CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 7 mars 2017, n° 15-17850
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Shoes Box (SARL)
Défendeur :
Guess IP - Holder LP (Sté), Guess Europe SAGL (Sté), Guess France (SASU)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rajbaut
Conseillers :
M. Peyron, Mme Douillet
Exposé du litige
La société de droit américain, organisée selon les lois de l'Etat du Delaware, Guess ' IP Holder LP, la société de droit suisse Guess Europe et la société Guess France appartiennent au groupe Guess qui a une activité de conception, de fabrication et de commercialisation de vêtements de prêt à porter et d'accessoires de mode sous différentes marques Guess.
La société Guess' IP Holder LP est titulaire des marques suivantes :
- la marque verbale communautaire " Guess " déposée le 1er avril 1996, enregistrée et renouvelée sous le n° 135681, pour les classes 3, 9, 14, 18, 24 et 25 ;
- la marque communautaire semi-figurative " Guess " déposée le 1er avril 1996, enregistrée et renouvelée sous le n° 135640, pour les classes 3, 9, 14, 18, 24 et 25
- la marque communautaire figurative déposée le 1er avril 1996 enregistrée sous le n°135376 pour les classes 3, 9, 14, 18, 24 et 25
La société Guess Europe a pour activité la conception, la fabrication et la promotion de vêtements et d'accessoires de la marque Guess sur le territoire de l'Union Européenne et notamment en France.
La société Guess France commercialise les produits " Guess " dans différents magasins " Guess Stores " à Paris.
Les sociétés Guess ont constaté qu'un magasin Hyper U, situé à Romans sur Isère (26), offrait à la vente des vêtements griffés " Guess ".
Le magasin Hyper U est l'enseigne d'une société J.F.M. immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Romans depuis le 19 décembre 1995 et ayant pour siège social à Romans-sur-Isère (26).
La société Guess France a fait procéder, le 25 juin 2013, à l'achat d'un tee-shirt marqué Guess, au prix de 28 euros, un procès-verbal de constat étant établi par huissier.
Le 2 août 2013, la société Guess Ip Holder Lp., autorisée par ordonnance présidentielle en date du 30 juillet 2013, a fait diligenter des opérations de saisie-contrefaçon au sein du magasin Hyper U de Romans-sur-Isère.
A cette occasion, M. D., directeur du magasin, a indiqué avoir pour fournisseur la société Shoes Box. L'huissier n'a pu matériellement saisir d'articles contrefaisants, la totalité des stocks ayant été vendue.
La société Shoes Box est une société immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Lyon sous le numéro 520 991 068 depuis le 19 mars 2010, dont le gérant est M. David B. et dont le siège social est situé [...]. Elle indique avoir pour activité la vente en gros de vêtements de marque dans une boutique située à Lyon.
Par acte d'huissier en date du 12 août 2013, les sociétés Guess'IP Holder LP, Guess Europe et Guess France ont assigné la société JFM et la société Shoes Box devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de marques et en concurrence déloyale et parasitaire.
Par ordonnance du 19 juin 2014, le juge de la mise en état du tribunal, statuant sur incident, a ordonné à la société Shoes Box, sous astreinte provisoire de 150 euro par jour de retard à l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la signification de l'ordonnance et courant pendant un délai de deux mois, de communiquer un certain nombre d'éléments et de documents certifiés conformes par expert-comptable (noms et coordonnées de l'ensemble des fabricants et fournisseurs des produits argués de contrefaçon des 3 marques, ainsi que l'ensemble des factures d'achat correspondantes et, le cas échéant, les documents douaniers relatifs à l'importation et à l'exportation des produits argués de contrefaçon ; la liste des distributeurs et revendeurs de la société Shoes Box des produits argués de contrefaçon ainsi que l'ensemble des factures de vente correspondantes, dont les grossistes destinataires et détaillants ; les quantités produites, commercialisées, livrées, reçues ou commandées ainsi que le prix obtenu pour les produits en cause pour les années 2012 et 2013) en se réservant la liquidation de l'astreinte provisoire.
