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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. civ., 27 février 2017, n° 14-02313

BORDEAUX

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

La Monsécoise (SARL)

Défendeur :

M3 (SAS), Generali (Sté), Konrad Forsttecnick GmbH (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chelle

Conseillers :

Mme Fabry, M. Pettoello

T. com. Périgueux, du 18 mars 2014

18 mars 2014

Exposé du litige :

La société La Monsécoise, qui exerce une activité d'abattage et de revente d'arbres auprès d'industriels du bois, a commandé le 23 février 2008 à la société M3 une pelle à chenilles de marque JCB modèle JS 220 AMS Monobloc LCXD équipée de la tête d'abattage de marque Konrad Woody 52 ainsi que :

- Un ensemble réfrigérant montage compris (PPM)

- Un compresseur à air hydraulique 50 litres montage compris

- Un extincteur

- Des guides chaînes supplémentaires,

Le tout pour la somme de 208 000 euros HT.

Pour le financement de ce matériel, la société la Monsécoise a souscrit le 28 mai 2008 un contrat de crédit-bail auprès de la société Finances et Gestion - JCB Finance. Le montage de la tête d'abattage sur la pelle commandée a été confié à M. P.

Confrontée à de nombreuses difficultés, la société la Monsécoise a sollicité une expertise judiciaire. L'expert, désigné par ordonnance de référé du 30 octobre 2009, a rendu son rapport le 30 mai 2011.

Par exploit d'huissier en date du 13 décembre 2012, la société la Monsécoise a fait assigner M. P., la société M3 et la société JCB Finance devant le Tribunal de commerce de Périgueux sur le fondement de l'article 1644 du Code civil.

Par actes des 13 mai et 27 juin 2013, M. P. a fait intervenir dans la cause sa compagnie d'assurance Generali puis la société Konrad.

Le contrat de crédit-bail étant arrivé à terme, la société La Monsécoise a levé l'option et s'est désistée de toute demande à l'encontre de la société JCB Finance.

Par jugement du 18 mars 2014 le Tribunal de commerce de Périgueux a:

- mis hors de cause la société JCB Finance,

- donné acte à la cie Generali, assureur de la société M3, de son intervention volontaire,

- homologué le rapport d'expertise,

- débouté la société Konrad de son exception d'incompétence tardive et non fondée,

- débouté la société la Monsécoise de son action en garantie des vices cachés comme non fondée,

- débouté la société la Monsécoise de sa demande de résolution de la vente et restitution du prix comme non fondée,

- retenu le préjudice subi par la société la Monsécoise à hauteur de 29 917,29 euros TTC tel que chiffré par l'expert, après retenue de sa part de responsabilité,

- condamné la société M3 à verser à la société la Monsécoise la somme de 10 284,07 euros TTC,

- condamné M. P. à verser à la société la Monsécoise la somme de 8 414,24 euros TTC,

- condamné la société Konrad à verser à la société la Monsécoise la somme de 11 218,98 euros TTC,

- débouté la société la Monsécoise de toutes ses autres demandes en réparation des préjudices matériels ou immatériels allégués, comme non fondées,

- débouté M. P. de son appel en garantie par sa compagnie d'assurance Generali comme non fondé,

- débouté les autres parties de toutes leurs autres demandes, y compris celles formulées sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement nonobstant appel, à charge pour la société la Monsécoise de fournir caution ou de justifier d'une solvabilité suffisante,

- condamné conjointement la société M3, M. P. et la société Konrad aux entiers dépens de l'instance.

La société la Monsécoise a relevé appel de la décision par déclaration en date du 15 avril 2014.

