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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 8 février 2017, n° 14-16500

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Intace (SAS)

Défendeur :

Guard Industrie (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mme Mouthon Vidilles, M. Thomas

Avocats :

Mes Fisselier, Atallah, Kassimy, Chardin, Bourgeois

T. com. Paris, du 2 juill. 2014

2 juillet 2014

Exposé des faits

La société par actions simplifiée Intace (ci-après, " la société Intace ") est spécialisée dans le secteur d'activité du commerce de gros de produits chimiques pour les industries du papier et du bois.

La société par actions simplifiée Guard Industrie (ci-après, " la société Guard ") est spécialisée dans le secteur d'activité de la fabrication de produits chimiques.

Le 12 mars 2009, la société Intace et la société Guard ont conclu un contrat de distribution pour une durée de cinq ans, renouvelable par tacite reconduction, portant sur la distribution de plusieurs produits dont le WoodGuard Color Pro.

Par ce contrat, la société Guard, fabricant, octroie à la société Intace, distributeur, la vente de ses produits de la gamme " Bois " sur la France métropolitaine, sans exclusivité à l'exception de la distribution à l'industrie de première transformation du bois sauf pour un client préexistant.

Le 17 décembre 2010, la société Guard indiquait qu'elle ne délivrait plus la garantie associée à l'usage de ses produits sur les bois thermo traités (THT).

Par avenant du 8 février 2011, le périmètre d'exclusivité des produits a été étendu, de même que le territoire qui couvre désormais la Belgique.

Ainsi, la société Guard conférait l'exclusivité à la société Intace pour la distribution du produit " WoodGuard Color Pro " (WGCP).

Le 1er octobre 2012, la société Guard a mis en demeure la société Intace de lui communiquer un plan marketing et communication pour 2012 et 2013, la liste de son personnel technique et technico-commercial, ainsi qu'un " plan pour redresser la barre sur la vente du WGCP ".

La société Guard indiquait qu'à défaut de fourniture de ces éléments sous quinzaine le contrat de distribution serait résilié de plein droit.

Par courrier du 15 octobre 2012, la société Intace a souligné ses excellents résultats commerciaux, exposé l'ampleur des réclamations de clients relatives aux désordres constatés dans l'utilisation du produit WGCP, et indiqué sa disponibilité pour entamer des discussions visant à trouver une solution.

Le 23 octobre 2012, la société Intace a estimé préférable de suspendre les ventes sur le segment portes et fenêtres, et, a rappelé que la clause d'exclusivité contractuelle s'appliquait à la nouvelle formule du WGCP.

Par courrier du 31 octobre 2012, la société Guard a confirmé l'évolution du WGCP et, a indiqué que " face aux insuffisances chroniques de votre société, tous les futurs produits issus de notre R&D et différents de cette formulation ne vous seront pas confiés ".

Le 1er février 2013, la société Intace a mis en demeure la société Guard de délivrer un produit conforme à son utilisation et de respecter l'exclusivité contractuelle, indiquant qu'à défaut de réaction de la société Guard, elle ferait constater la résiliation du contrat de distribution aux torts exclusifs de la société Guard.

Le 15 février 2013, la société Guard a réfuté la non-conformité du WGCP et a demandé à la société Intace de remédier à plusieurs manquements contractuels sous quinzaine, faute de quoi le contrat de distribution sera résilié de plein droit.

Par courrier du 20 février 2013, la société Intace a résilié le contrat de distribution et mis en demeure la société Guard de lui payer 313 615 euros au titre des sommes et marges normalement dues jusqu'au terme du contrat et du préjudice subi.

Cette dernière mise en demeure étant restée vaine, la société Intace a assigné la société Guard devant le tribunal de commerce de Paris par acte du 22 mai 2013.

Par jugement du 2 juillet 2014, le Tribunal de commerce de Paris a :

- débouté la société Intace de sa demande de résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société Guard,

- débouté la société Intace de toutes ses autres demandes,

- condamné la société Intace à payer à la société Guard la somme de 54 288,24 euros au titre des factures impayées et des pénalités de retard,

- débouté la société Guard de toutes ses autres demandes,

- dit qu'il n'y a lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- condamné la société Intace aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 82,44 euros dont 13,52 euros de TVA.

