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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 1 février 2017, n° 14-05713

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Trans Euros (SARL)

Défendeur :

Safran Transmission Systems (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mme Mouthon Vidilles, M. Thomas

Avocats :

Mes Word, Fisselier, Kuhn

T. com. Paris, du 10 févr. 2014

10 février 2014

Exposé des faits

La société Trans Euros est une SARL de transport routier.

La société SA Hispano Suiza, nouvellement dénommée Safran Transmission Systems, est un équipementier aéronautique qui conçoit, fabrique et commercialise des systèmes de transmission de puissance pour moteurs d'avions et hélicoptères, ainsi que des équipements et systèmes électriques.

La société Trans Euros a assuré le transport des produits et matériels auprès de clients pour le compte de la société Hispano-Suiza, étant précisé qu'aucun contrat n'a jamais été signé entre les parties.

En 2010, la société Safran a décidé de modifier son organisation logistique et s'est attachée les services de la société SDV pour manager les activités de transport.

Par courrier du 5 novembre 2010, la société Safran a confirmé à la société Trans Euros la gestion de la logistique à la société SDV, prestataire sous contrat, à compter du 1er novembre 2010.

Le 10 novembre 2010, la société Trans Euros a reproché à la société Safran l'absence de préavis dans la fin des relations commerciales, dont le terme a finalement été reporté à début mai 2011.

Le 21 février 2011, la société Trans Euros a adressé à la société Safran une lettre de mise en demeure sollicitant le versement d'une indemnité de 2 400 000 euros, ce que la société Safran a refusé.

Par acte du 9 mai 2011, la société Trans Euros a assigné la société Safran devant le Tribunal de commerce de Nanterre afin d'obtenir sa condamnation au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier subi en raison de la rupture brutale des relations commerciales ainsi qu'au titre d'un préjudice moral.

Par jugement du 12 janvier 2012, le Tribunal de commerce de Nanterre s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de commerce de Paris.

Par jugement en date du 10 février 2014, le Tribunal de commerce de Paris a :

- débouté la SARL Trans Euros de sa demande de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales,

- débouté la SARL Trans Euros de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- condamné la SARL Trans Euros à payer à la SA Safran Hispano-Suiza la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné la SARL Trans Euros à payer à la SA Safran Hispano-Suiza la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la SARL Trans Euros aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 82,44 euros dont 13,52 euros de TVA.

La cour d'appel est saisie de l'appel interjeté par la SARL Trans Euros du jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 10 février 2014.

Par conclusions du 14 novembre 2016, la société Trans Euros demande à la cour de :

Vu les articles L. 442-6-I-4 ; L. 442-6-I-5° du Code de commerce

Vu l'article 1382 du Code civil

- infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 10 février 2014, dans toutes ses dispositions,

Et statuant de nouveau,

- dire la société Trans Euros recevable et bien fondée,

- constater que la société Hispano-Suiza a mis fin aux relations commerciales établies avec la société Trans Euros unilatéralement, brusquement et sans motif légitime,

- dire que la société Hispano-Suiza aurait dû bénéficier d'un préavis de 24 mois, soit jusqu'au 21 janvier 2013,

- dire que la société Trans Euros a subi un préjudice du fait de cette rupture brutale et sans motif légitime,

- dire que la société Trans Euros a subi un préjudice moral du fait de cette rupture brutale et sans motif légitime,

- dire que la société Trans Euros n'a commis aucun abus de son droit d'agir en justice, en conséquence,

- condamner la société Hispano-Suiza à payer à la société Trans euros la somme de 146,836 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à la marge brute qu'elle aurait dû dégager sur 24 mois avec intérêt au taux légal à compter de la décision à intervenir,

- condamner la société Hispano-Suiza à payer à la société Trans Euros la somme de 2939,09 euros correspondant aux licenciements effectués,

- condamner la société Hispano-Suiza à payer à la société Trans Euros la somme de 30 000 euros correspondant aux investissements non amortis,

- condamner la société Hispano-Suiza à payer à la société Trans Euros la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice moral,

- condamner la société Hispano-Suiza à restituer à la société Trans Euros la somme de 3 000 euros au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner la société Hispano-Suiza à la somme 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions du 4 novembre 2016, la société Safran Transmission Systems demande à la cour de :

Vu l'article L. 442-6 I du Code de commerce,

Vu l'article 32-1 du Code de procédure civile,

- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 10 février 2014 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- condamner la société Trans Euros à payer à la société Safran Transmission Systems (anciennement dénommée Hispano - Suiza) la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles d'appel,

- condamner la société Trans Euros aux entiers dépens de l'instance dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP AFG, avocat, dans les conditions prévues par l'article 699 du Code de procédure civile.

