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Décisions

Cass. com., 1 mars 2017, n° 15-20.848

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Bricodeal solutions (SAS)

Défendeur :

Raco France (SAS), Ricomaster Entreprise Corporation (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Orsini

Avocat général :

Mme Pénichon

Avocats :

SCP Piwnica, Molinié, SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin

T. com. Bordeaux, du 18 févr. 2011

18 février 2011

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 mai 2015), que la société Bricodeal solutions (la société Bricodeal) a assuré, à partir de l'année 2000, la distribution, à titre exclusif, en France, des produits fabriqués par la société Ricomaster Entreprise Corporation (la société Ricomaster), société de droit taïwanais; que le 20 novembre 2008, cette dernière lui a annoncé la création, à la fin de la même année, d'une filiale, la société Raco France, laquelle serait seule responsable de la commercialisation et de la distribution de ses produits en France; que s'estimant victime de la rupture brutale d'une relation commerciale établie et d'actes de concurrence déloyale, la société Bricodeal a assigné les sociétés Ricomaster et Raco France en réparation de ses préjudices ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société Bricodeal fait grief à l'arrêt du rejet de ses demandes de dommages-intérêts pour défaut de préavis alors, selon le moyen : 1°) que, sauf circonstances particulières, l'octroi d'un préavis suppose le maintien de la relation commerciale aux conditions antérieures ; qu'ainsi en l'absence de faute commise par un distributeur exclusif de produits, celui-ci doit continuer à bénéficier de son exclusivité de distribution pendant la durée du préavis afin de pouvoir mettre à profit cette période pour se réorganiser : que commet une faute générant nécessairement un préjudice celui qui ne respecte pas une obligation d'exclusivité et occasionne un gain manqué à son bénéficiaire ; qu'en affirmant que la société Bricodeal ne justifiait d'aucun préjudice, après avoir constaté la rupture sans préavis de son exclusivité de distribution tandis qu'elle aurait dû bénéficier d'un préavis de 6 mois expirant en mai 2009, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ; 2°) que, sauf circonstances particulières, l'octroi d'un préavis suppose le maintien de la relation commerciale aux conditions antérieures ; qu'ainsi en l'absence de faute commise par un distributeur exclusif de produits, celui-ci doit continuer à bénéficier de son exclusivité de distribution pendant la durée du préavis afin de pouvoir mettre à profit cette période pour se réorganiser ; que la réparation intégrale du préjudice lié à l'absence d'un préavis suffisant impose de prendre en compte la marge commerciale brute dont la victime de la rupture a été privée du fait de l'inexécution du préavis ; qu'en retenant, pour considérer que la société Bricodeal n'avait pas subi de préjudice malgré la rupture sans préavis de son contrat de distribution exclusive, qu'elle avait reçu des livraisons en 2009, s'échelonnant de janvier à juin 2009 et que le montant cumulé de ces livraisons dépasse 1,5 million d'euros, tout en constatant qu'elles correspondaient à des commandes effectuées entre septembre et décembre 2008, c'est-à-dire avant la rupture de la relation commerciale, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constations, a violé l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ;

Mais attendu qu'après avoir retenu que la société Bricodeal devait bénéficier d'un préavis de six mois, à compter du 20 novembre 2008, date à laquelle la société Ricomaster lui avait notifié son intention de confier à sa propre filiale la distribution de ses produits en France, l'arrêt relève que la société Bricodeal a reçu, de janvier à juin 2009, des livraisons de la part de la société Ricomaster, correspondant à des commandes effectuées entre septembre et décembre 2008, et que le montant cumulé de ces livraisons a dépassé 1,5 million d'euros ; qu'il retient que la marge opérée sur ces ventes, effectuées durant l'exécution du préavis, doit être déduite de l'indemnité de rupture brutale et relève qu'en appliquant un taux de marge de 42 %, la marge opérée sur ces achats dépasse l'indemnité sollicitée par la société Bricodeal; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que la relation commerciale s'était maintenue, dans les conditions antérieures, pendant la durée du préavis, la cour d'appel a pu retenir que la société Bricodeal n'avait pas subi de préjudice et, en conséquence, rejeter sa demande de dommages-intérêts ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen : - Attendu que la société Bricodeal fait grief à l'arrêt du rejet de ses demandes de dommages-intérêts pour concurrence déloyale alors, selon le moyen : 1°) que le fait, pour une société de rompre sans préavis une relation commerciale établie impliquant une exclusivité ou une quasi exclusivité de distribution au profit de son partenaire et de se présenter aussitôt désormais comme l'unique distributeur de ses produits implique nécessairement un détournement de la clientèle de son ancien distributeur constitutif de concurrence déloyale ; qu'en considérant qu'aucun détournement de clientèle n'était démontré après avoir constaté que la société Ricomaster avait rompu sans préavis le contrat de distribution exclusive de ses produits dont la société Bricodeal bénéficiait pour confier aussitôt à sa propre filiale la distribution exclusive de ses produits en France, ce dont il résultait que les sociétés Ricomaster et Raco France avaient nécessairement détourné la clientèle de la société Bricodeal, ancien distributeur exclusif des produits en France, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1382 du Code civil ; 2°) que le seul fait de solliciter, dans la perspective de la création d'une société, l'aide des salariés d'une entreprise concurrente et de les inciter à la quitter pour rejoindre la nouvelle entité à créer, suffit à caractériser un acte de concurrence déloyale par débauchage fautif ; qu'en se bornant à affirmer, pour exclure tout débauchage de salariés, que le contrat de travail de l'ensemble des salariés de Bricodeal avait été rompu plusieurs mois avant la création de la société Raco France, la cour d'appel qui a statué par des motifs insusceptibles d'exclure tout acte de concurrence déloyale, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 3°) que le départ simultané de plusieurs salariés exerçant des fonctions importantes dans une société pour rejoindre la même entreprise concurrente caractérise un acte de concurrence déloyale lorsque cette circonstance a pour objet ou pour effet de désorganiser la société ; qu'en se bornant à affirmer, pour exclure tout débauchage fautif de salariés, que le contrat de travail de l'ensemble des salariés de Bricodeal avait été rompu plusieurs mois avant la création de la société Raco France, sans vérifier, comme elle y avait été invitée, si ces départs simultanés dans la seule perspective de créer une structure concurrente reprenant la distribution des mêmes produits n'avait pas désorganisé l'équipe commerciale de la société Bricodeal, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que lorsqu'une cour d'appel répond à une prétention dans les motifs de son arrêt sans qu'aucun chef du dispositif de celui-ci n'énonce sa décision sur ce point, elle commet une omission de statuer qui peut être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du Code de procédure civile ; que dans une telle hypothèse, les moyens qui critiquent les motifs ne sont pas recevables ; que tel étant le cas en l'espèce, le moyen est irrecevable ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.