La cour est saisie de l'appel interjeté par la société Intace du jugement du Tribunal de commerce de Paris du 2 juillet 2014.

Par conclusions du 14 novembre 2016, la société Intace demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles 1134 et 1641 du Code civil,

- recevoir la société Intace en ses présentes écritures d'appelante et l'y déclarer bien fondée,

- infirmer le jugement rendu le 2 juillet 2014 par le Tribunal de commerce de Paris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en résiliation du contrat aux torts de Guard ainsi que de ses autres demandes,

- confirmer le jugement rendu le 2 Juillet 2014 par le Tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a débouté Guard de ses demandes reconventionnelles,

Statuant à nouveau :

- prononcer la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société Guard,

- débouter la société Guard de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société Guard au paiement de la somme de 281 067,46 euros que la société Intace aurait dû percevoir si le contrat n'avait pas été résilié prématurément,

- condamner la société Guard au paiement de la somme de 1 479,03 euros au titre de l'indemnisation que la société Intace a été contrainte de verser à son agent commercial,

- condamner la société Guard au paiement de la somme de 139 097,08 euros au titre du règlement des litiges auxquels Intace doit faire face,

- condamner la société Guard au paiement de la somme de 577 850 euros au titre de la perte de positionnement sur le marché que la société Intace était en droit d'attendre aux termes de la relation contractuelle liant les parties,

- condamner la société Guard au paiement de la somme de 50 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Guard aux entiers dépens.

Par conclusions du 10 novembre 2016, la société Guard demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu le 2 juillet 2014 par le Tribunal de commerce de Paris,

Y ajoutant :

- débouter la société Intace de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Intace à payer à la société Guard Industrie la somme de 14 740,62 euros TTC au titre des frais de recouvrement sur factures impayées,

- condamner la société Intace à payer à la société Guard Industrie la somme de 58 422,40 euros TTC au titre des frais engagés pour pallier aux carences de la société Intace,

- condamner la société Intace à payer à la société Guard Industrie la somme de 104 627 euros au titre de son préjudice d'image,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,

- condamner la société Intace à payer à la société Guard Industrie la somme de 50 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Intace aux dépens.

Motivation

Sur la non-conformité, les vices cachés du WGCP et la responsabilité consécutive de la société Guard

La société Intace soutient qu'il existe des défauts et vices cachés du produit WGCP fabriqué par la société Guard, et qu'il incombe à celle-ci de garantir la fabrication d'un produit exempt de défaut ou de tout vice caché.

Elle affirme qu'il y a défaut de conformité du produit WGCP, qui est impropre à l'usage normalement attendu d'une lasure semblable, qui ne correspond pas à la description qui en a été faite par la société Guard et ne possède pas les qualités de pérennité et de bonne tenue de 10 ans telles qu'annoncées.

Elle en déduit que la société Guard devrait la garantir au titre des vices cachés, le produit étant incompatible avec l'utilisation et la protection du bois à l'extérieur, ce qui caractérise le manquement à l'obligation de distribuer un produit exempt de défaut ou de vice.

La société Guard affirme que son produit est en parfaite conformité, répond aux normes applicables en France en matière de durabilité, et a fait l'objet d'une validation de l'organisme de référence en France en matière d'étude et d'analyse sur le bois (FCBA).

Elle conteste la valeur probante des tests réalisés par l'association Céribois sur lesquels s'appuie la société Intace, s'agissant d'une entreprise commerciale concurrente donc dénuée d'objectivité.

Elle avance que son produit WGCP est un produit de " haute technicité " dont des centaines de tonnes ont été vendues, et soutient qu'elle ne saurait être tenue responsable de litige découlant d'un manque de conseils de la part de la société Intace, entrainant notamment, une mauvaise application des produits WGCP.

