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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 10, 27 février 2017, n° 15-12029

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Garage Jean-Charles Nacci (SAS)

Défendeur :

Autos Diffusion Saint-Etienne (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Loos

Conseillers :

Mmes Simon-Rossenthal, Castermans

Avocats :

Mes Grappotte-Benetreau, Bertin, Regnier, Bourgeon

T. com. Lyon, du 5 mai 2015, n° 2014J157…

5 mai 2015

Faits et procédure

La société garage Jean-Charles Nacci (alors exploité en nom propre), ci-après dénommé garage Nacci, est devenue agent Renault le 2 janvier 1981 en vertu d'un premier contrat conclu avec la Régie Nationale des Usines Renault (RNUR) qui l'a rattachée à sa succursale de Saint-Etienne.

Le garage Nacci a conclu plusieurs contrats avec la RNUR devenue après sa privatisation Renault SA, puis avec sa filiale de distribution Renault France Automobiles par la suite dénommée Rea Group, puis à compter de 2008, Renault Retail Group (RRG).

Suite à l'entrée en vigueur du règlement européen d'exemption par catégories des accords de distribution automobile CE 1400/2002, le garage Nacci a conclu le 5 septembre 2003 avec RFA un " contrat d'agent service acheteur revendeur " dénommé " ASAR ", tout en continuant d'être rattaché à la succursale RFA de Saint-Etienne.

Le garage Nacci est parallèlement devenu ASAR Dacia, autre marque du groupe Renault lorsque celui-ci a en a repris la distribution.

Le 24 juillet 2008, le groupe Thivolle, exploitant de nombreuses concessions indépendantes en région Rhône-Alpes, a constitué une société ADSE afin d'acquérir auprès de RRG les actifs de sa succursale Renault de Saint-Etienne et d'en poursuivre l'exploitation, reprenant alors, sans le modifier, son réseau d'agents préexistant.

Le 18 mai 2009, ADSE a décidé de régulariser, cette fois en son nom, de nouveaux contrats d'ASAR Renault et Daccia avec le garage Nacci dont la teneur était identique à ceux précédemment conclus et exécutés entre le garage Nacci et la filiale du constructeur Renault, RRG.

La compatibilité des accords de distribution automobile avec les règles communautaires de concurrence était soumise jusqu'en juin 2013 au respect de conditions définies par un règlement d'exemption spécifique à ce secteur d'activité, le règlement CE 1400/2002.

Compte tenu de la venue à expiration de ce règlement et de l'entrée en vigueur de nouvelles conditions d'exemption découlant d'autres règlements communautaires (CE 330/2010 et 461/2010), Renault a notifié par courriers du 14 décembre 2011 à la société ADSE, comme à l'ensemble des concessionnaires Renault et Dacia, la résiliation des contrats de concession à durée indéterminée en cours moyennant le préavis de 2 ans prévu à leur article 16.1.1.

Par courriers du 22 février 2012, la société ADSE a notifié la résiliation de ses contrats d'agent service acheteur - revendeur Renault et Dacia pour l'échéance de décembre 2013 pour laquelle Renault avait dénoncé ses propres contrats de concession, soit avec un préavis de moins de 22 mois.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 décembre 2013, ADSE a opposé au garage Nacci la tardiveté de ses candidatures en vue d'être agréé en qualité de réparateur Renault et Dacia.

Le garage Nacci a assigné la société ADSE devant le Tribunal de commerce Lyon pour obtenir réparation des préjudices subis.

Par jugement du 5 mai 2015, le Tribunal de commerce de Lyon a condamné la société Auto Diffusion Saint Etienne à payer au garage Nacci la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du préavis contractuel, débouté le garage Nacci du surplus de ses demandes et condamné en outre la société Auto Diffusion Saint Etienne au paiement de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Il a ordonné l'exécution provisoire.

La société Garage Nacci a relevé appel de ce jugement le 15 juin 2016.

Par conclusions notifiées le 4 novembre 2016, la SAS Garage Jean-Charles Nacci demande à la cour, au visa des articles 1134 alinéas 1 et 3 et 1382 du Code civil, L. 442-6 I 5° du Code de commerce et 12 du Code de procédure civile, de débouter la société Autos Diffusion Saint-Etienne de l'intégralité de ses demandes et de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné cette dernière à lui payer la somme de 50 000 euros de dommages et intérêts et celle de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du CPC et de l'infirmer pour le surplus de ces dispositions.

