Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 14 février 2017, n° 15-00217

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Sport Concept (SAS), Sodichamp (SAS), Dieseel AG (Sté)

Défendeur :

Converse Inc. (Sté), All Star CV (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rajbaut

Conseillers :

Mmes Auroy, Douillet

Avocats :

Mes Boccon Gibod, Menvielle, Billet, Olivier, Bloret-Pucci, Bosson, Hubsch

TGI Paris, du 21 nov. 2014

21 novembre 2014

La société de droit américain Converse est titulaire de :

- la marque internationale Converse All Star n° 924 653 enregistrée le 16 mai 2007 désignant l'Union européenne, couvrant en classe 25 des " articles chaussants ",

- la marque internationale All Star n° 929 078 enregistrée le 15 mai 2007, désignant l'Union européenne, en classe 25 pour des " articles chaussants ",

- la marque française semi-figurative Converse All Star Chuck Taylor enregistrée le 30 mai 1986, sous le n° 1 356 944 en classe 25 pour désigner les " chaussures ", régulièrement renouvelée en 1996 et 2006.

La société Converse distribue en France ses chaussures, en toile ou en cuir, par l'intermédiaire de son distributeur et licencié exclusif, la société Royer Sport.

Le 27 septembre 2011, la direction régionale des douanes de Champagne-Ardennes a procédé à la retenue de 173 paires de chaussures susceptibles de constituer des contrefaçons des marques de la société Converse et en a informé celle-ci en lui communiquant les coordonnées des parties intéressées : la société Sport Concept (fournisseur) et la société Leclerc-Sodichamp (destinataire).

Autorisée par ordonnance sur requête du 6 octobre 2011, la société Converse a fait procéder, le 7 octobre 2011, à une saisie-contrefaçon dans les locaux des douanes à Reims, ainsi que dans l'hypermarché Leclerc à Champfleury, exploité par la société Sodichamp, saisissant six paires de chaussures dans chacun de ces endroits dont elle a estimé qu'il ne s'agissait pas de produits authentiques. L'huissier a également appréhendé des documents afférents à la commercialisation de ces produits, permettant d'établir la fourniture par la société Sport Concept à la société Sodichamp, d'au moins 400 paires de chaussures, dont 251 déjà vendues entre mai et octobre 2011.

Par acte du 4 novembre 2011, la société Converse a fait assigner devant le TGI de Paris les sociétés Sport Concept et Sodichamp en contrefaçon de ses marques française et internationales.

La société Sport Concept a appelé dans la cause son fournisseur, la société PK Distribution, laquelle a fait intervenir à l'instance, son propre fournisseur, la société Haake.

La société de droit néerlandais All Star, cessionnaire des trois marques précitées, est intervenue régulièrement à la procédure et vient aux droits de la société Converse.

Le 29 avril 2014, la société de droit suisse Dieseel est intervenue volontairement à l'instance, se présentant comme le fournisseur de la société Haake et indiquant acheter sur le territoire européen, auprès de revendeurs agréés, des produits de marques renommées afin de les revendre.

Par jugement du 21 novembre 2014, le tribunal a :

- constaté l'intervention volontaire de la société All Star,

- déclaré valable la saisie-contrefaçon réalisée le 7 octobre 2011 dans les locaux de la société Sodichamp,

- dit qu'en détenant, offrant à la vente, vendant des chaussures revêtues des marques internationales désignant l'Union européenne All Star n° 929 078 et Converse All Star n° 924 653 et de la marque française Converse All Star Chuck Taylor n° 1 356 944, les sociétés Sodichamp, Sport Concept, PK Distribution et Dieseel ont fait un usage illicite de ces marques au préjudice de la société Converse aux droits de laquelle se trouve la société All Star,

- interdit aux sociétés Sodichamp, Sport Concept, PK Distribution et Dieseel d'importer, de détenir, distribuer, offrir à la vente et vendre sur le territoire de l'Union européenne des chaussures reproduisant les marques internationales désignant l'Union européenne All Star n° 929 078 et Converse All Star n° 924 653 et de la marque française Converse All Star Chuck Taylor n° 1 356 944, sans le consentement de la société All Star, sous astreinte de 60 euros par infraction constatée, soit par paire de chaussures contrefaisantes, passé le délai de 15 jours après la signification du jugement et pendant un délai de trois mois, le tribunal se réservant la liquidation de l'astreinte,