Sur ce

Il sera à titre liminaire relevé que l'attestation de garantie de la société Axa du 15 janvier 2009 établit que la société Guard est titulaire d'un contrat d'assurance de bonne tenue prenant effet au 1er janvier 2009 pour les produits Woodguard Color, pour la seule fonction d'imperméabilisation pendant une durée de 10 ans à compter de la réception des travaux par le maître d'ouvrage.

Si la société Intace fait état de plaintes de clients concernant le produit de la société Guard, le tribunal de commerce a justement relevé que les réclamations ne visaient pas la fonction d'imperméabilisation seule visée par cette garantie décennale.

Dans ses brochures, la société Guard déclare délivrer pour le produit WGCP une garantie de bonne tenue de 10 ans après application (pièces 13 et 14 appelant).

Le produit Woodguard Color professionnel (ci-dessous, WGCP), produit par la société Guard, a fait l'objet dans sa configuration " mat teinte chêne doré " d'un test par l'institut FCBA afin de vérifier sa conformité à la norme NF EN 927-6, laquelle est également utilisée par les sociétés concurrentes de l'intimée pour les produits de même nature, comme il ressort des pièces versées.

L'institut FCBA a testé le produit en deux cycles de vieillissement artificiel en décembre 2010 et avril 2011, et a conclu à la conformité de ce produit à la norme, précisant que " l'essai en vieillissement naturel pourrait donner un classement pour système stable pour une durée de deux cycles ".

Si la société Intace relève que le test n'a été effectué que sur une couleur et en vieillissement artificiel, ou que le respect de sept étapes serait nécessaire pour un certificat de conformité dont un vieillissement naturel de 12 mois, il n'en demeure pas moins que l'institut FCBA a, dans les conditions précisées dans son rapport de mission du 20 décembre 2010, constaté la conformité du produit précédemment cité aux prescriptions de la norme NF EN 927-6, à l'issue de tests auxquels la société Intace a assisté.

Le test réalisé par Ceribois, versé par la société Intace, conclut à l'incompatibilité d'usage du produit de la société Guard.

La société Guard émet des réserves sur la crédibilité de ce test, en relevant que Céribois partage les mêmes adresse, boîte postale et fax que la société Naboco, qui intervient dans le secteur d'activité de la protection du bois et est ainsi concurrente ; elle ajoute que les deux structures Ceribois et Naboco présentent une proximité certaine, leurs dirigeants ayant des intérêts partagés dans une société tierce.

Cependant, le directeur de Ceribois indique que ce centre n'a jamais commercialisé de produit de finition, et cette proximité avec Naboco était connue de la société Guard, dont le président écrivait dans un courriel du 28 mai 2012, au titre des " pistes futures de collaboration avec ceribois : c'est un labo indépendant reconnu mais aussi un prescripteur qui prend de l'importance. Ils sont partie prenante du groupement Naboko. ".

Le rapport d'expertise amiable réalisé dans le cadre du litige avec Jardimat présente aussi Ceribois comme un " laboratoire indépendant agréé Cofrac ".

Si la société Guard soutient que ce n'est pas le bon produit qui a été utilisé (" WGCP " au lieu du " WGCP vertical "), ou en quantité insuffisante, le rapport Céribois précise qu'une réunion a eu lieu en présence des sociétés Intace et Guard, afin " de valider la qualité de l'application réalisée ainsi que le respect des procédures conformément aux fiches techniques fournies ", de sorte que la société Guard était informée des conditions de test et qu'il n'apparaît pas qu'elle ait fait d'observations alors.

La participation de la société Guard à la réalisation de ces tests par Ceribois ressort également du courriel déjà cité du dirigeant de cette société indiquant avoir " visité le laboratoire ceribois qui a fait des essais à la roue et des essais de vieillissement naturel ".

Il existe deux versions du rapport final, qui se fonde sur un projet débuté au mois de janvier 2011 et fini au mois de novembre 2012, l'une de novembre 2012 (pièce 43 intimée), l'autre plus complète de février 2014 (pièce 63 appelante) indiquant que la 1re version présentait les rapports des tests et la 2e insistait sur le vieillissement naturel.