Elle prie la cour de juger que la ADSE a engagé sa responsabilité contractuelle en exécutant de mauvaise foi ses obligations contractuelles, puis en rompant de façon déloyale et abusive les contrats d'agent ASAR Renault et Dacia du garage Jean-Charles Nacci et qu'elle a engagé sa responsabilité délictuelle en refusant d'agréer la candidature du garage Nacci en qualité de réparateur R2 Renault et Dacia de façon injustifiée et de condamner cette dernière à lui payer la somme de 1 492 671 euros - 50 000 euros, soit 1 442 671 euros à titre de dommages et intérêts.

Elle sollicite la condamnation de la société ADSE à lui payer la somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens dont distraction au profit de la SCP Grappotte Benetreau conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

Par conclusions notifiées le 7 novembre 2016, la société ADSE demande à la cour de dire la société garage Jean-Charles Nacci recevable mais mal fondée en son appel principal et de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société garage Jean-Charles Nacci de ses demandes au titre de la rupture de la relation commerciale entretenue avec la société ADSE et du refus d'agréer la candidature de la société garage Jean-Charles Nacci à la conclusion de contrats de réparateur agréé Renault et Dacia.

Elle prie la cour de la dire recevable et fondée en son appel incident, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit suffisant le préavis avec lequel elle a mis fin à sa relation commerciale avec la société garage Jean-Charles Nacci, de l'infirmer en ce qu'il l'a condamné au paiement de 50 000 euros de dommages et intérêts à raison du non-respect des délais de préavis contractuel de 24 mois prévus par les contrats d'agent Renault et Dacia du 18 Mai 2009 et d'ordonner la restitution par la société garage Jean-Charles Nacci des sommes de 50 000 euros de dommages et intérêts et 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile perçus par cette dernière en vertu de l'exécution provisoire.

Elle sollicite la condamnation de société garage Jean-Charles Nacci à payer à la société ADSE la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La clôture de l'instruction est intervenue par ordonnance du 14 novembre 2016.

SUR CE,

Il convient de préciser, à titre liminaire, que les contrats d'agent Renault Service et d'agent Dacia du 18 mai 2009 sont des contrats conclus entre ADSE en sa qualité de concessionnaire Renault et Dacia et la société Garage Nacci en sa qualité d'agent Renault et d'agent Dacia qui exerce ses activités en tant que membre des réseaux Renault et Dacia qui sont des réseaux dénommés " secondaires " qui assurent la commercialisation des pièces de rechange Renault et Dacia et un service de réparation et d'entretien de proximité pour la clientèle sans préjudice pour l'agent de procéder à des ventes actives au sein de l'espace économique européen. L'agent Renault et l'agent Dacia sont des commerçants indépendants et ne sont pas des mandataires des constructeurs ou concessionnaires.

La société Garage Nacci soutient que la société ADSE a engagé sa responsabilité contractuelle en :

exécutant de mauvaise foi ses obligations contractuelles,

en rompant de façon déloyale et abusive les contrats d'agent

et que les résiliations sont nulles car fondées sur les articles 10.2 et 10.5 des contrats d'agent Renault et Dacia

Sur la résiliation des contrats

La société Garage Nacci soutient que la société ADSE a procédé à la résiliation tardive des contrats d'agent, soit 2 mois et 8 jours après la notification de la résiliation de ses propres contrats de concession par la société Renault le 14 décembre 2011 avec un préavis de 24 mois à effet du 20 décembre 2013 lui octroyant une semaine supplémentaire pour pouvoir informer ses agents de la résiliation de plein droit de leurs contrats au moins 24 mois avant leur terme et que le terme était fixé non pas au 20 décembre 2013 mais au 13 décembre 2013, en contravention avec les articles 10.7 et 9.7 des contrats d'agent Renault et Dacia qui imposaient à ADSE d'informer sans délai l'agent de la notification du préavis de résiliation de ses contrats de concession par Renault, par lettre recommandée.

