CA Aix-en-Provence, 1re ch. A, 28 février 2017, n° 15-13741
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
France Rehab (SARL), Médical Services Côte d'Azur (SARL) , CPAM des Alpes Maritimes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Vidal
Conseillers :
M. Brue, Mme Dampfhoffer
Avocats :
Mes Duflot Campagnoli, Der Matheossian, Parent Musarra, Imperatore, Rossanino, Goran, Verignon
Faits, procédure et prétentions des parties :
Mme Françoise D., atteinte de sclérose en plaques depuis l'âge de 16 ans, a acquis, le 19 novembre 2010, auprès de la Sarl Médical Services, un nouveau fauteuil roulant AP2 électrique à usage mixte intérieur et extérieur. A la suite de l'apparition de diverses anomalies de programmation que les interventions d'un technicien n'ont pu résoudre, Mme Françoise D. a obtenu la désignation d'un expert en référé, au contradictoire de son vendeur, la SARL Médical Services, et du fournisseur du produit, la SARL France Rehab.
L'expert a déposé son rapport le 7 mai 2014. Il a constaté l'existence de dysfonctionnements d'ordre électronique aboutissant à une réaction inadaptée du fauteuil ou à son arrêt de fonctionnement, à un défaut de conception de la pièce située entre les jambes et supportant les repose-pieds et à un vice de matériaux expliquant la déformation prématurée de l'assise. Il a considéré que les problèmes concernent le fabricant qui a proposé plusieurs fois un échange standard, sans aller jusqu'au bout de sa démarche. Il a considéré que les préjudices subis par Mme Françoise D. étaient toujours en cours puisqu'elle ne peut utiliser un fauteuil performant, ce qui a entraîné un état anxio-dépressif non consolidé.
C'est dans ces circonstances que, suivant actes d'huissier des 3 et 6 octobre 2014, Mme Françoise D. a fait assigner devant le Tribunal de grande instance de Grasse la SARL France Rehab, la SARL Médical Services et la CPAM des Alpes Maritimes, au visa des articles 1641 et suivants du Code civil, pour voir :
- condamner la SARL Médical Services à lui restituer le prix de vente du fauteuil roulant acquis le 24 novembre 2011 et restitué en août 2012, soit 29 393,63 euros,
- condamner la SARL France Rehab à lui payer la somme de 9 775 euros, sauf à parfaire, à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice, outre 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens et les frais de l'expertise judiciaire.
De son côté, la CPAM des Alpes Maritimes réclamait, au visa de l'article L. 376-1 du Code de la sécurité sociale et par conclusions signifiées le 11 mars 2015, la condamnation in solidum de la SARL France Rehab et de la SARL Médical Services à payer les débours exposés pour le compte de Mme Françoise D., soit la somme de 2 410,02 euros au titre des dépenses de santé actuelles, outre intérêts au taux légal à compter du 6 octobre 2014, et à lui payer la somme de 803,34 euros au titre de l'indemnité forfaitaire et celle de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
La SARL Médical Services sollicitait sa mise hors de cause, à défaut de toute responsabilité de sa part dans le dysfonctionnement du fauteuil et le rejet de la demande de remboursement du prix, en l'absence de règlement par Mme Françoise D. de sa propre quote-part. Elle réclamait la condamnation de la SARL France Rehab à la relever et garantir de toute condamnation et sa condamnation à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de sa responsabilité contractuelle
La SARL France Rehab opposait qu'elle n'est pas le fabricant et qu'elle a dénoncé le nom et l'adresse du fabricant en Norvège, conformément aux dispositions de l'article 1386-7 alinéa 1er du Code civil.
