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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 10, 6 mars 2017, n° 15-05792

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

New Efficient Travel Services (SARL)

Défendeur :

La Conciergerie Paris Airports (SARL) , Quattro Limousines (SARL), Aéroports de Paris (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Monsieur Loos

Conseillers :

Mmes Simon-Rossenthal, Castermans

T. com. Paris, du 3 mars 2015

3 mars 2015

FAITS ET PROCÉDURE

La SARL New Efficient Travel Services ayant pour gérant M. R. Nettaji et dont le nom commercial est Net services, est spécialisée dans le secteur d'activité de services auxiliaires des transports aériens. La société SARL Quattro Limousines, exploitée sous le nom commercial Bekara Limousines et ayant pour gérant M. Jean-Claude B., a pour activité la location de véhicules hauts de gamme avec ou sans chauffeurs.

La société Aéroports de Paris (ci-après dénommé ADP) gère les infrastructures aéroportuaires et les services aux passagers.

La société ADP a lancé un appel à candidatures afin de mettre en place et exploiter un service de conciergerie et d'accueil personnalisé sur les plateformes aéroportuaires de Paris Roissy Charles de Gaulle et de Paris Orly, les candidatures devant être déposées au plus tard le 26 février 2010.

Par courrier du 21 mai 2010, les sociétés New Efficient Travel Services et Quattro Limousines ont adressé conjointement leur offre, sous forme de groupement établi qui a été retenue par ADP le 22 juillet 2010.

A la suite de la réponse d'ADP, Quattro Limousines et Monsieur R. Nettaji en nom propre ont constitué une nouvelle société La Conciergerie Paris Airports ayant pour dénomination sociale La Conciergerie, dont le capital était détenu à 80 % par la première et 20 % par le second. L'ensemble des associés de Net Services ont été recrutés et employés par la nouvelle société le 1er décembre 2010. Son objet social était l'offre de prestations d'accueil et d'accompagnement sur mesure pour les départs et arrivées aux aéroports de Paris. Les baux permettant la mise en place effective du service ont été signés entre ADP et La Conciergerie le 15 novembre 2010 pour la plateforme de Paris Orly et le 14 décembre 2010 pour celle de Paris Roissy.

Suite à des dissensions entre les associés, M. B. a racheté la totalité des parts de la Conciergerie Paris Airports.

Par exploit d'huissier des 22 et 23 décembre 2011, Net Services a assigné devant le tribunal de commerce de Paris Quattro Limousines, la Conciergerie Paris Airport et ADP aux fin de condamnation solidaire à lui payer la somme de 20 000 000 euros au titre de son préjudice financier, matériel et commercial ainsi que celle de 30 000 euros à titre d'indemnité de procédure et aux dépens. Par exploit d'huissier du 18 octobre 2012, ADP a assigné en intervention forcée M. R. Nettaj.

La société Net a prétendu que la Conciergerie n'avait pas été constituée pour se substituer au groupement ayant remporté l'appel d'offre mais pour supplanter Net Services dans ses droits ce qui devait conduire à l'annulation de la société la conciergerie ; qu'ADP entité adjudicatrice avait commis une faute contractuelle en violant les règles de la commande publique et qu'en collaborant avec la Conciergerie, celles-ci avaient abusé de leur position dominante en faisant obstacle au développement de la concurrence existant encore sur ce marché.

ADP a soutenu que l'ordonnance du 6 juin 2005 n'était pas applicable à cette procédure d'appel d'offres, s'agissant d'un service de conciergerie et d'accueil.

Par jugement du 3 mars 2015, le tribunal a :

- prononcé la jonction des deux causes enrôlées sous les N° RG n° 2012005786 et 2012067666, objet du présent jugement,

- débouté la SARL New Efficient Travel Services de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la SARL La Conciergerie Paris Airports, la SARL Quattro Limousines et la SA Aéroports de Paris (ADP),

- condamné la SARL New Efficient Travel Services :

' à payer à la SA Aéroports de Paris (ADP) et à la SARL La Conciergerie Paris Airports, la somme de 50 000 euros à chacune à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, et déboute celle-ci du surplus de leurs demandes,

' à verser à la SARL La Conciergerie Paris Airports la somme de 65 000 euros en réparation des actes de concurrence déloyale commis,

' à payer à la SARL Quattro Limousines la somme de 20 000 euros au titre du prêt consenti par celle-ci et resté non-remboursé, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de signification du présent jugement,