Motivation

Sur le caractère brutal de la rupture des relations commerciales

La société Trans Euros soutient que la relation liant les parties constitue une relation commerciale établie, justifiant que sa rupture aurait dû respecter un préavis suffisant tenant compte de sa durée.

Elle avance que le tribunal de commerce n'aurait pas dû se référer à la loi LOTI, le contrat-type devant en l'espèce être écarté puisque les parties ont souhaité qu'il ne s'applique pas à leur relation contractuelle, et qu'il convient d'apprécier la durée du préavis au regard de L. 442-6, I, 5° du Code de commerce.

Elle ajoute n'avoir pas sollicité les prétendues prolongations du préavis dont fait état la société Hispano-Suiza, dans la mesure où il n'était pas question de rupture des relations commerciales avant le mail du 21 janvier 2011, lequel démontre que le délai qui lui était accordé pour ré-orienter son activité était insuffisant. Elle aurait été entretenue dans l'illusion de la poursuite de la relation commerciale, laquelle a continué après les prétendus préavis des 1er octobre et 1er novembre 2010, et alors que la société Hispano-Suiza l'a invitée à faire partie du panel de son nouveau prestataire, accentuant ainsi l'espoir légitime de poursuivre les relations commerciales.

Elle ajoute que le tribunal a déduit à tort du compte rendu d'une réunion du 31 mars 2010 dressé par la société Safran une notification officielle et sans équivoque de la fin des relations commerciales au 1er octobre 2010 ; elle soutient qu'elle ne pouvait alors, à la date du 31 mars 2010, rechercher de nouveaux clients puisque les relations commerciales entre les deux sociétés se poursuivaient en l'absence d'information de Trans Euros par Hispano-Suiza d'une quelconque rupture imminente des relations commerciales.

Elle fait état du caractère ambigu du courrier du 5 novembre 2010 dont l'appelante ne peut prétendre sérieusement qu'il avait pour objet de l'informer d'un prétendu délai de préavis qui aurait été rallongé d'un mois, soit jusqu'au 1er novembre par rapport à la date initialement fixée au 1er octobre, alors qu'il date du 5 novembre 2010 et que du 1er au 5 novembre elle a effectué encore des livraisons pour le compte de Safran.

Elle indique que la rupture présente un caractère brutal, en ce qu'elle n'a fait l'objet d'aucun préavis, d'aucune notification explicite et qu'elle-même pouvait s'attendre à la poursuite des relations commerciales, au moins au plan international.

L'intimée soutient que la société Hispano-Suiza n'a commis aucune faute dans la rupture et a fait preuve de la plus grande loyauté à son égard, notamment en l'ayant informé dès 2007 de son niveau de dépendance trop important et de la nécessité d'y remédier.

Elle conteste avoir rompu brutalement la relation commerciale, puisqu'elle a accordé à la société Trans Euros un important délai de préavis, l'avisant dès le 5 février 2010 de son changement de stratégie en matière d'organisation logistique, et lui confirmant le 31 mars 2010 sa décision de mettre un terme aux relations commerciales à compter du 1er octobre 2010, au cours d'une réunion pendant laquelle la société Trans Euros donnait son accord comme en témoigne le compte-rendu de réunion.

Elle relève la présence de la mention " approuvé par " figurant sur la feuille d'émargement de la réunion, suivie du nom et de la signature du représentant de la société Trans Euros, qui ne pourrait dès lors prétendre qu'elle n'aurait validé que la feuille de présence.

Elle ajoute que le terme du préavis prévu au 1er octobre 2010 a été repoussé au 1er novembre, que son courrier du 5 novembre 2010 a seulement annoncé à la société Trans Euros que la prise en charge de l'activité transport par la société SDV a été retardée d'un mois, mais ne signifiait pas qu'il ne s'agissait que d'une rupture partielle ne concernant pas les transports internationaux.

