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Décisions

Cass. com., 14 juin 2016, n° 14-16.769

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Victoria Management

Défendeur :

AMD, Aphesteguy

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Célice-Blancpain-Soltner-Texidor, SCP Lyon-Caen-Thiriez, SCP Matuchansky-Vexliard-Poupot

CA Pau, du 13 fév. 2014

13 février 2014

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 13 février 2014), qu'en octobre 2002, la société Victoria Management a commandé à la société Saint Maclou la fourniture et la pose de moquettes ; qu'à la suite de la décoloration de celles-ci, une transaction a été conclue entre la société Saint Maclou et la société Victoria Management, aux termes de laquelle la première acceptait de remplacer les moquettes tandis que la seconde renonçait à toute réclamation concernant les désordres affectant les nouvelles moquettes et à tout recours pour les désordres de même nature qui pourraient apparaître ; que fin 2005, des décolorations ont été constatées sur les nouvelles moquettes ; que la société Victoria Management a obtenu du juge des référés une expertise, dont les opérations ont été étendues à la société Alpes Maritimes Distribution (la société AMD) et à la société Aphesteguy, respectivement fabricant et vendeur d'un produit utilisé par la société Victoria Management pour la désodorisation des moquettes ; que la société Victoria Management a assigné les sociétés Saint Maclou, AMD et Aphesteguy en paiement de dommages-intérêts ;