- condamné in solidum les sociétés Sodichamp, Sport Concept, PK Distribution et Dieseel à payer :

- à la société All Star :

- la somme de 15 000 euros pour atteinte à ses marques,

- la somme de 20 000 euros en indemnisation du préjudice patrimonial,

- dit que ces sommes seront supportées par quart entre les sociétés Sodichamp, Sport Concept, PK Distribution et Dieseel,

- ordonné la publication, aux frais de ces dernières, dans 3 revues au choix de la société All Star, dans la limite de 3 500 euros par insertion, du communiqué suivant : " Le Tribunal de grande instance de Paris a par jugement du 21 novembre 2014 dit que les sociétés Sodichamp, Sport Concept, PK Distribution et Dieseel AG ont fait un usage illicite des marques All Star n° 929 078, Converse All Star n° 924 653 et Converse All Star Chuck Taylor n° 1 356 944 et les a condamnées à payer à la société All Star les sommes de 15 000 et de 20 000 euros en réparation respectivement de l'atteinte aux marques et du préjudice patrimonial ",

- rejeté toutes autres demandes jugées non fondées,

- condamné les sociétés Sodichamp, Sport Concept, PK Distribution et Dieseel aux dépens, outre les frais de saisie-contrefaçon, ainsi qu'au paiement à la société All Star de 2 000 euros pour frais irrépétibles,

- ordonné l'exécution provisoire, à l'exception de la mesure de publication.

Le 5 janvier 2015, la société Sport Concept a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions, numérotées 4 transmises le 21 novembre 2016, la société Sport Concept, poursuivant l'infirmation du jugement, demande à la cour :

- à titre principal : de déclarer nulles les saisies-contrefaçons réalisées le 7 octobre 2011 dans les locaux des douanes de Reims et dans les locaux de la société Sodichamp,

- subsidiairement et sur le fond :

- de débouter les sociétés Converse et All Star de l'ensemble de leurs demandes,

- faisant droit à sa demande reconventionnelle :

- de désigner un expert avec pour mission de déterminer les conséquences financières supportées par elle, en termes de chiffres d'affaires, directement liées aux actions injustifiées des sociétés Converse et All Star,

- de condamner celles-ci, à titre provisionnel, au paiement d'une somme de 150 000 euros à valoir sur son préjudice financier,

- subsidiairement, s'il n'était pas fait droit à sa demande d'expertise, de condamner solidairement les sociétés Converse et All Star au paiement d'une somme de 200 000 euros en réparation de son préjudice généré par la présente procédure,

- de les condamner à lui payer en outre la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- à titre plus subsidiaire :

- de débouter les sociétés Converse et All Star de leur appel incident tendant à l'augmentation des sommes allouées en première instance, ainsi que de l'ensemble de leurs réclamations indemnitaires, la preuve de leur préjudice n'étant pas rapportée,

- de débouter la société Sodichamp de ses demandes présentées à son encontre,

- en toute hypothèse :

- de dire n'y avoir lieu à réparation des préjudices sollicités par les sociétés Converse et All Star en raison de leur inexistence,

- de dire que dans l'hypothèse ou à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans la décision à intervenir, l'exécution forcée devrait être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier de Justice, le montant des sommes retenues par l'Huissier en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 n° 96/1080 (tarif des huissiers) devra être supporté par le débiteur en sus de l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions numérotées 2 et transmises le 7 avril 2016, la société Sodichamp, poursuivant l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions, demande à la cour :

- de constater qu'elle ne forme plus aucune demande à l'encontre de la société Dieseel, placée en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de commerce de Zurich du 15 décembre 2014 publié le 6 mars 2015,

A titre principal :

- de prononcer la nullité des opérations de saisie-contrefaçon pratiquées le 7 octobre 2011 dans les locaux du bureau des Douanes de Reims et dans les locaux de la société Sodichamp et d'ordonner la mainlevée et la restitution des chaussures aux frais de la société Converse,

- en conséquence, de débouter la société Converse de l'intégralité de ses demandes,

A titre subsidiaire :

- de débouter la société Converse de l'intégralité de ses demandes en tout état de cause :

- de condamner solidairement les sociétés Converse et All Star à lui verser :

- la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

A titre infiniment subsidiaire :

- de condamner la société Sport Concept à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.

