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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 9 mars 2017, n° 15-16876

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Australie (Sasu)

Défendeur :

Nocibé France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dabosville

Conseillers :

Mmes Schaller, du Besset

Avocats :

Mes Ingold, Loreal, Baechlin, Wilhelm

T. com. Lille-Métropole, du 7 juill. 201…

7 juillet 2015

FAITS ET PROCÉDURE

La société Australie est une agence-conseil en communication. Elle a fusionné avec la société Noodle le 21 décembre 2012, avec effet rétroactif au 1er janvier 2012.

La société Nocibé développe une activité de distribution sélective de parfums et de cosmétiques. Cette activité est exercée, en France, dans ses parfumeries éponymes et sur son site Internet.

Ces sociétés ont conclu en 2008 deux contrats :

Par contrat de prestations de services en date du 1er avril 2008, la société Nocibé a confié en exclusivité à la société Australie et la société Noodle la gestion de son budget communication pour la marque Nocibé. L'objet principal de ce contrat consistait en la fourniture de conseils sur la stratégie en communication se décomposant en l'élaboration de recommandations et en leur mise en œuvre.

En contrepartie de ces prestations, les sociétés Australie et Noodle percevaient des honoraires annuels, à répartir entre elles, de :

* 535 000 euros HT pour le conseil, la création et le pilotage.

* 220 000 euros HT pour l'exécution et le suivi de la production.

Ces honoraires annuels étaient complétés par des honoraires supplémentaires d'incentive calculés sur des critères de trafic et de chiffre d'affaires définis ultérieurement.

Il était en outre convenu que les prestations non comprises dans la mission de base pouvaient être facturées sur devis préalable.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 avril 2012, ce contrat a été dénoncé par la société Nocibé avec effet au 30 mars 2013.

Estimant que les honoraires d'incentive n'avaient pas été versés au titre des années 2011, 2012 et 2013, la société Australie a demandé par courrier du 11 avril 2013 à la société Nocibé de lui communiquer les chiffres à prendre en compte pour le calcul de ces honoraires. La société Nocibé a répondu le 29 mai 2013 mais n'aurait, selon Australie, pas communiqué les chiffres détaillés ayant permis le calcul des primes. La société Australie a considéré alors que le comportement de la société Nocibé était constitutif d'un manquement à ses obligations contractuelles.

Par ailleurs, la société Australie a demandé également le paiement de 5 factures relatives à des prestations complémentaires non réglées par la société Nocibé, qui en a contesté le bien fondé.

Par contrat d'entreprise en date du 1er juin 2008, la société Nocibé a confié en exclusivité à la société Australie la gestion de ses opérations d'édition et d'impression relatives à son plan d'action hors média sur la base de 14 opérations annuelles. Ce contrat a été conclu pour une durée indéterminée, avec possibilité de le dénoncer par lettre recommandée avec accusé de réception en observant un délai de préavis de 6 mois.

Par courrier recommandé en date du 29 décembre 2008, la société Nocibé a dénoncé ce contrat avec un préavis de 6 mois, soit jusqu'au 30 juin 2009. Après discussion entre les parties, il a finalement été convenu de proroger les relations commerciales.

Différents échanges (mails, réunions) ont eu lieu entre les parties fin 2011 et début 2012, portant sur les contrats et la volonté de la société Nocibé de mettre en compétition l'agence Australie au travers d'un appel d'offre. Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 19 avril 2012, la société Nocibé a confirmé la résiliation des contrats liant les parties.

Considérant que ce courrier marquait le début du préavis de 6 mois auquel elle avait contractuellement droit et constatant que la société Nocibé avait cessé de confier la moindre prestation au titre de ce contrat à compter du 1er juin 2012, la société Australie en a conclu que la société Nocibé s'était affranchie de ses obligations contractuelles et avait violé les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce.

C'est dans ces conditions que le 7 avril 2014 la société Australie a assigné la société la société Nocibé devant le Tribunal de commerce de Lille Métropole pour non-respect de ses obligations contractuelles et rupture de relations commerciales établies.

