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Décisions

CA Poitiers, 2e ch. civ., 28 février 2017, n° 16-00532

POITIERS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Pôle Cervoiserie (SARL)

Défendeur :

Bières et Plaisirs (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Sallaberry

Conseillers :

Mme Caillard, M. Waguette

Avocats :

Mes Antoine, Clerc, Manoukian

T. com. La Rochelle, du 22 janv. 2016

22 janvier 2016

Objet du litige et prétentions des parties

L'EURL Pôle Cervoiserie a développé une activité commerciale dans le domaine du commerce de gros, demi-gros et détail de boissons alcoolisées et non alcoolisées. Son gérant M. Dominique B. a mis au point un concept de distribution commerciale de bières de spécialité avec vente sur place ou à emporter " La Cervoiserie Bières Précieuses ", qu'il a exploité dans un local situé <adresse> pendant plusieurs années. La marque a fait l'objet d'un dépôt à l'INPI (Institut National de la propriété Intellectuelle) le 10 juillet 2006. M. B. a ensuite créé une franchise sous l'enseigne " La Cervoiserie Bières Précieuses " dans le cadre de la SARL Pôle Cervoiserie immatriculée au RCS (Registre du Commerce et des Sociétés) le 12 août 2010.

Au mois d'octobre 2011, Mme H. et M. B. sont entrés en contact avec M. B. lui faisant part de leur intérêt pour être franchisés sous l'enseigne " La Cervoiserie Bières Précieuses ". A cet effet ils ont signé le 21 octobre 2011, un contrat de réservation aux termes duquel une priorité leur était donnée pour l'ouverture d'un magasin franchisé à Challans en Vendée. Au terme de cet accord le franchiseur s'interdisait de rechercher tout autre futur postulant à la franchise sur la zone de Challans et ses alentours dans la limite d'un rayon de 20 kms à vol d'oiseau autour du lieu de vente retenu par les franchisés. En contrepartie, Mme H. et M. B. s'interdisaient, dès la signature du contrat de réservation, de développer à titre personnel ou en qualité de collaborateur, associés ou partenaires, individuellement ou ensemble, à quelque titre que ce soit, une activité similaire et d'utiliser les connaissances acquises, les informations mises à leur disposition et le savoir-faire de M. B. et de la Cervoiserie, franchiseur. Ils signaient le document d'information pré-contractuel, s'engageaient à observer la plus stricte confidentialité, s'interdisant de le reproduire et devaient restituer le document s'ils ne donnaient pas suite au projet.

Mme H. et M. B. n'ayant pas reçu de réponses favorables à leurs demandes de financement bancaires n'ont pas donné suite à leur projet de s'installer en tant que franchisés " La Cervoiserie Bières Précieuses " mais ont créé la SARL " Bières et Plaisirs " le 11 septembre 2012 pour exploiter une cave à bières <adresse> à compter du 12 octobre 2012.

M. B. s'inquiétant du silence des futurs franchisés les a interrogés et a appris fin décembre 2012, l'abandon de leur projet et leur installation ci-dessus mentionnée. Il a alors saisi le président du Tribunal de grande instance de La Rochelle aux fins d'obtenir la désignation d'un huissier pour analyser de façon comparative l'exploitation de l'activité du Pôle Cervoiserie Bières Précieuses à La Rochelle et celle de la SARL Bières et Plaisirs à Challans afin de déterminer l'existence de similitudes (logos, nom, aménagement intérieurs, produits, cartes de fidélité flyers etc..), demande à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 30 janvier 2014 rendue par le président du Tribunal de commerce de La Rochelle. Les constats ont été dressés respectivement à la Rochelle le 12 mars 2014 et à Challans le 23 mai 2014.

Se fondant sur les éléments ainsi recueillis, par acte d'huissier du 29 décembre 2014, la SARL Pôle Cervoiserie Bières précieuses a assigné Mme H. et M. B. et la SARL Bières et Plaisirs devant le Tribunal de commerce de La Rochelle aux fins d'obtenir sous le bénéfice de l'exécution provisoire la reconnaissance des actes de parasitisme commis par ces derniers et leur condamnation solidaire à prendre toutes dispositions pour que le commerce exercé dans le local sis <adresse> soit modifié afin qu'aucune confusion ne soit possible avec le concept " La Cervoiserie Bières Précieuses " dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir sous peine astreinte de 500 euro par jour de retard, leur condamnation à lui payer la somme de 100 000 euro à titre de dommages et intérêts.