Dans leurs dernières conclusions numérotées 2 et transmises le 4 octobre 2016, les sociétés Converse et All Star demandent à la cour :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a :

- reconnu la validité de la saisie-contrefaçon réalisée dans les locaux de la société Sodichamp le 7 octobre 2011,

- condamné les sociétés Sodichamp et Sport Concept pour contrefaçon de marques et a prononcé à leur encontre des mesures d'interdiction sous astreinte et de publication,

- débouté les sociétés Sodichamp et Sport Concept de l'ensemble de leurs demandes,

- condamné les sociétés Sodichamp et Sport Concept aux dépens et sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- d'infirmer le jugement quant au montant des indemnités allouées en réparation de l'atteinte aux marques en condamnant solidairement les sociétés Sodichamp et Sport Concept à payer à la société All Star, venant aux droits de la société Converse les sommes complémentaires de :

- 35 000 euros au titre de l'atteinte aux marques,

- 480 000 euros au titre du préjudice commercial,

- de débouter les sociétés Sodichamp et Sport Concept de leurs demandes de dommages et intérêts et de désignation d'un expert, reprises ou modifiées en cause d'appel,

- de les condamner à leur payer à chacune la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Laureau-Jeannerot, ès qualités d'administrateur judiciaire de la société PK Distribution, qui fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire suivant jugement du Tribunal de commerce de Besançon du 5 mai 2014, a constitué avocat, mais n'a pas conclu.

Par ordonnance du 1er mars 2016, le conseiller de la mise en état de cette cour a constaté le désistement de la société Sport Concept, appelante, et des sociétés Converse et All Star, intimées, à l'égard de la société PK Distribution, placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce du 14 octobre 2015, et des organes de la procédure collective la concernant.

La société Dieseel, intimée, n'a pas constitué avocat. Elle a été liquidée par jugement du Tribunal de commerce du canton de Zurich et radiée le 14 juillet 2016.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 novembre 2016.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Considérant qu'en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées ;

Considérant que du fait du désistement d'appel à l'égard de la société PK Distribution et des organes de la liquidation judiciaire, constaté par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 1er mars 2016, la cour n'est plus saisie qu'à l'encontre des sociétés Converse et All Star, parties intimées ;

Sur la validité de la saisie-contrefaçon réalisée le 7 octobre 2011

Considérant que les sociétés Sport Concept et Sodichamp contestent la validité des procès-verbaux de saisie-contrefaçon établis le 7 octobre 2011 à l'issue des opérations de saisie-contrefaçon menées dans les locaux des douanes et dans l'hypermarché Leclerc exploité par la société Sodichamp, reprenant, en substance dans les mêmes termes, les arguments présentés en première instance, tels que résumés en pages 11 et 12 du jugement, auquel la cour se réfère expressément ;

Considérant que c'est par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que le tribunal a rejeté leur demande tendant à voir prononcer la nullité des saisies-contrefaçon effectuées le 7 octobre 2011 et celle des procès-verbaux subséquents, comme étant non fondée ;

Que le jugement doit donc être confirmé de ce chef ;

Sur la contrefaçon des marques de la société All Star (venant aux droits de la société Converse)

Considérant que les saisies-contrefaçon réalisées le 7 octobre 2011, d'une part, dans les locaux des douanes et, d'autre part, dans l'hypermarché Leclerc exploité par la société Sodichamp, ont révélé que cette dernière détenait des chaussures revêtues des marques internationales désignant l'Union européenne All Star n° 929 078 et Converse All Star n° 924 653 et de la marque française Converse All Star Chuck Taylor n° 1 356 944, appartenant à cette date à la société Converse pour des produits visés à l'enregistrement, à savoir des chaussures ;

Qu'il est constant que ces chaussures avaient été acquises auprès de la société Sport Concept, laquelle s'était approvisionnée auprès de la société PK Distribution qui elle-même les tenait de la société Haake, laquelle s'était fournie auprès de la société Dieseel ;

Considérant que la détention et l'offre à la vente des produits marqués par les sociétés Sport Concept et Sodichamp ne sont pas contestées ;

Considérant que les sociétés Sport Concept et Sodichamp soutiennent que les sociétés Converse et All Star ne démontrent pas le caractère contrefaisant de chaussures saisies et, qu'elles-mêmes rapportant la preuve d'un risque réel de cloisonnement des marchés, les intimées échouent à démontrer que les chaussures litigieuses n'ont pas été mises sur le marché avec leur consentement alors qu'elles ont été vendues à l'origine par un distributeur officiel des marques Converse situé dans l'espace économique européen ;