Par jugement rendu le 7 juillet 2015, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Lille a :

- condamné la société Nocibé à payer à la société Australie la somme de 30 200 euros au titre des honoraires complémentaires,

- débouté la société Australie de ses demandes plus amples ou contraires,

- débouté la société Nocibé de ses demandes reconventionnelles,

- condamné la société Nocibé à payer à la société Australie la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu l'appel interjeté le 4 août 2015 par la société Australie contre ce jugement ;

Vu les dernières conclusions signifiées par la société Australie le 12 décembre 2016 par lesquelles il est demandé à la cour de :

- dire et juger recevable et bien fondée la société Australie en son appel,

Y faisant droit,

1) Sur les demandes de la société Australie au titre du contrat de prestations de service du 1er avril 2008 :

A. Sur les honoraires complémentaires (incentive) :

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Nocibé à verser à la société Australie la somme de 30 200 euros au titre des honoraires complémentaires d'incentives sur le critère " chiffre d'affaires " au titre des années 2011 à 2013,

- infirmer le jugement sur le surplus,

Et statuant à nouveau,

- condamner la société Nocibé à payer à la société Australie la somme de 60 400 euros au titre des honoraires complémentaires d'incentives sur le critère " chiffre d'affaires ", pour l'année 2012 ;

- condamner la société Nocibé à payer à la société Australie la somme de 90 600 euros au titre des honoraires complémentaires sur le critère " trafic " pour les années 2011 à 2013 ;

B. Sur la demande en paiement de 5 factures pour un montant total de 11 960 euros :

- infirmer le jugement,

Et statuant à nouveau,

- condamner la société Nocibé à payer à la société Australie la somme de 11 960 euros au titre des 5 factures n° 05B3000439 à 05B3000443 ;

2) Sur les demandes de la société Australie au titre des relations commerciales en suite du Contrat d'entreprise du 1er juin 2009

- infirmer le jugement entrepris sur cette demande ;

Et statuant à nouveau,

- constater l'existence d'une relation commerciale établie entre les sociétés Australie et Nocibé ;

- constater l'inexistence d'un préavis suffisant à la rupture de ladite relation commerciale par Nocibé, ainsi que le caractère brutal de la rupture à la seule initiative de la société Nocibé ;

En conséquence,

- déclarer fautive la rupture de la relation commerciale ;

- condamner la société Nocibé au versement à la société Australie d'une somme de 122 500 euros à titre d'indemnité de rupture brutale ;

3) Sur la demande reconventionnelle de la société Nocibé

- confirmer le jugement entrepris,

En conséquence,

- débouter la société Nocibé de sa demande reconventionnelle ;

En tout état de cause,

- condamner la société Nocibé à payer à la société Australie une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la société Nocibé aux entiers dépens de la procédure.

Sur les demandes au titre du contrat de prestations, la société Australie soutient que la société Nocibé a fait preuve d'un comportement constitutif d'un manquement contractuel dans l'exécution du contrat de prestations en ne communiquant pas spontanément les éléments permettant le calcul des honoraires supplémentaires au titre des années 2011, 2012 et 2013. Elle précise que le nombre des ventes Internet doit être pris en compte dans les deux composantes permettant le calcul des honoraires supplémentaires, et notamment le critère relatif au trafic.

L'appelante soutient en outre qu'elle est parfaitement fondée dans sa demande en paiement de 5 factures au titre des nouveaux concepts réalisés en 2012. Elle fait valoir que la société Nocibé reconnaît expressément la réalité des prestations objets des factures dont elle refuse le paiement. Elle oppose à la société Nocibé que les prestations effectuées par une société tierce Altavia ne sont que des opérations d'exécution des opérations conçues par la société Australie.

Sur les demandes au titre des relations découlant du contrat d'entreprise, Australie soutient qu'a existé de manière stable et régulière une relation commerciale établie entre elle et la société Nocibé. Elle affirme le caractère brutal de la rupture de cette relation par la société Nocibé et considère qu'à aucun moment elle n'a pu ni supposer, ni comprendre que celle-ci avait décidé d'y mettre fin de manière irrévocable avant la lettre de résiliation du 19 avril 2012, avant de rappeler qu'à défaut d'une dénonciation sans ambiguïté, l'appel d'offres ne fait pas courir le délai de préavis ; qu'ayant cessé de confier toute prestation à compter du 1er juin 2012 au titre du contrat d'entreprise, la société Nocibé ne lui a pas accordé un préavis suffisant et que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la notification du recours à un appel d'offres vaut notification de la rupture de la relation commerciale et constitue le point de départ du préavis ; que l'indemnisation de son préjudice doit être calculée sur la base de sa marge brute et non de son chiffre d'affaires entendu comme le montant moyen des honoraires perçus dans le cours des relations entre les parties.