Par jugement du 4 juin 2015, le Tribunal de grande instance de Grasse a :
A visa des articles 1641 et suivants du Code civil,
- constaté que le fauteuil était affecté de vices cachés au jour de la vente,
- dit que la SARL Médical Services est tenue de la garantie des vices cachés,
- dit que la SARL Médical Services sera relevée et garantie des condamnations prononcées contre elle sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil par la SARL France Rehab,
Au visa des articles 1386-1 et suivants du Code civil,
- dit que les demandes indemnitaires de Mme Françoise D. contre la SARL France Rehab doivent être fondées sur les dispositions des articles 1386-1 et suivants du Code civil,
- constaté que la SARL France Rehab a fourni l'identité du producteur dans le délai imparti par l'article 1386-7 du Code civil,
- en conséquence, déclaré irrecevable la demande de dommages et intérêts formée par Mme Françoise D. à l'encontre de la SARL France Rehab,
- ordonné le renvoi de l'affaire à la mise en état à fin d'inviter le demandeur à justifier des sommes effectivement réglées au titre de l'acquisition du fauteuil et à appeler en cause l'ensemble des cofinanceurs,
- sursis à statuer sur la demande de restitution du prix d'achat du fauteuil,
- réservé les dépens et les demandes sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile
Il a également, dans ses motifs mais sans le reprendre dans son dispositif, rejeté le recours formé par la CPAM des Alpes Maritimes en considérant que la SARL Médical Services et la SARL France Rehab n'avaient pas la qualité de tiers responsables au sens de l'article L. 376-1 du Code de la sécurité sociale.
Mme Françoise D. a interjeté appel de cette décision suivant déclaration en date du 27 juillet 2015.
Mme Françoise D., suivant conclusions récapitulatives et en réponse signifiées le 31 mars 2016, demande à la cour, au visa de l'article 1165 et des articles 1641 et suivants du Code civil, de :
- condamner la SARL France Rehab au paiement de la somme de 15 620 euros, dont 5 000 euros à titre provisionnel pour l'indemnisation du DFP, à parfaire, à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice,
- condamner la SARL France Rehab au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens,
- dire que, dans l'hypothèse où l'exécution forcée des condamnations prononcées devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier de justice, le montant des sommes par lui retenues en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 devra être supporté par la débitrice en sus de l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle indique qu'elle a interjeté appel du jugement en ce que sa demande en dommages et intérêts a été déclarée irrecevable et qu'elle a parallèlement attrait devant le tribunal le Conseil général des Alpes Maritimes, la mutuelle Intégrance et l'association Les Bouchons d'Amour Région 5, pour voir statuer sur la restitution du prix.
Elle explique que les problèmes de fonctionnement du fauteuil ont été catastrophiques pour elle et que, malgré les démarches entreprises auprès de la SARL France Rehab en vue de son remplacement, cette dernière est restée taisante. Elle souligne que la réalité des dysfonctionnements a été relevée par l'expert, qu'ils le rendent impropre à son usage et qu'ils ont généré pour elle d'importants préjudices dont elle réclame réparation.
Elle soutient que le régime de la responsabilité des produits défectueux n'exclut pas qu'elle puisse agir sur le fondement de l'action directe contre le fabricant ou le vendeur intermédiaire en application des articles 1641 et suivants du Code civil ; qu'elle n'a pas besoin, dans le cadre de l'action en garantie des vices cachés, d'apporter la preuve d'une faute distincte du manque de sécurité du produit en cause, mais seulement l'existence de vices cachés rendant celui-ci impropre à son usage ; que la SARL France Rehab, étant un professionnel, est tenue, en application de l'article 1645 du Code civil, des dommages et intérêts envers l'acquéreur.
Elle soutient qu'alors que le fauteuil aurait dû améliorer sa qualité de vie, il a été la source d'un véritable enfer pour elle en raison de son caractère inconfortable et incontrôlable ; qu'elle a été anéantie par son combat contre la machine et par le mutisme de la SARL France Rehab et qu'elle est victime d'un état anxio-dépressif, qu'elle a perdu 10 kgs pendant les mois où elle a utilisé le fauteuil, qu'elle a subi une plaie au pied en juillet 2012 nécessitant sept points de suture et quinze jours de soins infirmiers et qu'elle a eu une escarre et une majoration des œdèmes des jambes en relation directe avec les dysfonctionnements du fauteuil puisqu'elle ne pouvait pas le verticaliser ; que son état n'est pas consolidé mais que le DFT a été évalué à 25% pendant six mois pour le pied, outre un DFT à hauteur de 10% toujours en cours et un pretium doloris de 3,5/7 et un préjudice esthétique de 0,5/7, ce qui justifie sa demande de provision à hauteur de 15 620 euros.