En cours d'instance, les sociétés Guess se sont désistées de leur instance et action à l'égard de la société JFM qui a accepté ce désistement.
Par jugement du 2 juillet 2015, le TGI a notamment :
constaté le désistement d'instance et d'action des sociétés Guess à l'encontre de la société J.F.M. à l'enseigne Hyper U,
dit recevables les demandes des sociétés Guess Europe et Guess France,
dit que la société Shoes Box s'est rendue coupable d'actes de contrefaçon par la reproduction de la marque communautaire verbale n°135681 et par l'imitation des marques communautaires Guess semi-figurative n° 135640 et figurative n° 135376 au préjudice de la société Guess ' Ip Holder,
condamné la société Shoes Box à payer à la société Guess Ip Holder la somme de 10 000 euro en réparation du préjudice résultant de l'atteinte à l'image de ses marques,
fait interdiction à la société Shoes Box de poursuivre l'importation, la détention et la commercialisation des modèles griffés des marques contrefaisantes " Guess " n° 135681, n°135640 et n°135376, sous astreinte de 100 euro par produit à compter de la signification du jugement, l'astreinte courant pendant 6 mois,
débouté les sociétés Guess France et Guess Europe de leurs demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire,
condamné la société Shoes Box à payer aux sociétés Guess la somme globale de 1 650 euro au titre de liquidation de l'astreinte prononcée par le juge de la mise en état,
débouté les sociétés Guess du surplus de leurs demandes en communication de documents,
rejeté la demande de publication du jugement,
condamné la société Shoes Box à payer à la société Guess' Ip Holder la somme de 5000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
rejeté les autres demandes au titre des frais irrépétibles,
dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
condamné la société Shoes Box aux dépens.
Le 28 août 2015, la société Shoes Box a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses conclusions transmises le 27 novembre 2015, la société Shoes Box, poursuivant l'infirmation du jugement et le rejet des demandes des sociétés Guess, demande à la Cour :
à titre principal : de juger
que le procès-verbal de saisie-contrefaçon en date du 2 août 2013 " ne constate rien ",
que le procès-verbal de constat d'achat réalisé le 25 juin 2013 est inopérant, faute de respecter les dispositions de l'article L. 716-7 du Code de la propriété intellectuelle
que les sociétés Guess n'apportent pas la preuve d'une quelconque contrefaçon,
que la " procédure en saisie-contrefaçon " opérée par les sociétés Guess est nulle et de nul effet
subsidiairement,
de constater que la " preuve de la contrefaçon est rapportée " par Mme Carole L., juriste des sociétés Guess et comme telle, subordonnée,
de constater que l'attestation de Mme L. ne remplit pas les conditions légales et est nulle et de nul effet,
de juger que l'examen de Mme L. est nul et de nul effet puisque cette dernière n'a pas eu en mains la marchandise litigieuse et qu'elle s'est contentée d'un examen sur photographies,
à titre infiniment subsidiaire, sur l'astreinte :
de rejeter les demandes des sociétés Guess,
à titre reconventionnel :
de condamner les sociétés Guess I'p Holder Lp, Guess Europe et Guess France solidairement à lui verser la somme de 5000 euro à titre de dommages et intérêts,
de les condamner en outre à lui verser la somme de 5000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dans leurs conclusions transmises le 26 janvier 2016, les sociétés Guess demandent à la Cour :
de confirmer le jugement en ce qu'il a :
dit " les demandes " des sociétés " Guess Europe " et Guess France recevables,
dit la société Shoes Box coupable " d'actes de contrefaçon par reproduction de la marque communautaire verbale n°135681et par l'imitation des marques communautaires Guess semi-figurative et figurative n°135640 et n° 135376 au préjudice de la société Guess Ip'Holder ", fait interdiction à la société Shoes Box de poursuivre l'importation, la détention et la commercialisation des modèles griffés des marques contrefaisantes " Guess " n°135681, n°135640 et n° 135376, sous astreinte de 100 euro par produit à compter de la signification du jugement, l'astreinte courant pendant 6 mois,
d'infirmer le jugement en ses autres dispositions et statuant à nouveau :