Dans ses dernières conclusions, remises et notifiées le 1er juin 2016, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé de ses moyens et arguments, elle demande à la cour de :

- déclarer son appel recevable et bien fondé ;

- confirmer le jugement uniquement en ce qu'il a considéré que M. P. avait commis une faute lui causant un préjudice certain et direct

Pour le surplus,

- infirmer le jugement et statuant à nouveau,

- dire et juger que la pelle à chenilles de marque JCB modèle JS 220 AMS Monobloc LCXD équipée de la tête d'abattage de marque Konrad modèle Woody 52 est affectée de vices cachés la rendant impropre à l'usage auquel on la destine ou en diminuant tellement l'usage qu'elle ne l'aurait jamais acquise pour les besoins de son activité,

- en conséquence, vu l'article 1644 du Code civil,

- prononcer la résolution du contrat de vente de la pelle à chenilles de marque JCB montée par Monsieur Patrick P. avec :

- un ensemble réfrigérant montage compris (PPM)

- un compresseur à air hydraulique 50 litres montage compris un extincteur

- des guides chaînes supplémentaires

- et ce, pour la somme de 208 000 euros H.T

- ordonner la reprise par la société M3 et à ses frais exclusifs de la pelle à chenilles, au besoin sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir et jusqu'à sa reprise effective

- lui donner acte de ce qu'elle tient la pelle à chenilles à la disposition de la société M3 en vue de sa reprise

- condamner la société M3 à lui rembourser le prix de vente de la pelle à chenilles, soit la somme de 208 000 euros H.T, soit 248 768 euros TTC, et ce, assortie des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir et jusqu'à parfait paiement

- vu les articles 1382 et 1645 du Code civil,

- condamner in solidum la société M3 et M. P. à lui payer les sommes suivantes

- 25 200 euros au titre des pertes d'exploitation jusqu'au dépôt du rapport d'expertise,

- 16 486,40 euros au titre de ses pertes directes liées à la défectuosité de la machine JCB,

- 7 488 euros au titre des assurances,

- 47 094,88 euros au titre des taxes

- 1 257,84 euros au titre des intérêts pénalités de retard,

- 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice commercial et d'image,

- 27 500 euros au titre des loyers payés pour la location d'un autre matériel

- 12 461 euros au titre des frais d'assurances

- et ce, à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices subis ;

- ordonner la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1154 du Code civil

- dire que la compagnie d'assurance Generali Iard devra sa garantie à ses assurés, soit M. P. et la société M3 pour les causes du présent litige

- en tout état de cause,

- débouter la société M3, M. P. et la compagnie d'assurance Generali de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions à son encontre ;

- condamner in solidum la société M3, M. P. et la compagnie Generali à lui payer la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner in solidum les mêmes aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise engagés et les frais éventuels d'exécution.

A l'appui de ses demandes, la société La Monsécoise fait valoir en substance que le matériel litigieux est indéniablement atteint d'un vice caché qui justifie à la fois la résolution de la vente et le remboursement du prix par son vendeur la société M3 qui doit en outre, avec M. P. dont les fautes ont contribué aux désordres, l'indemniser de son entier préjudice.

Dans leurs dernières conclusions, remises et notifiées le 20 mai 2016, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, la société M3 (intimée au principal et appelante à titre incident) et la compagnie Generali, intervenante volontaire, demandent à la cour de :

- déclarer la société M3 recevable et fondée en son appel incident ;

- déclarer la compagnie Generali recevable et bien fondée en son intervention volontaire ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société M3 au paiement de la somme de 10 284 euros TTC ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de condamnation de M. P. à relever et garantir la société M3 des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.