La CPAM des Alpes Maritimes, par conclusions signifiées le 16 septembre 2016, demande à la cour d'accueillir son appel incident et de :
- réformer le jugement et, statuant à nouveau,
- condamner in solidum la SARL Médical Services et la SARL France Rehab à lui régler les débours qu'elle a réglés pour son assurée, Mme Françoise D., à savoir la somme de 7 597,50 euros au titre du poste " dépenses de santé actuelles ", outre les intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2015, date de la signification de ses écritures en première instance,
- condamner in solidum la SARL France Rehab et la SARL Médical Services à lui régler la somme de 1047 euros à titre d'indemnité forfaitaire au titre des articles 9 et 10 de l'ordonnance du 24 janvier 1996, ainsi que celle de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle indique qu'elle fait sienne l'argumentation de Mme Françoise D. dans ses conclusions d'appel sur la recevabilité de son action sur le fondement de la garantie des vices cachés, la Cour de cassation retenant que le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux exclut l'application d'autres régimes de responsabilité, à l'exception de la responsabilité pour faute et de la garantie des vices cachés ; or, le fauteuil était atteint de vices de conception de sorte que le recours de Mme Françoise D. était recevable, de même que le recours subrogatoire de la CPAM sur le fondement de l'article 1376-1 du Code de la sécurité sociale, la SARL Médical Services et la SARL France Rehab devant être considérées comme des tiers responsables des dommages subis par son assurée.
La SARL France Rehab, en l'état de ses écritures récapitulatives et en réponse signifiées le 21 janvier 2016, demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que les demandes indemnitaires de Mme Françoise D. sont irrecevables,
- constater qu'aux termes du dispositif de l'ordonnance de référé du 3 juillet 2013, le juge des référés a spécialement donné acte à la SARL France Rehab de la désignation du producteur du fauteuil litigieux, la société ETAC SA dont le siège est à Benterdgaden 3511 Honeffos en Norvège, dans les trois mois de la notification par la demanderesse de son assignation en référé, conformément aux dispositions de l'article 1386-7 alinéa 1 du Code civil,
- dire qu'en l'absence de faute distincte du défaut de sécurité du fauteuil litigieux imputable à la SARL France Rehab, celle-ci ne saurait voir sa reponsabilité retenue, conformément aux dispositions des articles 1386-1 à 1386-18 du Code civil,
- infirmer en conséquence le jugement en ce qu'il a condamné la SARL France Rehab à relever et garantir la SARL Médical Services des condamnations prononcées à son encontre au profit de Mme Françoise D. sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil,
- statuant à nouveau, débouter la SARL Médical Services de toute demande à l'encontre de la SARL France Rehab,
- à titre subsidiaire, condamner la SARL Médical Services à relever et garantir la SARL France Rehab de toutes condamnations généralement quelconques qui pourraient être prononcées à son encontre au profit de Mme Françoise D.,
- condamner tout succombant à verser à la concluante la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens, tant de première instance que d'appel.