Aucun de ces deux rapports ne fait référence à une norme identifiée, mais ils concluent que les échantillons suivis pendant un cycle de vieillissement naturel présentent des désordres importants à très importants pour une durée de seulement 18 mois, les désordres relevés étant l'usure du film voire sa disparition presque totale, son écaillage, la présence de fissures ou l'apparition de moisissures.

Ces conclusions en déduisent une incompatibilité d'usage des produits testés pour une utilisation en protection du bois pour l'extérieur.

Il sera par ailleurs relevé que le FCBA a indiqué par courriel l'utilité de corréler ses résultats avec des essais en vieillissement naturel.

Dans le cadre du litige Gedimat, un rapport d'expertise a été établi le 5 mai 2014 à la suite d'une mesure d'expertise réalisée le 8 avril 2014. Si la société Guard n'était pas présente, son assureur responsabilité civile était présent, ainsi qu'un représentant du laboratoire LR Vision envoyé par la société Guard, laboratoire lié à la société Guard et qui a développé le produit.

Pour autant, il résulte de ce rapport que le produit utilisé sur ces portails serait le WoodGuard Pro et non le WoodGuard Color Pro, ce que confirme le rapport d'expertise réalisé par l'assureur de la société Guard (sa pièce 63).

Surtout, certaines appréciations contenues dans ce rapport, telles que " cet état de fait répond à la définition du dol " ou " d'autres sinistres seraient à venir, car il est avéré que cette politique commerciale des produits Guard Industrie sans jamais les avoir testés auprès d'un laboratoire compétent et indépendant et qui, au final, s'annoncent défaillants, peut être classée comme un sinistre sériel " sortent du champ de la mission de l'expert et sont sources d'interrogations.

Une expertise judiciaire a été ordonnée par ordonnance de référé du Tribunal de grande instance de Vannes, au contradictoire des deux sociétés Intace et Guard, la juridiction ayant été saisie de désordres après pose de bardage traité avec la finition WGCP de la société Guard, et le rapport de l'expert a été rendu en l'état le 3 septembre 2015 dans les conclusions duquel il constate " des décollements et écaillage du système de protection d'une manière aléatoire " et considère que " la réalité des désordres concerne essentiellement la protection du bois correspondant à des décollements et écaillage du système de protection, voire quelques fissures ".

Cette expertise, postérieure au jugement dont appel, porte sur du produit WGCP appliqué sur du bois THT, produit commandé en juin 2010 soit avant la limitation posée par la société Guard quant à l'utilisation de son produit sur ce type de bois, intervenue le 17 décembre 2010.

L'expert judiciaire, dans le corps de son rapport, partage l'avis d'un conseil selon lequel le WGCP était défectueux dans sa version 2010, et non adapté à l'usage auquel il était destiné, soit une utilisation sur du bois THT pour laquelle la limitation de garantie de la société Guard est intervenue après la vente en cause.

L'expert judiciaire a notamment relevé, après six mois d'exposition en milieu naturel, une légère variation de teinte ainsi qu'une fissuration de l'épicéa, il a ajouté que la variation de teinte était plus significative en vieillissement artificiel, et en a déduit que le WGCP n'était pas adapté à l'usage auquel il était destiné relevant du chantier en cause.

Il ressort de ce qui précède que le produit était alors impropre à l'usage auquel il était destiné, l'expertise judiciaire établissant cette inadaptation sur des produits THT pour lesquels l'exclusion de garantie n'est intervenue qu'au mois de décembre 2010, alors que le rapport Ceribois conclut de la même façon sur l'incompatibilité d'usage du produit, alors qu'elle a réalisé ses tests sur plusieurs essences de bois (pin sylvestre, tauari, Mengkulang et Chêne).

La société Guard avance le fait que son produit est destiné aux professionnels et nécessite une assistance technique de la part du distributeur, notamment quant aux modalités d'application du produit, que la société Intace - qui s'était présentée lors de la conclusion du contrat comme un spécialiste du bois - s'est montrée incapable de fournir. Elle fait aussi état de l'importance des ventes du produit WCGP et de la satisfaction d'intervenants du marché du bois sur ce produit, ce qui ne saurait pour autant contester les conclusions des expertises précédemment rapportées.