Elle ajoute qu'en réalité, ADSE n'avait pas à résilier les contrats d'agent mais simplement à informer la société Garage Nacci de la résiliation de ses propres contrats qui entraînait de plein droit celle des contrats d'agent à effet du 20 décembre 2013 et non au 13 décembre 2013, conformément aux articles 10.7 et 9.7 des contrats et qu'en outre, la résiliation est nulle en ce qu'elle est fondée sur les articles 10.1 et 9.1 relatifs à l'existence de griefs et que les lettres de résiliation ne comportent aucun grief et que la société ADSE n'a jamais informé la société Garage Nacci de son intention de ne pas la maintenir dans son réseau d'agents à l'échéance du 13 décembre 2013.

Ceci exposé, il convient de souligner que l'article 10.7 du contrat d'agent Renault et 9.7 du contrat d'agent Dacia, disposent que :

" Les droits de l'agent Renault Service (ou agent Dacia Service) ne pouvant excéder ceux consentis au concessionnaire par le constructeur, le contrat d'agent Renault service sera résilié de plein droit sans formalité préalable à la date de cessation du contrat de concession, quelle qu'en soit la cause.

Toutefois, dans l'hypothèse où le contrat de concession cesserait à la suite d'un préavis donné par le concessionnaire ou constructeur ou par le constructeur au concessionnaire le concessionnaire s'engage à informer sans délai l'agent Renault Service (ou agent Dacia Service) de la notification du préavis par lettre recommandée avec accusé de réception ".

En conséquence et ainsi que le souligne la société Garage Nacci dans ses écritures, ADSE n'avait pas à résilier les contrats d'agent mais à informer sans délai la société Garage Nacci de la résiliation par Renault et Dacia de ses propres contrats de concession ce qui, conformément aux articles 10.7 et 0.8 des contrats d'agent Renault et Dacia, entraînait la résiliation de plein droit des contrats d'agent à la date d'effet de la résiliation des contrats de concession, soit en l'espèce, au 20 décembre 2013, sans qu'il soit fait recours à l'article disposant un préavis contractuel de 24 mois.

Il résulte des pièces produites et notamment des lettres de résiliation, que la résiliation par ADSE des contrats d'agent Renault et Dacia la liant à la société Garage Nacci est la conséquence directe de la résiliation par la société Renault des contrats de concession la liant à ADSE intervenue le 14 décembre 2011 aux fins d'adaptation de nouveaux contrat aux normes européennes, de sorte que l'invocation par ADSE de manière erronée des articles 10.1 et 9.1 relatifs à la réalisation des contrats pour manquement par l'agent aux obligations essentielles est une simple erreur matérielle n'ayant causé à la société Garage Nacci aucun grief et qui ne saurait entacher de nullité lesdites résiliations.

La société Renault a notifié à ADSE la résiliation des contrats de distribution Renault et Dacia par courriers recommandés avec accusé de réception du 14 décembre 2011 moyennant un préavis de 24 mois plus une semaine, avec effet au 20 décembre 2013 en précisant qu'elle proposerait à ADPSE de nouveaux contrats qui entreront en vigueur à l'expiration de ses contrats actuels.

Ce n'est que le 22 février 2012, soit plus de 2 mois après la résiliation par Renault des contrats de concession, que la société ADSE a notifié au Garage Nacci la résiliation de ses contrats d'agent Renault et Dacia à effet du 13 décembre 2013, ce qui représente un préavis de 21 mois et 20 jours.

Le fait que la société ADSE aurait précisé dans un courrier de résiliation adressé à un autre agent qu'elle avait l'intention de lui proposer un nouveau contrat sous différentes conditions ne peut établir a contrario, contrairement à ce que soutient ADSE, qu'elle avait mené une réflexion pendant deux mois qui l'aurait conduite en février 2012 à ne pas renouveler les contrats du garage Nacci dans le cadre d'une réorganisation de son réseau d'agents, puisque elle ne conteste pas que, sur les 28 agents dont le contrat a été renouvelé par ADSE, 9 d'entre eux ont reçu un courrier de résiliation dont les termes sont identiques à ceux adressés au garage Nacci. Il est d'ailleurs curieux de constater que si elle avait, dès février 2012, pris la décision de ne pas renouveler les contrats d'agent, elle n'en n'ait pas informé le garage Nacci dans ses courriers de résiliation du 22 février 2012 mais uniquement par courriers des 25 et 30 octobre 2013 aux termes desquels elle demandait au garage Nacci de faire disparaître de ses locaux et supports commerciaux toute inscription, objet, documents portant les marques Renault et Dacia. Enfin, par courrier, du 20 février 2013, elle indiquait au garage Nacci que si ses performances commerciales perduraient pour 2013, cela pourrait remettre en cause son statut d'ASAS, ceci établit a contrario qu'au 22 février 2012, elle n'avait pas remis en cause le principe du renouvellement des contrats.