Que les sociétés Converse et All Star soutiennent, pour leur part, qu'une partie des chaussures litigieuses, à savoir 5 des 12 paires saisies le 7 octobre 2011, ne sont pas authentiques, ce que révèle la technologie Avery Dennison, et qu'elles n'ont donc pu autoriser l'usage des marques sur ces chaussures fabriquées frauduleusement ; que pour les autres chaussures saisies, plus anciennes et non susceptibles d'être identifiées grâce à la technologie Avery Dennison, les sociétés intimées approuvent l'analyse des premiers juges selon laquelle, le risque de cloisonnement du marché n'étant pas établi, les sociétés Sport Concept et Sodichamp échouent à faire la preuve du consentement, même implicite, de la société Converse à la première commercialisation des produits ;

En ce qui concerne les cinq paires de chaussures saisies susceptibles d'être identifiées par la technologie Avery Dennison

Considérant que les sociétés Converse et All Star exposent que depuis 2009, chaque chaussure authentique Converse présente, sur son étiquette de languette, un numéro d'identification qui lui est propre et unique, généré et répertorié par la société américaine Avery Dennison, leader du marquage et de l'identification des produits ; qu'elles produisent l'attestation, et sa libre traduction, de M. Paul Chamandy, vice-président du développement des activités de la division Marquage du commerce de détail et Solutions de l'information au sein de la société Avery Dennison ; qu'il ressort de cette attestation que la technologie développée par Avery Dennison permet de générer, pour chaque chaussure Converse authentique, un numéro de série unique à 13 caractères et d'imprimer ce numéro sur l'étiquette de languette de la chaussure concernée, avec d'autres informations, telles que la référence ou la taille, que l'ensemble des numéros de série générés par la technologie Avery Dennison pour les paires de chaussures authentiques est stocké dans une base de données sécurisée administrée par la société Avery Dennison, qu'un numéro de série ne peut jamais être imprimé une seconde fois sur une autre authentique étiquette Converse, que lorsque la société Converse souhaite imprimer de nouvelles étiquettes destinées à être apposées sur des chaussures fabriquées par ses usines, elle procure à la société Avery Dennison des informations précises relatives au nombre d'étiquettes devant être imprimées et aux informations relatives au produit sur lequel ces étiquettes seront apposées (référence), que ces données sont traitées par un logiciel développé par la société Avery Dennison qui crée les numéros de série uniques et transmet les données sur un site où elles sont enregistrées dans la base de données sécurisée, que ce n'est qu'une fois les données enregistrées dans cette base sécurisée que l'usine concernée peut imprimer les étiquettes authentiques des chaussures Converse correspondantes ; qu'il résulte de ces indications, d'une part, que la consultation de la base de données sécurisée d'Avery Dennison permet de vérifier si tel numéro de série à 13 caractères apposé sur l'étiquette thermocollée de telle chaussure apparaît bien à l'identique dans la base de données et correspond effectivement à la chaussure vérifiée et, d'autre part, que si l'une de ces deux conditions fait défaut, cela signifie que la chaussure n'a pas été fabriquée sur une ligne de production d'authentiques chaussures Converse et qu'elle ne peut que constituer une contrefaçon ;

Considérant que la contrefaçon de marque peut être prouvée par tous moyens ;

Que les sociétés intimées justifient qu'en l'espèce, trois paires de chaussures saisies dans les locaux des douanes, référencées M9007 (2 paires) et 1Q112 (1 paire), et deux paires prélevées dans les locaux de la société Sodichamp, référencées M9007 et 1Q112, présentent sur leurs languettes des Codes sécurité à 13 caractères apparemment semblables à ceux apposés sur les authentiques chaussures Converse mais qui n'apparaissent pas à l'identique dans la base de données Avery Dennison ; qu'elles produisent, en effet, aux débats, d'une part, des photographies qui ont été prises, à la fois dans les locaux des douanes à Reims par les douanes et dans les locaux des douanes et de la société Sodichamp par l'huissier (leurs pièces 6, 17, 24, 25), d'étiquettes apposées sur les languettes de chaussures référencées M9007 et 1Q112 et, d'autre part, les témoignages de M. Chamandy, avec leur traduction libre, qui déclare i) le 3 octobre 2011, qu'il a été requis par la société Converse, après la retenue, opérée le 27 septembre 2011 par les douanes françaises, d'un lot de 173 paires de chaussures marquées Converse pour vérifier, à partir des photos prises par les douanes (pièce 6), l'exactitude des numéros de série apposés sur les étiquettes de certaines chaussures et que les numéros 365JNCFS01187, 365JNCFS01231, 385JNCF801070, 385JNCF801081 (chaussures référencées M9007), 3354NIHY01020 et 3354NIHY01084 (chaussures référencées 1Q112) apparaissant sur les photos sont absents de la base de données Avery Dennison, ii) les 4 novembre et 21 décembre 2011, qu'il a été requis après la saisie-contrefaçon opérée dans les locaux de la société Sodichamp pour vérifier, à partir des photos prises par l'huissier (pièces 17, 24, 25), l'exactitude des numéros de série apposés sur les étiquettes de certaines chaussures et que les numéros 3354NIHY01003 et 3354NIHY00959 (chaussures référencées 1Q112), 365JNCFS01070 et 365JNCFS01061 (chaussures référencées M9007) apparaissant sur les photos sont absents de la base de données Avery Dennison ;