Sur le premier et le deuxième moyens, réunis : - Attendu que la société Victoria Management fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts à l'encontre de la société AMD et de la société Aphesteguy alors, selon le moyen : 1°) que le fabricant n'est pas déchargé de son devoir d'information sur les conditions d'utilisation du produit qu'il fabrique par le seul fait que l'acquéreur de ce produit est lui-même un professionnel ; que l'obligation d'information et de conseil du vendeur à l'égard de son client sur l'adaptation du matériel vendu à l'usage auquel il est destiné existe à l'égard de l'acheteur professionnel dans la mesure où sa compétence ne lui donne pas les moyens d'apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques du dispositif en cause ; que la société Victoria Management, qui est une professionnelle du tourisme et non de l'entretien, faisait valoir que l'étiquette du produit Surodorant SP fabriqué par la société AMD ne mentionnait pas la présence de produits chlorés ; que si l'étiquette comportait la mention " ne pas pulvériser sur les textiles et les surfaces peintes ", le terme de textile évoquait plutôt des rideaux ou des revêtements de fauteuils plutôt que des moquettes, comme le faisait valoir la société Victoria Management, celle-ci ajoutant que l'étiquette précisait que le produit était conseillé pour les bureaux, ce que confirmait les pictogrammes de cette étiquette qui représentaient un bureau et une salle d'attente ; que, pour écarter la responsabilité de la société AMD, fabricant du produit d'entretien Surodorant SP à l'origine des décolorations subies par les moquettes posées au sein de la résidence hôtelière exploitée par la société Victoria Management, la cour d'appel a retenu que cette dernière était un professionnel, utilisant des produits à usage professionnel et qu'elle ne pouvait donc se présenter comme un profane quant à l'entretien des revêtements de sol ; qu'elle en a déduit que, dès lors que l'étiquette sur le produit mentionnait qu'il ne devait pas être pulvérisé sur les textiles et les peintures, qu'il était idéal pour les locaux d'accueil, les vestiaires, les sanitaires et bureaux, que les autres mentions permettaient de comprendre qu'il s'agissait d'un produit dangereux, et que la société Victoria Management, professionnelle, ne pouvait soutenir ne pas avoir assimilé les moquettes à des textiles ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société Victoria Management, en tant que professionnelle du tourisme, avait pu légitimement se méprendre sur la portée de la mention déconseillant la pulvérisation sur des textiles, dès lors qu'il n'était pas fait mention des revêtements de sol en moquette et que cette étiquette représentait des bureaux et salles d'attente qui ont vocation à être équipés de tels revêtements, et si, en conséquence, la société AMD avait manqué à son obligation d'information et de mise en garde en l'induisant en erreur sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1135 et 1147 du Code civil ; 2°) que le vendeur professionnel d'un produit doit s'interroger sur les besoins de l'acheteur qui le sollicite, peu important que ce dernier soit, ou non, un professionnel, afin de pouvoir remplir à son égard son obligation d'information, de conseil et de mise en garde ; qu'en l'espèce, la société Victoria Management faisait valoir qu'il appartenait à la société Aphesteguy, distributeur du produit Surodorant SP à l'origine des décolorations de la moquette litigieuse, de ne pas recommander ce produit compte tenu de l'environnement dans lequel il allait être utilisé, c'est-à-dire des pièces équipées en revêtement moquetté ; qu'en se bornant à retenir qu'aucun élément n'établissait que la société Aphesteguy connaissait l'utilisation du produit sur les moquettes, tandis qu'il appartenait à ce vendeur professionnel de s'enquérir des besoins de la société Victoria Management et de lui déconseiller l'utilisation de ce produit compte tenu de la présence de revêtements en moquette dans l'essentiel de ses locaux, la cour d'appel a violé les articles 1135 et 1615 du Code civil ; 3°) que le vendeur professionnel n'est pas déchargé de son devoir d'information sur les conditions d'utilisation du produit qu'il fabrique par le seul fait que l'acquéreur de ce produit est lui-même un professionnel ; que l'obligation d'information et de conseil du vendeur à l'égard de son client sur l'adaptation du matériel vendu à l'usage auquel il est destiné existe à l'égard de l'acheteur professionnel dans la mesure où sa compétence ne lui donne pas les moyens d'apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques du dispositif en cause ; que la société Victoria Management, qui est une professionnelle du tourisme et non de l'entretien, faisait valoir que l'étiquette du produit Surodorant SP distribué par la société Aphesteguy ne mentionnait pas la présence de produits chlorés ; que si l'étiquette comportait la mention " ne pas pulvériser sur les textiles et les surfaces peintes ", le terme de textile évoquait plutôt des rideaux ou des revêtements de fauteuils plutôt que des moquettes, la société Victoria Management ajoutant que l'étiquette précisait que le produit était conseillé pour les bureaux, ce que confirmait les pictogrammes de cette étiquette qui représentaient un bureau et une salle d'attente ; que, pour écarter la responsabilité de la société Aphesteguy, distributeur du produit d'entretien Surodorant SP à l'origine des décolorations subies par les moquettes posées au sein de la résidence hôtelière exploitée par la société Victoria Management, la cour d'appel a retenu que cette dernière était un professionnel, utilisant des produits à usage professionnel et qu'elle ne pouvait donc se présenter comme un profane quant à l'entretien des revêtements de sol ; qu'elle en a déduit que, dès lors que l'étiquette sur le produit mentionnait qu'il ne devait pas être pulvérisé sur les textiles et les peintures, qu'il était idéal pour les locaux d'accueil, les vestiaires, les sanitaires et bureaux, que les autres mentions permettaient de comprendre qu'il s'agissait d'un produit dangereux, et que la société Victoria Management, professionnelle, ne pouvait soutenir ne pas avoir assimilé les moquettes à des textiles, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société Victoria Management, en tant que professionnelle du tourisme, avait pu légitimement se méprendre sur la portée de l'étiquette déconseillant la pulvérisation sur des textiles, dès lors qu'il n'était pas fait mention des revêtements de sol en moquette et que cette étiquette représentait des bureaux et salles d'attente qui ont vocation à être équipés de tels revêtements, et si, en conséquence, la société Aphesteguy avait manqué à son obligation d'information et de mise en garde en l'induisant en erreur sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1135 et 1615 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient que l'étiquette apposée au dos des bouteilles de vaporisation du produit Surodorant SP proscrit l'utilisation de ces produits sur les textiles et par conséquence sur les moquettes ; qu'il relève encore que la société Victoria Management, gérant de résidences de tourisme, est chargée de leur entretien et ne peut prétendre ignorer que les moquettes sont des textiles ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, et dès lors que l'obligation d'information du vendeur à l'égard de l'acheteur professionnel n'existe que dans la mesure où la compétence de celui-ci ne lui donne pas les moyens d'apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques du bien vendu, la cour d'appel, qui a retenu que les compétences de la société Victoria Management lui permettaient d'apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques du produit Surodorant SP fourni par la société AMD et vendu par la société Aphesteguy, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen : - Attendu la société Victoria Management fait grief à l'arrêt de la condamner à payer des dommages-intérêts à la société Tapis Saint Maclou pour procédure abusive alors, selon le moyen, que l'abus du droit d'agir en justice ne peut résulter du simple fait d'interjeter appel d'un jugement, pour statuer, en fait et en droit, sur la chose jugée en première instance ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a, ajoutant au jugement, condamné la société Victoria Management à payer à la société Tapis Saint Maclou des dommages-intérêts pour procédure abusive à hauteur de 5 000 euros, pour avoir " en cause d'appel [...] maintenu [s]es accusations sans plus de preuves " ; qu'en fondant cette condamnation sur le seul fait, pour la société Victoria Management, d'avoir interjeté appel du jugement rendu le 12 novembre 2012 par le tribunal de commerce de Bayonne, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif impropre à caractériser un abus du droit d'interjeter appel, a violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient que, malgré l'existence d'une transaction ayant force d'une décision de justice en dernier ressort, par laquelle elle avait renoncé à toute action envers la société Tapis Saint Maclou, la société Victoria Management n'a pas hésité à engager une action sans apporter la moindre preuve des manœuvres dolosives et de la contrainte économique qu'elle invoquait ; que l'arrêt retient encore que la société Victoria Management, qui avait manifestement commis des négligences dans l'utilisation du produit Subodorant SP, a porté des accusations graves, qu'elle a maintenues en cause d'appel, sans preuve et avec mauvaise foi, contre la société Tapis Saint Maclou, ce dont il résulte un préjudice incontestable ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.