Par jugement en date du 12 janvier 2016, le Tribunal de commerce de La Rochelle a :

- Reçu la SARL Pôle Cervoiserie en ses demandes, fins et conclusions, les a dit mal fondées,

- Débouté la SARL Pôle Cervoiserie de l'ensemble de ses demandes,

- Condamné la SARL Pôle Cervoiserie à payer à la SARL Bières et Plaisirs la somme de 1 500 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens avec application de l'article 696 du même code.

Par déclaration en date du 9 février 2016 la SARL Pôle Cervoiserie a relevé appel de cette décision et selon ses dernières conclusions notifiées le 1er décembre 2016 elle demande à la cour de :

- Déclarer son appel recevable et bien fondé

- Infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau

Vu le contrat de réservation signe par Mme H. et M. B. le 21 octobre 2011, Vu la déclaration de candidat franchise signée le 24 octobre 2011, Vu la remise du Document d'Information Pré-contractuelet son absence de restitution

Vu les engagements pris par Madame Vanessa H. et Monsieur Vincent B. dans ces différents documents contractuels.

- Dire et juger que Mme H. et M. B. ont violé leurs engagements en constituant la société Bières et Plaisirs qui a repris le concept La Cervoiserie Bières Précieuses ont commis un acte de parasitisme.

En conséquence,

- Condamner solidairement Mme H. et M. B. et la société Bières et Plaisirs à prendre toutes dispositions pour que le commerce exercé dans le local sis <adresse> soit modifié afin qu'aucune confusion ne soit possible avec le concept " La Cervoiserie Bières Précieuses " dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir sous peine astreinte de 500 euro par jour de retard et ce pendant un délai d`un mois passé lequel délai sera à nouveau fait droit.

- Condamner solidairement Mme H. et M. B. et la SARL Bières et Plaisirs à lui payer à titre de dommages et intérêts la somme de 100 000 euro

- Ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans un journal local pour un coût limité à 5 000 euro.

- Condamner solidairement Mme H. et M. B. et la société Bières et Plaisirs à lui payer une somme de 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La SARL Pôle Cervoiserie estime que la société Bières et Plaisirs a commis des actes de parasitisme en copiant son concept de distribution de bières, bloquant ainsi toute possibilité au franchiseur, à l'avenir, d'installer un franchisé sur la ville de Challans et ses environs. Elle demande que l'intimée soit condamnée à modifier son magasin, son mode de distribution et dégustation de bières, pour éviter toute confusion dans l'esprit des consommateurs. Elle demande l'allocation de la somme de 100 000 euro à titre de réparation du préjudice subi et de la perte du chiffre d'affaire liée à la non-installation d'un franchisé sur le site de Challans.

Elle s'appuie sur les deux constats d'huissier en précisant que tous les éléments ont été copiés.

Elle dénie toute force probante à l'exemple de V&C qui n'intervient pas sur le même registre qu'elle (restauration en plus et distribution de vins).

Elle soutient que le préjudice créé pour elle par les actes de parasitisme est caractérisé par le fait que respectant les engagements de l'article 4 du contrat de réservation elle s'est abstenue de rechercher un autre candidat à la franchise sur la zone de Challans alors même qu'elle avait été sollicitée à plusieurs reprises sur le département de la Vendée sur Challans, Aizenay et la Roche-Sur-Yon, attendant l'ouverture prochaine d'une " Cervoiserie ". La zone de Challans n'offre pas un marché permettant l'implantation d'un second commerce de même nature, ce qui l'a obligé à abandonner tout projet d'implantation sur cette zone géographique, ceci représentant pour la société un préjudice commercial important.

Selon leurs dernières conclusions notifiées le 19 juin 2016 Mme Vanessa H. et M. Vincent B. et la SARL Bières et Plaisirs demandent à la cour de :

- Constater que les éléments substantiels de la franchise La Cervoiserie ne sont aucunement repris, imités ou suivis par la société Bières et Plaisirs,

- Constater que les similarités qui pourraient exister entre le magasin exploité par la société Pole Cervoiserie et le magasin exploité par la société Bières et Plaisirs ne portent pas sur des éléments substantiels de la franchise La Cervoiserie,

En conséquence,

- Confirmer le jugement entrepris

- Débouter la société Pôle Cervoiserie de l'ensemble de ses demandes formulées en cause d'appel,

- Condamner la société Pôle Cervoiserie à leur payer la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens d'appel dont distraction au profit de Me Jérôme Clerc sur son affirmation de droit.