Sur le rejet de la demande reconventionnelle, Australie conteste l'efficacité juridique d'un projet d'avenant qui n'a été ni accepté ni signé par elle et sur lequel la société Nocibé se fonde pour former une demande de restitution de trop perçu au titre des honoraires versés en 2011. Elle oppose que la preuve d'un accord sur l'ensemble des éléments figurant dans le projet d'avenant n'est pas établie et notamment l'élément tenant au plafonnement de la rémunération au titre de l'année 2011.

Vu les dernières conclusions signifiées par la société Nocibé le 14 décembre 2016 par lesquelles il est demandé à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

* condamné la société Nocibé à payer à la société Australie la somme de 30 200 euros au titre des honoraires complémentaires fondés sur le critère du chiffre d'affaires pour les années 2011 et 2013 ;

* débouté la société Australie de ses autres demandes ;

- Infirmer le jugement pour le surplus,

Et statuant à nouveau,

- condamner la société Australie à payer à la société Nocibé la somme de 29 498,14 euros en application de l'avenant au contrat d'entreprise,

- condamner la société Australie à verser à la société Nocibé la somme de 50 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Sur la demande de paiement des honoraires complémentaires, l'intimée soutient qu'elle a respecté les modalités de calcul de ces honoraires et, qu'à la lecture du contrat de prestations de services, seul le critère relatif à l'objectif de réalisation du chiffre d'affaires tient compte des chiffres réalisés sur Internet qui doivent être exclus du critère relatif à l'objectif d'augmentation du trafic lequel ne tient lui-même compte que des seuls " inclus clients " entrés dans un point de vente physique ; que la société Australie, qui conteste les modalités de calcul pour les honoraires complémentaires relatifs à l'année 2012, n'a jamais contesté la définition de la notion " trafic " concernant le calcul des honoraires complémentaires des années 2011 et 2013 ; qu'elle a appliqué les modalités de calcul liées au chiffre d'affaires telles que définies par le contrat de prestations de services qui tient compte du rapport entre le chiffre d'affaires atteint et le chiffre d'affaires budgété et non pas de la progression annuelle du chiffre d'affaires.

Sur la demande de paiement des factures émises par la société Australie, elle soutient qu'il s'agit de factures relatives à des prestations non comprises dans la mission de base et qui sont, en application du contrat de prestations de services, facturées sur devis préalables ; qu'aucune des prestations visées par la société n'a été fournie par la société Noodle ou la société Australie laquelle ne fournit pas la preuve qu'elle en a, pour chacune d'entre elles, réalisé les concepts ; que l'exclusivité alléguée ne porte que sur les prestations de base et non sur les services soumis à devis préalable ; que les échanges de mails produits ne permettent pas de démontrer l'acceptation des devis préalables envoyés par la société Australie dont aucun n'a, de fait, été validé par elle.

Sur les demandes au titre des relations découlant du contrat d'entreprise, Nocibé fait valoir à titre principal l'absence de rupture brutale du contrat dès lors que la rupture n'était ni imprévisible, ni soudaine, ni violente.

Elle précise que, par courrier du 23 novembre 2011 et par courriel du 11 janvier 2012, elle avait annoncé son souhait de mettre fin aux contrats conclus avec la société Australie et la décision de lancer un appel d'offres concernant les missions que la société Nocibé lui confiait jusque-là ; que, par courrier du 16 janvier 2012, la société Australie a reconnu avoir compris sa décision de mettre fin à leurs relations contractuelles et que le courrier du 19 avril 2012 confirme seulement la résiliation dont la société Australie avait déjà été informée ; qu'elle a respecté le préavis contractuellement prévu, la société Australie ayant disposé de plus de 6 mois, entre fin novembre 2011 et début juin 2012, pour trouver une solution de remplacement et pallier la rupture du contrat d'entreprise ; que ce préavis de 6 mois est parfaitement conforme aux exigences de l'article L. 442-6, I° du Code de commerce, eu égard à la durée de la relation commerciale établie en l'espèce ; qu'en tout état de cause, le fait pour la société Australie d'avoir été préalablement informée de son mécontentement, de son intention de mettre fin à leurs relations commerciales puis de lancer un appel d'offres auquel la société Australie a accepté de participer, prive nécessairement la rupture de tout caractère brutal.