- débouté la SARL La Conciergerie Paris Airports et la SARL Quattro Limousines de leur demande d'application de l'article 32-1 du Code de procédure civile à l'encontre de la SARL New Efficient Travel Services,

- ordonné l'exécution provisoire sans constitution de garantie,

- condamné la SARL New Efficient Travel Services à payer à la SARL La Conciergerie Paris Airports, la SARL Quattro Limousines et la SA Aéroports de Paris, et à chacune d'entre elles, la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et les déboute du surplus de leurs demandes à l'encontre de la SARL New Efficient Travel Services,

- condamné M. R. Nettaji à payer à la SA Aéroports de Paris (ADP) la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, déboutant celle-ci du surplus de sa demande,

- condamné la SARL New Efficient Travel Services aux dépens de la présente instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 105,84 euros dont 17,42 euros de TVA.

Le tribunal a estimé qu'il n'existait aucune obligation contractuelle entre les parties ; que les pratiques anti-concurrentielles et l'abus de position dominante n'étaient pas établis ; que c'est face au refus des associés de Net Services d'entrer au capital de La Conciergerie que l'accord était intervenu pour constituer cette société entre Quattro Limousines et M. Nettaji à titre personnel ; qu'ils ont été recrutés le 1er décembre 2010 par la Conciergerie et y ont travaillé jusqu'au 6 juin 2011 pour certains et jusqu'au 21 août 2011 pour les autres ; que Net Services est mal fondée à demander réparation d'un préjudice, au demeurant non établi, que ses associés ont eux-mêmes contribué à créer.

Le tribunal a estimé que le fait que des clients avaient suivi les associés de Net service constituait un acte de concurrence déloyale envers La Conciergerie.

La SARL New Efficient Travel Services a relevé appel de ce jugement le 20 mars 2015.

Par jugement du 10 juin 2015, le Tribunal de commerce de Paris a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire de la société New Efficient Travel Services et désigné Maître Frédéric G. en qualité de mandataire judiciaire.

Maître Frédéric G. ès qualités de mandataire judiciaire de la société New Efficient Travel Services a été assigné par exploit d'huissier délivré à personne le 11 août 2015. Il n'a pas constitué avocat.

Monsieur R. Nettaji a été assigné par exploit d'huissier délivré le 11 août 2015 remis en l'étude. Il n'a pas constitué avocat.

Par conclusions signifiées le 6 janvier 2017, la SARL New Efficient Travel Services demande à la cour, au visa des articles L. 235 et suivants du Code de commerce ; 1832 et suivants, 1844-1 et suivants 1108, 1134, 1142, 1147et 1131, du Code civil ; de l'ordonnance du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au Code des marchés publics dont les articles 4, 6 et 26, des articles L. 551-2 et suivants du Code de justice administrative ; L. 420-2 alinéa 1 du Code de commerce, L. 121-1 du Code de la consommation, 15, 16 , 699, 700, 872 et 873 du Code de procédure civile ;

- recevoir la SARL New Efficient Travel Services en leur appel et l'y déclarer bien-fondé ;

- infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris rendu le 3 mars 2015, notamment débouter les sociétés Aéroports de Paris, Quattro Limousines et La Conciergerie Paris Airports de leur demandes reconventionnelles ;

- Et faire droit aux demandes formulées lors de la première instance de la SARL New Efficient Travel Services ;

En conséquence,

- dire que la société Aéroports de Paris a attribué le marché de la Conciergerie au groupement Net Services et Bekara Limousines ;

- dire que la société La Conciergerie Paris Airports n'est pas l'émanation juridique des sociétés Net Services et Bekara Limousines ;

- dire l'objet social de la société La Conciergerie Paris Airports illicite ;

- dire la cause de la société La Conciergerie Paris Airports illicite ;

- prononcer de ce fait la nullité de la société La Conciergerie Paris Airports ;

- constater le manquement à ses obligations contractuelles par la société Aéroports de Paris ;

- constater le manquement à ses obligations contractuelles par la société Quattro Limousines ;

- constater les pratiques anticoncurrentielles de la société Aéroports de Paris, Quattro Limousines et de la société La Conciergerie Paris Airports ;

- constater l'abus de position dominante de la société Aéroports de Paris ;

- constater l'abus de position dominante de la société Quattro Limousines ;

- constater la publicité mensongère ;

En conséquence,

- condamner solidairement la société Aéroports de Paris, la société Quattro Limousines et la société La Conciergerie Paris Airports à verser à la société Net Services la somme de 1,5 millions d'euros en ce compris en réparation de son préjudice financier et matériel et de son préjudice commercial ;