La SARL Bières et Plaisirs fait valoir que :

- le concept de distribution de la société Pôle Cervoiserie, n'est pas unique, à cet égard elle se prévaut de l'exemple de l'enseigne " V and B " née en 2001, antérieurement à la création de la Cervoiserie, qui compte plus de 100 franchisés et a développé un concept approchant de celui de la Cervoiserie. (Au fronton du magasin une enseigne marquée " V&B Cave et bar " avec deux logos une capsule et un bouchon; support marketing un véhicule utilitaire aux couleurs de l'enseigne, distribution de plus de 300 références de bières et autant de vins, location de tireuses à bières et les locaux ressemblent à ceux de " La Cervoiserie " ;

- son propre concept est éloigné de celui de la Cervoiserie, le franchiseur, Cervoiserie exige du franchisé un local de 300 m2 minimum avec plus de 300 références de bières, la consommation se faisant debout, alors qu'elle-même ne dispose que de 200 m2 de surface, 200 références de bières, elle précise que sa tireuse à bière cuivrée alambiquée n'est pas identique à celle de la Cervoiserie, n'a pas été copiée puisqu'elle est distribuée sur catalogue en vente libre par la société Lenne Création.

- le préjudice invoqué par l'appelante n'est nullement établi ne reposant que sur des extrapolations des chiffres d'autres franchisés.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 décembre 2016 ;

Motifs de la décision

Sur le parasitisme

La SARL Pôle Cervoiserie reproche essentiellement à Mme H. et M. B. d'avoir utilisé les documents fournis dans le cadre de leurs contacts avancés en vue de conclure un contrat de franchise pour créer leur propre magasin sur la zone qui leur était dévolue par les pourparlers en vue de la conclusion du contrat de franchise et d'avoir commis en cela des actes de parasitisme.

Le parasitisme se définit comme le fait pour un opérateur économique, de se placer dans le sillage d'une entreprise en profitant indûment des investissements consentis ou de sa notoriété, ces actes résultent d'un ensemble d'éléments appréciés dans leur globalité et ce à la différence de la concurrence déloyale qui elle ne peut pas seulement résulter d'un faisceau de présomptions.

Il convient donc d'analyser les conditions des contacts pris entre le franchisseur et les candidats à la franchise ceci avec examen et rapprochement des éléments contenus dans les documents remis aux candidats à la franchise, il sera aussi tenu compte des constats d'huissier réalisés à la requête de la SARL Pôle Cervoiserie sur les deux magasins celui de la Rochelle gérée par le franchisseur et celui de Challans commerce créé par Mme H. et M. B. et ce afin de rechercher le faisceau d'éléments pouvant constituer le parasitisme reproché par l'appelante.

Il est établi par les pièces versées aux débats les éléments suivants :

Mme H. et M. B. ont signé le 24 octobre 2011, en apposant la formule " lu et approuvé selon toutes les conditions définies aux présentes " le contrat de réservation manifestant leur souhait de devenir franchisés de la Cervoiserie Bières Précieuses. Ce document contient en son article 2 une clause de confidentialité, en son article 3 l'interdiction pour les candidats " de développer à titre personnel à quelque titre que ce soit les connaissances acquises et les informations mises à leur disposition et réitérer le savoir-faire de M. B. et de la Cervoiserie " en son article 4, en contrepartie de cet engagement des futurs franchisés M. B. " s'interdit de rechercher tout autre postulant dans la zone définie ". (Pièce n° 5 appelante).

Le 24 octobre 2011 Mme H. et M. B. ont également signé un document intitulé " Déclaration du Candidat franchisé " dans lequel ils reconnaissent la remise du document pré-contractuel et le contrat de franchise et s'engagent " outre le respect de la confidentialité la plus totale, comme indiqué ci-dessus à restituer ce document s'ils n'entendent pas donner suite au projet, au plus tard à l'issue d'un délai de 21 jours à compter de la date des présentes. " (Infra pièce 14 appelante)

A la suite de cette réservation ils ont concrétisé la mise en place du projet et en ont fait part au franchiseur :

- par mail du 11 novembre 2011, Mme H. et M. B. ont adressé les plans d'un local qu'ils envisageaient d'acquérir ou de louer ainsi qu'un prévisionnel établi par leur expert-comptable la Soregor, précisant qu'ils avaient reçu l'acceptation de la Préfecture pour l'exploitation d'une licence III. (Pièce n° 6 appelante). La cour relève à cet égard qu'ils ont implicitement confirmé leur intention de poursuivre le projet dans le délai requis de 21 jours évoqué supra.