Ainsi, il est établi que la volonté d'ADSE de ne pas renouveler les contrats d'agent la liant au garage Nacci et de mettre fin aux relations contractuelles des parties n'a été portée à la connaissance du garage Nacci que par courriers des 25 et 30 octobre 2013 de sorte que le préavis effectif est de 6 semaines et non de 22 mois comme le soutient ADSE.

La société Garage Nacci soutient que la société ADSE s'est rendue coupable d'une rupture brutale des relations commerciales établies depuis 32 ans puisqu'ADSE a succédé au constructeur Renault et en particulier à sa filiale commerciale dans l'exploitation de son point de vente RI de Saint-Etienne.

ADSE soutient d'un part qu'une relation commerciale totalement nouvelle s'est instaurée dans le cadre des contrats d'agent service acheteur-revendeur signés en mai 2009 avec la société ADSE, société nouvelle dont l'exploitation a débuté en octobre 2008, totalement indépendante du groupe Renault auquel appartenait la société Renault Retail Group, précédent cocontractant du garage Nacci dont la société ADSE a racheté à cette même date le fonds de commerce et, d'autre part, que le garage Nacci a expressément reconnu avoir bénéficié d'un préavis de résiliation de 22 mois et anticipé dès le courant de l'année 2012 et tout au long de l'année 2013, sa reconversion, ainsi que le confirme le rapport qu'il a fait établir par le Cabinet Emergence Consult qui démontre qu'il a mis à profit les préavis de résiliation pour développer son chiffre d'affaires de véhicules zéro kilomètre d'origine intracommunautaire.

L'article 442-6 I du Code de commerce érige en faute le fait de rompre brutalement une relation commerciale établie sans préavis ou avec un préavis ne tenant pas compte de la durée de la relation commerciale.

La finalité du préavis est d'accorder au partenaire évincé le temps nécessaire pour lui permettre de préparer le redéploiement de son activité, d'organiser sa reconversion, de trouver un autre partenaire ou une solution de remplacement.

Ainsi que le soutient ADSE, si la cession du fonds de commerce de la société Renault Retail Group a transféré à son profit la propriété des éléments du fonds cédé, elle n'a pas substitué de plein droit la société ADSE, cessionnaire, à la société Renault Retail Group, cédant, dans les relations contractuelles et commerciales que le cédant entretenait envers le garage Nacci de sorte que la durée des relations commerciales entre les parties a débuté le 18 mai 2009.

Le préavis effectif de 6 semaines eu égard à durée de la relation commerciale ayant existé entre les parties au moment de la rupture, soit 4 ans et 5 mois, est en tout état de cause insuffisante, la rupture de la relation commerciale doit être considérée comme brutale au sens de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce.

La durée du préavis utile doit être appréciée au regard des relations commerciales antérieures au moment de la rupture, du volume d'affaires réalisées, du secteur concerné, de l'état de dépendance de la victime, des dépenses non récupérables engagées par elle et du temps nécessaire pour retrouver un partenaire ou assurer une reconversion économique.

En l'espèce, la faible ancienneté des relations commerciales établies entre les parties justifie une durée de préavis de 6 mois au regard de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ; l'existence d'un délai de préavis contractuel ne dispensant pas la juridiction d'examiner si ce délai de préavis tient compte de la durée de la relation commerciale et d'autres circonstances au moment de la notification de la rupture.

Le préjudice indemnisable résulte du caractère brutal de la rupture qui n'a pas permis à la partie qui la subit de prendre les dispositions nécessaires en temps utile pour donner une nouvelle orientation à ses activités et non de la rupture elle-même. Le préjudice est constitué par la marge brute que la victime de la rupture pouvait escompter tirer pendant la durée du préavis qui aurait dû être respecté.

La société Garage Nacci sollicite l'indemnisation par ADSE à hauteur de la moyenne mensuelle de marge brute pendant 22 mois, soit 124 389,25 euros x 22 mois = 2 736 563 euros.