- condamner solidairement la société Aéroports de Paris, la société Quattro Limousines et la société La Conciergerie Paris Airports à verser à la société Net Services 50 000 euros au titre du préjudice de notoriété ;

En tout état de cause,

- condamner solidairement la société Aéroports de Paris, la société Quattro Limousines et la société La Conciergerie Paris Airports à verser à la société Net Services la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner solidairement la société Aéroports de Paris, la société Quattro Limousines et la société La Conciergerie Paris Airports aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées le 17 août 2015, les sociétés Quattro Limousines et La Conciergerie demandent à la cour, au visa de la directive 2004/17/CE du du 31 mars 2004 , de l'ordonnance de 6 juin 2005, du décret n° 2005-828 du 20 juillet 2005, de l'article L. 235-1 alinéa 1 du Code de commerce, de la directive 2009/101/CE du du 16 septembre 2009 , de l'article 1382 du Code civil et 32-1 du Code de procédure civile, de confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a débouté Net Services de l'ensemble de ses demandes.

Elles sollicitent, à titre reconventionnel, de :

- dire et juger que Net Services a commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de La Conciergerie,

- dire et juger La Conciergerie recevable et bien-fondée en sa demande de dommages et intérêts pour concurrence déloyale,

- dire et juger Quattro Limousines recevable et bien-fondée en sa demande de remboursement du prêt de vingt-mille euros consenti par elle à Net Services les 13 et 28 avril 2010,

- dire et juger abusive l'action engagée par Net Services à l'encontre de La Conciergerie,

En conséquence,

- condamner Net Services à payer à La Conciergerie la somme de 1 million d'euros à titre de dommages et intérêts du fait des actes de concurrence déloyale commis,

- condamner Net Services à payer à La Conciergerie la somme de cent mille euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner Net Services à payer à Quattro Limousines la somme de vingt mille euros en remboursement du prêt consenti les 13 et 28 avril 2010 assorti des intérêts au taux légal,

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir

En tout état de cause,

- condamner Net Services à payer à La Conciergerie et à Quattro Limousines la somme de 30 000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

- condamner Net Services aux entiers dépens.

Par conclusions signifiées le 7 août 2015, ADP demande à la cour de :

- constater que la société New Efficient Travel Services est elle-même à l'origine de la situation dont elle se plaint ;

- par conséquent, infirmant le jugement sur ce point, dire et juger la société New Efficient Travel Services irrecevable en ses demandes, fins et prétentions ;

- confirmant le jugement de première instance sur ce point, constater le caractère abusif de la procédure initiée par la société New Efficient Travel Services à l'encontre de la société Aéroports de Paris devant le tribunal de commerce et évaluer à la somme de 50 000 euros le montant du préjudice subi par cette dernière à ce titre ;

- confirmant le jugement de première instance sur ce point, dire et juger que la société Aéroports de Paris est fondée à obtenir à une indemnité de 15 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance à l'égard de la société New Efficient Travel Services ;

- par conséquent, fixer la créance de la société Aéroports de Paris au passif de la société New Efficient Travel Services à la somme globale de 65 000 euros ;

A titre subsidiaire :

- confirmant le jugement entrepris sur ce point, constater que la société New Efficient Travel Services n'établit aucune faute à l'encontre de la société Aéroports de Paris, ni aucun préjudice en lien avec le comportement de celle-ci ;

- par conséquent, la débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- confirmant le jugement de première instance sur ce point, constater le caractère abusif de la procédure initiée par la société New Efficient Travel Services à l'encontre de la société Aéroports de Paris devant le tribunal de commerce et évaluer à la somme de 50 000 euros le montant du préjudice subi par cette dernière à ce titre ;

- confirmant le jugement de première instance sur ce point, dire et juger que la société Aéroports de Paris est fondée à obtenir à une indemnité de 15 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance à l'égard de la société New Efficient Travel Services ;

- par conséquent, fixer la créance de la société Aéroports de Paris au passif de la société New Efficient Travel Services à la somme globale de 65 000 euros ;

A titre plus subsidiaire :

- condamner Monsieur Nettaji R., qui se trouve à l'origine de la situation dont la société New Efficient Travel Services se plaint, à relever et garantir la société Aéroports de Paris de toutes sommes qui seraient mises à sa charge dans l'hypothèse où, par extraordinaire, la cour entrerait en voie de condamnation à son encontre ;

En tout état de cause :

- confirmant le jugement de première instance, condamner Monsieur Nettaji R. à payer à la société Aéroports de Paris la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles d'instance ;

- ajoutant au jugement, condamner la société New Efficient Travel Services et Monsieur Nettaji R. à payer, chacun, à la société Aéroports de Paris la somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel ;

- les condamner aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL Lexavoué Paris-Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

La clôture de l'instruction est intervenue par ordonnance du 9 janvier 2017.

