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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 2 mars 2017, n° 15-15661

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Verquin (SAS)

Défendeur :

Taxisland-Orange (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dabosville

Conseillers :

Mmes Schaller, du Besset

Avocats :

Mes Putman, Ahmedi

T. com. Paris, 13e ch., du 7 avr. 2015

7 avril 2015

FAITS ET PROCÉDURE

La société Taxisland-Orange aux droits de laquelle se présente la société Taxisland-Orange est une société de transport de personnes en taxis.

Elle a conclu un contrat le 14 décembre 2006 avec la société Verquin Explorer Management - ci-après Verquin - qui exploite un hôtel.

Ce contrat avait pour objet de mettre à la disposition des clients de Verquin les coordonnées de Taxisland lorsque ces derniers lui demandaient de leur appeler un taxi.

Le 24 septembre 2012, Verquin a dénoncé ce contrat en accordant le préavis contractuel de trois mois. La prestation s'est toutefois poursuivie après l'expiration de ce préavis pour ensuite être rompue définitivement en juillet 2013.

C'est dans ces conditions que la société Taxisland a fait assigner en référé le 4 décembre 2013 la société Verquin Explorer Management pour rupture contractuelle abusive.

Le Tribunal de commerce de Meaux s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de commerce de Paris.

Par jugement rendu le 7 avril 2015, le Tribunal de commerce de Paris a :

Condamné la SAS Verquin Explorers management sous le nom commercial " Hotel Explorers " à payer à la SARL Taxisland Orange la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice causé par sa rupture abusive du contrat conclu entre les parties.

Condamné la SAS Verquin Explorers Management sous le nom commercial " Hotel Explorers " à payer à la SARL Taxisland Orange la somme de 1 500 euros la déboutant pour le surplus au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Rejeté toutes prétentions autres, plus amples ou contraires des parties, les en a déboutées.

Condamné SAS Verquin Explorers management sous le nom commercial " Hotel explorers " aux dépens dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 82,44 euros dont 13,52 euros de TVA.

Vu l'appel interjeté le 20 juillet 2015 par la société Verquin Explorers Management contre cette décision :

Vu les dernières conclusions signifiées par la société Verquin Explorers Management le 4 janvier 2017 par lesquelles il est demandé à la cour de :

Vu les articles 1134 et 1147 anciens du Code civil,

Vu le contrat du 14 décembre 2006 modifié par son avenant du 8 février 2010,

Vu les présentes écritures,

- Déclarer la SAS Verquin Explorers Management recevable et bien fondée en ses écritures ;

- Infirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Paris en date du 7 avril 2015 en toutes ses dispositions ;

En conséquence et statuant à nouveau :

- Débouter la SARL Taxisland-Orange de l'ensemble de ses demandes ;

- Condamner la SARL Taxisland-Orange à verser la SAS Verquin Explorers Management la somme de 8 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner la SARL Taxisland-Orange aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions signifiées par la société Taxisland Orange le 14 décembre 2016 par lesquelles il est demandé à la Cour de :

Vu les articles 1134 et 1174 du Code civil

Vu le contrat de transport de personnes par taxi en date du 14 décembre 2006 et son avenant du 8 février 2010.

- Confirmer le jugement rendu 7 avril 2015 le Tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a, à bon droit, condamné la société Verquin Explorers Management à réparer le préjudice constitué par la rupture abusive du contrat de transport de personnes par taxi et son avenant les liant à la société Taxisland Orange.

- Réformer le jugement sur le montant des sommes allouées.

Statuant à nouveau,

- Condamner la société Verquin Explorers Management à payer à la société Taxisland Orange la somme de 62 379,16 euros au titre de la réparation du préjudice subi de juillet à décembre 2013.

- Condamner la société Verquin Explorers Management à payer à la société Taxisland Orange la somme de 149 710 euros au titre de la réparation du préjudice causé au titre de l'année 2014,

A titre subsidiaire,

- Condamner la société Verquin Explorers Management à payer à la société Taxisland Orange la somme de 76 800 euros au titre de la réparation du préjudice causé au titre du délai de prévenance de l'article 5 du contrat d'une durée irréductible de cinq mois.

A titre infiniment subsidiaire,

Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Verquin Explorers Management à payer à la société Taxisland Orange, la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi.

