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Décisions

Cass. com., 15 mars 2017, n° 15-17.054

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Toro (Sarlu)

Défendeur :

Andrade Distribution (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Poillot-Peruzzetto

Avocat général :

Mme Beaudonnet

Avocats :

SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre

T. com. Paris, 17e ch., du 16 mai 2012

16 mai 2012

LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 janvier 2015), que la société Andrade Distribution (la société Andrade), ayant livré à compter du début de l'année 2009, en qualité de grossiste, des fruits et légumes à la société Toro, exploitant un fonds de commerce de restauration, l'a assignée en paiement de factures ; que reconventionnellement, cette dernière a demandé le paiement de dommages-intérêts pour pratiques discriminatoires ;

Attendu que la société Toro fait grief à l'arrêt du rejet de sa demande alors, selon le moyen : 1°) que si la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 a, modifiant l'article L. 442-6 du Code de commerce, supprimé la prohibition per se des pratiques tarifaires discriminatoires, elle a laissé subsister dans ce texte les dispositions prévoyant qu'" engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : [...] D'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu. [...] ", et la même loi a ajouté au texte un cas de responsabilité civile tenant au fait, par tout producteur, commerçant ou industriel, " de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties " ; que de surcroît, ces cas de responsabilité civile sont distincts de celui, prévu par le même article du Code de commerce, applicable au fournisseur s'étant abstenu de communiquer ses conditions générales de vente à un acheteur en ayant fait la demande pour l'exercice d'une activité professionnelle ; qu'en l'état de la demande indemnitaire formée par l'acheteur, que celui-ci fondait sur deux griefs pris, le premier, d'une absence de communication par le fournisseur de ses conditions générales de vente, et le second, du caractère disproportionné des prix pratiqués par le fournisseur à son égard, comparativement à ceux pratiqués à l'égard d'un autre restaurant concurrent, et du déséquilibre significatif en résultant dans les droits et obligations des parties , la cour d'appel, qui a examiné le premier grief mais qui, sur le second, s'est bornée à viser la suppression législative de l'interdiction des pratiques discriminatoires et n'a pas recherché, comme elle y était pourtant invitée sans ambiguïté par les conclusions susmentionnées de l'acheteur, si ce dernier ne s'était pas vu imposer des prix manifestement disproportionnés à la valeur des produits fournis et créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties et si ces faits n'engageaient pas la responsabilité civile du fournisseur, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6 du Code de commerce ; 2°) qu'en relevant d'office, et sans le soumettre à la discussion contradictoire des parties, le moyen pris de ce que les pratiques de discrimination bénéficiaient de l'exemption automatique du règlement n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 concernant l'application de l'article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées, lorsque le fournisseur avait une part de marché inférieure à 30 %, la cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ; 3°) que le règlement d'exemption susvisé n'a pas pour objet ni pour effet de rendre licites tous les accords verticaux d'achat ou de vente de biens ou de services et l'exemption ne couvre pas ceux qui comportent des restrictions de nature à restreindre la concurrence et à porter préjudice aux consommateurs, le règlement disposant en particulier que " l'exemption [...] ne s'applique pas aux accords verticaux qui, directement ou indirectement, isolément ou cumulés avec d'autres facteurs sur lesquels les parties peuvent influer, ont pour objet : a) de restreindre la capacité de l'acheteur de déterminer son prix de vente [...] " ; qu'en retenant au contraire que l'exemption s'appliquerait indistinctement à toutes les pratiques de discrimination tarifaire, la cour d'appel a violé les articles 2 et 4 du règlement (UE) n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 concernant l'application de l'article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées ; 4°) que pour affirmer qu'aurait été " parfaitement justifiée " la différence de traitement tarifaire entre la société Toro et un autre restaurant exploité par une société Le Chansonnier, le fournisseur se prévalait, non pas d'une hypothétique différence de situation entre les deux restaurants sous le rapport de leur activité, de leur taille ou de la nature et de la quantité des marchandises achetées - les écritures du fournisseur comportant même la mention de ce que celui-ci avait " appliqué des prix différents pour des mêmes produits " -, mais seulement de prétendus retards réitérés de la société Toro dans le paiement de ses fournitures et de l'ancienneté de la relation contractuelle entre le fournisseur et la société Le Chansonnier ; qu'en l'état de cette absence de contestation du fournisseur sur la similarité de la situation des deux restaurants en ce qui avait trait à leur activité, à leur taille et à la nature et à la quantité des marchandises achetées, la cour d'appel, qui a néanmoins regardé ce point comme contesté pour en déduire la prétendue absence de discrimination subie par la société Toro, a modifié l'objet du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile ; 5°) qu'en relevant d'office, et sans le soumettre à la discussion contradictoire des parties, le moyen pris de ce que la société Toro n'aurait pas démontré se trouver dans la même situation que la société Le Chansonnier concernant son activité et ses approvisionnements, la cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ; 6°) qu'en ne recherchant pas, comme l'y avait invitée la société Toro, si nonobstant toute qualification relevant des pratiques restrictives de concurrence visées au Code de commerce, la différenciation tarifaire pratiquée ne caractérisait pas une exécution de mauvaise foi, par le fournisseur, de la convention qui les liait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134, alinéa 3, du Code civil ;

Mais attendu que, statuant sur une demande fondée sur une pratique de prix discriminatoires entre acheteurs de même catégorie constitutive d'une pratique restrictive de concurrence, l'arrêt relève que la loi du 4 août 2008 a supprimé l'interdiction des pratiques discriminatoires en abrogeant l'article L. 442-6, I, 1° du Code de commerce ; que par ce seul motif, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer les recherches inopérantes invoquées par la première branche dès lors qu'une telle pratique ne constitue pas la soumission à des obligations créant un déséquilibre significatif entre les parties, ni celles, inutiles, invoquées par la sixième branche, a légalement justifié sa décision ; que le moyen, inopérant en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches, qui critiquent des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.