- le confirmer pour le surplus

- en conséquence,

- dire et juger que l'existence d'un vice caché n'est pas établie,

- rejeter purement et simplement l'ensemble des demandes de la société La Monsécoise formées à l'encontre de la société M3 ;

- subsidiairement,

- dire et juger que la société La Monsécoise ne justifie pas des préjudices matériels et immatériels allégués ;

- en conséquence,

Débouter purement et simplement la société La Monsécoise de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société M3 ;

- en toutes hypothèses,

- condamner Monsieur Patrick P. et la société Konrad à relever et garantir la société M3 de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre ;

- dire et juger que la garantie de la Compagnie Generali n'est pas acquise s'agissant du remboursement du prix de vente et des pertes directes ;

- dire et juger que la Compagnie Generali est bien fondée à voir appliquer le plafond de 152 449 euros prévu aux conditions particulières de son contrat afférent aux dommages immatériels non consécutifs à un dommage matériel garanti ;

- dire et juger que la Compagnie Generali est bien fondée à voir appliquer le montant de la franchise prévue aux conditions particulières du contrat à savoir 10 % du montant des dommages immatériels non consécutifs réclamés par la société La Monsécoise avec un minimum de 762 euros et maximum de 3 049 euros

- condamner solidairement la société La Monsécoise et à défaut tout succombant à leur payer la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

A l'appui de leurs demandes, elles font notamment valoir que la société La Monsécoise, qui affirme que ces désordres constituent des vices cachés rendant le véhicule impropre à sa destination, elle n'en rapporte nullement la preuve ; que les préjudices invoqués ne sont pas d'une gravité telle qu'ils puissent être qualifiés de rédhibitoires.

Dans ses dernières conclusions, remises et notifiées le 20 mai 2016, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé de ses moyens et arguments, M. P. demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté comme non fondée la demande de résolution de vente,

- l'infirmer en ce qu'il a retenu sa responsabilité, exerçant sous l'enseigne P. Patrick matériel, et l'a condamné au paiement de la somme de 8 414.24 euros

- ordonner le remboursement de cette somme par la société la Monsécoise, avec intérêts de droit à compter du paiement,

- à titre subsidiaire, et si la cour devait retenir la responsabilité de M. P.,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a :

- débouté de sa demande à l'encontre de la Compagni Generali, son assureur, et condamner l'assureur à le relever indemne,

- débouté de sa demande de condamnation au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

- condamné au paiement des dépens, en exécution des dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile.

Il conteste l'existence de vices cachés empêchant la machine de fonctionner normalement, et fait valoir que la plupart des pannes étaient consécutives à des défauts d'utilisation et d'entretien.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 mai 2016 et l'affaire a été plaidée le 06 juin 2016.

Par arrêt avant dire droit en date du 12 septembre 2016, auquel il convient de se reporter pour plus amples exposé des moyens et prétentions des parties, cette cour a ordonné le renvoi de l'affaire à l'audience de mise en état du 22 novembre 2016 à 9 h30 pour exécution des formalités prévues à l'article 902 du Code de procédure civile à l'égard de la société Konrad Forsttechnick GMBH, qui n'avait pas constitué avocat cependant qu'il n'apparaissait pas que le greffe avait avisé l'avocat de l'appelante afin que ce dernier procède par voie de signification de la déclaration d'appel. Le conseil de M. P. a fait signifier à la société Konrad l'arrêt et la déclaration d'appel. A l'audience de mise en état, l'appelante a fait valoir qu'elle n'avait pas quant à elle à procéder à cette signification, n'ayant formé aucune demande à l'encontre de la société Konrad. Le dossier a été renvoyé à l'audience de plaidoirie du 30 janvier 2017.

Motifs :

Il convient de relever à titre liminaire que les intimés forment certaines demandes à l'encontre qui de la société Konrad, qui de la compagnie Generali en qualité d'assureur de M. P. Ces demandes ne pourront cependant être examinées par la cour dans la mesure où ni la société Konrad ni la compagnie Generali en qualité d'assureur de M. P. n'ont été régulièrement appelées à la procédure d'appel.

Il y a lieu en revanche de constater que la compagnie Generali en qualité d'assureur de la société M3 intervient régulièrement à la procédure par l'effet de son intervention volontaire.

Le débat devant la cour porte donc exclusivement :

- d'une part, sur l'existence d'un vice caché justifiant la résolution du contrat et la restitution par la société M3 du prix de vente du matériel ;

- d'autre part, sur la faute imputable à la société M3 et à M. P., fondant la demande de dommages et intérêts formée par l'appelante au visa de l'article 1382 du Code civil.

