Cass. 1re civ., 11 janvier 2017, n° 15-24.696
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Batut
Avocats :
SCP Célice, Soltner, Texidor, Périer, SCP Odent, Poulet, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 2 juillet 2015), que, le 19 juin 1998, Mme X... a été victime d'un accident de parapente lors d'un stage organisé par la société AD plus ; qu'elle l'a assignée, ainsi que l'assureur de celle-ci, la société Axa Global Risks, aux droits de laquelle vient la société Axa corporate solutions (l'assureur), en réparation de son préjudice ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident de la société AD plus, pour partie rédigés en termes identiques, réunis : - Attendu que l'assureur et la société AD plus font grief à l'arrêt de déclarer cette dernière partiellement responsable du préjudice subi par Mme X..., alors, selon le moyen : 1°) lorsque le pratiquant joue un rôle actif lors de l'exercice d'une activité sportive, l'organisateur n'est débiteur que d'une obligation de sécurité de moyens, laquelle s'apprécie strictement dès lors que l'activité en cause est dangereuse ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que l'accident en parapente subi le 19 juin 1998 par Mme X..., au cours d'un stage organisé par la société AD plus, " ne s'était pas produit en cours d'instruction, mais à l'occasion d'un vol libre qu'elle a effectué en solo, bénéficiant toutefois du matériel et de l'assistance par radio des moniteurs de la société AD plus ", Mme X... ayant " délibérément accepté de participer à une activité sportive dont elle connaissait les risques, répondant à une pratique responsable, après avoir suivi une formation adéquate ; qu'au cours de ce vol, elle disposait d'une autonomie certaine, étant seule à même d'effectuer les manœuvres nécessaires à son évolution, à son orientation, et en dernier lieu à son atterrissage " ; que la cour d'appel a également constaté que les moniteurs de la société AD plus avait dispensé une formation adéquate, suivant des principes pédagogiques bien définis, ayant permis à Mme X... d'acquérir un niveau de pilotage suffisant pour effectuer un premier vol en solo ; qu'elle a encore relevé que le matériel fourni à Mme X... " était de bonne qualité, récent, correctement entretenu, et qu'il avait été testé au départ du vol, au cours duquel il a d'ailleurs fonctionné " ; que pour néanmoins retenir la responsabilité de la société AD plus dans la survenance de l'accident, la cour d'appel a jugé qu'en application de l'article L. 221-1 du Code de la consommation, cette dernière était tenue à une obligation de sécurité de résultat s'agissant du matériel ; qu'en statuant de la sorte, quand il résultait de ses propres constatations que l'accident s'était produit au cours d'un vol effectué en solo par Mme X..., laquelle dirigeait le parapente après avoir suivi une formation jugée adéquate par les moniteurs de la société AD plus, en pleine connaissance des risques inhérents à cette activité, de sorte que l'obligation de sécurité à laquelle était soumise la société AD plus était de moyens renforcée et non de résultat, obligation à laquelle la société AD plus était réputée avoir satisfait dès lors qu'elle établissait avoir pris les moyens de nature à sécuriser le vol et à éviter l'accident, la cour d'appel a violé les articles 1147 et L. 221-1 du Code de la consommation ; 2°) que l'article L. 221-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction en vigueur à l'époque des faits litigieux, disposait que les produits et les services doivent, dans des conditions normales d'utilisation ou dans d'autres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, présenter la sécurité à laquelle on peut légitimement d'attendre et ne pas porter atteinte à la santé des personnes ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société AD plus avait fourni à Mme X... une voile récente et une radio mise en service en juin 1998, soit quelques semaines seulement avant l'accident, et de réputation très fiable ; qu'elle a également constaté que " le matériel fourni était de bonne qualité, récent, correctement entretenu, et qu'il avait été testé au départ du vol, au cours duquel il a d'ailleurs fonctionné " ; qu'il résulte également des énonciation de l'arrêt que Mme X... effectuait un vol en parapente seule, après avoir suivi une formation adaptée et en pleine connaissance des risques impliqués par cette activité ; qu'en jugeant, néanmoins, que la société AD plus était débitrice d'une obligation de résultat quant à la sécurité du matériel mis à disposition des participants, et que la panne radio de quelques secondes ayant précédé l'accident subi par Mme X... caractérisait un manquement de la société AD plus à cette obligation de sécurité de résultat, quand il résultait de ses propres constatations que cette panne s'était révélée imprévisible, la cour d'appel a violé l'article L. 221-1 du Code de la consommation ; 3°) que l'organisateur d'une activité sportive qui utilise des appareils ou produits défectueux dont il n'est pas le producteur et cause, de ce fait, des dommages au bénéficiaire de la prestation, n'est responsable qu'en cas de faute ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société AD plus avait fourni à Mme X... une voile récente et une radio mise en service en juin 1998, soit quelques semaines seulement avant l'accident, et de réputation très fiable ; qu'elle a également relevé que " le matériel fourni était de bonne qualité, récent, correctement entretenu, et qu'il avait été testé au départ du vol, au cours duquel il a d'ailleurs fonctionné " ; qu'en jugeant, néanmoins, que la société AD plus était débitrice d'une obligation de résultat quant à la sécurité du matériel mis à disposition des participants, et que la panne radio de quelques secondes ayant précédé l'accident subi par Mme X... caractérisait un manquement de la société AD plus à cette obligation de sécurité de résultat, quand la société AD plus n'était tenue que d'une obligation de sécurité de moyens, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ; 4°) que constitue une cause étrangère tout événement imprévisible et irrésistible ; qu'est irrésistible l'événement qui n'aurait pu être évité par la mise en œuvre de mesure adéquates au moment où il s'est produit ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société AD plus avait fourni à Mme X... une voile récente et une radio mise en service en juin 1998, soit quelques semaines seulement avant l'accident, et de réputation très fiable ; qu'elle a également constaté que " le matériel fourni était de bonne qualité, récent, correctement entretenu et qu'il avait été testé au départ du vol, au cours duquel il a d'ailleurs fonctionné " ; que, pour, néanmoins, retenir la responsabilité de la société AD plus dans la survenance de l'accident subi par Mme X..., la cour d'appel a estimé que la panne de radio survenue juste avant l'accident était imprévisible mais qu'elle n'avait pas été irrésistible, dans la mesure où sa cause technique était demeurée inconnue ; qu'en statuant de la sorte, quand il résultait de ses propres constatations que la panne de la radio avait été imprévisible pour la société AD plus, que sa cause n'avait pu être déterminée lors de l'instruction et qu'elle n'avait durée que quelques secondes avant l'accident subi par Mme X..., ce dont il résultait qu'elle avait été irrésistible et présentait les caractéristiques de la cause étrangère de nature à exonérer la société AD plus de toute responsabilité, la cour d'appel a violé les articles 1147 et L. 221-1 du Code de la consommation ; 5°) que la mise en jeu de la responsabilité contractuelle suppose rapportée la preuve d'une inexécution contractuelle en lien direct et certain avec le dommage allégué ; qu'en l'espèce, pour retenir l'existence d'un lien de causalité entre la panne de la radio reliant Mme X... au moniteur, la cour d'appel a relevé que l'expert judiciaire avait évoqué " le trouble de Mme X..., peut-être dû à l'absence de liaison radio pendant quelques secondes à la fin du vol, trouble à l'origine du retard dans l'exécution de la manœuvre de virage à droite ", et que " cette observation, qui rejoint clairement l'affirmation de la victime elle-même, peut se comprendre d'un point de vue objectif : si tout le vol s'était effectué sans instruction des moniteurs, Mme X... eût certainement été capable d'effectuer les manœuvres utiles pour progresser sans danger : mais, à l'inverse, ayant reçu des instructions précises sur son attitude, son itinéraire, le plan de vol ayant été modifié en cours de vol, par les moniteurs au sol, elle s'attendait légitimement à être ainsi guidée jusqu'au bout, et par manque d'expérience, troublée par la panne soudaine et inopportune de la radio, elle n'a pas su réagir correctement en prenant elle-même les décisions adaptées au bon moment ; que cela est objectivement compréhensible d'une personne qui effectue son premier vol solo " ; qu'en statuant par de tels motifs dubitatifs et contradictoires, impropres à caractériser l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre la panne de radio et l'accident, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1149 du Code civil ;
Mais attendu qu'après avoir, à bon droit, retenu que le contrat formé entre la personne qui participe à un stage de parapente et le professionnel qui l'organise met à la charge de celui-ci une obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne le matériel utilisé pour exécuter sa prestation, la cour d'appel a relevé que la radio attribuée par la société AD plus à Mme X... lors de son vol en solo avait connu une panne inexpliquée, dont la soudaineté avait troublé l'intéressée pendant la phase d'atterrissage, ce dont elle a exactement déduit que le manquement du professionnel à son obligation de sécurité de résultat était à l'origine du dommage dont l'irrésistibilité de la cause n'était pas établie ; d'où il suit que le moyen, inopérant en sa deuxième branche, ne peut être accueilli pour le surplus ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de Mme X... : - Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de dire qu'elle a concouru à la production de son préjudice, alors, selon le moyen : 1°) que ne peut être qualifiée de faute l'attitude du parapentiste débutant dont les manœuvres de vol lui sont données par radio et qui tarde à effectuer un virage, car il ne reçoit plus les instructions du moniteur chargé de le faire atterrir ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que Mme X... effectuait son premier vol en solo, qu'elle était guidée par radio et qu'elle avait commis une erreur de pilotage lors du dernier virage, car, à ce moment, elle n'avait plus reçu les instructions du moniteur pour atterrir, l'équipement radio étant tombé en panne ; qu'en relevant ces éléments et en jugeant néanmoins que Mme X... avait commis des fautes qualifiées de " majeures et évidentes " aux motifs inopérants qu'elle disposait d'une formation, qu'elle avait effectué un vol en quasi-autonomie et qu'elle avait répété plusieurs fois les procédures, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1147 du Code civil ; 2°) que ne peut être qualifié de faute le comportement qui aurait été adopté par une personne, raisonnable et avisée, placée dans la même situation ; qu'en affirmant que Mme X... avait commis des fautes évidentes et majeures, tandis qu'elle relevait que son attitude " était objectivement compréhensible d'une personne qui effectuait son premier vol solo ", ce dont il ressortait qu'un individu placé dans la même situation aurait eu le même comportement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que Mme X... avait reçu une formation adaptée, déjà effectué un vol en quasi-autonomie et répété plusieurs fois les procédures d'atterrissage, la cour d'appel a pu en déduire que l'erreur de pilotage qu'elle avait commise était, nonobstant la panne de radio l'ayant troublée pendant la phase d'atterrissage, constitutive d'une faute ayant concouru à la production de son préjudice ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Par ces motifs : rejette les pourvois.