Elle relève que le terme du préavis a été à nouveau reporté au mois de mai 2011.

Elle déduit de ces éléments que la notification du préavis a été faite par courrier du 5 février 2010 et qu'il a couru jusqu'en mai 2011, de sorte que la société Trans Euros a bénéficié d'un préavis de 15 mois, soit une durée tout à fait satisfaisante.

Elle souligne que le préavis de 24 mois sollicité par l'appelante est exagéré, qu'en matière de transport routier le contrat type retient un préavis à 3 mois pour une relation commerciale de plus de 12 mois. Elle ajoute que la durée de la relation commerciale n'est pas de 15 mais de 9 ans, ayant débuté au mois de mai 2002, date du début de l'activité de la société Trans Euros jusqu'en mai 2011, l'appelante ne pouvant se prévaloir de relations commerciales entretenues par la société Safran jusqu'en mai 2002 avec une autre société de transport.

Elle indique avoir accompli de nombreuses diligences pour que la société Trans Euros intègre le panel de transporteurs géré désormais par son logisticien, organisant une réunion tripartite pour les présenter l'une à l'autre, au cours de laquelle a été remise à la société Trans Euros un dossier de demande d'agrément lui permettant de faire acte de candidature pour continuer à travailler avec elle, dossier que la société Trans Euros a traîné à renvoyer malgré plusieurs relances.

Elle ajoute que la société Trans Euros est la seule responsable de son préjudice dans la mesure où elle n'a rien fait pour réduire son niveau de dépendance vis-à-vis de la société Safran et n'a pas recherché de nouveaux clients alors qu'elle y avait été invitée dès le 16 mars 2007, n'a pas anticipé la rupture alors qu'elle disposait d'un délai suffisant pour le faire et palier les conséquences d'une éventuelle fin de relations commerciales, n'a pas mis en place les mesures nécessaires afin de préserver son activité.

Sur ce,

L'article L. 442-6 du Code de commerce prévoit :

" I. - Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers:

De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ".

En l'occurrence, l'existence de relations commerciales établies entre les sociétés Trans Euros et Hispano-Suiza est reconnue par les deux parties.

La société Trans Euros soutient que les relations ont duré quinze ans, alors que selon la société Safran elles ont commencé en 2002.

La cour relève que le compte-rendu de la réunion du 31 mars 2010 dressé par la société Hispano-Suiza mentionne le rappel de l'historique des relations entre les sociétés et l'indication " 15 ans de collaboration avec Trans Euros autrefois dénommée Best Transport ".

Aussi, elle a admis la continuité des relations commerciales dans lesquelles la société Trans Euros s'était substituée à la société Best Transport dans les relations commerciales engagées par celle-ci avec la société Hispano-Suiza, peu important que les personnalités juridiques soient distinctes.

En conséquence, une durée de relations commerciales de 15 années sera retenue.

Au cours de ces relations, la société Hispano-Suiza avait alerté la société Trans Euros, par courrier du 16 mars 2007 sur le fait qu'elle présentait un niveau de dépendance trop important à son égard, lui demandant d'entamer un " processus de désensibilisation " afin de réduire ce niveau, et sur la nécessité de diversifier ses contractants afin de remédier à cette dépendance.

Par courrier du 5 février 2010, la société Hispano-Suiza rappelait à la société Trans Euros lui avoir demandé en 2007 de réduire son taux de dépendance économique en deçà de 30 %. Elle l'informait d'un changement d'organisation et de stratégie logistique, et du fait qu'elle allait confier le management global de son activité logistique à un partenaire.

Ce courrier précisait également que ce partenaire choisirait lui-même les transporteurs et pourrait faire appel aux services de la société Trans Euros, si cette société lui semblait compétitive.

Si la société Trans Euros soutient n'avoir reçu cette lettre que lors de la réunion du 31 mars 2010, elle a eu connaissance de ces termes, lesquels établissent clairement que la société Hispano-Suiza s'apprêtait à confier l'ensemble de sa partie logistique à un partenaire libre de sélectionner les transporteurs de son choix.