de juger que le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 2 août 2013 n'est entaché d'aucune nullité,
de dire que la société Shoes Box s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme au préjudice des sociétés Guess IP 'Holder L.P., Guess Europe et Guess France,
de dire que la société Shoes Box n'a pas déféré, sans motif, à l'ordonnance du juge de la mise en état du 19 juin 2014,
en conséquence,
de débouter la société Shoes Box de l'intégralité de ses demandes,
de déclarer la société Shoes Box irrecevable en sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et à titre subsidiaire, l'en débouter,
- de faire interdiction à la société Shoes Box de poursuivre l'exploitation, l'importation, la détention et la commercialisation d'articles griffés des marques contrefaisantes Guess, sous astreinte de 500 euro par modèle commercialisé et de 1 000 euro par jour de retard à compter de la signification du jugement, et de façon générale, de cesser toute exploitation illicite des marques " Guess ",
- de faire injonction à la société Shoes Box de communiquer les informations relatives aux quantités acquises et revendues par elle pour les produits en cause pour les années 2012 et 2013, sous astreinte de 500 euro par jour de retard à compter de la signification du jugement,
- de condamner la société Shoes Box à verser à la société Guess IP Holder L.P. la somme provisionnelle de 75 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né de la contrefaçon de ses marques, à parfaire,
- de condamner la société Shoes Box à verser aux sociétés Guess Ip Holder'l.P., Guess Europe Sagl et Guess France la somme de 50 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale et de parasitisme,
- de liquider l'astreinte visée à l'ordonnance du 19 juin 2014 et de condamner en conséquence la société Shoes Box à payer aux sociétés Guess la somme de 9 150 euro,
- d'ordonner l'insertion du jugement à intervenir dans trois publications (journal ou magazine), en format demi-page, au choix des sociétés Guess et aux frais de la société Shoes Box,
de condamner la société Shoes Box à leur verser la somme de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Motifs de la décision
Considérant qu'en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées ;
Sur la recevabilité à agir des sociétés Guess Europe et Guess France
Considérant qu'en appel, la société Shoes Box ne critique pas le jugement en ce qu'il a dit que les sociétés Guess Europe et Guess France, en leur qualité de distributeurs, avaient un intérêt à agir et étaient recevables en leurs demandes en concurrence déloyale et en ce qu'il a, en conséquence, rejeté sa fin de non-recevoir ;
Que le jugement doit être confirmé de ce chef ;
Sur la contrefaçon des marques de la société Guess Ip Holder L.P.
Considérant qu'il est relevé à titre préliminaire que la titularité des droits de la société Guess Ip Holder L.P. sur les marques opposées n'est pas contestée par la société Shoes Box et est justifiée par les pièces versées au dossier ;
Sur la validité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 2 août 2013
Considérant que, pour la première fois en cause d'appel, la société Shoes Box soutient que " la procédure de saisie-contrefaçon " est nulle dans la mesure où la délivrance de l'assignation en date du 12 août 2013 est intervenue plus de quinze jours après l'ordonnance sur requête en date du 26 juillet 2013 ayant autorisé la saisie-contrefaçon et plus de quinze jours après le constat d'achat du 25 juin 2013 ; que la société appelante argue également que le procès-verbal de saisie-contrefaçon " ne constate rien " et est ainsi insusceptible de permettre à la société Guess de rapporter la preuve d'une quelconque contrefaçon ;
Considérant que les sociétés Guess, sans soulever l'irrecevabilité de la demande de nullité, nouvelle en appel, font justement valoir qu'en application des articles L. 716-7 et R. 716-4 du Code de la propriété intellectuelle, la société Guess IP Holder L.P. disposait d'un délai, non pas de quinze jours comme le soutient la société appelante, mais de vingt jours ouvrables, ou de trente et un jours civils si ce délai est plus long, à compter du jour où est intervenue la saisie ou la description, et non pas du jour de l'ordonnance présidentielle autorisant les opérations de saisie- contrefaçon, pour se pourvoir au fond, à peine d'annulation de l'intégralité de la saisie ;