Que les attestations de M. Chamandy comportent sa signature et une copie de sa pièce d'identité ; que le fait que ses témoignages ne soient pas manuscrits ne doit pas conduire à les écarter, les dispositions de l'article 202 du Code de procédure civile n'étant pas prescrites à peine de nullité et les témoignages litigieux, régulièrement communiqués et dont l'auteur est clairement identifiable, ne présentant pas d'indice de nature à mettre en doute leur authenticité ;

Que, par ailleurs, les sociétés intimées produisent un extrait Wikipedia concernant la société Avery Dennison, ainsi qu'une plaquette de présentation des activités de cette société, qui montrent qu'il s'agit d'une société créée en 1935, cotée à la bourse de New York, qui compte parmi ses clients plusieurs grandes marques de l'industrie de la mode, ce qui permet d'écarter le soupçon de dépendance de cette société vis-à-vis des sociétés intimées ;

Qu'il est ainsi établi à suffisance que 3 paires de chaussures saisies dans les locaux de douanes et 2 paires saisies dans les locaux de la société Sodichamp ne sont pas des chaussures Converse authentiques ;

Qu'il est, par suite, démontré que la société Converse, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société All Star, n'a pas autorisé l'usage de ses marques sur ces chaussures qui ont été fabriquées frauduleusement ; que la contrefaçon est ainsi caractérisée ;

En ce qui concerne les autres paires de chaussures saisies, plus anciennes, non susceptibles d'être identifiées par la technologie Avery Dennison

Considérant que les sociétés intimées exposent que 3 des paires de chaussures saisies par les douanes et 4 des paires de chaussures saisies dans les locaux de la société Sodichamp par l'huissier n'étaient pas revêtues d'étiquettes de languette présentant un code de sécurité de type Avery Dennison ; qu'elles indiquent qu'elles renoncent, quant à ces produits, à invoquer le défaut d'authenticité des chaussures litigieuses à l'appui de leurs demandes en contrefaçon mais qu'elles entendent se placer, comme le tribunal dans le jugement déféré, sur le terrain de la preuve - en l'occurrence non rapportée, selon elles - du consentement du titulaire des marques à leur première commercialisation intra-communautaire ;

Considérant que l'article L. 713-2 du Code de la propriété intellectuelle interdit la reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque française ainsi que l'usage d'une marque française reproduite, sans l'autorisation du propriétaire de la marque ;

Qu'en application de l'article 9 du règlement (CE) 207/2009/CE du 26 février 2009, la marque communautaire confère à son titulaire un droit exclusif qui l'habilite à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe identique à la marque communautaire pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée ; qu'aux termes de cet article , " Il peut notamment être interdit (...) b) d'offrir les produits ou de les mettre dans le commerce ou de les détenir à ces fins (...) d) d'utiliser le signe dans les papiers d'affaires et la publicité " ;

Que cependant l'article L. 713-4 du Code de la propriété intellectuelle et l'article 13 § 1 du même règlement prévoient l'épuisement du droit conféré par la marque, ce droit ne permettant pas à son titulaire d'interdire l'usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis dans le commerce de l'Espace économique européen, sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement ; qu'en vertu de ces dispositions, le titulaire de la marque ne peut pas s'opposer à la libre circulation des produits marqués à l'intérieur de l'Espace économique européen, après que ces produits ont été mis dans le commerce de cet espace, par lui-même ou avec son consentement ; qu'en revanche, l'importation de produits marqués dans l'Espace économique européen, sans l'autorisation du titulaire, donne à ce dernier un droit de suite et de contrôle jusqu'à l'acquéreur final ;

