Cass. com., 15 mars 2017, n° 15-18.381
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Blampin (SAS), Blampin Fruit Holding (Sté)
Défendeur :
Ministre de l'Economie et des Finances
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Poillot-Peruzzetto
Avocat général :
Mme Beaudonnet
Avocats :
Me Occhipinti, SCP Meier-Bourdeau, Lécuyer
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 janvier 2015), qu'à compter de l'année 2011, la société Blampin BFH a conclu, en qualité de mandataire de sa filiale la société Blampin, exerçant l'activité de grossiste en fruits et légumes sur divers marchés d'intérêt national, avec les fournisseurs de celle-ci, " un accord formalisant les négociations commerciales " dont l'article 5 proposait au bénéfice des fournisseurs l'ayant accepté un service de mise en avant de leurs produits sur les lieux de vente physiques et sur le site Internet " blampinfruits.com " ; qu'à la suite d'un contrôle, le ministre de l'Economie des Finances et de l'Industrie (le ministre) a assigné, sur le fondement de l'article L. 442-6 1° du Code de commerce, la société Blampin BFH et la société Blampin (les sociétés Blampin) pour voir dire qu'elles avaient obtenu ou tenté d'obtenir un avantage sans contrepartie au titre de cette prestation de service, et prononcer l'annulation de la clause, la restitution aux fournisseurs des sommes indûment versées et le paiement d'une amende civile ;
Sur le premier moyen : - Attendu que les sociétés Blampin font grief à l'arrêt de juger fondées les demandes du ministre alors, selon le moyen : 1°) que la tentative d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage ne correspondant à aucun service n'est constituée que s'il existe un commencement d'exécution visant à obtenir effectivement l'avantage ; que la cour d'appel a constaté que les griefs du ministre ne portaient pas sur la rédaction de la clause de coopération commerciale litigieuse ; qu'en estimant que la simple introduction de cette clause dans des contrats conclus avec des fournisseurs constituait une tentative d'obtenir un avantage illicite, en l'absence de toute facturation ou de toute action ayant eu pour objet d'obtenir un paiement de la part des fournisseurs, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, I du Code de commerce ; 2°) qu'en se bornant à énoncer, sans s'appuyer sur aucune pièce ni aucune présomption, que les sociétés Blampin, en introduisant la clause litigieuse dans les contrats, avaient tenté de compenser la perte des rabais, ristournes et remises devenues illégales, la cour d'appel s'est prononcée par une simple affirmation et a de ce fait violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
Mais attendu que loin de retenir que la simple introduction de la clause litigieuse dans les contrats constituait une tentative, l'arrêt relève que les prestations de mise en avant sur les lieux de vente physiques, limitées au placement des produits des fournisseurs partenaires au même endroit et sur les premiers rangs de palettes auxquelles étaient suspendues des bannières mentionnant " le groupe Blampin ", ne caractérisent pas le service spécifique et individualisé convenu dont la mise en œuvre n'était, au demeurant, pas réalisable ; qu'il en déduit que cette prestation décrite, comme l'attribution d'un rang préférentiel, est fictive; qu'il relève encore que le service de mise en avant ayant été accepté par l'ensemble des fournisseurs, ceux-ci étaient fondés à en attendre la mise en œuvre et que la circonstance que onze d'entre eux n'aient pas fait l'objet de facturation, en l'absence de commande de produits, est sans incidence ; qu'en cet état, la cour d'appel, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la seconde branche, a pu décider que la prestation litigieuse s'analysait en une tentative d'obtenir un avantage indu des fournisseurs liés contractuellement aux sociétés Blampin ; que le moyen, en partie inopérant, est mal-fondé pour le surplus ;
Et sur le deuxième moyen : - Attendu que les sociétés Blampin font grief à l'arrêt de les condamner à payer une amende civile alors, selon le moyen : 1°) qu'en se bornant à motiver sa décision par une série de simples affirmations sur le maintien des prix à un niveau artificiellement élevé, sur la finalité de la clause litigieuse et sur l'existence de prix artificiels, sans se fonder sur une quelconque pièce ou présomption, ni exposer le moindre raisonnement, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 2°) que l'amende civile doit respecter le principe de personnalité des peines et être fixée en fonction de la gravité des faits reprochés ; qu'en ne donnant aucune explication sur les éléments l'amenant à considérer les effets sur l'économie des pratiques reprochées aux demanderesses, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6 III du Code de commerce ;
Mais attendu qu'après avoir rappelé que la prohibition depuis 2010 de la pratique, alors utilisée par les sociétés Blampin, consistant à obtenir d'un fournisseur des réductions de prix sous forme de remise, rabais ou ristourne (RRR), les avait conduites, dans le prétendu but d'optimiser l'espace de vente, à insérer la prestation de mise en avant dans les contrats conclus à compter de 2011, l'arrêt relève le caractère fictif de cette prestation ; qu'il retient encore que l'introduction de celle-ci n'avait eu comme objectif que de remplacer les RRR ; qu'il ajoute que les pratiques des sociétés Blampin, lesquelles ont obtenu un avantage sans contrepartie, ont faussé le jeu de la libre concurrence en créant des prix artificiellement élevés, de nature à léser le consommateur ; que la cour d'appel a ainsi fait ressortir la gravité des faits et justifié la condamnation de leurs auteurs au paiement d'une amende civile, dont elle a souverainement apprécié le montant ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le troisième moyen : - Attendu que les sociétés Blampin font grief à l'arrêt de les condamner à payer certaines sommes, par l'intermédiaire du Trésor public, à leurs fournisseurs alors, selon le moyen, qu'en se bornant à donner une liste des sociétés concernées avec la somme qu'elles avaient prétendument versée, sans citer aucune pièce, quand les exposantes contestaient ces sommes, la cour d'appel s'est prononcée par une simple affirmation sur le montant des sommes versées, violant ainsi l'article 455 du Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt relève que les contrats recueillis ont révélé que des fournisseurs avaient accepté la prestation, qu'elle leur avait été facturée et qu'ils l'avaient réglée pour un certain montant qu'il détaille, fournisseur par fournisseur; qu'en l'état de ces constatations souveraines, la cour d'appel qui a condamné les sociétés Blampin à payer, par l'intermédiaire du Trésor public, chacune de ces sommes à leurs fournisseurs, s'est prononcée par une décision motivée ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.