Que la saisie- contrefaçon contestée ayant été réalisée le 2 août 2013 et l'assignation étant du 12 août 2013, l'annulation prévue par ces textes n'est en l'espèce pas encourue ;
Que la force probante du procès-verbal de saisie-contrefaçon sera examinée ci-après, lors de l'examen au fond des actes de contrefaçon allégués ;
Que par ailleurs, la loi n'impose aucun délai pour assigner au fond à la suite d'un constat d'achat ;
Que la demande de nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 2 août 2013 sera rejetée ;
Sur le procès-verbal de constat d'achat du 25 juin 2013
Considérant que la société Shoes Box soutient que le procès-verbal de constat d'achat réalisé le 25 juin 2013 est " inopérant ", faute de respecter les dispositions de l'article L. 716-7 du Code de la propriété intellectuelle, dans la mesure où il a été réalisé en dehors de toute autorisation judiciaire et où il ne présente aucune garantie quant aux conditions de prélèvement du tee-shirt, l'huissier n'ayant pas pénétré dans les locaux, de sorte qu'une manipulation a parfaitement pu avoir lieu ;
Considérant qu'aux termes de l'alinéa 1 de l'article L. 716-7 du Code de la propriété intellectuelle, la contrefaçon de marques peut être prouvée par tous moyens ; que la preuve de la contrefaçon est donc libre et peut s'effectuer notamment par la réalisation d'un procès-verbal de constat d'achat qui n'est pas une saisie-contrefaçon et n'a donc pas à être autorisé judiciairement ;
Que les huissiers de justice sont en effet habilités, par l'article 1er de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers, à effectuer à la requête de particuliers, " des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter " ;
Que selon le même texte, ces constatations, en matière civile, font foi jusqu'à preuve contraire ;
Qu'en l'espèce, l'huissier a constaté que M. S. qui l'avait requis entrait dans le magasin Hyper U de Romans sur Isère sans porter aucun sac sur lui puis qu'il est ressorti du magasin quelques minutes plus tard avec un sac plastique transparent qu'il lui a remis, que de retour à l'étude, M. S. lui a remis un ticket de caisse et qu'il a alors personnellement sorti du sac plastique un tee-shirt de couleur noir portant des inscriptions dorées sur l'avant dont il a pris plusieurs photographies qu'il a annexées à son constat ;
Que le procès-verbal de constat d'achat du 25 juin 2013, établi dans des conditions conformes aux règles de droit commun régissant les constats d'huissier, n'est donc pas entaché d'irrégularité ;
Que le moyen tiré de l'impossibilité de déterminer la provenance de l'achat constaté par l'huissier touche à la force probante du constat et relève de l'examen de la pertinence des preuves produites qui sera appréciée ci-après, lors de l'examen au fond de la contrefaçon alléguée ;
Sur les actes de contrefaçon
Considérant que la société Shoes Box soutient que la preuve de la contrefaçon n'est pas rapportée dès lors que le procès-verbal de saisie-contrefaçon en date du 2 août 2013 " ne constate rien ", que le procès-verbal de constat d'achat réalisé le 25 juin ne présente aucune garantie quant aux conditions de prélèvement du tee-shirt, l'huissier n'ayant pas pénétré dans les locaux, et que la preuve de la contrefaçon ne saurait être rapportée par l'attestation, au demeurant établie en méconnaissance des règles du code de procédure civile, de Mme L., juriste des sociétés Guess, et comme telle, leur subordonnée, qui, de surcroît, n'a pas eu en mains la marchandise litigieuse et s'est contentée d'un examen sur photographies ; que la société appelante conteste avoir eu connaissance d'une possible contrefaçon et fait valoir qu'elle s'est approvisionnée auprès de la société Bh Diffusion " en toute transparence " ;
Que la société Guess Ip Holder L.P. répond que la matérialité des actes de contrefaçon, par reproduction et par imitation, est établie par l'achat opéré le 25 juin 2013 et que son ampleur est confirmée par les opérations de saisie- contrefaçon réalisées le 2 août 2013 ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 716-7 du Code de la propriété intellectuelle, la contrefaçon de marques peut être prouvée par tous moyens ;
