plus cours au moment des faits litigieux.

Considérant que celles-ci, qui ont choisi de produire des factures et non les contrats auxquels elles sont parties, sans pour autant justifier de ce refus ni par la protection des marques ni par le secret des affaires, ne sauraient en conséquence arguer de difficultés pour obtenir des factures en ce qu'elles ont trait à une relation commerciale entre le distributeur et des clients à laquelle elles sont étrangères.

Considérant que les sociétés Converse et All Star ont produit des factures portant sur la période 2007 à 2012 et des attestations qui justifient que ces factures figurent bien dans la comptabilité du distributeur; que, si ces éléments mettent en évidence une opération de vente entre un distributeur et un tiers étranger au territoire affecté au distributeur, il n'en résulte aucune information sur les circonstances précises de ces opérations qui peuvent correspondre à des opérations ponctuelles de réapprovisionnement voire à des opérations dictées pour les besoins de la cause ;

Que la cour observe que :

- 4 factures de ventes de la société Converse Benelux, également dénommée Kesbo Sport BV sont adressées à la société allemande The Phone House et portent sur des " mobile case "

- 20 factures de la société italienne Converse Italia qui sont à destination de trois sociétés, à raison de deux factures à la société Proged, une à la société Royer Sport, une à la société Kesbo portant des dates de 2008, 2009 et 2010, et toutes les autres à la société allemande Zalando éditées entre le 25 juillet et le 31 août 2012 et portant pour 9 d'entre elles sur des vêtements (sweat, t-shirt), le reste des factures seulement étant afférent à des chaussures soit 1078 paires

- 13 factures de la société Royer, distributeur français, huit adressées à la société Kesbo dont deux portent exclusivement sur des parkas, une autre sur des parkas et un " converse roller bag ", une autre sur seulement un " converse bag " dont 7 de 2007 à 2010, une facture en 2013 portant sur 16 paires de chaussures et 5 factures à la société Fashion & Fashion Shoes <adresse>, ces dernières de 2010 mettant en évidence une vente par le distributeur français à un commerçant de son secteur de sorte que seule une facture de 2013 porte sur des chaussures à raison de 16 paires

- 4 factures de la société All Star DACH, deux adressées à la société Leder und Schuh en Autriche, l'une portant sur 400 t-shirts, l'autre sur 456 paires de chaussures, deux autres à la société Freelander's Sportfashion au Luxembourg portant, l'une sur 90 articles divers dont sacs, pulls chaussures, l'autre sur 12 paires de chaussures montantes en cuir ; qu'à défaut de démonstration du territoire de la société All Star DACH, ces ventes, au demeurant peu significatives, ne sauraient être retenues comme réalisées en dehors du territoire concédé,

- 5 factures de la société Sportland adressées à la société Pelham Sport en Espagne entre 2010 et 2012 ; que la cour observe que les factures sont à en tête de Sportland et que l'attestation jointe fait état " de procédures convenues avec la Direction de Sportland International Group " qui sont décrites ci-dessous en ce qui concerne les factures émises par la société Sportland Eesti; que dans ces conditions ni le distributeur ni le secteur qui lui est attribué ne sont clairement identifiables ; que de plus le détail des factures produites comprend un récapitulatif des quantités de chaussures vendues qui ne correspond pas à la somme des quantités visées ; que, si la société Converse fait état de 6205 paires de chaussures vendues en mars 2012, la cour n'en décompte que 505 au vu de la facture produite; que sur toutes les factures la cour relève cette même contradiction entre les chiffres de sorte qu'elles ne sauraient être retenues comme probantes,