Elle présente l'argumentation suivante :
elle est l'importateur et le distributeur en France du fauteuil mais n'en est pas le fabricant et elle n'a aucun lien de droit avec Mme Françoise D. ;
le régime de la responsabilité du fait des vices cachés ne peut lui être appliqué et ce n'est que le régime des produits défectueux qui est applicable, mais seulement si le fabricant n'a pu être identifié ; si Mme Françoise D. entend invoquer un autre fondement de responsabilité, ce ne pourrait être que sur un fondement extra-contractuel et elle devrait rapporter la preuve d'une faute distincte du défaut de sécurité du produit, comme l'a retenu la cour de cassation dans un arrêt du 25 avril 2002 ;
la SARL France Rehab a dénoncé l'identité du fabricant dans le délai imparti par l'article 1386-7, à savoir trois mois à compter de la date à laquelle la demande de la victime lui a été notifiée (ici l'assignation en référé), de sorte que sa responsabilité d'importateur ne peut être retenue ;
toujours en application de l'article 1386-7 du Code civil, sa responsabilité ne peut être retenue à l'égard de la SARL Médical Services ; au demeurant, sa responsabilité ne peut être retenue, dès lors qu'elle a exécuté à l'égard de la SARL Médical Services ses obligations de vendeur ; en tout état de cause, la SARL France Rehab a proposé d'échanger le fauteuil, mais la SARL Médical Services ne l'a pas restitué, en arguant du refus de Mme Françoise D., et n'a pu résoudre un simple problème de programmation, comme elle aurait dû le faire en qualité de revendeur.
La SARL Médical Services, aux termes de ses conclusions signifiées le 26 novembre 2015, demande à la cour, au visa des articles 1641 et suivants du Code civil et L. 376-1 du Code de la sécurité sociale, de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SARL France Rehab à la relever et garantir de toutes les condamnations prononcées à son encontre sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil,
- débouter la SARL France Rehab de toutes ses demandes formulées contre la SARL Médical Services,
- dire que la SARL Médical Services n'a pas la qualité de tiers responsable au sens de l'article L 376-1 du Code de la sécurité sociale,
- constater que le poste " frais d'appareillage (participation en tant que co-financeurs à l'achat du fauteuil roulant) " est une créance détenue par la CPAM des Alpes Maritimes se rapportant à la garantie des vices cachés et ramener la demande de condamnation in solidum de la CPAM des Alpes Maritimes au titre du poste " dépenses de santé actuelles " à la somme de 2 410,02 euros,
- débouter la CPAM des Alpes Maritimes de ses demandes de condamnation in solidum de la SARL Médical Services et de la SARL France Rehab et prononcer la mise hors de cause de la SARL Médical Services sur ces demandes, la SARL Médical Services n'ayant pas la qualité de tiers responsable au sens des dispositions de l'article L. 376-1 du Code de la sécurité sociale,
En tout état de cause,
- condamner tout succombant à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens.
Elle fait valoir les éléments suivants :
la SARL France Rehab est le vendeur du fauteuil dont la SARL Médical Services n'est que le revendeur, de sorte que cette dernière dispose à l'égard de la première d'une action récursoire fondée sur la garantie des vices cachés, même si le régime des produits défectueux devait être retenu ; les vices cachés relevés par l'expert existaient bien avant la vente du fauteuil à la concluante et la SARL France Rehab les a reconnus spontanément devant l'expert ; au surplus, les conditions générales de vente de la SARL France Rehab prévoient expressément une clause de garantie des vices de fabrication pendant deux ans ;
aucune responsabilité de la SARL Médical Services ne peut être retenue, alors que la SARL France Rehab a fait preuve d'un défaut patent de diligences ; la demande de relevé et garantie de cette société contre elle sera donc rejetée ;
la créance de 5 187,48 euros de la CPAM des Alpes Maritimes au titre du fauteuil a fait l'objet du sursis à statuer du tribunal ; celle au titre des frais médicaux ne peut être mise à la charge de la SARL Médical Services qui n'est nullement responsable des dysfonctionnements du fauteuil et ne peut donc être retenue comme tiers responsable des lésions subies par l'assurée, au sens de l'article L. 376-1 du Code de la sécurité sociale.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 10 janvier 2017.