Elle ajoute que le garage Nacci n'était pas en situation de dépendance économique à l'égard de la société ADSE ; le chiffre d'affaires réalisé par le garage Nacci auprès de la société ADSE dans le cadre des contrats d'agent Renault et Dacia s'élevant aux alentours de 20 % de son chiffre d'affaires total.

Il résulte du rapport d'audit établi à la demande de la société Garage Nacci, Emergence Consult, que l'activité vente de véhicules neufs sur l'exercice 2012-2013 s'est élevée à 57 véhicules ADSE et 159 véhicules intracommunautaires, soit, sur un total de véhicules vendus de 216 véhicules, un pourcentage de 26,38 % d'achats de véhicules neufs auprès d'ADSE sur un chiffre d'affaires de 2 174 436 euros, soit 573 616,62 euros. L'activité de vente de véhicule d'occasion étant intracommunautaire.

Ainsi que l'admet la société ADSE, on peut considérer que l'activité pièces de rechanges et atelier s'est effectuée pour la totalité auprès d'ADSE, soit à hauteur des sommes respectives de 760 829 euros et 501 667 euros, ce qui représente une part du chiffre d'affaires réalisé dans le cadre des contrats d'agent calculée comme suit :

- véhicules neufs 573 616,62 euros

- pièces détachées 760 829,00 euros

- atelier 501 667 euros

= 1 836 112,62 euros

Ce qui représente, sur un chiffre d'affaire total de 11 461 216,00 euros, un pourcentage de 16,02 %.

La perte de marge brute mensuelle est donc de 1 437 555 euros : 12 mois = 119 796,25 euros x 16,02 % x 6 mois = 115 148,15 euros.

Sur la demande de dommages et intérêts de garage Nacci

La société Garage Nacci sollicite la condamnation d'ADSE à lui payer la somme de 1 492 671 euros représentant une année de marge brute en réparation du préjudice subi.

La résiliation des contrats d'agent

La société Garage Nacci excipe d'une attestation de Monsieur Andries, ancien chef de groupe VN du groupe Thivolle qui atteste que la décision d'exclure le garage Nacci de son réseau d'agents a en réalité été prise par ADSE suite à son rachat de la concession de Firminy en février 2012 dont le bilan VN était proprement catastrophique en raison des performances commerciales de son concurrent le plus proche, le garage Nacci.

La résiliation des contrats d'agents Renault et Dacia étant la conséquence de la résiliation par Renault des contrats de concession ne peut être qualifiée de fautive de même que le non-renouvellement des contrats dans la mesure où cette décision résulte de la volonté d'ADSE de réorganiser son réseau de commercialisation sans que cette réorganisation ne nuise au bon fonctionnement du marché et soit de nature à porter atteinte à la concurrence. Seule l'absence de préavis utile est fautive.

L'exécution des contrats

Le Garage Nacci soutient qu'ADSE a exécuté de manière fautive ses obligations contractuelles entre le 22 février 2012 et le 13 décembre 2013 en lui reprochant une tentative de non-paiement de la prime AMJ 2012 due au titre du 2e trimestre 2012, une surévaluation des objectifs de vente à compter du dernier trimestre 2012, la modification unilatérale des délais de paiement des aides commerciales et la forte diminution de ses marges.

ADSE soutient que les primes commerciales " Ambition Performance " du deuxième trimestre 2012 ont été payées ponctuellement au garage Nacci, et même par anticipation par rapport aux délais habituels ; que s'agissant de la modification des règles relatives aux délais de paiement des véhicules et de règlement des aides commerciales, elle n'a en réalité fait qu'une application pure et simple du contrat, pleinement justifiée au demeurant par les retards de règlement répétés auxquels la société ADSE avait été confrontée de la part du garage Nacci, qu'il n'y a eu aucune mauvaise foi de sa part dans la fixation des objectifs de vente de véhicules neufs Renault " Ambition Performance " du garage Nacci du quatrième trimestre 2012 ; que le garage Nacci n'a pas attendu 2013 pour mettre en œuvre une politique d'achat de véhicules d'origine intracommunautaire.

