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Décisions

Cass. com., 15 mars 2017, n° 15-17.246

COUR DE CASSATION

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Actis Laboratoire (EURL)

Défendeur :

Peters Surgical (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Riffault-Silk

Rapporteur :

Mme Poillot-Peruzzetto

Avocat général :

Mme Beaudonnet

Avocats :

SCP Thouin-Palat, Boucard, SCP Gatineau, Fattaccini

T. com. Paris, 17e ch., du 13 juin 2012

13 juin 2012

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 février 2015), que la société Peters Surgical, qui fabrique et vend des matériels chirurgicaux, est entrée en relations en 2007 avec M. Abdelouahab, fondateur de la société Actis laboratoires (la société Actis), pour développer son activité commerciale en Algérie auprès de la pharmacie centrale des hôpitaux ; que la société Actis a représenté la société Peters Surgical auprès de cette dernière, sans que leurs relations aient été formalisées ; que par courrier électronique du 29 juin 2009, la société Peters Surgical a mis fin à cette collaboration ; que la société Actis, lui reprochant la rupture brutale d'une relation commerciale établie, l'a assignée en réparation de ses préjudices ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société Actis fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande alors, selon le moyen : 1°) que tout en retenant que la société Actis laboratoire s'était vu confier par la société Peters Surgical la mission d'accélérer le règlement des factures par la pharmacie centrale des hôpitaux ainsi que de collecter les appels d'offres émis par celle-ci, et que cette relation commerciale durait depuis 2007 lorsqu'elle a été rompue en juin 2009, les juges du second degré ont dénié le caractère établi de cette relation au prétexte que la société Actis laboratoire ne pouvait légitimement et raisonnablement en anticiper la continuité dans l'avenir dès lors qu'elle s'inscrivait dans le cadre de pourparlers avec la société Peters Surgical portant sur la conclusion de contrats d'agent commercial et de distribution, et que la modification de la réglementation algérienne en 2008 obligeait la société Peters Surgical à s'associer avec un laboratoire local au sein d'une " joint venture ", la société Actis laboratoire ne pouvant ignorer ce changement de réglementation ni ses conséquences sur un laboratoire étranger comme la société Peters Surgical ; qu'en statuant par ces motifs, impropres à établir que la société Actis laboratoire ne pouvait raisonnablement anticiper le maintien dans l'avenir de la mission qui lui avait été confiée, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, I, 5) du Code de commerce ; 2°) que la société Actis laboratoire soulignait que son rôle auprès de pharmacie centrale des hôpitaux pouvait parfaitement être maintenu par la société Peters Surgical, la question de la fabrication des produits étant distincte de celle de leur distribution, que du reste elle disposait d'autorisation pour importer des produits, et qu'en outre il était inexplicable que la société Peters Surgical argue de l'évolution de la législation algérienne pour rompre leur relation quand dans la lettre même de rupture elle lui avait proposé d'apporter sa contribution au nouveau projet de la société Peters Surgical avec la société Vicralys ; qu'en ne répondant pas à ce moyen et en se bornant à affirmer que la modification de la réglementation algérienne en 2008 obligeait la société Peters Surgical à s'associer avec un laboratoire local au sein d'une " joint venture " et que Actis laboratoire ne pouvait ignorer ce changement de réglementation ni ses conséquences sur un laboratoire étranger comme la société Peters Surgical, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt constate qu'à compter de 2007, la société Actis a représenté la société Peters Surgical avec mission de lui procurer des appels d'offre et d'accélérer le paiement de ses factures, et que cette dernière a mis fin à leur relation le 29 juin 2009; qu'il retient que la société Actis ne pouvait légitimement et raisonnablement en anticiper la continuité dans l'avenir, dès lors que cette relation s'inscrivait dans le cadre de pourparlers ayant pour objet de convenir de la nature et des modalités de la coopération entre les deux sociétés et que la modification de la réglementation algérienne en 2008, réservant les