- 27 factures émises par la société polonaise Amersport entre décembre 2009 et 2012; que ces factures portent sur de petites quantités ; que certaines sont émises à l'ordre de clients dont il n'est pas exclu qu'ils fassent partie du secteur attribué à la société Amersport; qu'en effet la cour constate que certaines sont émises à l'ordre d'un client installé à Vilnius, capitale de la Lituanie ; qu'il ne saurait être exclu que ce marché soit inclu dans le territoire du distributeur polonais et dès lors que les factures correspondent à des ventes par ce distributeur sur son propre secteur; que la cour constate que ce distributeur polonais a vendu le 2 octobre 2009, à la société Royer, distributeur français 50 paires de chaussures, le 9 septembre 2009 à la société Converse Skandinavia 4 548 paires, le 30 septembre 2009 à la société All Star DACH, distributeur allemand 6 840 paires, le 28 octobre 2010 à la société Poged, distributeur espagnol 6066 paires et le 14 décembre 2010 à la société Kesbo, distributeur hollandais 6 200 paires; que ces factures mettent en évidence une opération unique réalisée certes avec 5 distributeurs ce qui est peu significatif au regard du nombre de distributeurs et du propre volume d'achat annuel de chacun d'eux.

- 133 factures émises en 2013, 2014 et 2015 par la société Converse Italia dont deux à l'ordre de la société Royer et toutes les autres à l'ordre de la société allemande de vente sur Internet Zalando; que les deux facures émises à l'ordre du distributeur Royer sur trois ans mettent en évidence des opérations ponctuelles ; qu'en revanche, les factures à l'ordre de Zalando révèlent un courant d'affaires qui toutefois porte sur un marché spécifique puisque la société Zalando opère exclusivement sur le marché de la vente sur Internet, que ces opérations dont la société Converse se prévaut également pour les années antérieures mettent en évidence le lien privilégié existant entre le distributeur Italien et la société Zalando ; que les opérations réalisées par celui-ci avec un opérateur Internet ne sauraient démontrer qu'il n'y a pas cloisonnement du marché de la vente de chaussures en boutiques.

Considérant que les factures produites sont relatives à des opérations ponctuelles ou spécifiques dont certaines sur des produits autres que des chaussures alors qu'il s'agit du produit phare des sociétés Converse et All Star et qu'il est au cœur du litige; que, dès lors, les factures portant sur des accessoires aussi divers que des coques de téléphones et des vêtements ne sauraient être significatifs de la politique commerciale concernant le marché des chaussures.

Que, de plus, en tout état de cause, l'ensemble des factures concerne la période de 2007 à 2015 ce qui, sur 8 ans, représente un nombre limité de ventes, au regard de l'importance du marché en cause et du nombre de ventes réalisées annuellement par les sociétés Converse et All Star en Europe et en France.

Que ces factures ne démontrent pas l'autonomie du distributeur par rapport à la société Converse, ni ne mettent en évidence une règle générale d'organisation du réseau mettant à l'abri le distributeur des instructions lui faisant défense de vendre en dehors de son secteur sauf accord préalable de la société Converse de sorte qu'il n'est pas démontré d'évolution dans les règles mises en place par la société Converse puis par la société All Star précédemment mises en évidence par les appelantes à l'occasion de l'éviction du distributeur autrichien et des courriels échangés par la société Diesel avec des distributeurs ; que force est de constater, en l'absence de production des contrats de distribution passés avec les distributeurs exclusifs, pour combattre les éléments de preuve apportés par les sociétés appelantes dont il résulte la démonstration d'un risque avéré de cloisonnement du marché par les sociétés Converse et All Star CV, que la politique de la société Converse puis de la société All Star est restée constante.