Motifs de la décision :
Attendu que l'appel porte sur les points suivants :
- la contestation par la SARL France Rehab de sa condamnation à relever et garantir la SARL Médical Services des condamnations prononcées contre elle sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil ;
- la contestation par Mme Françoise D. du rejet de sa demande contre la SARL France Rehab en indemnisation des préjudices résultant des vices cachés du fauteuil roulant dont celle-ci est l'importateur en France,
- la contestation par la CPAM des Alpes Maritimes du rejet de sa demande d'indemnisation des débours engagés au titre du poste " dépenses de santé actuelles " contre la SARL Médical Services et la SARL France Rehab sur le fondement de l'article L. 376-1 du Code de la sécurité sociale ,
Que l'examen de ces questions suppose que soient envisagées en préalable la question des vices affectant le fauteuil et celle de l'impropriété du fauteuil à son usage ;
Attendu que le rapport d'expertise de M. A. relève plusieurs défauts constatés contradictoirement lors des deux réunions d'expertise :
- dysfonctionnements aléatoires pouvant toucher indifféremment toutes les fonctions du fauteuil et impliquant des blocages dans certaines positions et/ou des déplacements mal contrôlés par l'électronique, notés lors de la première réunion, malgré le changement du boitier de commande électronique par la SARL France Rehab et sa reprogrammation, et ayant nécessité un nouveau remplacement du boitier lors de la 2e réunion, sans que l'efficacité de cette réparation puisse être utilement testée dans la durée, Mme Françoise D. refusant de se servir à nouveau du fauteuil qui a été remisé,
- existence d'une barre située entre les jambes, très blessante, dont la SARL France Rehab a indiqué qu'elle avait été modifiée sur les nouveaux fauteuils livrés, ce défaut étant dû à un problème de conception,
- déformation du coussin d'assise, cette déformation étant incompatible avec une position assise pendant toute la journée et résultant d'un vice des matériaux ;
Que l'expert conclut que ces problèmes et notamment les problèmes de gestion électronique rendent le fauteuil impropre à sa destination ;
Qu'il note que la SARL Médical Services, revendeur local, s'est toujours montrée très présente auprès de Mme Françoise D. pour tenter de pallier les problèmes rencontrés, avec prêt de matériel et dépannages multiples, mais que le SAV de la SARL France Rehab a été défaillant ;
Qu'il ajoute, en se fondant sur le rapport de son sapiteur, le Dr Jean-Louis M., qu'en raison de l'impact psychologique des dysfonctionnements sur Mme Françoise D., celle-ci ne peut réutiliser le fauteuil, même réparé, et utilise donc toujours son ancien fauteuil qui n'est plus fonctionnel et est moins performant et qu'elle a subi un préjudice corporel qui n'est pas encore consolidé ;
Sur le recours en garantie de la SARL Médical Services contre la SARL France Rehab :
Attendu que c'est au regard des constatations et conclusions de l'expert judiciaire que le tribunal a fait droit à l'action rédhibitoire engagée par Mme Françoise D. contre la SARL Médical Services et a retenu que la SARL France Rehab devait relever et garantir cette société des condamnations prononcées contre elle ;
Que la SARL France Rehab conteste cette dernière disposition en soutenant, en premier lieu, que les dispositions de l'article 1386-7 du Code civil lui permettant de s'exonérer de la responsabilité du fait des produits défectueux par la désignation du fabricant du produit sont applicables dans ses rapports avec la SARL Médical Services, en deuxième lieu que seule la responsabilité de la SARL Médical Services devrait être retenue, celle-ci ayant l'obligation, en sa qualité de revendeur qualifié, d'adapter le produit aux besoins et particularités du client, et enfin que le remplacement programmé du fauteuil a échoué par le fait de la SARL Médical Services ;