Elle ne peut cependant expliquer l'ensemble des situations litigieuses par les carences de la société Intace et lui reprocher l'utilisation du bois THT sur huit chantiers alors que seuls deux ont été engagés après qu'elle ait indiqué le 17 décembre 2010 sa volonté de ne plus utiliser ce support, dont l'un a fait l'objet d'un message immédiat par la société Intace mais avait déjà commencé, et pour l'autre la société Guard était informée de leur poursuite qu'elle devait suivre pour validation.

L'indication par un expert saisi d'une expertise dommage émettant " l'hypothèse d'un défaut de tenue de cette lasure sur le support des lames, en raison d'une préparation inadéquate avant la mise en peinture ", ne saurait caractériser l'inaccomplissement par la société Intace de sa mission technique.

Au vu de ce qui précède, il convient de retenir que l'incompatibilité d'usage du produit WGCP pour une utilisation et une protection du bois en extérieur, à toute le moins concernant son application sur du bois THT pour lequel il a été vendu sans exclusion de garantie jusqu'en décembre 2010, est ainsi acquise, et la société Guard a manqué à son obligation de délivrer un produit exempt de désordre.

Sur la violation de l'exclusivité contractuelle conférée à la société Intace par la société Guard

La société appelante rappelle que le contrat d'approvisionnement exclusif signé le 1er juillet 2010 entre les sociétés Guard, Intace et Vie et Véranda, prévoit la vente des produits à la société Vie et Véranda à travers la société Intace, laquelle a été partie prenante à l'amélioration de la formule du WGCP, avant d'être mise à l'écart par la société Guard.

Selon elle, la société Guard a violé la clause d'exclusivité prévue en livrant du WGCP à la société Vie et Véranda, et a déployé des manœuvres déloyales pour procéder aux livraisons directes de ce produit à cette société en tentant de faire croire à la livraison d'un produit différent.

Elle soutient que la violation de l'exclusivité contractuelle constitue une défaillance permettant la rupture immédiate du contrat et la condamnation du cocontractant à des dommages-intérêts.

La société Guard soutient que la société Vie et Véranda qui achetait auparavant du WGCP via la société Intace, a par la suite abandonné ce produit au profit du " protection bois V&V ". Elle affirme avoir développé un nouveau produit, Protectguard Color Bois, différent du WGCP qu'elle a commercialisé à partir de mars 2013.

En effet, elle estime que son champ d'application est plus large, sa composition chimique est différente, son temps de séchage est plus long et son opacité peut être modifiée.

Elle relève que certains clients achètent les deux produits, que leur prix est différent.

Cette dernière indique que la société appelante ne peut se prévaloir d'aucun préjudice lié au fait de ne pas se voir confier la distribution de tout nouveau produit développé par la société Guard.

Sur ce

L'article 25 du contrat d'approvisionnement exclusif conclu entre les sociétés Intace, Guard et Vie & Veranda le 1er juillet 2010 prévoit que " la vente des produits à l'acheteur s'effectuera à travers le distributeur conformément aux conditions de vente telles qu'elles figurent au verso des bons de commandes et des accusés de réception du distributeur ", le produit sur lequel porte ce contrat étant le WGCP.

Si la société Intace relève qu'un cadre du laboratoire LR Vision, qui développe les produits de la société Guard, avait demandé de cesser les communications avec l'appelante en septembre 2012 " ni sur l'existence d'une nouvelle version du WGCP ni sur d'éventuels essais en cours ", ce courriel ne saurait constituer la preuve de la diffusion du WGCP par la société Guard sans passer par l'intermédiaire de l'appelante.

L'attestation d'un ancien employé de la société Guard, y ayant travaillé de septembre 2012 à avril 2013, indiquant avoir travaillé à compter d'octobre 2012 à la préparation des commandes et à la livraison de WGCP directement à la société Vie & Veranda sans passer par la société Intace, ne saurait établir la matérialité de la vente directe de WGCP par la société Guard à ce client, alors que son auteur s'attribue des fonctions qu'il n'avait pas, et le témoignage d'un employé de la société Vie & Veranda sur l'approvisionnement régulier de sa société en produit WGCP ne donne aucune information sur la provenance du produit.