L'intimée fait valoir à titre subsidiaire que si la cour devait considérer qu'elle avait rompu brutalement la relation commerciale et infirmer le jugement sur ce point, elle ne saurait faire droit à la demande de réparation de la société Australie ; que l'indemnisation suite à la rupture d'une relation commerciale doit être calculée en considération de la marge brute escomptée, que l'on obtient en soustrayant les charges fixes au chiffre d'affaires, et non du chiffre d'affaires espéré ; que la société Australie n'est pas fondée à réclamer une indemnisation au motif de l'exclusivité dès lors que la fin de l'exclusivité est la simple conséquence de la rupture de la relation commerciale et non de son caractère brutal; que la preuve du préjudice d'atteinte à l'image n'est pas apportée et qu'en tout état de cause, ce préjudice ne serait qu'une conséquence de la rupture de la relation commerciale et non de la brutalité de celle-ci.

Sur la demande reconventionnelle fondée sur l'avenant au contrat d'entreprise, Nocibé précise qu'en application de cet avenant et notamment du plafonnement de la commission à verser, elle a versé un surplus de 29 498,14 euros hors taxes à la société Australie qui ne lui a pas été restitué, et ceci en contradiction avec les stipulations de l'avenant, dont elle revendique la valeur contraignante, notamment quant aux termes financiers, et son acceptation par la société Australie en dépit de l'absence de sa signature, dès lors que les montants de la commission due par la société Nocibé ont été systématiquement facturés sur la base de cette pièce et que le délai de préavis de 6 mois prévu dans l'avenant a été respecté; que, dans son courrier du 16 janvier 2012, la société Australie a reconnu avoir appliqué les termes de l'avenant.

Cela étant exposé, LA COUR,

Sur la demande de paiement des honoraires complémentaires,

Doit être relevé préalablement, et factuellement, que, au rebours de ce qu'affirme la société Nocibé, la société Australie a réclamé des comptes portant sur les trois années 2011, 2012 et 2013 - et, partant remis en cause l'ensemble de cette période.

L'absence de réclamation antérieure sur des éléments essentiels du contrat ne prive pas la société Australie de son droit à discuter de ces calculs, bien que cette circonstance soit néanmoins singulière au regard de la portée de cette discussion.

Est en cause l'interprétation divergente des parties sur la rédaction de l'article II B du contrat de prestation définissant les honoraires supplémentaires " pouvant aller jusqu'à 15 % des honoraires globaux " et qui " seront mis en place sur des critères de trafic (nombre de tickets) et de chiffre d'affaires (part de marché e-commerce inclus) définis ultérieurement ".

La société Australie relève qu'aucune de ces données n'a été communiquée pour les trois années en cause et que les informations fournies par la société Nocibé le 29 mai 2013, soit un an après la fin de leurs relations, étaient insuffisantes, les données ultérieures n'étant pas plus étayées ; qu'en tout état de cause, les éléments produits ne permettent pas, tant sur le plan des objectifs fixés que sur la définition du trafic à prendre en compte, de valider les chiffres de la société Nocibé ; que les critères à prendre en compte ne sauraient exclure les ventes Internet, qui génèrent nécessairement un ticket et qui participent de sa mission de " communication média et hors média " ; que si le calcul des honoraires prend pour composante du chiffre d'affaires les ventes e-commerce, il en est nécessairement de même pour celle " évolution du trafic " dès lors qu'une augmentation du trafic entraîne mécaniquement celle du nombre de tickets.

La société Australie souligne également que les données avancées par la société Nocibé sur le chiffre d'affaires sont erronées, l'augmentation entre 2011 et 2013 ayant été de 4,5 % ainsi que l'a relevé en l'espèce " le Figaro " en octobre 2013, la société Nocibé qui entend se baser sur la comparaison entre le CA atteint et le CA budgété n'ayant jamais justifié de cette distinction et de ses calculs.

Cependant c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a fait une juste appréciation du droit et des moyens des parties en rejetant la thèse défendue par la société Australie à l'appui de sa demande de paiement d'honoraires complémentaires, qui relève d'une interprétation a posteriori de clauses dont il ne s'agit pas d'apprécier le bien-fondé et la cohérence théoriques éventuels mais de dire, le contrat faisant la loi des parties, si elles sont suffisamment claires par elles-mêmes, cette donnée de base étant indépendante de l'attitude de la société Nocibé à fournir les éléments de calcul afférents.