Qu'il convient toutefois de relever que la SARL Médical Services, dès lors qu'elle est condamnée sur le fondement des dispositions des articles 1641 et suivants du Code civil, à raison des vices cachés de la chose vendue, est recevable et bien fondée à se retourner contre son fournisseur pour obtenir sa garantie à raison de ces vices, sous réserve pour elle de démontrer qu'ils préexistaient à la vente ; qu'en l'espèce, cette démonstration est suffisamment rapportée par les constatations et investigations menées par l'expert qui évoque un défaut de conception et un vice des matériaux ; que les dispositions relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux ne sont pas applicables dans le cadre du recours en garantie du vendeur, actionné en résolution de la vente, contre son propre fournisseur ;
Qu'il y a lieu par ailleurs de rejeter l'argumentation défendue par la SARL France Rehab sur la responsabilité de la SARL Médical Services dans les problèmes rencontrés par Mme Françoise D., l'expert ayant, dans sa réponse au dire déposé sur ce point par le conseil de la SARL France Rehab, précisément indiqué, d'une part que les difficultés de fonctionnement du fauteuil ne relevaient pas d'une simple mise en route ou d'un problème de maintenance mais qu'elles avaient nécessité, outre deux changements successifs du boitier, une reprogrammation et un re-calibrage du fauteuil par un technicien de la SARL France Rehab, d'autre part que Mme Françoise D. reconnaissait que la SARL Médical Services avait rempli auprès d'elle ses obligations de conseil et de service après-vente, dans la mesure de ses moyens, enfin que les défauts de la pièce située entre les jambes et la déformation de l'assise, à l'origine de la blessure des jambes et de l'escarre subie par Mme Françoise D., relevaient de problèmes de conception ou de fabrication, et non d'une mauvaise adaptation du fauteuil à la cliente à laquelle le revendeur aurait pu remédier ; que la SARL Médical Services invoque à cet égard à juste titre les conditions générales de vente du contrat France Rehab qui prévoient que le vendeur prend la responsabilité de remédier à tout défaut de fabrication de ses produits, cette garantie étant valable pendant deux ans, et qu'il est tenu, en qualité de distributeur du produit en France, d'assurer le service après-vente pendant et après la [sic] ;
Qu'enfin, si l'échange du fauteuil et son remplacement par un nouveau fauteuil avaient été envisagés au cours de l'expertise, il ne peut être fait grief à la SARL Médical Services d'en avoir fait échouer la réalisation, dès lors qu'elle n'a fait que transmettre le refus de Mme Françoise D. d'autoriser la reprise du fauteuil litigieux et que, si la reprise du fauteuil était effectivement programmée pour le 22 février 2013, la livraison d'un nouveau fauteuil n'était pas encore arrêtée à cette date ;
Que dans ces conditions, c'est à juste titre que le tribunal a dit que la SARL France Rehab devait être condamnée, en sa qualité de fournisseur du fauteuil, à relever et garantir la SARL Médical Services des condamnations prononcées contre elle ;
Que, pour les mêmes motifs, il y a lieu de rejeter la demande de la SARL France Rehab visant à voir dire qu'elle devrait être relevée et garantie par la SARL Médical Services en cas de condamnation prononcée contre elle au bénéfice de Mme Françoise D. ;
Sur la recevabilité et le bien-fondé de la demande de Mme Françoise D. contre la SARL France Rehab :
Attendu que le tribunal a déclaré irrecevable la demande d'indemnisation présentée par Mme Françoise D. contre la SARL France Rehab en faisant application du régime de la responsabilité des produits défectueux et en retenant que la SARL France Rehab n'est pas le fabricant mais l'importateur du produit et qu'ayant dénoncé l'identité du fabricant en Norvège dans les délais de la loi, elle est exonérée de toute responsabilité en application des dispositions de l'article 1386-7 du Code civil ;
Que Mme Françoise D. fait toutefois valoir qu'elle fonde sa demande d'indemnisation, non pas sur le régime de la responsabilité des produits défectueux, mais sur celui des vices cachés, se prévalant de l'action directe dont elle dispose contre le vendeur initial du produit en France, la SARL France Rehab, et qu'elle lui réclame des dommages et intérêts en application des dispositions de l'article 1645 du Code civil, dès lors que celle-ci est un professionnel ;