Que c'est par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la Cour, que le tribunal, au vu de l'attestation argumentée émanant de Mme L., juriste en propriété intellectuelle de la société Guess Inc., et après examen d'une étiquette authentique Guess et de celle présente sur le tee-shirt marqué Guess, objet du constat d'achat établi par huissier le 25 juin 2013, a estimé que le tee-shirt litigieux, offert à la vente dans l'Hyper U de Romans-sur-Isère, n'était pas un produit authentique Guess ;
Qu'il sera ajouté que le fait que l'attestation de Mme L. ne réponde pas parfaitement aux prescriptions de l'article 202 du Code de procédure civile ne doit pas conduire nécessairement à l'écarter, ces dispositions n'étant pas prescrites à peine de nullité ; que de même, les circonstances que Mme L. soit une salariée de la société Guess et qu'elle n'ait pas eu en mains le tee-shirt litigieux mais seulement des photographies ne privent pas son attestation de toute valeur probante ; qu'il appartient au juge d'apprécier la valeur probante des éléments qui lui sont fournis, étant rappelé que la contrefaçon peut être prouvée par tous moyens ; qu'en l'occurrence, l'analyse de la juriste est confirmée par l'examen des étiquettes produites aux débats auquel le tribunal, puis la cour, se sont livrés ;
Que la société Shoes Box met en doute les constations de l'huissier résultant du procès-verbal de constat d'achat du 25 juin 2013 mais sans apporter aucun élément de nature à faire douter de leur exactitude ; que ces constatations font foi, comme il a été dit, jusqu'à la preuve contraire qui n'est ici pas rapportée ;
Que c'est également par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que le tribunal, après avoir constaté que les produits visés par l'enregistrement, en classe 25, des trois marques opposées étaient identiques aux tee-shirts offerts à la vente dans le magasin à l'enseigne l'Hyper U de Romans-sur-Isère et que les éléments distinctifs des trois marques de la société Guess Ip Holder L.P. se retrouvaient sur le tee-shirt litigieux, ce qui était source de confusion pour le consommateur d'attention moyenne, a estimé que la contrefaçon de marques par la société Shoes Box, laquelle ne contestait pas avoir fourni les tee-shirts litigieux au magasin Hyper U, était caractérisée par la reproduction de la marque verbale communautaire " Guess " n° 135681 et par l'imitation des marques communautaires " Guess " semi-figurative n° 135640 et figurative n°135376 ;
Que la société Shoes Box invoque vainement sa bonne foi, laquelle est indifférente en matière de contrefaçon ;
Considérant que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit que la société Shoes Box s'est rendue coupable d'actes de contrefaçon par la reproduction de la marque communautaire verbale n°135681et par l'imitation des marques communautaires Guess semi-figurative n° 135640 et figurative n° 135376 au préjudice de la société Guess IP Holder ;
Sur la concurrence déloyale et parasitaire
Considérant que les sociétés Guess France et Guess Europe, distributeurs des produits de la marque Guess sur le territoire national, et la société la société Guess Ip Holder invoquent des actes de concurrence déloyale et parasitaire commis à leur préjudice, faisant valoir notamment que la reprise des éléments distinctifs des marques de la société Guess Ip Holder créé dans l'esprit du consommateur un risque de confusion sur l'origine des produits, que la commercialisation d'articles contrefaisants les marques Guess porte atteinte à l'image de marque des produits de la marque ainsi qu'à l'organisation de leur distribution et que la société Shoes Box s'est placée dans le sillage du groupe Guess, profitant des investissements réalisés pour la diffusion et la promotion des modèles de la marque (communication, mise au point de catalogues, agencement des magasins et espaces de vente) ;
Que la société Shoes Box ne répond pas sur ce point ;
Considérant que la concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu'un signe ou un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce ; que l'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité, la notoriété de la prestation copiée ;
