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Décisions

Cass. com., 15 mars 2017, n° 15-19.170

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Système U Centrale Régionale Nord-Ouest (SA)

Défendeur :

CSF (SAS), Contextus (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Riffault-Silk

Rapporteur :

Mme Tréard

Avocat général :

Mme Beaudonnet

Avocats :

SCP Célice, Soltner, Texidor, Périer, SCP Odent, Poulet

Caen, 2e ch. civ. et com., du 9 avr. 201…

9 avril 2015

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 9 avril 2015), qu'en 2009, la société CSF a conclu avec la société Contextus un contrat de franchise, sous enseigne Carrefour market, pour exploiter un supermarché alimentaire ; que ce contrat stipulait au profit de la société CSF un droit de préférence et un droit d'agrément pour toute cession du fonds ou des parts sociales de la société d'exploitation ; qu'en 2012 la société Contextus a dénoncé le contrat de franchise avant son terme ; qu'une sentence arbitrale a prononcé sa résiliation au 6 juillet 2012, aux torts partagés ; qu'en 2013, la société CSF a fait constater l'apposition d'une enseigne Super U, aux lieu et place de l'enseigne Carrefour market ; qu'arguant de la probable conclusion par la société Contextus d'une convention d'offre préalable de vente au profit de la coopérative Système U Nord-Ouest (la société Système U), susceptible de concurrencer et passer outre au droit de préférence contractuellement stipulé, la société CSF a saisi, par requête fondée sur les dispositions des articles 145 et 875 du Code de procédure civile, le président d'un tribunal de commerce, afin qu'il désigne un huissier de justice avec mission de se rendre au siège de la société Contextus pour obtenir la communication de certains documents et du registre des mouvements de titres de cette société entre le 2 janvier 2009 et le 7 février 2014 ; que par ordonnance du 30 avril 2014, le juge des référés a rejeté la demande de rétractation de l'ordonnance rendue sur requête qui y faisait droit ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société Système U fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la société CSF et de confirmer cette ordonnance alors, selon le moyen, que le juge saisi d'une demande de rétractation d'une ordonnance sur requête ayant ordonné une mesure d'instruction sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile doit s'assurer que les conditions posées par ce texte sont remplies au jour où il statue ; qu'en l'espèce, à l'appui de sa requête tendant à la mise en œuvre d'une mesure d'instruction in futurum, la société CSF se prévalait du droit de préférence qui lui avait été consenti par la société Contextus dans le contrat de franchise signé le 2 janvier 2009, portant aux termes de l'article 3.4.1 sur " toute opération mettant en cause le caractère personnel du présent contrat et/ou ayant pour effet d'entraîner le transfert de propriété ou de jouissance de tout ou partie des éléments permettant l'exploitation du fonds de commerce objet du présent contrat de franchise, y compris les droits immobiliers où le fonds est exploité " ; que la société CSF soutenait qu'en concluant une offre préalable de vente (OPV) avec la société Système U à l'occasion de son adhésion au réseau de coopérative Système U en septembre 2013, la société Contextus avait méconnu ce droit de préférence ; que la société Système U faisait valoir que la requête de la société CSF était dépourvue d'objet dès lors qu'il était constant qu'à la date à laquelle le droit de préférence de la société CSF était expiré, soit d'après les constatations de l'arrêt le 31 décembre 2014, aucun contrat n'avait été conclu entre la société Système U et la société Contextus entraînant transfert de la propriété ou de la jouissance des éléments du fonds de commerce ou des titres de cette dernière, l'offre préalable de vente (OPV) s'analysant en un simple droit de préférence n'emportant pas un tel transfert et n'entrant dès lors pas dans le champ de l'article 3.4.1 invoqué par la société CSF ; que, pour débouter la société Système U de sa demande de rétractation de l'ordonnance du 13 février 2014 ayant fait droit à la requête de la société CSF, la cour d'appel a considéré que l'octroi par la société Contextus à la société Système U d'un droit de préférence venant concurrencer celui dont elle restait tenue envers la société CSF lorsqu'elle a adhéré à la coopérative Système U, suffisait à constituer l'intérêt à agir de la société CSF afin de déterminer si à cette occasion il n'a pas été porté atteinte à ses droits, et a estimé que la caducité du droit de préférence de la société CSF, acquise au 31 décembre 2014, ne privait pas cette dernière du droit d'agir en vue de rechercher, prouver et faire sanctionner toute atteinte éventuellement portée à ce droit par les sociétés Contextus et Système U antérieurement à cette date ; qu'en statuant de la sorte, quand l'octroi d'un simple droit de préférence par la société Contextus à la société Système U n'emportait pas transfert de propriété ou de jouissance des éléments permettant l'exploitation du fonds de commerce de la société Contextus, et ne pouvait caractériser dès lors une violation par la société Contextus du pacte de préférence la liant à la société CSF, la cour d'appel, qui n'a par ailleurs pas constaté qu'un contrat entrant dans le champ d'application du droit de préférence de la société CSF avait été conclu avant la date d'expiration de ce droit, ni l'existence d'indices permettant de présumer la conclusion d'un tel contrat, a méconnu les articles 31 et 145 du Code de procédure civile ;