Attendu que c'est en vain que la SARL France Rehab conteste la recevabilité et le bien-fondé de la réclamation de Mme Françoise D. en soutenant que le régime de la responsabilité des produits défectueux serait exclusif de toute autre action en responsabilité, notamment du régime de la responsabilité extra-contractuelle qui suppose la démonstration d'une faute ;
Qu'en effet, l'article 1386-18 alinéa 1er du Code civil - qui est la reprise de l'article 13 de la directive communautaire - prévoit que " les dispositions du présent titre ne portent pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ou au titre d'un régime spécial de responsabilité " et que la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 13 de la directive ne saurait être interprété comme laissant aux Etats membres la possibilité de maintenir un régime général de responsabilité du fait des produits défectueux différent de celui prévu par la directive, mais que la référence à l'article 13 doit être interprétée en ce sens que le régime mis en place par la directive n'exclut pas l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extra-contractuelle reposant sur des fondements différents, tels que la garantie des vices cachés ou la faute ;
Qu'en l'espèce, Mme Françoise D. agit à l'encontre de la SARL France Rehab sur le fondement des vices cachés pour demander réparation des préjudices résultant pour elle des dysfonctionnements et anomalies du fauteuil constituant des vices cachés qui ne constituent pas tous, au demeurant, des défauts de sécurité du produit ; que l'action en responsabilité du fait des vices cachés de la chose vendue peut être exercée par l'acquéreur, non seulement contre son vendeur, mais également contre le vendeur antérieur de la chose, lequel est tenu à l'égard de l'acquéreur final de la garantie légale par application de la chaine des contrats, pour autant que le vice soit préexistant aux diverses cessions ; que tel est le cas de l'espèce puisque les vices affectant le fauteuil, tels que cela ressort du rapport d'expertise judiciaire, sont des vices de conception, de programmation et de matériaux dont il n'est pas discuté qu'ils existaient dès la vente du produit par la SARL France Rehab à la SARL Médical Services et qu'ils rendent celui-ci impropre à son usage ;
Que la SARL France Rehab, étant un vendeur professionnel, est tenue de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur en application de l'article 1645 du Code civil, de sorte que Mme Françoise D. est bien fondée à lui réclamer la réparation des préjudices qu'elle subit à raison des dysfonctionnements du fauteuil et de leur impact sur son état de santé ;
Attendu que Mme Françoise D. produit le rapport d'expertise médicale déposé par le Dr Jean-Louis M., chirurgien orthopédique et traumatologique, en qualité de sapiteur de M. A., expert nommé en référé, qui retient comme conséquences en rapport direct et certain avec les vices, défauts et anomalies du fauteuil, un syndrome anxio-dépressif, une plaie du pied droit, une escarre trochantérienne gauche, une majoration des œdèmes des membres inférieurs et des douleurs des genoux et des épaules, ainsi qu'un amaigrissement et une diminution partielle de la force musculaire des membres supérieurs ne permettant plus à Mme Françoise D. de se hisser seule du lit au fauteuil et des toilettes au fauteuil ;
Que la consolidation n'était pas acquise à la date de l'examen réalisé par ce médecin, le 20 février 2014, et que Mme Françoise D. n'indique pas qu'elle serait aujourd'hui consolidée, ce qui justifie le caractère provisionnel de la demande indemnitaire qu'elle forme;
Qu'eu égard aux éléments de préjudice à caractère personnel d'ores et déjà relevés par l'expert:
- DFT de grade II pendant six mois puis DFT de grade I,
- pretium doloris non inférieur à 3,5/7,
- préjudice esthétique non inférieur à 0,5/7,
il y a lieu de fixer la provision à valoir sur la réparation définitive du préjudice à la somme de 12 000 euros ;
Sur la demande de la CPAM des Alpes Maritimes :
Attendu qu'aux termes de l'article L. 376-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque la lésion dont l'assuré social est atteint est imputable à un tiers contre lequel il dispose du droit de demander réparation conformément au droit commun, les caisses de sécurité sociale bénéficient d'un recours subrogatoire contre le tiers responsable ; que ce recours subrogatoire s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent les préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel ;