Doit être ainsi relevé que, quelque soient les influences et répercussion du travail effectué par la société Australie en terme de stratégie et de communication sur le CA réalisé au travers des ventes magasins et Internet, la rédaction même des contrats, passés entre professionnels avertis, n'inclut pas les ventes Internet dans le critère trafic, alors que ce point est spécifié pour le chiffre d'affaires.

Le tribunal en a à juste titre déduit que la volonté des parties n'était pas, au regard de cette distinction claire, d'inclure les ventes Internet dans les deux critères.

Le raisonnement développé des années plus tard, et longuement dans ses écritures, par la société Australie sur le lien entre le trafic Internet et le nombre total des ventes par référence au nombre de tickets n'est pas dans l'absolu dénué de pertinence mais ce n'est pas ce qui a été prévu contractuellement, et il n'appartient pas au juge de ré-écrire ou interpréter un contrat suffisamment clair, au regard d'un certain nombre d'éléments allégués d'équité ou de bon sens qui en affecteraient la cohérence.

Du reste force est de constater que la société Australie a elle-même accepté cette interprétation durant cinq années, soit jusqu'à la rupture des relations commerciales ce qui, de la part d'une agence de cette dimension dénote que l'application de ces clauses ne l'avait pas interpellée, ce qui eût été le cas si les résultats financiers en découlant lui étaient apparus sans rapport avec ce qu'elle devait escompter.

Cette constatation vaut de même pour le moyen tiré du défaut de production par la société Nocibé des modalités de calcul qu'aurait admis pendant trois ans, sans autre explication que celle tirée d'une naïve bonne foi, un professionnel averti tel que la société Australie. Il a été dit plus haut que cette acceptation tacite, non définitive, ne privait pas celle-ci de ses droits. Pour autant ces demandes de production se heurtent néanmoins au fait qu'elles anticipent sur le bien-fondé d'inclure dans le résultat anticipé les données du trafic telles que revendiquées par la société Australie et dont le fondement a été écarté.

Il n'est en conséquence pas justifié que les chiffres fournis par la société Nocibé pour les années 2011, 2012, et 2013 soient remis en cause.

S'agissant des modalités de calcul afférentes au chiffre d'affaires pour l'année 2012 titre de laquelle la société Australie revendique, sur la base d'une progression de 4,5 %, des honoraires d'un montant de 60400 euros et s'appuie pour ce faire sur un article paru dans " le Figaro ", le tribunal a rejeté cette prétention par une analyse approfondie de cette thèse, et la cour n'entend elle-même pas plus attacher de prix réel à cette simple phrase figurant dans un article de presse : " Douglas compte sur le dynamisme de Nocibé dans l'hexagone (4,5 % de croissance à fin septembre dans un marché en recul de 0,5 %) " dans la mesure où, sans remettre en cause le sérieux de cette publication, ce texte ne constitue pas une donnée suffisamment précise pour en tirer un argument tel que celui qu'en tire l'appelante.

Le jugement est en conséquence confirmé sur ces points, rappel fait que Nocibé ne remet pas en cause sa condamnation au paiement d'une somme de 30 200 euros HT.

S'agissant des factures émises en mai 2013 par la société Australie, et qui concerneraient, selon celle-ci, cinq opérations " nouveau concept " effectuées de février à août 2012, hors contrat mais dont elle avait l'exclusivité, force est à nouveau de constater, ainsi que l'a fait le tribunal, qu'aucun devis n'est produit, la société Nocibé opposant sur ce point les dispositions de l'article A 2 du contrat de prestations de services. Cette carence n'interdit pas l'examen des pièces invoquées par la société Australie, mais il est patent que cette démarche procède d'une approche beaucoup plus aléatoire que celle qu'aurait étayé le simple respect du contrat, garant des droits respectifs des parties, et qu'elle repose dès lors sur des courriels brefs, souvent ambigus, nécessitant de la part d'Australie d'initier une discussion problématique sur certains termes : ainsi d'un courriel du 4 janvier 2013 émanant de la société Nocibé et censé valider des prestations de 2012 par la reconnaissance exprès que la société Australie avait réalisé les nouveaux concepts vitrine : force est ainsi de constater que la phrase dont se prévaut la société Australie " je ne vais pas payer 5 000 euros pour de la simple décli vitrine auj(sic) " est loin d'avoir une telle portée. En vérité les quelques courriels dont se prévaut la société Australie, en date des 12 et 13 novembre 2012 (pièce n° 25), ne font que traduire, dans leur brièveté le fait que, pour des prestations restant obscures et imprécises, la société Nocibé opposait déjà leur réalisation par un tiers.

