Cass. com., 8 février 2017, n° 15-15.005
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Association Expert-Comptable Media Association
Défendeur :
Fédération nationale des associations de gestion, Autorité de la concurrence (Président), Ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Tréard
Avocat général :
M. Debacq
Avocats :
SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, SCP Piwnica, Molinié
LA COUR : - Sur le moyen unique, pris en ses première et troisième à sixième branches : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 février 2015), que l'Autorité de la concurrence (l'ADLC) a été saisie par la Fédération nationale des associations de gestion agréées d'une plainte relative à des pratiques mises en œuvre par le Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables (le CSOEC) dans le secteur de la télétransmission des données comptables et fiscales des entreprises et professions libérales aux autorités fiscales, au moyen de son portail télédéclaratif " jedeclare.com ", dont elle avait confié la commercialisation à l'association l'Expert comptable media association (l'ECMA) ; que par une décision n° 13-D-06 du 28 février 2013, l'ADLC a dit que le CSOEC et l'ECMA ont enfreint les dispositions des articles 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) et L. 420-2 du Code de commerce et leur a infligé des sanctions pécuniaires tenant compte de la non-contestation des griefs et des engagements proposés, qu'elle a rendus obligatoires ; que l'ECMA a formé un recours contre cette décision ;
Attendu que l'ECMA fait grief à l'arrêt du rejet de son recours alors, selon le moyen : 1°/ que le juge est tenu d'examiner tous les éléments de preuve présentés par les parties au soutien de leurs prétentions si bien qu'en se bornant à retenir, pour nier la faculté pour l'ECMA de se prévaloir, dans la détermination du montant de la sanction pécuniaire prononcée à son encontre, du facteur de minoration tenant à l'exercice d'une activité " mono-produit ", que l'Autorité de la concurrence avait exactement constaté, au vu des données fournies, que le marché de la télétransmission de données fiscales et comptables sous format EDI représentait environ 63 % du chiffre d'affaires total de l'ECMA, sans examiner l'attestation comptable versée en appel par cette dernière, de laquelle il ressortait clairement que ce pourcentage était de 88,9 % et 96,8 % respectivement pour les années 2011 et 2012, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 2°/ que seules les entreprises sont soumises à la prohibition des abus de position dominante et partant, au régime de sanction propre aux entreprises qui y est attaché si bien qu'en sanctionnant l'ECMA pour abus de position dominante par application du plafond prévu pour une contrevenante " non entreprise " après avoir auparavant considéré que l'ECMA relevait du champ d'application de la sanction en matière d'abus de position dominante applicable aux entreprises, la cour d'appel a violé les articles L. 464-2, I et L. 420-2 du Code de commerce ; 3°/ qu'est une entreprise au sens du droit de la concurrence toute entité exerçant une activité économique consistant à proposer des biens ou des services sur un marché donné, indépendamment de son statut juridique de sorte qu'en jugeant que l'ECMA ne pouvait pas être considérée comme une entreprise au regard de l'article L. 464-2, I du Code de commerce au motif que l'ECMA, association régie par la loi du 1er juillet 1901, a pour objet d'assurer l'organisation et la gestion de diverses actions du Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables qui en assume la gouvernance, après avoir pourtant constaté que l'ECMA exerce des activités de production, de distribution et de services, ce dont il résulte qu'elle relève bien de la qualification d'entreprise, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 464-2, I du Code de commerce ; 4°/ que les entreprises visées par l'article L. 464-2, I, alinéa 4 du Code de commerce recouvrent toutes sortes de structures exerçant une activité économique consistant à proposer des biens ou des services sur un marché donné, indépendamment de leur statut juridique et donc ne visent pas exclusivement les sociétés commerciales de sorte qu'en rejetant comme étant mal fondée la critique reprochant à l'Autorité de la concurrence d'avoir procédé à une confusion, pour l'application de l'article L. 464-2, I, alinéa 4 du Code de commerce, entre la notion d'entreprise et celle de société commerciale, quand il ressortait de la décision de l'Autorité de la concurrence que celle-ci avait écarté l'application du régime de sanction propre aux entreprises aussitôt après avoir constaté que l'ECMA était une association régie par la loi du 1er juillet 1901, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2, I du Code de commerce ; 5°/ que le plafond de sanction forfaitaire de 3 millions d'euros prévu par l'article L. 464-2, I, alinéa 4 du Code de commerce, applicable aux structures autres que les entreprises, est justifié par l'absence de chiffre d'affaires réalisé par ladite structure et par là-même, ne s'applique qu'à cette hypothèse si bien qu'en écartant le moyen par lequel l'ECMA faisait valoir qu'en tout état de cause, dès lors qu'elle réalise un chiffre d'affaires, elle ne pouvait être soumise au plafond forfaitaire de 3 millions d'euros, au motif erroné qu'il n'y a pas lieu de procéder à une distinction que le texte ne fait pas, la cour d'appel, qui a constaté que l'ECMA réalisait un chiffre d'affaires, tout en refusant de la soumettre au régime de sanction pécuniaire dont le montant est déterminé en fonction du chiffre d'affaires réalisé par la structure, a encore violé l'article L. 464-2, I du Code de commerce ;
Mais attendu, en premier lieu, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis que la cour d'appel, qui a examiné l'attestation comptable invoquée à la première branche, a retenu que le marché de la télétransmission de données fiscales et comptables sous format EDI ne représentait que 63 % du chiffre d'affaires de l'ECMA ;
Attendu, en second lieu, que si toute entité exerçant une activité économique peut, quelle que soit sa forme juridique, faire l'objet d'une sanction fondée sur les articles 102 TFUE et L. 420-2 du Code de commerce, il n'en demeure pas moins que l'article L. 464-2, I, alinéa 4, du Code de commerce institue un plafond de sanctions différent selon que l'entité contrevenante est ou non une entreprise ; qu' en se référant à la notion d'entreprise, le législateur a entendu distinguer les personnes condamnées en fonction de la nature de leurs facultés contributives respectives ; qu'il a ainsi fixé un montant maximum de la sanction pécuniaire, proportionné au montant du chiffre d'affaires pour celles qui sont constituées selon l'un des statuts ou formes juridiques propres à la poursuite d'un but lucratif et fixé en valeur absolue pour les autres contrevenants ; qu'après avoir relevé que l'ECMA était une entité exerçant une activité économique, comme telle soumise aux dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce qui prohibent l'abus de position dominante, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que cette association, régie par la loi du 1er juillet 1901, n'était pas pour autant une entreprise au sens de l'article L. 464-2, I, alinéa 4, du Code de commerce et qu'elle en a déduit qu'en déterminant la sanction au regard du maximum légal de trois millions d'euros, l'ADLC avait fait l'exacte application de ce texte, qui ne distingue pas selon que le contrevenant, qui n'est pas une entreprise, réalise ou non un chiffre d'affaires ; D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en sa deuxième branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.