Que la SARL France Rehab, dès lors qu'elle est tenue d'indemniser Mme Françoise D. des préjudices subis à raison des vices cachés du fauteuil vendu, a la qualité de tiers responsable et que la CPAM des Alpes Maritimes est recevable et bien fondée à exercer son recours subrogatoire contre cette société ; qu'il en est différemment à l'égard de la SARL Médical Services puisque Mme Françoise D. ne forme aucune demande contre cette société au titre de ses préjudices ;
Que la CPAM des Alpes Maritimes réclame le paiement d'une somme de 7 597,50 euros au titre des dépenses de santé actuelles, décomposée en 2 241,77 euros de frais médicaux engagés du 29 juillet 2012 au 30 novembre 2013, 168,25 euros de frais d'appareillage (coussin et matelas anti-escarre) et 5 187,48 euros ; que, s'agissant de la somme de 5 187,48 euros, elle correspond à la participation de la CPAM à l'acquisition du fauteuil litigieux et donnera lieu à remboursement dans le cadre de l'action rédhibitoire toujours pendante devant le Tribunal, ce dernier ayant en effet ordonné la mise en cause de tous les financeurs du fauteuil avant de prononcer la restitution du prix ; que, pour les autres dépenses, il convient de surseoir à statuer, dans l'attente de la liquidation définitive du préjudice de Mme Françoise D. permettant de les imputer sur le poste " dépenses de santé actuelle " et de renvoyer la CPAM des Alpes Maritimes à présenter sa demande lorsque le Tribunal sera saisi de la fixation de ce préjudice ; qu'il sera sursis à statuer dans les mêmes conditions sur sa demande d'indemnité forfaitaire ;
Vu les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
Vu l'article 696 du Code de procédure civile,
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Statuant dans la limite de l'appel principal et des appels incidents des parties, Infirme le jugement en ce qu'il a déclaré la demande de Mme Françoise D. contre la SARL France Rehab en indemnisation des préjudices résultant pour elle des vices et anomalies du fauteuil roulant vendu ; Statuant à nouveau sur ce point, déclare la demande de Mme Françoise D. recevable en ce qu'elle est fondée sur les dispositions de l'article 1645 du Code civil au titre de l'action directe en garantie des vices cachés contre le fournisseur du fauteuil roulant et condamne la SARL France Rehab à payer à Mme Françoise D. la somme provisionnelle de 12 000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive de son préjudice à fixer après consolidation; Infirme également le jugement en ce qu'il a jugé que le recours subrogatoire de la CPAM des Alpes Maritimes n'était pas recevable à l'encontre de la SARL France Rehab ; Statuant à nouveau sur ce point, déclare le recours subrogatoire de la CPAM des Alpes Maritimes recevable à l'encontre de la SARL Médical Services ; Dit que la somme de 5 187,48 euros réclamée pour le financement de l'acquisition du fauteuil litigieux donnera lieu à remboursement dans le cadre de l'action rédhibitoire toujours pendante devant le tribunal ; Dit que la demande de la CPAM des Alpes Maritimes en paiement des sommes de 2 241,77 euros au titre des frais médicaux engagés du 29 juillet 2012 au 30 novembre 2013, et de 168,25 euros au titre des frais d'appareillage (coussin et matelas anti-escarre) est prématurée et sera examinée dans le cadre de la liquidation du préjudice définitif de Mme Françoise D. Renvoie la CPAM des Alpes Maritimes à solliciter le versement de l'indemnité forfaitaire dans le cadre de la liquidation du préjudice corporel définitif de Mme Françoise D. ; Confirme le jugement en toutes ses autres dispositions ; Y ajoutant, Condamne la SARL France Rehab à verser à Mme Françoise D. une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ; La condamne à payer à la CPAM des Alpes Maritimes une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 70 du Code de procédure civile en cause d'appel ; Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit des autres parties ; Condamne la SARL France Rehab aux dépens d'appel qui seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.