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Décisions

Cass. 2e civ., 23 février 2017, n° 15-24.059

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Tédis (SA)

Défendeur :

Chérif

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Flise

Rapporteur :

M. de Leiris

Avocat général :

M. Girard

Avocats :

SCP Boullez, SCP Hémery, Thomas-Raquin

Paris, pôle 1 ch. 2, du 25 juin 2015

25 juin 2015

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu en matière de contredit (Paris, 25 juin 2015) et les productions, rendu en matière de contredit, que M. Chérif a contacté la société Tédis (la société), exportatrice de médicaments, de produits pharmaceutiques et de matériels médicaux, pour lui proposer, en tant qu'apporteur d'affaires, de participer aux appels d'offres du "Medical Supply Organization" chargé par le ministère de la Santé libyen de subvenir aux besoins de la population en médicaments ; qu'à l'occasion de cette relation d'affaires, la société a versé à M. Chérif des commissions au titre de plusieurs commandes ; qu'estimant que la rémunération perçue n'était pas conforme aux termes de leurs discussions, M. Chérif a assigné la société devant le Tribunal de commerce d'Evry, par acte du 3 juin 2013, invoquant, notamment, l'application de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ; que statuant sur l'exception d'incompétence soulevée par la société, ce tribunal s'est dessaisi au profit du Tribunal de commerce de Paris, lequel a, par un jugement du 6 octobre 2014, constaté la caducité de l'assignation délivrée le 3 juin 2013 et le désistement d'instance de M. Chérif ; que M. Chérif ayant, avant même ce jugement, à nouveau assigné la société devant le Tribunal de commerce d'Evry, par acte du 4 juin 2014, ce tribunal de commerce s'est dessaisi au profit du Tribunal de commerce de Paris, par un jugement du 19 novembre 2014, prononcé à l'issue de débats tenus le 3 septembre 2014, contre lequel M. Chérif a formé un contredit ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société fait grief à l'arrêt de retenir la compétence du Tribunal de commerce d'Evry et de renvoyer les parties devant cette juridiction, après avoir déclaré recevable et fondé le contredit formé par M. Chérif alors, selon le moyen : 1°) que saisie par la voie d'un contredit de compétence contre la décision rendue sur la litispendance, la juridiction du second degré est tenue d'en apprécier les conditions au jour où le tribunal initialement saisi de cette exception a statué sans qu'il soit permis au contredisant d'invoquer un fait nouveau survenu a posteriori ; qu'il résulte des constatations auxquelles les juges du fond ont procédé que les conditions de la litispendance étaient réunies au jour où le Tribunal de commerce d'Evry a statué sur cette exception, à la date de clôture des débats, avant que le Tribunal de commerce de Paris ne constate l'extinction de l'instance du fait de la caducité de l'assignation ; qu'en décidant cependant que la litispendance avait cessé postérieurement à la clôture des débats devant le Tribunal de commerce d'Evry, du moment que le Tribunal de commerce de Paris avait constaté la caducité de l'assignation initiale du 3 juin 2013, quand le contredit de compétence dont elle était saisie lui interdisait de se fonder sur un fait nouveau pour en déduire que la litispendance avait cessé, la cour d'appel a commis un excès de pouvoir ; qu'ainsi, elle a violé les articles 561 et 562 du Code de procédure civile par fausse application, et les articles 79, 81, 100 et 104 du Code de procédure civile par refus d'application ; 2°) qu'en cas de renvoi devant une autre juridiction dans l'hypothèse prévue à l'article 79 du Code de procédure civile, l'instance régulièrement engagée devant le tribunal initialement saisi se poursuit devant le tribunal de renvoi ; qu'il s'ensuit que le prononcé de la caducité de l'assignation initiale par le tribunal de renvoi n'a d'effet que pour l'avenir sans la priver de son efficacité pour la période antérieure à la caducité ; qu'en affirmant, pour décider que la litispendance avait cessé, que la caducité de l'assignation initiale du 3 juin 2013 entraînerait nécessairement l'anéantissement rétroactif de tous ses effets, bien qu'elle ait été prononcée par le Tribunal de commerce de Paris qui avait été saisi sur déclaration d'incompétence du Tribunal de commerce d'Evry par un jugement définitif du 8 janvier 2014, la cour d'appel a violé les articles 100 et 853 du Code de procédure civile ; 3°) que, la litispendance ne cesse que pour autant que la juridiction saisie en premier ait mis fin définitivement à l'instance dont elle est saisie ; qu'en s'abstenant de vérifier qu'il avait été mis fin définitivement à l'instance suivie devant le Tribunal de commerce de Paris par la caducité de l'assignation initiale qu'il était encore au pouvoir du juge de rapporter, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 100 et 407 du Code de procédure civile ;

Mais attendu que la société n'ayant pas soutenu devant la cour d'appel que le Tribunal de commerce de Paris avait rapporté la caducité de l'assignation ayant introduit l'instance dont il était saisi le moyen est, en sa troisième branche, nouveau et mélangé de fait et de droit ;

Et attendu que la cour d'appel, investie de la connaissance de l'exception de litispendance par l'effet du contredit, apprécie l'existence d'une situation de litispendance au jour où elle statue ; qu'ayant relevé que le Tribunal de commerce de Paris avait prononcé la caducité de l'assignation et exactement retenu que la caducité de la citation entraîne l'extinction de l'instance, mettant ainsi en évidence qu'au jour où elle statuait seul le Tribunal de commerce d'Evry demeurait saisi d'une instance, la cour d'appel a par ces seuls motifs justifié sa décision de renvoyer les parties devant ce tribunal de commerce ; d'où il suit que le moyen irrecevable en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le second moyen : - Attendu que la société fait encore le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, qu'il résulte de l'article D. 442-3 du Code de commerce que seules les juridictions commerciales énumérées à l'annexe 4-2-1, sont investies du pouvoir juridictionnel de statuer sur les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce, même dans le silence du demandeur qui s'abstient de citer les termes de ce texte au soutien de ses prétentions ; qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que le Tribunal de commerce d'Evry était saisi par M. Chérif d'une action identique par son objet et par sa cause à celle qu'il avait renvoyée devant le Tribunal de commerce de Paris, en application des articles D. 442-3 et L. 442-6 du Code de commerce ; qu'en retenant la compétence du Tribunal de commerce d'Evry pour statuer sur la seconde assignation de M. Chérif qui ne vise pas expressément les dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce, sans rechercher, au besoin d'office, si ce texte n'est pas relatif à l'application du litige, ce qui prive le Tribunal de commerce d'Evry de toute aptitude à en connaître, même en cas de dessaisissement du Tribunal de commerce de Paris, la cour d'appel a violé les dispositions précitées, ensemble l'article 125 du Code de procédure civile ;

Mais attendu que pour apprécier les droits à commissions tirés d'un contrat d'apporteur d'affaires au titre de commandes qui ont déjà été honorées, les juges du fond n'ont pas à faire application de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ; d'où il suit que le moyen est inopérant ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.