- Par mail en date du 21 mai 2012 les Mme H. et M. B., bien que n'ayant toujours pas signé le contrat de franchise ni restitué les documents pré-contractuels, ont confirmé la poursuite de leur projet à M B. en ces termes : " Les challandais sont toujours sur le coup avec un peu de temps pour digérer nos échecs bancaires nous avons trouvé un local de 300 m2 sur la route de Nantes, ci-joint la photo extérieure du bâtiment, pas d'affolement nous sommes repartis à la chasse au local, également un nouveau prévisionnel plus adapté à Challans, on vous tient au courant, êtes-vous toujours prêts pour travailler avec nous " (pièce 7 appelante)

N'ayant plus de nouvelles de Mme H. et M. B., M. B. leur a adressé le 14 décembre 2012 un message de relance, leur indiquant que préparant son budget prévisionnel 2013 il attendait leur réponse quant au choix définitif du local et leur demandait la mise en place d'un calendrier des opérations.

Mme H. et M. B. ont répondu à M. B. le 17 décembre 2012 en ces termes " Nous faisons suite à ton mail, sache que pour nous le projet Cervoiserie s'est éteint début 2012 après avoir enchaîné les refus auprès des banques. Nous avons fait le choix de nous installer en tant qu'indépendant pour s'adapter au mieux à la ville de Challans. "

Il sera relevé que l'affirmation ci-dessus de l'abandon du projet début 2012 est contredite par les termes du mail que les Mme H. et M. B. ont adressé en mai 2012 à M. B. (Cf supra pièce 7 appelante)

Si l'article 8 du contrat de réservation prévoyait une durée de validité de 1 mois à compter de la signature, durée pendant laquelle le document d'information pré-contractuel devrait être régularisé et qu'en cas de non signature de ce document, dans ce délai, la réservation serait considérée comme nulle M. B. redevenant libre d'accorder sur la même zone géographique une nouvelle réservation à tout autre candidat à la franchise, il est établi par le mail des Mme H. et M. B. en date du 20 mai 2012 que ceux-ci ont expressément indiqué au franchiseur que leur projet était toujours d'actualité et n'avait subi du retard qu'en raison de difficultés à obtenir des concours bancaires. Ils ne peuvent dès lors soutenir qu'ils étaient déchargés de toute obligation envers M. B. et que celui-ci était libre de rechercher un autre franchisé.

Mme H. et M. B. n'ont pas fait retour du " Document d'information Précontractuel " comme cela avait été convenu dans le cas où ils abandonneraient leur projet de création en franchise, et ont laissé croire à la société Pôle Cervoiserie, au moins jusqu'en mai 2012, qu'ils étaient toujours intéressés par la signature du contrat de franchise. Il sera relevé que le document d'information sus-visé contient tous les éléments essentiels du projet de création du commerce franchisé (Voir pièce 15 appelante infra constat d'huissier du 23 mai 2014)

En outre il est établi que le 11 septembre 2012 les Mme H. et M. B. ont immatriculé au RCS de La Roche-sur-Yon la société Bières et Plaisirs (pièce 10 appelante) et ont démarré leur activité le 12 octobre 2012 <adresse>, la communication faite dans la presse autour de cette création de commerce mentionnant " une idée originale a germé dans leurs têtes il y a quelques mois : ils proposent la dégustation mais aussi la location de tirage sous pression, la vente à emporter sous forme de coffrets cadeaux " (pièces 11 et 12 appelante).

Les éléments caractéristiques et essentiels du concept créé par le Pôle Cervoiserie Bières Précieuses sont les suivants :

- commerce de gros, demi-gros et détail de boissons (bières) alcoolisées et non alcoolisées aux particuliers, associations, professionnels

- la localisation dans une zone commerciale avec facilité de parking et proche des axes de circulation

- l'offre de bières déclinée dans de nombreuses marques et spécialités

- la dégustation des bières sur place

- la location de matériel de tirage de bière sous pression

- la vente à emporter et notamment sous forme de coffrets cadeaux

- un magasin vaste de type hangar organisé pour la circulation des clients avec armoires de stockage, présentation des produits, coffrets cadeaux et accessoires