Considérant que la société Converse prétend avoir une politique de promotion portant sur l'ensemble du marché européen; que, si elle produit des pièces établissant l'existence d'actions de publicités ou de promotions atteignant des clients établis sur plusieurs territoires exclusifs notamment par l'intermédiaire d'une page facebook Converse et, si elle justifie que plusieurs distributeurs européens dont ceux de la France, de l'Italie et de l'Allemagne ont présenté une campagne publicitaire intitulée " The Canvas Equipement' " en 2011 associant les chaussures " All Star Chuck Taylor" à différents artistes, qui a été diffusée en 2009, puis des campagnes les années suivantes, il n'en résulte pas que ces dernières ont touché à l'organisation de son réseau de distribution ni ne démontrent que le marché est abordé de manière globale, quand bien même des publicités sont communes à tout le réseau ; que, force est de constater que des campagnes de promotion ont été menées sous l'égide des distributeurs allemands, italiens et français qui ne sont pas représentatives du marché dans sa globalité et encore moins de l'ensemble des distributeurs européens ; qu'au demeurant, ces trois distributeurs, qui sont concernés au premier plan par les factures produites par la société Converse, ont pu à raison de ces opérations publicitaires menées de concert passer des accords de réapprovisionnement réciproque avec l'accord des Converse ou All Star, démontrant au plus fort le défaut de pertinence des factures produites par cette dernière qui ne peuvent se substituer à l'analyse des contrats.

Considérant qu'il résulte de ces éléments un risque avéré de cloisonnement du marché démontré par lesdites sociétés.

Considérant qu'il appartient dès lors aux sociétés Converse qui invoquent un usage non autorisé de leurs marques d'en rapporter la preuve.

Sur le prétendu usage non autorisé des marques Converse

Considérant qu'il n'est pas contesté que les chaussures en cause ont été acquises par les sociétés Sodiam, Bonneuil, Clerdis, Varedis et Saint Herblain auprès de sociétés SNI et/ou ISF qui les ont elles-mêmes acquises de la société suisse Dieseel.

Considérant que, si la société Dieseel en liquidation judiciaire est le dernier maillon de la chaîne de commercialisation identifié et si elle n'a jamais fourni d'explications au fond ni versé de pièce pour justifier de l'origine de ces produits, il incombe aux sociétés Converse d'apporter la preuve que les produits litigieux n'ont pas été initialement mis dans le commerce par elles-mêmes ou avec leur consentement en dehors de l'Espace économique européen.

Considérant que les sociétés Converse distinguent les chaussures commercialisées avant 2009 au nombre de 16 paires et ne soutiennent aucun moyen de preuve d'une commercialisation sous leurs marques sans leur autorisation.

Considérant que pour les autres, la société Converse soutient ne pas avoir autorisé l'usage de ses marques dès le stade de la fabrication et donc à fortiori en Europe, s'appuyant à titre de preuve sur la fiabilité du processus de traçabilité mis en place avec la société Avery Dennison à compter de 2009.

Considérant que le processus de traçage Avery Dennison se présente comme une technique qui " combine des solutions d'étiquetage anti-contrefaçon avec des applications logicielles globales de vérification ".

Considérant que sont fournies des attestations du représentant de cette société, M. Chamandy qui affirme que les codes dits de sécurité figurant sur les étiquettes des produits en cause ne seraient pas enregistrés dans la base de données, la société Converse en déduisant que ces produits n'ont pas bénéficié de son autorisation de mise sur le marché sous sa marque.

Considérant que M. Chamandy en sa qualité de représentant de la société Avery Dennison ne saurait mettre en cause le système technologique mis en place par sa société dont il n'est d'ailleurs pas contesté qu'il est utilisé par de nombreuses sociétés distribuant leurs produits dans le monde entier pour sécuriser leur circuit commercial et à la satisfaction de celles-ci.

