CA Reims, ch. civ. sect. 1, 14 février 2017, n° 15-02398
REIMS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Vista Automobiles (SARL)
Défendeur :
JP Froment (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Martin
Conseillers :
Mmes Bousquel, Mathieu
Avocats :
Mes Nicolas, Guillaume, SCP Thréard Bourgeon Meresse & Associés
Exposé du litige
Par acte sous seing privé du 10 avril 2006, la société anonyme JP Froment, concessionnaire Fiat, a conclu avec la société à responsabilité limitée Vista automobiles un contrat " Atelier Agréé Fiat VP ", permettant à cette dernière de s'approvisionner en pièces de rechange et de traiter les garanties des véhicules vendus sur son secteur.
Les parties sont également convenues que la société Vista automobiles était habilitée à titre accessoire à assurer en tant que commissionnaire la vente de véhicules neufs Fiat par la société JP Froment.
Par courrier électronique du 1er décembre 2007, la société Vista automobiles a informé la société JP Froment qu'elle avait pris la décision d'arrêter leur collaboration sur la vente des véhicules neufs et qu'elle lui donnerait sa position sur les pièces détachées au cours du premier trimestre 2008, tout en lui précisant que les vendeurs pouvaient récupérer les véhicules Fiat quand ils le désireraient.
Reprochant à la société JP Froment d'avoir rompu le contrat liant les parties de manière unilatérale et en méconnaissance des règles légales, la société Vista Automobiles l'a, par acte du 26 mai 2009, fait assigner devant le Tribunal de commerce de Troyes en paiement de la somme de 71 858,50 euros en réparation du préjudice qu'elle estimait avoir subi par suite de la rupture brutale des relations commerciales.
La société JP Froment s'est opposée à cette prétention et, reconventionnellement, a demandé au tribunal de juger que la société Vista automobiles avait rompu les relations commerciales en méconnaissance des stipulations contractuelles et de la condamner au paiement de la somme de 78 392 euros en compensation du préavis dont elle aurait dû bénéficier.
Par jugement du 13 septembre 2010, le Tribunal de commerce de Troyes a:
- constaté que la société Vista automobiles était à l'initiative de la rupture du contrat et débouté cette société de l'intégralité de ses demandes ;
- condamné la société Vista automobiles à payer à la société JP Froment la somme de 39 196 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.
La société Vista automobiles a interjeté appel de ce jugement.
Par arrêt du 13 mars 2012, la Cour d'appel de Reims a confirmé ce jugement en toutes ses dispositions.
L'arrêt retient qu'il résulte en particulier du courrier électronique du 1er décembre 2007 que la société Vista automobiles a été à l'initiative de la rupture du contrat Atelier Agréé Fiat VP, ce qui justifie le rejet des prétentions de cette société. Il retient également que la société Vista automobiles n'a respecté ni le formalisme imposé par l'article 7.2 du contrat pour la résiliation de cette convention, ni la durée du préavis de vingt-quatre mois contractuellement prévu.
Il estime toutefois qu'un préavis de vingt-quatre mois était trop long eu égard à la faible ancienneté des relations commerciales établies entre la société JP Froment et la société Vista automobiles (soit moins de vingt mois). Il considère que le préavis raisonnable auquel la société JP Froment aurait pu prétendre aurait dû être de six mois, soit un an en application de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, en vertu duquel : " lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur ". Il en déduit que, n'ayant observé aucun préavis, la société Vista automobiles doit indemniser la société JP Froment de la perte de marge subie par celle-ci sur un an (deux fois six mois), soit 39 196 euros ainsi que l'a jugé le tribunal.
Cet arrêt a fait l'objet d'un pourvoi en cassation formé par la société Vista automobiles.
Par arrêt rendu le 22 octobre 2013, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt de la Cour d'appel de Reims, mais uniquement en ce qu'il a condamné la société Vista automobiles à payer à la société JP Froment la somme de 39 169 euros à titre de dommages et intérêts et il a renvoyé l'affaire sur ce point devant ladite cour autrement composée.
La Cour de cassation a considéré que la cour d'appel avait violé l'article 16 du Code de procédure civile en relevant d'office, sans inviter les parties à s'expliquer sur ce moyen, que le préavis raisonnable auquel la société JP Froment pouvait prétendre était de six mois, mais que s'agissant d'une relation commerciale portant sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale du préavis devait être portée au double, soit à un an.
Par déclaration du 30 septembre 2015, la société Vista Automobiles a saisi la cour d'appel de Reims, afin de voir remettre cette affaire au rôle.
La société JP Froment a constitué avocat le 27 octobre 2015.
Par avis du greffe en date du 20 janvier 2016 qui leur a été communiqué par le RPVA, les parties ont été informées que l'affaire serait clôturée le 13 décembre 2016 pour être plaidée le 3 janvier 2017.