Mais attendu que, sous le couvert d'un grief de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond concernant l'intérêt à agir de la société CSF, lequel n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de son action ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen : - Attendu que la société Système U fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen : 1°) qu'excède les mesures d'instruction légalement admissibles au sens de l'article 145 du Code de procédure civile, la mesure ordonnée par le juge saisi sur le fondement de ce texte autorisant un huissier à se rendre dans les locaux d'une société afin de se voir remettre des documents appartenant à cette dernière, non précisément déterminés, sans qu'ait été préalablement sollicitée la remise spontanée de ces documents avec le consentement du requis ; qu'en refusant de rétracter l'ordonnance rendue par le président du Tribunal de commerce de Caen le 13 février 2014 ayant désigné la Selarl ACR huissiers, en qualité d'huissier instrumentaire avec pour mission de se rendre au siège de la société Contextus, et d'obtenir communication du contrat d'adhésion à la coopérative Système U, des conventions d'OPV (Offre Prioritaire de Vente) souscrites par la société Contextus auprès de la coopérative Système U, ainsi que de tous échanges de courriers en vue de la conclusion des conventions d'OPV, quand ces mesures autorisant l'huissier de justice à se rendre dans les locaux de la société Contextus et à se saisir de tout document en rapport avec la conclusion des contrats conclus entre les sociétés Contextus et Système U, sans avoir préalablement sollicité la remise spontanée des documents concernés et obtenu le consentement des requis, excédaient les mesures d'instruction légalement admissibles, la cour d'appel a méconnu l'article 145 du Code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; 2°) qu'une expertise in futurum ne peut être ordonnée que lorsqu'une telle mesure est susceptible de permettre à une partie d'établir ou de conserver la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige ultérieur et que le demandeur justifie d'un motif légitime à obtenir une telle mesure ; qu'en l'espèce, à l'appui de sa requête tendant à la mise en œuvre d'une mesure d'instruction in futurum, la société CSF se prévalait du droit de préférence qui lui avait été consenti par la société Contextus dans le contrat de franchise signé le 2 janvier 2009, portant aux termes de l'article 3.4.1 sur " toute opération mettant en cause le caractère personnel du présent contrat et/ou ayant pour effet d'entraîner le transfert de propriété ou de jouissance de tout ou partie des éléments permettant l'exploitation du fonds de commerce objet du présent contrat de franchise, y compris les droits immobiliers où le fonds est exploité " ; que la société CSF soutenait qu'en concluant une offre préalable de vente (OPV) avec la société Système U à l'occasion de son adhésion au réseau de coopérative Système U en septembre 2013, la société Contextus avait méconnu ce droit de préférence ; que la société Système U faisait valoir que la requête de la société CSF était dépourvue d'objet dès lors qu'il était constant qu'à la date à laquelle le droit de préférence de la société CSF était expiré, soit d'après les constatations de l'arrêt le 31 décembre 2014, aucun contrat n'avait été conclu entre la société Système U et la société Contextus entraînant transfert de la propriété ou de la jouissance des éléments du fonds de commerce ou des titres de cette dernière, l'offre préalable de vente (OPV) s'analysant en un simple droit de préférence n'emportant pas un tel transfert et n'entrant dès lors pas dans le champ de l'article 3.4.1 invoqué par la société CSF ; que, pour refuser de rétracter l'ordonnance du Président du Tribunal de commerce de Caen du 13 février 2014 ayant fait droit à la requête de la société CSF, la cour d'appel a retenu qu'en consentant une offre préalable de vente à la coopérative Système U lors de son adhésion antérieure au 4 septembre 2013 alors qu'elle se savait toujours tenue d'un droit de préférence poursuivant la même finalité envers CSF jusqu'au 31 décembre 2014, la SA Contextus avait créé une situation potentiellement litigieuse, et a considéré que l'offre préalable de vente " entrait dans le périmètre du droit de préférence consenti à CSF et aurait dû à ce titre être portée à sa connaissance en application des dispositions de l'article 3.4.2 du contrat de franchise " ; qu'en statuant de la sorte, quand la conclusion d'une offre préalable de vente (OPV), emportant l'octroi d'un simple droit de préférence par la société Contextus à la société Système U, n'entraînait pas transfert de propriété ou de jouissance des éléments permettant l'exploitation du fonds de commerce de la société Contextus, et ne pouvait dès lors caractériser une violation par la société Contextus du pacte de préférence la liant à la société CSF, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article 145 du Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, que la société Système U n'ayant pas soutenu en cause d'appel que les mesures autorisaient l'huissier de justice à se rendre dans les locaux de la société Contextus et à se saisir de tout document en rapport avec la conclusion des contrats conclus entre les sociétés Contextus et Système U, sans avoir préalablement sollicité la remise spontanée des documents concernés et obtenu le consentement des requis et qu'elles excéderaient en cela les mesures d'instruction légalement admissibles, en violation des articles 145 du Code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ce moyen est nouveau, et mélangé de fait et de droit ;

Et attendu, d'autre part, qu'ayant retenu, dans l'exercice de son pouvoir souverain, que la société Contextus avait créé une situation potentiellement litigieuse en consentant une offre préalable de vente à la société Système U sans en informer la société CSF, dans un contexte conflictuel marqué par la volonté de la société Contextus de s'affranchir de ses engagements antérieurs, alors qu'elle se savait toujours tenue d'un droit de préférence poursuivant la même finalité envers la société CSF jusqu'au 31 décembre 2014, la cour d'appel, qui a justement rappelé que l'analyse des droits de préférence en cause et la mise en œuvre du principe d'antériorité relevaient d'un débat au fond, a caractérisé le motif légitime de la société CSF de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution du litige ; d'où il suit que le moyen, irrecevable en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.