Que les agissements parasitaires constituent entre concurrents l'un des éléments de la concurrence déloyale ; qu'ils consistent, pour une personne morale ou physique, à titre lucratif et de façon injustifiée, à s'inspirer ou à copier une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissement ;
Considérant que la société Guess Europe, chargée de la distribution des produits Guess sur le territoire de l'Union européenne, et la société Guess France, distributeur des produits Guess, notamment à Paris, sont bien fondées à soutenir que les faits de contrefaçon commis au préjudice de la société Guess Ip Holder, titulaire des trois marques communautaires n°135681, n° 135640 et n° 135376, constituent à leur égard des actes de concurrence déloyale, dès lors que les consommateurs, trompés sur l'origine des produits, ont pu être amenés à se détourner des vêtements Guess authentiques qu'elles commercialisent au profit de ceux fournis par la société Shoes Box et offerts à la vente par le magasin Hyper U ; qu'en outre, la fourniture de produits contrefaisants en vue de leur commercialisation dans un magasin de la grande distribution, principalement alimentaire, porte atteinte à l'image des marques concernées, les produits Guess étant habituellement vendus dans des boutiques Guess et/ou des magasins multimarques spécialisés ou des grands magasins (Galeries Lafayette, Printemps...), et entraîne une perturbation du réseau de distribution, les deux sociétés intimées subissant une atteinte à leur droit exclusif de distribuer des produits authentiques ;
Qu'en revanche, la société Guess Ip Holder, titulaire des marques contrefaites, ne justifie pas de faits distincts de ceux de la contrefaçon, le risque de confusion invoqué n'étant pas distinct de celui généré par l'imitation de ses marques communautaires n° 135640 et n° 135376 ; qu'elle se verra donc déboutée de sa demande au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ;
Que l'existence d'actes de concurrence déloyale commis par la société Shoes Box au préjudice des sociétés Guess Europe et Guess France est établie ; que le jugement sera infirmé sur ce point ;
Considérant qu'en fournissant des vêtements reprenant les éléments distinctifs des marques Guess, lesquelles bénéficient d'un positionnement 'haut de gamme' dans le secteur du prêt à porter, la société Shoes Box a en outre cherché à profiter de l'image et de la notoriété de ces marques, développées grâce aux investissements consentis en vue, notamment, de l'aménagement des magasins et espaces de vente en France et en Europe, dont les sociétés Guess Europe et Guess France justifient (leur pièce 13), et a ainsi également commis à leur préjudice des actes de parasitisme ; que le jugement sera infirmé en ce sens ;
Que la pièce 13 produite aux débats au titre du parasitisme ne démontre pas les investissements réalisés par la société Guess ' Ip Holder, titulaire des marques contrefaites ; que celle-ci sera en conséquence déboutée de sa demande au titre de la concurrence parasitaire ;
Sur les mesures réparatrices
Sur les demandes indemnitaires
Au titre de la contrefaçon
Considérant qu'en application de l'article L.716-14 du Code de la propriété intellectuelle, applicable aux marques communautaires en vertu de l'article L. 717-2 du même code, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1° les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée, 2° le préjudice moral causé à cette dernière et 3° les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon ; que le même texte prévoit que la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire, supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte, cette somme n'étant pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée ;
Considérant que la société Guess ' Ip Holder invoque un préjudice résultant des bénéfices indus réalisés par la société Shoes Box, faisant valoir que les éléments communiqués ne permettent pas de connaître l'importance exacte de la masse contrefaisante, un préjudice moral résultant de la dévalorisation de l'image de ses marques, ainsi que les conséquences économiques négatives nées de la contrefaçon, sans chiffrer de façon distincte ces différents chefs de préjudices ;