Considérant que, selon le processus Avery Dennison mis en place depuis 2009, chaque chaussure d'une paire d'authentiques Converse présente sur son étiquette de languette un numéro d'identification qui lui est propre et unique généré par la société Avery Dennison et répertorié par celle-ci dans une base de données sécurisée ; que pour la mise en œuvre de cet étiquetage chaque usine est équipée d'une imprimante spécifique prescrite par la société Avery Dennison ;

Considérant que force est de constater que la société Avery Dennison n'intervient pas dans le processus de fabrication puis de commercialisation des chaussures; qu'il n'est ni allégué ni démontré qu'elle a même un représentant qui contrôlerait le fonctionnement de l'imprimante ; que son intervention consiste à émettre des numéros à la demande sans que soient précisées les conditions de formalisation de cette demande au sein du processus de fabrication; que, si M. Chamandy déclare " Il est exclu que de fausses données soient téléchargées ou que les données soient modifiées pendant ou après leur téléchargement ", il n'exclut pas pour autant la fabrication de chaussures non répertoriées ; qu'une telle hypothèse peut se réaliser par l'utilisation d'un même numéro à plusieurs reprises lors de la fabrication quand bien même il ne figurerait qu'une seule fois dans la base de données; que, dès lors le système Avery Dennison couplant imprimante et base de données sécurisée permet, s'il est parfaitement appliqué, à la société Converse de déceler un dysfonctionnement au niveau de l'usine de fabrication, constituant ainsi un moyen de contrôle efficace pour elle vis-à-vis de ses fabricants ;

Que, si les étiquettes et donc les numéros y figurant sont imprimés sur une imprimante dédiée, l'utilisation de cette imprimante relève du fabricant; que de plus il n'est pas davantage allégué que la société Avery Dennison aurait un quelconque pouvoir de vérification entre sa base de données sécurisée et les quantités de chaussures effectivement produites de sorte que la fabrication dans les usines d'étiquettes identiques avec des numéros autres que ceux déterminés et enregistrés par la société Avery Dennison, leur apposition sur les chaussures par le fabricant et leur introduction dans le circuit de commercialisation, soit à l'insu de la société Converse et de la société All Star, soit même à leur initiative pour mieux contrôler son réseau de distribution et piéger des velléités de ventes passives, est une possibilité que la mise en place du système Avery Dennison n'exclut pas davantage et qui ne peut dès lors être écartée par la cour.

Que, d'ailleurs, M. Chamandy ne prétend pas exercer un contrôle sur toute la chaîne de production Converse ; que seules les sociétés Converse et All Star maîtrisent la production des chaussures et l'apposition des étiquettes; qu'il en résulte que, si la fiabilité du système Avery Dennison ne peut être à priori remise en cause, il porte sur la traçabilité de chaussures qui ont été munies de l'étiquette sécurisée par un numéro enregistré dans une base de données et donc sur le processus de fabrication à la source ; que quel que soit son degré de fiabilité, il ne peut être garant de la mise sur le marché des seuls produits Converse qu'il a identifiés dans sa base de données.

Considérant qu'il résulte de ces observations que le système Avery Dennison ne peut être remis en cause en ce qui concerne sa fiabilité et en ce qu'il constitue un instrument permettant de procéder à un contrôle de la mise sur le marché des produits Converse, notamment au départ de ses usines de fabrication, sans pour autant que soit caractérisée une mise sur le marché non autorisée du seul fait que les produits ne comportent pas les signes protecteurs mis en place par la société Avery Dennison et ne figurent pas dans la base de données tenue par celle-ci.

Considérant que les sociétés Converse et All Star, qui n'apportent à l'appui de leur démonstration aucun élément autre seront déboutées de leur demande faute de démontrer que les produits litigieux n'ont pas été initialement mis dans le commerce par elles-mêmes ou avec leur consentement.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Considérant que les sociétés Bonneuil, Sodiam, Herblain Distribution, SNI, ISF, Clerdis et Varedis ont dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à leur charge, qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a reçu la société All Star CV en son intervention volontaire. Deboute les sociétés Converse et All Star de l'ensemble de leurs demandes. Condamne les sociétés Converse et All Star CV à payer aux sociétés Bonneuil, Sodiam, Herblain Distribution, SNI, ISF, Clerdis la somme de 10 000 euros chacune, à la société Varedis la somme de 6 000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Condamne les sociétés Converse et All Star CV aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.