Il ressort des deux constats d'huissier dressés l'un sur le local commercial de la SARL Cervoiserie Bières Précieuses à Puilboreau le 12 mars 2014 (pièce 14 appelante) et l'autre dressé sur le local commercial de la société Bières et Plaisirs à Challans le 23 mai 2014 (pièce 15 appelante) que sur les éléments caractéristiques du concept développé dans la franchise créée par M. B. et sa société il existe dans les deux locaux des similitudes :

- les initiales des deux enseignes B et P (Bières Précieuses / Bières et Plaisirs),

- l'utilisation capsule de bière dans logo

- le local de la société Bières et Plaisirs est comme celui de La Cervoiserie de type hangar reposant sur une charpente métallique avec bardage de tôles présentant avec ce dernier de grandes ressemblances

- la localisation du commerce de Bières et Plaisirs dans une zone commerciale et artisanale donnant sur une rue passante avec zone de parking gratuit est également un des éléments du concept de la franchise Cervoiserie Bières Précieuses

- l'organisation générale du magasin, circulation, armoires stockage et notamment l'armoire à saucissons et l'appareil de rinçage des verres à bière (identiques à ceux de la Cervoiserie), tables, meubles se retrouvent dans les deux locaux commerciaux

- le concept général de dégustation sur place et de vente à emporter

- le comptoir équipé d'une tireuse en cuivre en forme d'alambic, à cet égard peu importe que la tireuse ait été acquise auprès d'une société de fournitures de matériels de bar, le choix fait par les Mme H. et M. B. est destiné à recréer l'ambiance du magasin franchisé par le choix de ce type de tireuse à bière

Si la surface commerciale de la société Bières et Plaisirs est inférieure à celle des locaux franchisés et le nombre de références de bières inférieur également, il n'en reste pas moins que les Mme H. et M. B. ont manifestement utilisé les éléments descriptifs du document d'information qu'ils n'ont pas restitué alors qu'ils s'étaient engagés par écrit à le faire, pour créer leur commerce indépendant en profitant des idées et du concept mis au point par M. B. L'idée originale germée dans leurs têtes (Mme H. et M. B.) il y a quelques mois dont la presse s'est fait l'écho (pièces 11 et 12 appelante) est née en réalité de la consultation, de l'utilisation et de l'appropriation par ces derniers du document remis par M. B. après la signature du contrat de réservation de franchise le 24 octobre 2011.

La franchise V&B donnée en exemple par les Mme H. et M. B. pour dénier au concept Cervoiserie Bières Précieuses sa particularité n'est pas de nature comme ils le soutiennent à démontrer que ce dernier n'est pas original et spécifique, en effet V&B commercialise des vins alors que la Cervoiserie Bières Précieuses comme Bières et Plaisirs n'est spécialisée que dans la commercialisation des bières, de même V&B propose une restauration complète sur place, alors que ce n'est pas le cas des deux commerces objets du litige.

Contrairement aux actions en contrefaçon ou en usage illicite de marque ou enseigne qui exigent que la copie du concept fasse naître dans l'esprit de la clientèle la confusion, le parasitisme est constitué dès lors qu'un faisceau d'éléments démontre que Mme H. et M. B. se sont placés dans le sillage direct du concept créé par M. B. en créant un commerce indépendant similaire sans avoir besoin de signer le contrat de franchise avec toutes les conséquences contractuelles et financières qui en découlent.

La cour retient que Mme H. et M. B. ont commis des actes de parasitisme en créant leur commerce indépendant en se plaçant dans le sillage du concept développé sous la franchise Cervoiserie Bières Précieuses, alors qu'ils n'avaient pas informé M. B. de leur renonciation à leur candidature de franchisés, lui faisant croire au contraire qu'ils poursuivaient leur projet et ayant utilisé les documents pré-contractuels remis pour créer leur commerce similaire indépendant.

En conséquence la décision entreprise sera infirmée en toutes ses dispositions.

Sur le préjudice et son indemnisation

La société Pôle Cervoiserie du fait de la création du commerce indépendant de Mme H. et M. B. à Challans utilisant le concept de la franchise a été privée de la possibilité de conclure un contrat de franchise Cervoiserie sur cette zone géographique alors qu'elle entreprenait des démarches pour s'implanter en Vendée. Elle a donc été du fait des actes de parasitisme commis par les Mme H. et M. B., privée de la possibilité de conclure un contrat de franchise sur la zone de Challans qui lui aurait apporté des produits commerciaux.