Un autre témoignage ne sera pas considéré comme pertinent, au vu des dénégations postérieures de son auteur qui est salarié de la société Vie & Veranda depuis 2014, soit après les faits contestés.

La société Guard soutient avoir développé un nouveau produit, le ProtectGuard Color Bois, différent du WGCP, et verse une analyse (pièce 53) réalisée par le laboratoire LRVision comparative des deux produits WGCP et ProtectGuard Color Bois, qui conclut à une différence nette de teneur en matière active dans les deux produits, et à la présence de produits de nature chimique différente dans les deux produits.

Si la société Intace conteste la crédibilité de cette analyse au vu des liens existant entre LR Vision et la société Guard, elle ne produit pas d'analyse technique des produits en cause pour s'y opposer, ce alors que la société Guard produit également une analyse par un autre technicien (91) confirmant la différence entre les deux produits.

La société Guard justifie par ailleurs que les deux produits étaient à la même époque vendus à un prix très différent.

Aussi, et sans que la proximité de leur code de référence ne puisse être utilement invoquée, la société Intace n'établit pas que la société Guard a vendu directement du produit WGCP à la société Vie & Veranda en violation de la clause d'approvisionnement du contrat tripartite.

Sur la demande reconventionnelle

La société Guard soutient que la société Intace n'a pas respecté le contrat, en lui reprochant notamment un défaut d'initiative commerciale qui expliquerait en partie les mauvais résultats qu'elle aurait réalisés, son inactivité en matière de logistique, et de ne pas détenir les compétences techniques qu'elle revendique.

Elle fait état de nombreuses plaintes de clients, déplore le non-respect de la marge fixée par le contrat à 35 % comme de l'engagement de non-concurrence, et affirme que la société Guard ne lui a pas payé l'intégralité des factures émises.

La société Intace soutient qu'il incombait à la société Guard de préparer les supports marketing relatifs à la promotion de ses produits, qui ne peut donc lui imputer l'absence d'exécution de ses propres missions.

Elle estime, s'agissant du défaut de support logistique allégué, que l'importance de la gamme rend le stockage impossible en pratique.

Elle fait état de la compétence de son personnel et souligne l'instabilité de celui de la société Guard ; elle conteste tout recours au laboratoire LR vision pour pallier à ses défaillances, expliquant que ce laboratoire effectuait des études afin d'assurer la conformité du produit et son amélioration.

Elle minimise l'importance des plaintes de clients, indique avoir toujours respecté la limitation de sa marge, ainsi que son engagement de non-concurrence.

Enfin elle affirme, s'agissant des factures restant dues, que la défectuosité du produit WGCP a entrainé un refus de paiement de la part de nombreux clients, de sorte qu'elle doit supporter les répercussions de la défectuosité du produit et le refus de la société Guard de respecter ses obligations les plus élémentaires en tant que fabriquant.

Sur ce

Si la société Intace devait mettre en œuvre tous les moyens en vue d'assurer une commercialisation efficace et optimum des produits, il revenait à la société Guard de lui fournir tous documents publicitaires et techniques sur les produits, ainsi qu'un CD-Rom destiné à appuyer la commercialisation des produits.

Il ressort par ailleurs des pièces que les frais de marketing ont été supportés à hauteur de la moitié par chacune des deux sociétés, et la baisse du chiffre d'affaires de la société Guard ne peut suffire à démontrer l'insuffisance de l'activité commerciale.

Par ailleurs, la seule production par la société Intace d'un courriel interne ne peut établir la réalité du grief de défaut de logistique.

Ainsi que le tribunal de commerce l'a relevé, la réalisation d'études à la demande de la société Intace par le laboratoire LR Vision, lié à la société Guard, ne saurait démontrer une défaillance des compétences techniques de l'appelante, et il en est de même pour les factures de la société Ideobis.

Par conséquent, la société Guard sera déboutée de sa demande en remboursement de ses factures par la société Intace.