Sur l'existence d'un vice caché et la résolution du contrat de vente :

Aux termes des dispositions de l'article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des vices cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

- Sur l'existence d'un vice caché :

Il résulte sans ambiguité du rapport d'expertise que l'équipement litigieux, constitué de trois ensembles (la pelle sur chenilles JCB 3 fournie par la société M3 ; la tête d'abattage fournie par la société Konrad ; le système d'alimentation hydraulique fabriqué par l'entreprise PPM (M. P.), a présenté des désordres dès sa livraison. A l'origine des dysfonctionnements, l'expert a identifié plusieurs facteurs, notamment :

- l'inadéquation de la tête au porteur ;

- l'inadéquation du circuit hydraulique aux besoins de la tête et aux capacités de la pelle ;

- le dimensionnement et le choix des composants ajoutés par la réalisation du montage pelle / tête pour l'alimentation hydraulique.

L'expert a considéré que compte tenu des conditions d'utilisation très dures et inhérentes au travail en forêt, qui sollicitaient très fortement les différents composants, le choix des constituants des matériels, en particulier les composants hydrauliques, auraient pu être d'un standard plus élevé. Il a estimé que ces défauts ne permettaient pas de caractériser un vice de fabrication mais plutôt une approche technique minimaliste dans la définition des contraintes que subissaient les matériels, à l'origine des pannes.

Le tribunal quant à lui a écarté l'existence d'un vice caché au motif qu'un tel vice, inhérent à la chose, ne pouvait exister dans le cas d'un équipement composé de plusieurs ensembles dépourvus de vice de fabrication.

Cette considération ne fait cependant pas obstacle à l'existence d'un vice caché dans la mesure où la société la Monsécoise a acquis l'équipement entier auprès du même vendeur, la société M3, sous le contrôle de laquelle il a été monté et livré. Même si chaque élément, envisagé seul, est dépourvu de vice de fabrication, le vice caché peut consister en une incompatibilité totale ou partielle entre certains éléments de l'ensemble. L'inadaptation constatée par l'expert notamment entre la tête d'abattage et la pelle à chenilles, et l'insuffisance structurelle du circuit hydraulique pour répondre aux besoins de la tête et aux capacités de la pelle, permet de caractériser un vice, préexistant à la vente puisqu'inhérent à la conception même de la machine, et non visible aux yeux de l'acquéreur puisqu'affectant un système complexe et élaboré.

Les intimés ne peuvent opposer le fait que l'appelante aurait, en toute connaissance de cause, fait le choix d'acquérir une pelle hydraulique équipée d'une tête d'abattage plutôt qu'une machine forestière sur pneus, alors que si l'engin à chenilles lui permettait certes un accès plus facile sur terrain accidenté dans les bois, il présentait l'inconvénient d'avoir un rendement inférieur et de ne pas pouvoir faire fonctionner en même temps la tourelle en orientation et la coupe en raison d'une puissance hydraulique insuffisante. En effet, aucun d'entre eux ne justifie avoir délivré cet avertissement à l'intéressée, alors qu'il est acquis aux débats que tous étaient prévenus des impératifs qu'entrainait la réalisation d'une machine hybride et polyvalente, et parfaitement informés de l'usage qui devait en être fait et de la nature de la prestation attendue. Par ailleurs, il ne ressort pas des débats que toutes les pelles hydrauliques, quelle qu'en soit la conception, soient inévitablement affectées par ce défaut auquel M. P. a d'ailleurs tenté de remédier en ajoutant une pompe auxiliaire, ce qui a permis d'augmenter la puissance hydraulique de l'engin et de résoudre certains des désordres allégués.

Il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement, et de dire que l'ensemble litigieux était affecté d'un vice caché.

Sur l'impropriété à l'usage :

Les intimés soutiennent que les différents désordres affectant le matériel ne le rendaient pas impropre à son usage et n'étaient pas d'une gravité suffisante pour justifier une action rédhibitoire ; qu'ils étaient en outre facilement réparables, et ont fait l'objet de plusieurs interventions de la société M3 et de la société PPM ; qu'enfin ils résultaient en partie d'une utilisation défectueuse par la société La Monsécoise.

Le tribunal a lui aussi estimé que les pannes et arrêts pouvaient être résolus et n'avaient provoqué qu'une diminution d'agrément ne constituant pas un vice caché et ne rendant pas la pelle impropre à son usage dans la mesure où elle avait pu être utilisée et utilisable sur une moyenne de plus de 6 heures par jour.

Il ressort néanmoins des débats et du rapport d'expertise que le matériel a connu 74 pannes entre le 1er septembre 2008 et le mois de mars 2011, dont 55 entre septembre 2008 et avril 2010. L'existence de pannes aussi récurrentes (qui ont entraîné 74 jours d'arrêt sur 609 jours entre le 30 avril 2008 et le 28 février 2010 soit un taux de 12,2 % supérieur aux standards d'indisponibilité qui se situent entre 5 et 10 %) n'a pas permis une utilisation " normale " de la machine, et n'a pu manquer de générer une désorganisation de l'activité de la société et des surcoûts d'exploitation, ce qui confirme l'impropriété à l'usage. Par ailleurs, contrairement à ce qu'affirment les intimés, les interventions réalisées par eux pour tenter de remédier aux désordres, et notamment l'ajout d'une pompe hydraulique, ne se sont pas révélées probantes, certains désordres subsistant encore à ce jour.

Aux termes de l'article 1644 du Code civil, dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix (...).

L'appelante ayant fait le choix, discrétionnaire, de rendre la chose et de se faire restituer le prix, il y a lieu de prononcer la résolution de la vente et de condamner la société M3, vendeur, à lui rembourser le prix de vente, soit la somme de 208 000 euros HT.

La société M3 devra récupérer le matériel, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette mesure d'une astreinte.

Sur les dommages et intérêts :

L'appelante demande la condamnation in solidum de la société M3 et de M. P., sur le fondement des articles 1382 et 1645 du Code civil, à lui payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts.

N'étant cependant pas recevable à invoquer cumulativement ces deux articles, sa demande sera examinée sur le fondement du seul article 1645, selon lequel, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.

Ces dispositions sont applicables à la société M3, réputée, en sa qualité de vendeur professionnel, connaître les vices de la chose.

Compte tenu des justificatifs versés aux débats, il y a lieu, sur ce fondement, de condamner la société M3 au paiement des sommes suivantes:

- 25 200 euros HT au titre des pertes d'exploitation indirectes jusqu'au dépôt du rapport d'expertise, (chiffre validé par l'expert)

- au titre de ses pertes directes liées à la défectuosité de la machine JCB, la somme de 16 486,40 euros HT (6 068,09 HT euros telle que retenue par l'expert, ainsi qu'une somme de 10 418,31 euros HT correspondant aux dépenses exposées après le dépôt du rapport au titre des désordres)

- 27 500 euros HT (2 750 euros HT X 10) correspondant au coût de location d'une autre machine pendant 10 mois, d'août 2012 à mai 2013.

Les demandes formées par la société la Monsécoise au titre du préjudice subi dans le cadre du financement de la machine (7 488 euros d'assurances + 47 094,88 euros de taxes + 1 257,84 euros d'intérêts et pénalités de retard), et des frais d'assurance du matériel (12 461 euros), bien que recevables puisqu'accessoires à la demande initiale en réparation du préjudice, seront rejetées dans la mesure d'une part où les dépenses concernées ont été exposées pour un matériel dont l'appelante a, en dépit des circonstances, bénéficié et fait usage, et où elles sont sans lien direct avec le préjudice puisque la société La Monsécoise les aurait exposées de la même manière si le matériel avait été exempt de vice.

Quant au préjudice commercial et d'image, si l'appelante justifie d'une baisse substantielle de son chiffre d'affaires, elle ne produit aucun élément justifiant de ce que cette baisse résulte des désordres affectant le matériel. Sa demande à ce titre sera aussi rejetée.

Il résulte des stipulations de l'article 18-7 des conditions générales du contrat d'assurance " garagiste " souscrit par la société M3 auprès de la compagnie Generali que la garantie de l'assureur n'est pas acquise à la société M3 s'agissant du remboursement du prix de vente et des pertes directes. En revanche, cette garantie lui est acquise pour les dommages immatériels consécutifs à un dommage matériel non garanti (soit 52 700 euros en l'espèce (25 200 + 27 500)), dans la limite d'un plafond de 152 449 euros et sous déduction d'une franchise de 10 % d'un montant minimum de 762 euros et maximum de 3 049 euros.

La société M3 demande, à titre subsidiaire, à être relevée et garantie par M. P. et la société Konrad de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre.

Sa demande à l'encontre de la société Konrad ne saurait prospérer, celle-ci n'ayant pas reçu signification de ses conclusions d'intimée.

Sur la faute reprochée à M. P. :

Il ressort des débats que M. P. (exerçant sous l'enseigne commerciale PPM), concepteur et non simple monteur du système d'alimentation hydraulique, informé de l'usage attendu de la machine par la société La Monsécoise, a procédé à l'assemblage de la tête d'abattage et de la pelle mécanique ainsi qu'à l'installation du système d'alimentation hydraulique conçu par ses soins.

C'est à bon droit que le tribunal a considéré qu'il devait vérifier que l'ensemble des données techniques émanant de la pelle " organe émetteur " étaient compatibles en termes de débit et pression non seulement avec les besoins du récepteur (la tête Woody) mais encore avec l'ensemble des connectiques utilisées (les raccords des tuyaux hydrauliques mis en œuvre pour assurer le transfert du fluide). Or, il résulte clairement des conclusions de l'expert que M. P. a commis des fautes qui ont contribué à la survenance des désordres en :

- choisissant des composants de qualité inférieure à celle prescrite par la société M3 et d'un dimensionnement insuffisant ;

- concevant le système d'alimentation hydraulique de la pelle sans respecter le plan de montage ; ainsi, il a notamment fait le choix d'implanter les tuyauteries au-dessus de la flèche plutôt que sur les flancs, ce qui, en diminuant les rayons de courbure des flexibles, a augmenté les contraintes et les réactions sur les jonctions. L'expert a en effet estimé que les pressions assez importantes de retour à la bâche, à l'origine de la fatigue puis de la rupture des joints, ne provenaient pas seulement de la conception de la tête d'abattage, mais aussi de la configuration du système hydraulique par PPM.

Aux termes de sa démonstration et en considération des multiples facteurs retenus, l'expert a réparti la responsabilité des intervenants dans les proportions suivantes : 20 % à la société la Monsécoise ; 22,50 % à M. P. ; 27,50 % à la société M3, et 30 % à la société Konrad.

L'expert, dont les estimations ni la méthode de calcul ne sont remises en cause, a estimé que la société la Monsécoise elle-même avait contribué à hauteur de 20 % à son préjudice en raison d'une part d'un entretien médiocre, et d'autre part d'une formation insuffisante de son salarié ayant conduit à une utilisation inadaptée de la machine. L'appelante conteste toute faute en soutenant qu'elle a parfaitement respecté l'obligation d'entretien lui incombant. Elle n'oppose cependant aucun argument à l'expert qui relève une absence de valorisation du matériel, et une carence dans la formation du second salarié, obligations qui s'imposaient à elle en raison de la spécificité de la machine. Il y a donc lieu de laisser à sa charge la somme de 13 837,28 euros HT (soit 20 % de la somme de 69 186,40 euros).

La société M3 sera donc condamnée au paiement de la somme de 55 349,12 euros HT dont 30 302,50 euros HT (57,5 % de 52 700 euros) sous la garantie de son assureur Generali.

L'expert a considéré par ailleurs que compte tenu de la complexité du système hydraulique et les difficiles conditions d'utilisation, de maintenance et d'entretien, la responsabilité de M. P. devait être limitée à 22,5 % des coûts et pertes.

Il y a lieu en conséquence de condamner M. P. à relever et garantir la société M3 à hauteur d'une somme de 15 566,94 euros HT (soit 22,5 % de la somme de 69 186,40 euros).

M. P. sollicite l'infirmation du jugement qui l'a débouté de sa demande à l'encontre de son assureur, la Compagnie Generali, et la condamnation de celle-ci à le relever indemne.

Sa demande ne saurait cependant prospérer, la compagnie Generali en qualité d'assureur de M. P. n'étant pas partie à la procédure d'appel faute d'y avoir été régulièrement appelée par l'appelante ou l'une des parties intimées.

Pour les mêmes motifs, la demande de la société la Monsécoise tendant à voir condamner la compagnie Generali en qualité d'assureur de M. P. ne pourra qu'être écartée.

Sur les demandes accessoires :

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la société Monsécoise les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens d'appel. La société M3, son assureur la compagnie Generali et M. P. seront condamnés à lui verser la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société M3, son assureur la compagnie Generali et M. P. seront en outre condamnés aux entiers dépens.

Par ces motifs, Vu l'arrêt avant dire droit du 12 septembre 2016, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort, Infirme le jugement du tribunal de commerce de Périgueux en date du 18 mars 2014 en ce qu'il a : débouté la société la Monsécoise de son action en garantie des vices cachés, débouté la société la Monsécoise de sa demande de résolution de la vente et restitution du prix, retenu le préjudice subi par la société la Monsécoise à hauteur de 29 917.29 euros TTC, condamné la société M3 à verser à la société la Monsécoise la somme de 10 284.07 euros TTC, condamné M. P. à verser à la société la Monsécoise la somme de 8 414.24 euros TTC, débouté la société la Monsécoise de toutes ses autres demandes en réparation des préjudices matériels ou immatériels allégués, Le confirme pour le surplus, Statuant à nouveau, Déclare la compagnie Generali, en qualité d'assureur de la société M3, recevable en son intervention volontaire, Prononce la résolution pour vice caché du contrat de vente de la pelle à chenilles de marque JCB modèle JS 220 AMS Monobloc LCXD équipée de la tête d'abattage de marque Konrad modèle Woody 52, Condamne la société M3 à rembourser à la société la Monsécoise la somme de 208 000 euros H.T majorée des intérêts au taux légal à compter de la présente décision, à charge pour la société M3 de venir récupérer la pelle à chenilles à ses frais, Condamne la société M3 à payer à la société la Monsécoise la somme de 55 349,12 euros HT à titre de dommages et intérêts, Ordonne la capitalisation des intérêts, Dit que la garantie de la Compagnie Generali est acquise à la société M3 à hauteur d'une somme de 30 302,50 euros HT, dans la limite du plafond de 152 449 euros et sous déduction de la franchise prévue aux conditions particulières du contrat à savoir 10 % du montant des dommages immatériels réclamés par la société La Monsécoise avec un minimum de 762 euros et un maximum de 3 049 euros, Condamne M. P. à relever et garantir la société M3 de la condamnation prononcée à son encontre à titre de dommages et intérêts à hauteur d'une somme de 15 566,94 euros HT ; Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires, Condamne in solidum la société M3, son assureur la compagnie Generali et M. P. à payer à la société La Monsécoise la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne in solidum la société M3, son assureur la compagnie Generali et M. P. aux entiers dépens de la procédure d'appel.