marchés de fournitures de médicaments et de matériels de chirurgie aux laboratoires locaux, obligeait la société Peters Surgical à s'associer à l'un d'eux par une " joint venture ", la société Actis ne pouvant ignorer ce changement de réglementation ni ses conséquences sur un fournisseur étranger comme la société Peters Surgical ; que la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions dont elle était saisie, a pu en déduire que les relations commerciales qu'entretenaient les parties ne présentaient pas un caractère de stabilité ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen : - Attendu que la société Actis fait grief à l'arrêt de limiter le montant des dommages-intérêts qui lui sont alloués alors, selon le moyen : 1°) que l'article 1er du contrat d'apporteur d'affaires stipulait que la société Actis laboratoire " s'engage à faire ses meilleurs efforts et à déployer toutes les diligences nécessaires auprès [de la pharmacie centrale des hôpitaux] à l'effet de faciliter via des procédures d'appels d'offres, l'achat des produits et services commercialisés par [la société Peters Surgical] " ; qu'ainsi la société Actis laboratoire avait pour mission de négocier auprès de la pharmacie centrale des hôpitaux afin que celle-ci conclue, à l'issue d'appels d'offres, des contrats de vente avec la société Peters Surgical ; qu'en retenant que la mission de la société Actis laboratoire se limitait à accélérer le paiement des factures par la pharmacie centrale des hôpitaux et à collecter les appels d'offres émis par celle-ci, la cour d'appel a dénaturé l'article 1er précité et violé l'article 1134 du Code civil ; 2°) que la société Actis laboratoire invoquait et produisait l'avenant du 12 avril 2009 signé par la pharmacie centrale des hôpitaux et, pour la société Peters Surgical, par M. Lyes Abdelouahab, dirigeant de la société Actis laboratoire ; que cette pièce, prouvant que l'exposante était la mandataire de la société Peters Surgical, était de nature à établir que cette dernière avait pour agent commercial la société Actis laboratoire ; qu'en s'abstenant d'examiner ladite pièce, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 3°) qu'il résulte de l'arrêt attaqué que l'article 1er du contrat d'apporteur d'affaire confiait à la société Actis laboratoire la mission de tout faire auprès de la pharmacie centrale des hôpitaux, donc de négocier auprès d'elle afin de parvenir à la conclusion de ventes avec la société Peters Surgical, ce qui caractérisait une mission d'agent commercial, que ce contrat avait été exécuté, et que les parties n'avaient pas fixé la rémunération de la société Actis laboratoire au titre des ventes réalisées auprès de la pharmacie centrale des hôpitaux ; qu'il en résultait que les juges du fond devaient fixer eux-mêmes cette rémunération par recours aux usages ou, en l'absence d'usages, de façon raisonnable ; qu'en refusant de ce faire au prétexte qu'il n'était pas prouvé que la société Peters Surgical s'était engagée à payer des commissions et que le projet de contrat d'agent commercial qui avait été rédigé n'avait pas été signé sans qu'il fût établi qu'il aurait été exécuté, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard des articles L. 134-1 et L. 134-2 du Code de commerce, qu'elle a ainsi violés ;

Mais attendu que l'arrêt constate que la société Peters Surgical a confié à la société Actis la mission de la représenter auprès de la pharmacie centrale des hôpitaux en vue de faciliter l'achat par cette dernière de produits et de matériels commercialisés par la société Peters Surgical, conformément au contrat d'apporteur d'affaires projeté entre les parties, ainsi que des missions particulières; qu'il relève que la société Peters Surgical, qui n'en conteste pas l'exécution, a provisionné en vue de son paiement le montant prévu par ce contrat, et que la société Actis ne démontre pas que ce montant n'est pas conforme aux engagements pris ; qu'il relève encore que la société Actis ne démontre pas qu'il était contractuellement convenu qu'elle percevrait une rémunération sur les commandes de la pharmacie centrale des hôpitaux ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'a pas dénaturé l'article 1er du contrat d'apporteur d'affaires et n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu fixer le montant des dommages-intérêts alloués ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.