La société Garage Nacci soutient que le paiement différé des aides commerciales a été supporté par la trésorerie de façon totalement discriminatoire puisque les autres agents ASAR du réseau Renault continuaient de bénéficier des conditions antérieures. Elle expose que pour pallier la chute de ses marges brutes véhicules neufs entre 2012 et 2013, elle a intensifié ses approvisionnements en véhicules Dacia de façon tout à fait légale et régulière auprès d'autres fournisseurs que la société ADSE, qui lui ont permis de dégager des marges autrement plus rentables par véhicule vendu.

La société Garage Nacci qui fait état de marges plus rentables ne justifie donc pas de la réalité du préjudice qu'elle aurait subi et qui serait la conséquence directe des comportements invoqués.

Le refus d'agrément

Par courrier du 10 décembre 2013, la société ADSE s'est étonnée de la tardiveté de la candidature de la société Garage Nacci et a refusé d'agréer cette dernière en qualité de réparateur agréé en lui faisant grief d'avoir développé des activités totalement distinctes pour la promotion desquelles elle a usurpé la qualité de concessionnaire Renault ainsi que la dégradation de sa note de qualité service atelier tombée en dessous de la moyenne des autres agents stéphanois et de la moyenne régionale et nationale de la marque ce qui est incompatible avec la poursuite de leur relations dans le cadre d'un contrat axé sur l'après-vente Renault et Dacia.

La société Garage Nacci soutient la société ADSE a engagé sa responsabilité délictuelle en violation des articles L. 420-1 du Code de commerce et 1382 du Code civil en refusant d'examiner de manière injustifiée et abusive sa candidature alors qu'elle se prévalait de son expérience et de ses performances passées, que tout système de distribution sélective purement qualitative tel que celui encadrant le réseau d'agents Renault ne prévoit aucune restriction quantitative et qu'ADSE avait l'obligation d'agréer tous les candidats satisfaisant aux critères de sélection quelle que soit la date de présentation de leur candidature et alors, au surplus, qu'ADSE ne pouvait pas lui opposer la tardiveté de sa candidature puisque ce n'est que le 25 octobre 2013 qu'elle l'a informée de son refus de renouveler ses contrats d'ASAR.

La société ADSE reprend les arguments invoqués dans son courrier du 10 décembre 2013 et y ajoute la baisse du chiffre d'affaires pièces de rechange qui ne peut se justifier ni par la concurrence faite aux pièces de rechange constructeur par les pièces de qualité équivalente, ni par l'amélioration de la fiabilité des véhicules.

Ceci exposé, il convient de souligner que si la société ADSE est mal fondée à reprocher à la société Garage Nacci d'avoir tardé à candidater en vue d'être agréée en qualité de réparateur Renault et Dacia dans la mesure où elle n'a informé cette dernière du non-renouvellement des contrats par courriers des 25 et 30 octobre 2013, son refus d'agréer la société Garage Nacci ne peut en lui-même constituer une faute de nature à engager sa responsabilité dès lors qu'il n'existait aucune obligation pour la société Garage Nacci d'agréer un candidat remplissant les critères de sélection en raison du principe de liberté contractuelle et que ce refus d'agrément ne constitue pas une pratique anti-concurrentielle au sens de l'article L. 420-1 du Code de commerce.

En conséquence, la société Garage Nacci sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts formée au titre du caractère fautif des conditions d'exécution du contrat, de la résiliation des contrats et du refus d'agrément.

La société ADSE qui succombe en ses demandes sera condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande d'indemnité de procédure. Elle sera condamnée à payer, sur ce même fondement, à la société Garage Nacci, la somme de 2 500 euros.

Par ces motifs : LA COUR, confirme le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Lyon le 5 mai 2015 sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile ; l'infirme pour le surplus de ses dispositions ; Statuant à nouveau, Vu l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce condamne la société Auto Diffusion Saint Etienne à payer à la société Garage Nacci la somme de 115 148,15 euros euros en réparation de la rupture brutale des relations commerciales établies ; déboute la société Garage Nacci de sa demande de dommages intérêts formée au titre du caractère fautif des conditions d'exécution du contrat, de la résiliation des contrats et du refus d'agrément ; condamne la société Auto Diffusion Saint-Etienne aux dépens d'appel avec faculté de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ; déboute la société Auto Diffusion Saint Etienne de sa demande d'indemnité de procédure ; condamne la société Auto Diffusion Saint Etienne à payer à la société Garage Nacci la somme de 2 500 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile.