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Décisions

Cass. com., 1 mars 2017, n° 15-12.785

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Euroports Road Transport France (SAS) , Ciben (Sasu)

Défendeur :

Sotraloma (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Tréard

Avocat général :

Mme Pénichon

Avocats :

SCP Foussard, Froger, SCP de Chaisemartin, Courjon

T. com. Lille, du 20 déc. 2012

20 décembre 2012

LA COUR : - Attendu, selon les arrêts attaqués (Paris, 30 octobre 2014 rectifié le 15 janvier 2015), que les sociétés Ciben et Manuport Road transport France, devenue la société Euroports Road Transport France (la société Euroports), ont confié pendant plusieurs années à la société Sotraloma l'acheminement de marchandises ; que se prévalant d'une dégradation économique et de la concurrence déloyale de la société Sotraloma, les sociétés Ciben et Euroports ont rompu, par une lettre reçue le 2 mars 2010, leurs relations commerciales avec cette société à compter du 10 mars suivant ; que la société Sotraloma a assigné les sociétés Euroports et Ciben en réparation du préjudice résultant de la rupture brutale de relations commerciales établies et en paiement de factures ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu que les sociétés Euroports et Ciben font grief à l'arrêt de les condamner, après rectification, à payer respectivement la somme de 696 237,60 euros et celle de 224 968 euros à la société Sotraloma alors, selon le moyen : 1°) que, s'agissant de l'objet social de la société Sotraloma, les juges du fond devaient se demander si les statuts du 24 juin 2011, postérieurs à la période litigieuse (1999-2010), étaient pertinents et rechercher corrélativement s'il ne convenait pas d'apprécier l'objet de la société Sotraloma au vu des éléments invoqués et produits par les sociétés Euroports et Ciben, et faisant apparaître que la société Sotraloma se livrait à une activité de transport routier de fret interurbain ; qu'en s'abstenant de procéder à cette recherche, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et L. 132-8 du Code de commerce ; 2°) que les juges du fond doivent procéder à la qualification des conventions en s'attachant aux droits et obligations respectifs des parties, sans pouvoir se fonder sur les dénominations ou qualifications retenues par les parties, a fortiori lorsqu'il s'agit, comme en l'espèce, de faire tomber une présomption ; qu'en s'attachant essentiellement, au cas d'espèce, aux faits que des témoins ou des documents usaient du terme de location, ce constat était indifférent, les juges du fond ont violé les articles 12 et 1134 du Code civil, ensemble l'article L. 132-8 du Code de commerce ; 3°) que l'acheminement se faisant, par principe, dans le cadre d'un contrat de transport, le contrat de location de véhicules étant l'exception et le contrat de transport devant être présumé, il était exclu que les juges du fond puissent retenir que la présomption était renversée au motif que la société Sotraloma ne disposait pas de la maîtrise de l'ensemble des opérations de transport ; qu'en effet, dans le cadre d'un contrat de sous-traitance, la société Sotraloma recevait nécessairement des directives de la part des sociétés Euroports et Ciben ; qu'à cet égard, l'arrêt attaqué est dépourvu de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et L. 132-8 du Code de commerce ;