Par conclusions du 12 décembre 2016, la société JP Froment demande à la cour de confirmer le jugement du 13 septembre 2010 en toutes ses dispositions et de condamner la société Vista automobiles à lui payer une somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
La société JP Froment rappelle que c'est la société Vista automobiles qui lui a notifié par un courriel du 1er décembre 2007 qu'elle interrompait leurs relations commerciales concernant la vente de véhicules neufs et qu'une décision serait prise dans le courant du premier trimestre pour les pièces détachées ; que dès cette date, la société Vista automobiles a cessé de commander des véhicules neufs auprès d'elle et a cessé, après mars 2008, de s'approvisionner en pièces détachées.
La société JP Froment souligne que la Cour de cassation n'a pas cassé les dispositions de l'arrêt de la Cour d'appel de Reims qui a confirmé le jugement du tribunal de commerce ayant constaté que c'est la société Vista automobiles qui est à l'origine de la rupture des relations commerciales et ayant débouté cette dernière de sa demande de dommages et intérêts, de sorte que reste seulement en litige l'évaluation de son propre préjudice.
Elle soutient que le préavis d'un an retenu par le tribunal de commerce puis par la cour d'appel doit être confirmé, estimant toutefois que le fondement sur lequel la cour d'appel s'était appuyée dans son arrêt du 13 mars 2012, c'est-à-dire le doublement du délai de préavis pour cause de fourniture de produits sous marque de distributeur, est erroné dans la mesure où la relation commerciale entre les deux sociétés ne portait pas sur la fourniture de produits sous marque de distributeur.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 décembre 2016 sans que la société Vista automobiles ait conclu. Ce n'est qu'une fois l'ordonnance de clôture rendue que cette société a déposé des conclusions.
Motifs de la décision
Vu les dernières écritures déposées par la société JP Froment,
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 13 décembre 2016.
En application de l'article 783 du Code de procédure civile, les conclusions déposées et les pièces produites par la société Vista automobiles postérieurement à l'ordonnance de clôture doivent être déclarées irrecevables.
- Sur l'indemnité due pour rupture brutale des relations commerciales
La Cour de cassation n'ayant cassé et annulé que la disposition de l'arrêt du 13 mars 2012 portant sur la condamnation de la société Vista automobiles à payer à la société JP Froment la somme de 39 196 euros au titre du préjudice causé par la rupture brutale des relations commerciales, les autres dispositions portant sur la responsabilité de la société Vista automobiles dans cette rupture et le rejet de la demande de dommages et intérêts formée par cette dernière, ainsi que sa condamnation aux dépens et sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, sont désormais définitives.
Il résulte de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce que le préavis dû par l'auteur de la rupture d'une relation commerciale établie doit être fixé en tenant compte de la durée de cette relation et en respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.
Le délai de préavis prévu par cette disposition légale d'ordre public est surtout destiné à permettre à la partie qui se voit imposer la rupture du contrat de prendre ses dispositions et de donner en temps utile une nouvelle orientation à ses activités.
Le caractère suffisant du préavis doit être déterminé au regard de la durée de la relation commerciale et, le cas échéant, des autres circonstances de l'espèce.
En l'occurrence, les deux sociétés avaient noué leur relation d'affaires par l'acte sous seing privé du 10 avril 2006.
Cette relation commerciale a été rompue brutalement par la société Vista automobiles dès décembre 2007 en ce qui concerne la vente de véhicules neufs et à la fin du premier trimestre 2008 en ce qui concerne la fourniture de pièces détachées.
Dès lors, c'est à juste titre que le tribunal de commerce a jugé que cette relation d'affaires avait été trop courte pour justifier l'application du délai de préavis de vingt-quatre mois stipulé à la convention précitée du 10 avril 2006. C'est également en faisant une appréciation exacte des faits de la cause, notamment en prenant en compte la durée des relations commerciales entre les deux sociétés, que les premiers juges ont évalué à un an la durée du préavis de rupture que la société Vista automobiles aurait dû respecter. Dans ses dernières conclusions, la société JP Froment ne revendique d'ailleurs plus le bénéfice d'un préavis de deux ans, puisqu'elle conclut à la confirmation du jugement du Tribunal de commerce.
Suivant les données comptables qui ont été produites aux débats, la marge brute annuelle moyenne réalisée par la société JP Froment avec la société Vista automobiles s'établissait à 39 196 euros.
Par conséquent, le jugement du Tribunal de commerce sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Vista automobiles à payer à la société JP Froment la somme de 39 196 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.
- Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile
La société Vista automobiles, qui est la partie perdante, supportera les dépens et il est équitable qu'elle soit condamnée à payer à la société JP Froment la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, en sus de celle de 5 000 euros fixée par le Tribunal de commerce et celle de 2 500 euros fixée par la Cour d'appel dans son arrêt du 13 mars 2012.
Par ces motifs, LA COUR, statuant en audience publique et par arrêt contradictoire, déclare irrecevables les conclusions déposées et les pièces produites par la société Vista automobiles postérieurement à l'ordonnance de clôture, confirme le jugement du tribunal de commerce de Troyes en ce qu'il a condamné la société Vista automobiles à payer à la société JP Froment la somme de 39 196 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la rupture brutale de leurs relations commerciales, Y ajoutant, condamne la société Vista automobiles à payer à la société JP Froment la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, condamne la société Vista automobiles aux dépens et autorise maître Pascal Guillaume, avocat, à faire application de l'article 699 du Code de procédure civile.