Le jugement, est en conséquence confirmé sur ce point.

S'agissant de la rupture des relations commerciales, la société Australie en dénonce le caractère brutal et, ainsi qu'il l'est rappelé plus haut, juge que la lettre de résiliation du 19 avril 2012 lui accordant un préavis d'un mois, n'avait pas été précédée d'une dénonciation dénuée d'ambiguïté, le tribunal ayant accordé à l'appel d'offres de la société Nocibé une portée contraire à la jurisprudence en la matière.

Aux termes de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, "engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

5) de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels (...) " ;

Cependant c'est de nouveau par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a fait une juste appréciation du droit et des moyens des parties en s'appuyant sur la nature des termes utilisés par la société Nocibé dès le 23 novembre 2011 dans leurs échanges : ce courriel, envoyé par la nouvelle Présidente de l'entreprise, comporte en effet les termes suivants :

" Nous avons lancé avec la société de conseil Lynx un diagnostic de nos process et de nos dépenses de marketing et de communication. Et concernant notre relation notre diagnostic est alarmant.

Je souhaite que nous puissions nous voir rapidement afin de redéfinir les termes de notre relation dans la mesure où nous déciderions de poursuivre notre collaboration. "

Au rebours de ce que soutient la société Australie, il est difficile de remettre en cause la conclusion tirée de ce courriel par le premier juge, que la société Australie " ne pouvait plus avoir l'assurance de la poursuite aux conditions antérieures du contrat " : en réalité cette analyse est elle-même fort modérée au regard des termes " diagnostic alarmant " et surtout " dans la mesure où nous déciderions de poursuivre notre collaboration. " qui signifiaient clairement, plus qu'une fragilisation de la relation, que le principe de la rupture était quasiment décidé, sauf décision contraire.

La société Australie invoque ensuite un courriel de la société Nocibé en date du 11 janvier suivant - repris également par le tribunal - évoquant " la compétition qui sera lancée au mois de janvier " puis : " les présentes confirment les termes de mon message du 23 novembre dernier valant dénonciation de nos contrats moyennant un préavis de trois mois, de telle sorte que les contrats qui nous lient prendront fin au 29 février 2012. Cette disposition étant dérogatoire à nos termes contractuels je vous remercie de bien vouloir marquer votre accord par retour de mail, les présentes étant entendues pour les contrats d'entreprise comme de prestations ".

La société Australie estime que Nocibé a ainsi tenté de lui faire valider un préavis écourté (trois mois) et souligne que, loin d'agréer à cette rupture, elle a répondu le 16 janvier suivant en réclamant un éclaircissement de la situation, sans obtenir d'autre réponse que celle figurant dans la lettre de résiliation du 19 avril suivant.

Mais ce dernier courrier ne contenait pas une remise en cause avérée de la résiliation du contrat d'entreprise, dont la société Australie se bornait du reste elle-même à relever que, bien qu'il avait déjà été dénoncé en 2010, il avait cependant perduré dans ses applications.

Elle ajoutait d'ailleurs qu'elle " compren(ait) votre décision de remettre à plat vos relations avec vos fournisseurs " et que " bien entendu (elle) souhait(ait) participer à la compétition que vous allez organiser sur le contrat d'entreprise ", mais " à certaines conditions ", qu'elle énumérait ensuite de manière très détaillée.

Ainsi ce courrier se concluait, d'une part, par une demande de confirmation que le contrat de services n'était pas dénoncé - mais le courrier de la société Nocibé cité ci-dessus disait clairement le contraire - et d'autre part, par la confirmation que la société Australie acceptait de participer à l'appel d'offres sous réserve qu'il ne soit pas organisé par la société Lynx, et qu'elle acceptait dès lors de réduire le préavis à fin avril 2012.