La société Trans Euros ne pouvait ainsi s'attendre à la poursuite des relations commerciales dans les mêmes conditions que précédemment, et savait qu'elle allait devoir être sélectionnée par ce prestataire.

La cour relève du reste que le compte-rendu de la réunion du 31 mars 2010 précise qu'il a été fait rappel de la nouvelle stratégie de la société Hispano-Suiza et qu'il a été donné lecture du contenu de la lettre du 5 février 2010, revenue " non réclamée ", de sorte que la société Trans Euros ne peut déplorer n'avoir appris qu'alors la décision de la société Hispano-Suiza.

La 1re page du compte-rendu de cette réunion du 31 mars 2010 entre les représentants des deux sociétés Trans Euros et Hispano-Suiza, émargée par les participants, porte l'indication de l'ordre du jour " transfert du Management transporteurs vers Prestataire implant logistique ".

Le compte-rendu de cette réunion indique notamment " Hispano-Suiza avise formellement Trans Euros de sa décision de mettre un terme aux relations commerciales à compter du 1er octobre 2010 date qui recueille l'aval de la société Trans Euros ".

Si ce compte-rendu a été dressé par la société Hispano-Suiza, la société Trans Euros en a eu connaissance puisqu'il constitue sa pièce 3 ; elle ne justifie pas en avoir contesté ses termes, et la mention "approuvé par" suivie de la signature du représentant de la société Trans Euros sur la 1re page du compte-rendu établit son accord sur le contenu.

Ainsi, la société Trans Euros savait alors que la société Hispano-Suiza allait confier à une société de logistique la charge de ses transports, et était informée de la fin des relations commerciales au 1er octobre 2010.

Au surplus, le courriel du 2 juin 2010 adressé au dirigeant de la société Trans Euros l'invitant à une réunion le 16 juin avec comme 1er point de l'ordre du jour "transfert de la gestion des transports routiers chez notre prestataire SDV" confirme le fait que la société Trans Euros ne pouvait ignorer les modifications d'organisation de la société Hispano-Suiza, et l'absence de diminution des relations commerciales entre les sociétés Trans Euros et Hispano-Suiza ne peut permettre à l'appelante d'en déduire qu'aucun signe n'annonçait leur rupture.

Le courrier du 5 novembre 2010 de la société Hispano-Suiza avisant la société Trans Euros, dans le cadre de son processus de désengagement, du lancement au 1er novembre 2010 de son projet avec la société SDV, signifiant ainsi la fin des relations commerciales avec la société Trans Euros, n'indique pas clairement que les parties sont arrivées à la fin du préavis.

Cependant, la société Trans Euros ne peut soutenir qu'elle n'avait pas compris la teneur de ce courrier et que ce n'est que le 21 janvier 2011 que la société Hispano-Suiza lui a notifié son intention de rompre, puisqu'elle adressait dès le 10 novembre 2010 un courrier de réponse à la société Hispano-Suiza lui reprochant une absence de préavis et la menaçant d'une assignation devant les juridictions pour rupture abusive des relations.

Les termes de ce courrier du 10 novembre constatant que la société Hispano-Suiza avait fait le choix de "travailler uniquement avec le transporteur SDV" révèle que la société Trans Euros avait compris la portée de la décision de rupture, de sorte qu'elle ne peut utilement soutenir avoir pensé que la relation commerciale allait se poursuivre, au moins sur le plan international.

La fin du préavis au 1er novembre, indiqué dans le courrier du 5 novembre, constitue un allongement du délai de préavis d'un mois, le compte-rendu de la réunion du 31 mars 2010 ayant mentionné le 1er octobre 2010 comme date du terme des relations commerciales.

Il est de plus reconnu que ces relations se sont poursuivies jusqu'au début du mois de mai 2011, soit près de 15 mois après la réunion du 31 mars 2010, ces deux prolongations étant intervenues à l'initiative de la société Hispano-Suiza.

Il convient de relever qu'alors qu'elle avait été invitée en 2007 à diminuer sa dépendance à l'égard de la société Hispano-Suiza, la société Trans Euros n'a pas justifié des démarches qu'elle aurait entreprises en ce sens.