En tout état de cause,

- Débouter la société Verquin Explorers Management de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- Condamner la société Verquin Explorers Management à payer à la société Taxisland Orange la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

La société Verquin se prévaut de la faculté qu'elle avait contractuellement de résilier le contrat sous réserve d'un préavis de trois mois, qu'elle a respecté dans son courrier du 24 septembre 2012 le préavis ayant même été prolongé au 31 janvier 2013 pour tenir compte de la date de réception du courrier ; que la société Taxisland-Orange n'avait elle-même jamais discuté de la validité de cette résiliation ; que suite à des problèmes avec la préfecture de Melun dans la gestion des agréments d'entreprise, elle a eu recours ponctuellement aux services de la société Taxisland-Orange, ce qui ne constitue pas une prolongation tacite du contrat, qui en outre ne bénéficiait d'aucune exclusivité ; que la société Taxisland-Orange ne justifie, en tout état de cause, d'aucun préjudice.

La société Taxisland-Orange oppose, au visa des articles 1134 et 1147 du Code civil, que, ainsi que l'a relevé le premier juge, la résiliation initiale n'a pas été effective puisque, jusqu'au 1er août 2013, la société Verquin a eu recours à ses services sur les mêmes bases qu'antérieurement, ce qui traduit une renonciation tacite à la résiliation et une reconduction du contrat ; que le contrat reposait sur une notion d'exclusivité qu'a rompue la société Verquin en affichant depuis août 2013 la grille tarifaire d'une entreprise concurrente.

Cela etant exposé, LA COUR,

Il sera rappelé que les parties se sont expressément placées sous le seul régime des dispositions des articles 1134 et 1147 du Code civil.

Force est cependant de constater que la société Taxisland-Orange fait dans ses conclusions implicitement référence à celles de l'article L 442-6, I, 5° du Code de commerce sans citer ce texte ; ainsi, tout en sollicitant la poursuite du contrat jusqu'à son terme, elle invoque une " rupture brutale des relations commerciales " et un état de dépendance.

Le premier juge a validé cette thèse en appliquant les principes spécifiques de la rupture sans préavis des relations commerciales établies définis à l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, selon lequel : "engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

5) de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels (...) ".

La responsabilité encourue par l'auteur d'une telle rupture est de nature délictuelle.

Or le tribunal a fixé un délai de préavis et statué sur le préjudice de la société Taxisland-Orange sur la base de l'impossibilité qui en découlait pour elle de facturer des prestations à des clients de Verquin qui auraient eu connaissance de son offre.

Mais le litige ne peut reposer sur la fusion de deux fondements juridiques différents, délictuels et contractuels et, au visa des articles 1134 et 1147 du Code civil invoqués par la société Taxisland-Orange, il convient de revenir aux accords liant les parties.

Le contrat signé le 14 décembre 2006 mentionnait en son article premier que PPMF (la société Verquin) " s'engage(ait) à mettre à la disposition (de ses clients le numéro d'appel de la société Taxisland-Orange qui s'engage de son côté à assurer les demandes des clients de PPMF afin que ceux-ci soient transportés dans les meilleures conditions ".

A cet effet le contrat prévoyait diverses modalités et obligations réciproques en termes d'affichage, de procédures de réservation, de tarifs. Aucune clause d'exclusivité n'y figurait et la société Taxisland-Orange, qui en invoque l'existence de fait, ne justifie pas qu'elle assurait à elle seule les prestations des clients de l'hôtel, quand bien même l'existence de cet accord lui accordait un avantage évident sur ce point.

Il n'est pas discuté que ce contrat a été rompu à dater de janvier 2013.

La circonstance que la société Verquin ait de nouveau fait appel aux services de la société Taxisland-Orange ne signifie pas qu'elle le faisait sur la base des dispositions contractuelles définies en 2006, qui étaient devenues caduques, et il ne lui était pas interdit de recourir à ces prestations, comme de faire appel à d'autres concurrents, sans pour autant que ces demandes vaillent à titre de résurgence d'un accord spécifique antérieur qu'elle avait résilié dans sa globalité. Ces prestations étaient en conséquence usuelles et la société Taxisland-Orange ne soutient du reste pas que ce faisant, les processus très précis définis en 2006 aient été de nouveau appliqués.

Dès lors la cessation des relations commerciales entretenues temporairement par la société Verquin entre février et juillet 2013 était indépendante du contrat initial et ne relevait pas, au rebours de ce que soutient la société Taxisland-Orange, des clauses de ce dernier, sur la base desquelles l'intéressée réclame réparation du préjudice qu'elle prétend avoir subi.

Le jugement est en conséquence infirmé.

Aucune considération tirée de l'équité ne conduit à faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : Infirme le jugement en toutes ses dispositions. Statuant à nouveau, Déboute la société Taxisland-Orange de ses demandes. Rejette toutes autres demandes. Condamne la société Taxisland-Orange aux dépens de première instance et d'appel.