Mais attendu que le contrat de sous-traitance de transport se distingue du contrat de location de véhicule avec conducteur en ce que le transporteur sous-traitant a la libre utilisation de ses moyens sans que l'opérateur de transport ne puisse s'y opposer d'une façon quelconque, à la différence du loueur de véhicule avec conducteur qui n'assume pas la maîtrise des opérations de transport ; que l'arrêt relève d'abord que des factures mensuelles émises par la société Sotraloma portaient l'intitulé " location du mois de... " et désignaient l'objet de la prestation par la mention " location ensemble benne ", et que les lettres échangées entre les parties faisaient état de la location du matériel roulant et de l'entière maîtrise des opérations de transport par les sociétés Euroports et Ciben ; que l'arrêt relève ensuite que, selon les témoignages recueillis auprès des salariés de la société Sotraloma, les véhicules étaient en location et que les chauffeurs recevaient leurs ordres directement des sociétés Euroports et Ciben ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, rendant inopérante la recherche invoquée par la première branche, la cour d'appel a pu retenir que les contrats liant les sociétés Euroports et Ciben à la société Sotraloma devaient être qualifiés de contrats de location de véhicule avec conducteur ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen : - Attendu que les sociétés Euroports et Ciben font le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen : 1°) qu'avant de déterminer si les sociétés MRT France et Ciben pouvaient mettre un terme à la relation, sans préavis, ou au terme d'un préavis abrégé, les juges du fond devaient rechercher, comme il leur était demandé, si, quand bien même la société Sotraloma n'aurait pas été dirigeant de la société Escoort, elle n'avait pas manqué à ses obligations en participant à des opérations de concurrence déloyale menées avec un tiers ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ; 2°) qu'en tout cas, les juges du fond ne pouvaient statuer comme ils l'ont fait sans s'interroger sur le point de savoir si les difficultés économiques éprouvées ne justifiaient pas que les sociétés MRT France et Ciben aient mis un terme à la relation en usant d'un délai de préavis abrégé, comme il était encore demandé ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point, les juges du fond ont de nouveau privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ;

Mais attendu qu'ayant constaté qu'après une première notification de rupture en décembre 2009, les relations commerciales avaient été reprises jusqu'en mars 2010, date à laquelle elles avaient à nouveau été rompues, cette rupture étant assortie d'un préavis de huit jours, ce qui excluait l'existence de manquements graves de la société Sotraloma, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer la recherche invoquée par la première branche, que ses constatations rendaient inopérante, ni à s'expliquer sur les circonstances invoquées par la seconde branche, qui ne relevaient pas d'un cas de force majeure, a pu retenir que la rupture brutale des relations commerciales nouées entre la société Sotraloma et les sociétés MRT et Ciben engageait la responsabilité de ces dernières ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen : - Attendu que les sociétés Euroports et Ciben font le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, que pour fixer la durée du préavis, les juges du fond doivent tenir compte, non seulement de l'ancienneté de la relation, mais également des autres circonstances ; qu'à cet égard, il est indispensable qu'ils s'expliquent sur le point de savoir de quel délai l'entreprise qui subit la rupture a besoin pour reconstituer une clientèle ou se redéployer vers une autre activité ; qu'en se bornant à évoquer, dans ses déclarations, sans évoquer nulle autre circonstance et notamment les délais dont la société Sotraloma avait éventuellement besoin, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ;

Mais attendu qu'aux conclusions de la société Sotraloma qui se prévalait d'un délai de préavis respectivement de vingt-quatre et douze mois, les sociétés Euroports et Ciben se sont bornées à opposer l'absence de perte de chiffre d'affaires subie ; qu'en cet état, il ne peut être reproché à la cour d'appel de ne pas avoir effectué une recherche qui ne lui était pas demandée ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le cinquième moyen : - Attendu que les sociétés Euroports et Ciben font encore le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, que l'action instituée par l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce est de nature indemnitaire ; qu'elle ne peut dès lors déboucher à une condamnation excédant le préjudice effectivement subi ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme le demandaient les sociétés Euroports et Ciben si, à la suite de la rupture, et libérée de ses obligations à l'égard des sociétés MRT France et Ciben, la société Sotraloma n'avait pas mobilisé les moyens dont elle disposait pour réaliser des affaires avec des entreprises tierces, atteindre le chiffre d'affaires qu'elle atteignait précédemment, et si dès lors, cette circonstance ne devait pas minorer à due concurrence l'étendue de son préjudice ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ;

Mais attendu qu'ayant justement énoncé que le préjudice résultant d'une insuffisance de préavis devait être évalué en considération de la durée du préavis jugé nécessaire et qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte des résultats d'exploitation de la victime de la rupture au cours de la période considérée, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.