La société Pôle Cervoiserie évalue son préjudice comme suit sur la base d'un chiffre d'affaire de 150 000 euro la 1re année et 200 000 euro la 2e année : droit d'entrée 15 000 euro, contrat d'assistance 1re année 1,25 % du Chiffre d'affaires : 1 875 euro, contrat d'assistance 2e année 1,25 % du Chiffre d'affaires : 2 500 euro. A cela s'ajoute sa marge en sa qualité de fournisseur sur les livraisons des bières à placer en rayons, en moyenne de 12 % sur le chiffre d'affaires, soit 18 000 euro sur la 1re année et 24 000 euro pour la 2e année (200 000 euro x 12 %) et compte tenu de la durée du contrat de franchise de 5 ans elle estime qu'elle aurait pu solliciter l'indemnisation totale de son préjudice sur la durée de 5 ans mais limite sa demande tous préjudices confondus à la somme de 100 000 euro.

En suivant le calcul de la société Pôle Cervoiserie établi sur les bases du contrat de franchise tel qu'il était proposé aux Mme H. et M. B. et sur les chiffres réalisés par ses établissements franchisés et en considérant la durée du contrat de franchise elle aurait pu attendre des revenus commerciaux de 133 375 euro sur la période de 5 ans. Cependant elle ne forme une demande qu'à hauteur de 100 000 euro, de plus la conclusion du contrat de franchise n'étant pas certaine et Mme H. et M. B. n'ayant pas signé le contrat définitif, son préjudice constitué par les gains perdus doit être évalué sur la base d'un pourcentage qui sera fixé par la cour à 40 % ce qui porte l'indemnisation réparatrice de son préjudice toutes composantes confondues à la somme de 53 350 euro.

En conséquence la Mme H. et M. B. et la SARL Bières et plaisirs seront condamnés solidairement à payer cette somme à la société Pôle Cervoiserie en réparation du préjudice qu'ils lui ont causé par leurs actes de parasitisme.

La société Pôle Cervoiserie demandent également la condamnation des intimés à prendre toutes dispositions pour que le commerce exercé dans le local sis <adresse> soit modifié afin qu'aucune confusion ne soit possible avec le concept "La Cervoiserie Bières Précieuses " dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir sous peine astreinte de 500 euro par jour de retard et ce pendant un délai d`un mois.

Il ne sera pas fait droit à cette demande dont la réalisation pratique n'est pas déterminable précisément, étant entendu que les actes retenus à l'encontre de Mme H. M. B. et la SARL Bières et Plaisirs le sont sur le fondement du parasitisme et non de la contrefaçon ou de l'utilisation d'une marque protégée. En conséquence l'appelante sera déboutée de cette demande.

La société Pôle Cervoiserie demande enfin que soit ordonnée la publication de l'arrêt à intervenir dans un journal local pour un coût limité à 5 000 euro. Cette mesure s'inscrit dans l'objectif de parvenir au respect des bons usages commerciaux, il y sera fait droit en conséquence logique des agissements incriminés, selon les modalités précisées au dispositif du présent arrêt.

Mme H., M. B. et la SARL Bières et Plaisirs reconnus responsables d'acte de parasitisme seront condamnés à supporter les entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel et en outre à indemniser la société Pôle Cervoiserie des frais irrépétibles qu'elle a dû engager pour la totalité de la procédure à hauteur de 4 000 euro.

Par ces motifs, LA COUR, Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de commerce de La Roche sur Yon le 22 janvier 2016, Statuant à nouveau, Dit que Mme H. et M. B. et la SARL Bières et Plaisirs ont commis des actes de parasitisme commercial au détriment de la SARL Pôle Cervoiserie, Condamne solidairement Mme H. et M. B. et la SARL Bières et Plaisirs à payer à la SARL Pôle Cervoiserie la somme de 53 350 euro à titre de dommages et intérêts, Ordonne la publication du dispositif du présent arrêt aux frais de Mme H., M. B. et la SARL Bières et Plaisirs, dans le Courrier Vendéen édition de Challans, le coût de cette insertion étant limité à la somme de 1 000euro, Condamne solidairement Mme H., M. B. et la société Bières et Plaisirs à payer à la SARL Pôle Cervoiserie la somme de 4 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne solidairement Mme H., M. B. et la société Bières et Plaisirs aux entiers dépens de première instance et d'appel.