Qu'il incombe à la partie qui se prévaut de l'épuisement du droit de marque de démontrer cet épuisement pour chacun des exemplaires authentiques du produit concerné par le litige, c'est-à-dire d'établir que chaque exemplaire des produits argués de contrefaçon a été mis dans le commerce dans l'Espace économique européen par le titulaire de la marque ou avec son consentement ;

Que cependant, l'existence d'un risque réel de cloisonnement des marchés nationaux fait obstacle à ce que le tiers poursuivi par le titulaire de la marque supporte la charge de la preuve de l'épuisement du droit de marque ; que le défendeur à l'action en contrefaçon est alors autorisé à ne pas révéler sa source d'approvisionnement (un membre du réseau de distribution agréé) et il appartient au titulaire de la marque de prouver que les produits en cause ont été initialement mis dans le commerce, par lui-même ou avec son consentement, en dehors du territoire de l'Espace économique européen ;

Considérant qu'en l'espèce, il n'est pas démontré que la société Converse a autorisé la commercialisation des chaussures litigieuses sur le territoire français ; que les sociétés Sport Concept et Sodichamp, qui ne contestent pas ne pas s'être approvisionnées auprès du distributeur en France de la société Converse, ne rapportent pas la preuve de l'existence de cette autorisation ;

Considérant que les sociétés Sport Concept et Sodichamp soutiennent, d'une part, que les articles litigieux ont été mis sur le marché de l'Espace économique européen par le titulaire des marques invoquées via un distributeur officiel résidant dans cet Espace économique européen et que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, les chaussures litigieuses livrées par la société Sport Concept à la société Sodichamp correspondent parfaitement à celles mises sur le marché par ce distributeur officiel Converse et, d'autre part, qu'il existe un risque de cloisonnement des marchés dès lors que le réseau de distribution Converse est sectorisé et que chaque revendeur agréé auquel est attribué un territoire géographique se voit interdire, sous peine d'exclusion, de commercialiser les produits en dehors de ce territoire ;

Considérant qu'il convient d'examiner dans un premier temps si le risque de cloisonnement du marché invoqué par les sociétés Sport Concept et Sodichamp est avéré, ce qui les dispenserait de rapporter la preuve que les chaussures litigieuses ont été mises sur le marché de l'Espace économique européen par la société Converse, alors titulaire des marques en cause ;

Considérant qu'un système de distribution exclusive, comme celui mis en place par la société Converse, n'emporte pas, en soi, un risque réel de cloisonnement des marchés et ne peut constituer qu'un indice devant être conforté par d'autres ; que le risque réel de cloisonnement du marché n'est pas celui d'une étanchéité absolue, illicite, mais d'une situation de nature à nuire à l'intégration des différents marchés nationaux au sein du marché unique ;

Qu'en l'espèce, la société Sodichamp produit des échanges de courriels entre des acheteurs potentiels de produits Converse et des revendeurs agréés, lesquels indiquent qu'ils ne sont pas autorisés à vendre en dehors du territoire qui leur a été attribué, ou entre revendeurs agréés Converse qui indiquent qu'ils ne sont pas autorisés à vendre qu'à des consommateurs finals ; que les sociétés Sport Concept et Sodichamp invoquent, en outre, un rapport de l'Office fédéral allemand de lutte contre les cartels du 20 juillet 2011, rapportant qu'en Allemagne, la société All Star Dach, distributeur exclusif de la marque Converse, imposait un prix de vente conseillé aux détaillants sous peine de mesures de rétorsion ;