S'agissant des plaintes de clients, les pièces versées proviennent essentiellement de la société Vie & Véranda, avec laquelle la société Guard a poursuivi des relations contractuelles, et ne permettent pas de caractériser suffisamment la défaillance de la société Intace.

La société Intace produit une attestation de son expert-comptable établissant que sa marge sur le secteur d'activité "gamme bois Guard" était de 28,41 % en 2011 et de 25,04 % en 2012, de sorte que le seul dépassement du taux de marge fixé par contrat dans une transaction ne peut justifier la demande reconventionnelle présentée sur ce fondement.

La société Guard n'établit pas que le projet de la société Intace de commercialiser un produit concurrent du sien, dont celle-ci lui avait fait part, se soit concrétisé, ce qui est contesté par l'appelante. Dès lors, aucune violation de l'engagement de non-concurrence n'est établie.

S'agissant des factures dont la société Guard demande le paiement pour un montant de 49 135,41 euros, qui n'est pas contesté par la société Intace à l'exception d'une somme de 16 315,54 euros dont il est justifié qu'elle est bloquée par une société cliente de la société Intace du fait des défaillances du produit WGCP.

Il convient donc de déduire ce montant des factures, et condamner la société Intace au paiement de 32 819,87 euros.

En conséquence, il convient de confirmer la condamnation de la société Intace au paiement de cette somme ainsi que des pénalités de retard, ramenée à 3 441,81 euros.

Il ne sera pas fait droit à la demande de paiement des frais de recouvrement, non justifiés.

Sur les demandes en réparation

Le contrat, d'une durée de cinq années, aurait dû se poursuivre jusqu'au 12 mars 2014, de sorte que la résiliation du 20 février 2013 a privé la société Intace de la perception de la marge escomptée pour une durée de 12 mois et 20 jours.

Selon l'expert-comptable de la société Intace, sa marge brute au titre de l'année 2011 pour le secteur d'activité " gamme bois Guard " est de 208 734 euros en 2011 et de 230 633 euros en 2012, soit une moyenne de 219 683,5 euros.

Par conséquent, la société Intace pouvait escompter une marge totale de 231 720,95 euros sur les produits Guard, jusqu'au terme du contrat.

La société Guard sera également condamnée au paiement de la somme de 1 479,03 euros, au titre de l'indemnité versée à Monsieur Billard, qui était lié à la société Intace par un contrat d'agence, somme correspondant à un an de commission sur les produits Guard et dont il est justifié qu'elle a été réglée.

La société Intace présente une demande au titre de la perte de positionnement sur le marché du bois en raison des restrictions du périmètre d'utilisation du WGCP qu'elle estime à 577 850 euros, mais les pièces versées ne sauraient justifier de la réalité du préjudice dont il est demandé réparation, de sorte qu'il ne sera pas fait droit à cette demande.

De la même façon, il n'est pas justifié du paiement de la somme de 5 400 euros au titre du rapport dressé par Ceribois.

La société Intace ne peut se fonder sur une lettre des sociétés Barillier et Jouen pour fonder une demande en réparation, n'ayant pas justifié s'être acquittée des sommes dont il lui était alors demandé le paiement.

Sur les autres demandes

La société Guard succombant au principal, sera condamnée au paiement des dépens.

Elle sera également condamnée au paiement d'une somme de 7000 euros à la société Intace sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre de la procédure d'appel.

Par ces motifs, infirme le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 2 juillet 2017, en ce qu'il a débouté la société Intace de sa demande, Statuant à nouveau, prononce la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société Guard, déboute la société Guard de ses demandes reconventionnelles, sauf s'agissant du paiement de factures, condamne la société Guard au paiement de la somme de 231 720,95 euros que la société Intace aurait dû percevoir si le contrat n'avait pas été résilié prématurément, condamne la société Guard au paiement de la somme de 1 479,03 euros au titre de l'indemnisation que la société Intace a été contrainte de verser à son agent commercial, condamne la société Intace au paiement de la somme de 36261,68 euros au titre des factures émises par la société Guard, condamne la société Guard à payer à la société Intace la somme de 7000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles d'appel, condamne la société Guard aux entiers dépens de l'instance.