S'évince de ce qui précède que la société Australie a parfaitement été informée de la volonté de la société Nocibé de rompre et qu'elle a tenté, ce qui était son droit, de négocier cette rupture, sans y parvenir, la société Nocibé étant elle-même en droit de ne pas tenir compte des conditions posées par sa partenaire ; que, s'agissant du préavis, si la résiliation du contrat a été de nouveau confirmée " à toutes fins utiles " le 19 avril 2012, par la société Nocibé avec effet au 30 mars 2012, sa durée, se calculant à partir du 23 novembre 2011, excédait ainsi six mois, chiffre qui est celui figurant au contrat et qui n'est pas en lui-même mis en cause.

Le jugement est en conséquence confirmé sur ce point.

Sur la demande reconventionnelle de la société Nocibé

S'appuyant sur le principe de répétition de l'indu visant en l'espèce un avenant non signé mais appliqué, selon elle, par les parties, la société Nocibé estime que le premier juge a manqué de cohérence en ne tirant pas les conclusions logiques de ses constatations.

Le tribunal a, de fait, souligné à juste titre que le document valant avenant n'était pas susceptible, en raison de ses insuffisances formelles, de constituer autre chose qu'un projet ; que néanmoins le taux de 7 % y figurant avait été appliqué par les parties en 2010 et 2011, mais pas pour 2012, d'autant que le délai de paiement prévu dans le projet n'avait pas non plus été appliqué.

Le courrier du 16 janvier 2012, adressé par la société Australie comportait ces termes : " un avenant au contrat a donc été élaboré et proposé à vos services pour proroger les conditions contractuelles (29 mai 2009). Malgré la succession de mails de vos services commerciaux (9 juin, 16 juin, 14 août, 18 août, 1er octobre, etc.) nous informant du retour de votre service juridique sur ce contrat, cet avenant n'a pas été signé par Nocibé. Néanmoins il a trouvé son application, notamment, sur les termes financiers (souligné par la cour) ".

La société Australie est fondée à dénier à cette dernière phrase la portée qu'entend lui attribuer la société Nocibé, dès lors que les termes cités ci-dessus sont de portée générale et s'inscrivent dans un débat beaucoup plus complexe dont les conclusions tirées par les parties attestent, non d'une pratique uniforme et constante relevant d'une référence implicite à l'avenant de mai-juin 2009 mais au contraire de diverses pratiques selon les années considérées : la société Nocibé ne saurait sur ce point se prévaloir d'une " application scrupuleuse et fidèle des articles les plus importants de l'avenant " tout en écartant la portée donnée au non-respect avéré des délais de paiement, qui ne constitue pourtant pas une clause mineure du contrat. La circonstance dont elle se prévaut que les factures 2010 et 2011 ne respectent de toute façon pas le contrat d'origine n'est pas plus de nature à valider par défaut l'avenant.

La société Nocibé entend également relever que la société Australie revendique elle-même, par ailleurs, le bénéfice d'un préavis de six mois qui relève des termes de l'avenant, ce qui vaudrait reconnaissance de la validité de cet acte, dont les dispositions ne sauraient être appliquées au gré des circonstances. Mais la société Australie est fondée à opposer que ce délai figurait dans l'article 6 du contrat initial de 2008, qui a perduré par tacite reconduction.

S'évince de ce qui précède que la société Nocibé n'établit pas la preuve d'un usage suffisamment constant et portant sur l'ensemble des dispositions de l'avenant, qui soit de nature à justifier de sa demande de répétition de l'indu.

Le jugement est en conséquence également confirmé sur ce point.

Le tribunal a, en contradiction avec l'essentiel des chefs de sa décision, condamné la société Nocibé au paiement des frais irrépétibles et aux dépens.

Le jugement est en conséquence infirmé sur ces points.

L'équité commande d'allouer à la société Nocibé la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et de rejeter la demande de la société Australie de ce chef.

Les dépens resteront à la charge de cette dernière, qui succombe pour l'essentiel de ses prétentions.

Par ces motifs : Confirme le jugement en toutes ses dispositions hormis en ce qu'il a condamné la société Nocibé au paiement des frais irrépétibles et aux dépens. Statuant à nouveau, Condamne la société Australie à payer à la société Nocibé la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. Rejette toutes autres demandes. Condamne la société Australie aux dépens de première instance et d'appel.