Que cependant, l'authenticité de ces courriels est mise en doute par les sociétés intimées qui font pertinemment valoir qu'ils présentent des incohérences (ex. le courriel de Converse Allemagne, Autriche et Suisse du 6 février 2007 à Alessandro Zanusso de Converse Italie ne comporte pas l'adresse électronique de l'expéditeur allemand - pièce 11.20 ; dans ses courriels du 12 août 2009 à Maria de Dpt. International Proged, Ezther Pethoe signe " Mark " ou " Mark Pethoe " - pièce 11.22), leurs dates (la plupart datent d'août 2009) comme leur contenu (les courriels de C. Durango du 5 août 2009 à Converse Scandinavia et du 18 août 2009 à AmerSport (Eddy Malky) sont rédigés dans des termes très proches de celui du 12 août 2009 de Mark Pethoe à Maria de Dpt. International Proged ; les courriels de Bernd Schneider portent sur une demande de " grande quantité de chaussures Converse (env. 1 000 paires, plus ou moins) " et paraissent être adressés à des revendeurs détaillants indépendants en Allemagne qui ne sont donc pas en mesure de fournir de telles quantités) amenant à penser qu'ils entrent dans une démarche de " piégeage " plus qu'à une recherche réelle d'achat ; qu'en outre, les courriels produits datent de 2007 et 2009, soit d'une période antérieure aux années 2010 et 2011 concernées par les faits litigieux ; que ces constatations conduisent à considérer que les courriels produits présentent une force probante faible ;

Que n'est pas plus probant, pour établir l'étanchéité du réseau, le rapport de l'Office fédéral allemand de lutte contre les cartels du 20 juillet 2011 concernant le comportement d'un distributeur agréé qui imposait des prix de revente à ses propres détaillants ;

Que de leur côté les sociétés intimées fournissent de nombreuses factures établissant l'existence de ventes intervenues, entre août 2007 et août 2013, entre des distributeurs Converse entre eux (pièces 72-1 à 72-22) et entre des distributeurs Converse et des détaillants opérant sur un autre territoire (pièces 73-1 à 73-48), ainsi que des attestations d'experts-comptables de distributeurs Converse-Kesbo Sport (distributeur pour la Belgique, le Luxembourg, les Pays bas), Converse Italia (distributeur italien), Royer Sport (distributeur français), All Star Dach (distributeur pour l'Allemagne et l'Autriche), Sportland Eesti (distributeur estonien), Amersport (distributeur pour la Pologne, la République Tchèque, la Slovaquie) - certifiant les factures de ventes ; que ces documents établissent l'existence de ventes passives en nombre et volumes significatifs, portant, notamment, sur plusieurs dizaines de milliers de paires de chaussures ; que la circonstance que ces factures ne portent pas exclusivement sur des chaussures, objet du litige, mais également sur d'autres produits, comme des vêtements ou des coques de téléphones portables, est de nature à démontrer que l'organisation du réseau Converse autorise habituellement et dans des proportions importantes des échanges inter-secteurs ; que le nombre de factures versées aux débats et les quantités de produits qu'elles concernent permettent d'écarter la critique des appelantes selon laquelle les ventes concernées ne constitueraient que des ventes d'ajustement ou d'appoint ;

Qu'en l'état des éléments versés de part et d'autre, l'existence d'un risque réel de cloisonnement des marchés n'est pas établie ; qu'il appartient dès lors aux sociétés mises en cause de démontrer que chaque exemplaire des produits argués de contrefaçon a été mis dans le commerce dans l'Espace économique européen par le titulaire de la marque ou avec son consentement ;

Considérant qu'à cet égard, la société Sodichamp invoque un procès-verbal de constat d'huissier établi le 17 février 2014 à la requête de la société Dieseel (pièce 11.43 de Sodichamp) qui fait apparaître une chaîne de distribution depuis une société " Z ", identifiée par l'huissier comme étant un revendeur officiel de la société Converse sur le territoire européen, vers une société " X ", laquelle a vendu à la société Dieseel, laquelle a revendu à la société Haake ; que la société Sport Concept verse, quant à elle, un procès-verbal de constat d'huissier dressé le 24 mars 2011 (sa pièce 8), ainsi qu'une attestation du 5 octobre 2010 de la société PK Distribution produite en première instance, montrant que la société Haake a vendu à la société PK Distribution, qui a revendu à la société Sport Concept ;