De même elle n'a pas versé de pièce établissant avoir cherché à diversifier ses clients, après le courrier du 5 février et la réunion du 31 mars 2010 l'informant du transfert de la gestion de l'activité logistique de la société Hispano-Suiza à la société SDV et de la fin de leurs relations commerciales au 1er octobre.

La société Hispano-Suiza a organisé une réunion le 16 juin 2010 avec les sociétés Trans Euros et SDV sur le transfert de la gestion des transports routiers à SDV et les conditions commerciales du transport au niveau national et international, afin de permettre à la société Trans Euros de se rapprocher du prestataire et de s'informer des conditions dans lesquelles elle pouvait candidater pour entrer dans son panel de transporteurs.

Il n'est pas contesté par la société Trans Euros que lui a été alors remis un dossier afin de présenter sa candidature pour intégrer ce pannel, les courriels versés établissent que la société Hispano-Suiza est intervenue auprès de la société SDV afin qu'un soutien soit apporté à la société Trans Euros dans la présentation de sa candidature, et la société Trans Euros ne peut se limiter à soutenir que la société SDV faisant partie du groupe Safran pour affirmer que la société Hispano-Suiza est décisionnaire.

Les courriers des 5 et 17 novembre 2010 de la société Hispano-Suiza à la société Trans Euros l'invitaient également à remplir le dossier d'agrément, lequel n'a été renvoyé que tardivement le 18 janvier 2011, et s'est alors avéré incomplet.

Il ressort de ce qui précède que préalablement à sa décision de rompre les relations commerciales la société Hispano-Suiza a alerté la société Trans Euros sur sa situation de dépendance, qu'elle l'a ensuite informée sur son changement de politique par courrier du 5 février 2010 et de la fin de leur relations commerciales au 31 mars 2010, et lui a apporté son soutien afin qu'elle présente utilement sa candidature pour être sélectionnée par la société de logistique et continuer à travailler à son profit.

Dans ces circonstances, il sera jugé que le délai de préavis effectif de près de 15 mois dont a bénéficié la société Trans Euros entre l'annonce de la rupture des relations commerciales, et la cessation de celles-ci, était suffisant pour lui permettre de se réorganiser.

Sur la demande en procédure abusive

La société Trans Euros soutient que c'est à tort que le tribunal de commerce a estimé que la société Trans Euros s'est rendue coupable d'un abus du droit de faire valoir ses prétentions par voie judiciaire dans la mesure où l'exercice d'une action en justice ne dégénère en abus qu'en cas de faute lourde équipollente au dol, étant précisé que les juges du fond doivent caractériser une telle faute pour condamner pour abus. Or, en l'espèce une telle faute lourde n'est pas caractérisée.

L'intimée soutient que le jugement du tribunal de commerce doit être confirmé en ce qu'il a condamné la société Trans Euros à payer à Safran la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive dans la mesure où la société Trans Euro s'est livrée à une présentation mensongère des faits, a passé sous silence les démarches entreprises par Safran au long de la relation contractuelle, ainsi que 'important délai de préavis dont elle a bénéficié.

Sur ce,

L'accès au juge étant un droit fondamental et un principe général garantissant le respect du droit, ce n'est que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles que le fait d'exercer une voie de recours en justice légalement ouverte, est susceptible de constituer un abus.

En l'espèce, la société Safran ne démontre pas que l'appel interjeté par la société Trans Euros ait été abusif.

Elle sera donc déboutée de sa demande à ce titre.

Sur les autres demandes,

La société Trans Euros succombant au principal, sera condamnée au paiement des dépens.

Elle sera également condamnée au paiement d'une somme de 3 500 euros à la société Safran, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre de la procédure d'appel.

Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement du tribunal de commerce de Paris du 10 février 2014, en ce qu'il a débouté la société Trans Euros de sa demande de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales, sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile, L'infirme en ce qu'il a condamné la société Trans Euros au titre de la procédure abusive, Statuant à nouveau, Déboute la société Safran de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive, Y ajoutant, Condamne la société Trans Euros à payer à la société Safran Transmission Systems la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles d'appel, Condamne la société Trans Euros aux entiers dépens de l'instance dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP AFG, avocat, dans les conditions prévues par l'article 699 du Code de procédure civile.