Considérant que les opérations de saisie- contrefaçon n'ont pas permis la saisie d'articles contrefaisants, la totalité des stocks ayant été vendue ; que le directeur du magasin a fourni cependant plusieurs factures pour 2012 et 2013 comportant notamment des produits Guess ; qu'il ressort, par ailleurs, de courriers des 28 et 29 juillet 2014 du conseil de la société Shoes Box, que cette dernière a acquis de la société BH Diffusion un lot de 52 tee-shirts litigieux au prix de 8,50 euro HT et qu'elle a vendu l'ensemble du lot à la société J.F.M. selon factures des 19 mars (1 406,51 euro), 18 avril 2012 (1 674,41 euro) et 18 février 2013 (452,10 euro) et qu'une somme de 8 482,03 euro a été payée à la société BH Diffusion en 2012 ; que ces éléments ont été certifiés conformes par l'expert-comptable de la société Shoes Box ;
Que le tee-shirt litigieux était vendu au prix de 28 euro TTC dans le magasin Hyper U ;
Qu'il doit être tenu compte dans l'appréciation du préjudice commercial du fait que les consommateurs qui ont fait l'acquisition de tee-shirts contrefaisants dans le magasins Hyper U n'auraient pas tous nécessairement acheté des tee-shirts Guess authentiques dont le prix est plus élevé ;
Que l'offre à la vente de produits contrefaisants dans un hypermarché a dévalorisé l'image des marques Guess, les produits revêtus de ces marques étant habituellement distribués dans les boutiques de prêt à porter ou des espaces de vente spécialement dédiés à ce type de produits ;
Que la cour dispose ainsi d'éléments suffisants lui permettant, sans qu'il soit besoin de recourir à la mesure de communication sollicitée, d'évaluer à la somme de 30 000 euro le montant des dommages et intérêts qui répareront le préjudice global subi par la société Guess Ip Holder, résultant des actes de contrefaçon ;
Que le jugement déféré sera réformé en ce sens ;
Au titre de la concurrence déloyale et parasitaire
Considérant qu'au vu des éléments versés aux débats, la cour dispose d'éléments suffisants pour évaluer le préjudice subi par les sociétés Guess Europe et Guess France, du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaire, à la somme de 10 000 euro pour chacune ;
Sur les mesures d'interdiction et de publication
Considérant que le sens de la présente décision conduit à confirmer le jugement en ses dispositions relatives à la mesure d'interdiction prononcée à l'encontre de la société Shoes Box ;
Que la réparation des actes de contrefaçon de marques et de concurrence déloyale et parasitaire est suffisamment assurée par les indemnités allouées et l'interdiction prononcée ; qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la mesure de publication demandée ; que le jugement sera confirmé sur ce point également ;
Sur la liquidation de l'astreinte
Considérant que la société Shoes Box demande l'infirmation du jugement de ce chef, faisant valoir qu'elle a fourni les informations demandées dans le délai de quinzaine suivant la signification de l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance, peu important que les sociétés Guess aient exigé ensuite une certification comptable des documents transmis ;
Que les sociétés Guess soutiennent au contraire que la société Shoes Box n'a toujours pas déféré à l'intégralité des termes de l'ordonnance, les quantités exactes de vêtements contrefaisants demeurant inconnues, et demandent la liquidation de l'astreinte pour un montant de 9 150 euro ;
Considérant que c'est par des motifs exacts et pertinents, que la cour adopte, que les premiers juges ont estimé que la société Shoes Box a exécuté les injonctions mises à sa charge par le juge de la mise en état le 12 août 2014, soit 11 jours après l'expiration du délai imparti, et liquidé l'astreinte à la somme de 1 650 euro ;
Que le jugement déféré sera confirmé de ce chef également ;
Sur la demande incidente pour procédure abusive
Considérant que le sens de la présente décision conduit à rejeter la demande formée par la société Shoes Box pour procédure abusive ;
Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens
Considérant que la société Shoes Box, qui succombe en son appel, sera condamné aux dépens d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées ;
Que la somme qui doit être mise à la charge de la société Shoes Box au titre des frais non compris dans les dépens exposés par les sociétés les sociétés Guess'IP Holder LP, Guess Europe et Guess France peut être équitablement fixée à 15 000 euro, cette somme complétant celle allouée à la seule société Guess'IP Holder LP en première instance ;