Que cependant, comme l'ont retenu les premiers juges, ces constats ne permettent pas de démontrer que les 400 paires de chaussures litigieuses offertes à la vente par la société Sodichamp, destinataire final, acquises auprès de la société Sport Concept, proviennent du même lot que celles initialement mises sur le marché par la société " Z ", revendeur officiel de la société Converse ; que la cour partage l'analyse du tribunal, selon laquelle il est étonnant que la société Sport Concept, qui a acquis les chaussures entre le 16 et le 22 février 2011, selon les factures produites avec le constat d'huissier, ait attendu le mois de mai 2011 pour les revendre à la société Sodichamp, alors que les factures versées aux débats montrent que les autres intermédiaires revendent leur stock quasi immédiatement ; que l'explication, purement hypothétique, proposée par la société Sodichamp, selon laquelle " il est tout à fait loisible de penser que les 400 paires de chaussures achetées par la société Sodichamp correspondent à la fin du stock de chaussures Converse (...) que la société Sport Concept avait acheté trois mois plus tôt à la société PK Distribution " n'emporte pas la conviction ; que contrairement à ce que soutiennent les sociétés Sport Concept et Sodichamp, les sociétés intimées contestent que les 400 paires de chaussures litigieuses proviennent des ventes successives listées ci-dessus ;

Que, dans ces conditions, les sociétés Sport Concept et Sodichamp n'établissent pas que les chaussures ont été acquises auprès d'un revendeur agréé se situant dans l'Espace économique européen et, par suite, ne démontrent pas le consentement, même implicite, de la société Converse à la première commercialisation des produits ;

Considérant que l'usage illicite des marques internationales désignant l'Union européenne Converse All Star n° 924 653 et All Star n° 929 078 et de la marque française semi-figurative Converse All Star Chuck Taylor n° 1 356 944 par les sociétés Sport Concept et Sodichamp, constitutif de contrefaçon, est ainsi caractérisé ;

Qu'en conséquence, par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges, le jugement entrepris sera confirmé de ce chef ;

Sur les mesures réparatrices

Sur les demandes indemnitaires

Considérant qu'en application de l'article L. 716-14 du Code de la propriété intellectuelle, applicable aux marques communautaires en vertu de l'article L. 717-2 du même Code, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1° les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2° le préjudice moral causé à cette dernière ; 3° et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon ; que le même texte prévoit que la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte, cette somme n'étant pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée ;

Considérant que la société All Star, titulaire des marques et venant aux droits de la société Converse, invoque l'atteinte portée au pouvoir distinctif de ses marques entraînant une baisse de leur valeur patrimoniale et donc une perte financière, et réclame à ce titre le versement d'une somme complémentaire de 35 000 euros (le tribunal lui ayant alloué la somme de 15 000 euros), ainsi qu'un manque à gagner commercial qu'elle estime à la somme de 500 000 euros et, le tribunal lui ayant accordé la somme de 20 000 euros, sollicite le versement de la somme complémentaire de 480 000 euros ;

Que les premiers juges ont procédé, par des motifs que la cour adopte, à une exacte appréciation du préjudice subi par la société All Star en lui allouant la somme de 15 000 euros pour réparer le préjudice résultant de l'atteinte portée à la valeur distinctive de ses marques et celle de 20 000 euros pour réparer son préjudice commercial, justement évalué en tenant compte des 173 paires de baskets saisies par les douanes, de la mise en vente par la société Sodichamp de 400 paires, dont 251 effectivement vendues, pour un prix public moyen de vente de 39,86 euros, après acquisition auprès de la société Sport Concept au prix de 29,50 euros, le prix moyen d'une authentique paire de Converse en toile étant de 65 euros ;

Que le jugement déféré sera confirmé sur ces points ;

Sur les mesures d'interdiction et de publication

Considérant que le sens de la présente décision conduit à confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux mesures d'interdiction et de publication prononcées ;

Sur les demandes incidentes en dommages et intérêts

Considérant que le sens de la présente décision conduit à confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes reconventionnelles de la société Sport Concept tendant à l'allocation de dommages et intérêts pour réparer son préjudice financier résultant de l'action engagée par les sociétés Converse et All Star et à l'organisation d'une expertise à cette fin ; qu'il conduit également à rejeter les mêmes demandes réitérées en appel par la société Sport Concept, comme celle de la société Sodichamp en dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Considérant que les sociétés Sport Concept et Sodichamp qui succombent seront condamnées aux dépens d'appel et garderont à leur charge les frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées ;

Que la somme globale qui doit être mise à la charge des sociétés Sport Concept et Sodichamp in solidum au titre des frais non compris dans les dépens exposés en appel par les sociétés Converse et All Star peut être équitablement fixée à 15 000 euros ;

Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Déboute les sociétés Sport Concept et Sodichamp de leurs demandes indemnitaires présentées en appel, Condamne solidairement les sociétés Sport Concept et Sodichamp aux dépens d'appel et au paiement aux sociétés Converse et All Star de la somme globale de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.