Sur ce,

Sur l'exception d'irrecevabilité

Par conclusions d'incident du 13 janvier 207, la société ADP soulève l'irrecevabilité des conclusions signifiées par l'appelante le 6 janvier 2017 pour violation du principe du contradictoire.

Or, la cour ne peut statuer sur cette demande qui relève de la compétence exclusive du conseiller de la mise en état qui en l'espèce était dessaisi suite à l'ordonnance de clôture des débats du 9 janvier 2017.

Sur la violation du principe du contradictoire

L'appelante invoque la violation par le tribunal de commerce du principe du contradictoire au motif que son avocat n'aurait pas reçu la convocation pour l'audience de plaidoirie, sans toutefois en tirer de conséquence juridique de sorte que ce moyen ne saurait être utilement examiné. En tout état de cause, il convient de souligner que l'entier litige est dévolu à la cour.

Sur la responsabilité de la société ADP

La société Net Service indique qu'ADP constitue une entité adjudicatrice au sens des dispositions des articles 4 et 26 de l'ordonnance du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au Code des marchés publics et qu'à ce titre, elle doit respecter les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement et de transparence des procédures lorsqu'elle passe des marchés qui répondent à ses besoins ; qu'ADP a exécuté le contrat avec une autre personne morale que l'attributaire retenu et entrepris toutes démarches propres à réserver cette activité à la seule société La Conciergerie Paris Airports ; qu'en ne respectant pas les termes du contrat conclu, soit l'attribution d'un bail par ADP au profit des sociétés Net Services et Quattro Limousines, les intimés ont commis une faute de nature à engager leur responsabilité contractuelle, au regard des dispositions précitées et sur les fondements classiques des articles 1134 et 1147 et suivants du Code civil.

Ceci étant exposé, ainsi que le soutient ADP et comme l'a retenu le tribunal, les dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 6 juin 2005 ne sont pas applicables à la présente procédure d'appel d'offre à laquelle ADP n'était d'ailleurs pas tenue puisque cette ordonnance couvre essentiellement les contrats conclus pour répondre aux besoins de l'opérateur économique en matière de travaux, de fournitures ou de services et que le service de conciergerie ne répond pas à un besoin d'ADP pour son compte.

En l'espèce, les sociétés Net Services et Quattro Limousines ont répondu conjointement à l'appel d'offres lancé par ADP. Le règlement de consultation exigeait, à son article 3.3.1, la constitution d'une société dédiée sous forme d'une personne morale de droit français ayant pour seules activités celles objet de la consultation, afin que la comptabilité générale de cette personne morale soit le reflet exclusif des opérations effectuées dan ce cadre.

Comme demandé dans la consultation, une société dédiée a été créée sous le nom La Conciergerie Paris Airports dont le gérant était précisément M. B., par ailleurs gérant de la société Quattro Limousines, membre du groupement sélectionné. Pour l'exploitation de l'activité de la société dédiée, les baux ont été conclus avec la société La Conciergerie et une autorisation d'activité a été délivrée à cette dernière. C'est Net Services qui a par la suite a refusé d'entrer au capital de la nouvelle entité.

Net Services ne saurait donc, après avoir refusé de prendre une participation dans la société dédiée constituée, à savoir La Conciergerie, reprocher à ADP d'avoir signé les baux avec cette dernière, cela d'autant moins que le gérant de Net Services, Monsieur R., a travaillé de concert avec Monsieur B., gérant de Quattro Limousines, dans la phase ayant suivi la sélection des deux sociétés et qu'il était présent, ainsi que tous les associés de Net Services, devenus salariés de La Conciergerie, lors du lancement de l'activité de celle-ci.

ADP a donc exécuté le contrat avec la personne morale désignée et aucune faute ne saurait lui être reprochée.

Enfin, la société Net Service est mal fondée à se plaindre d'une situation qu'elle a elle-même créée.

Par ailleurs, la société Net Service ne caractérise ni ne justifie l'existence de pratiques anticoncurrentielles, d'un abus de position dominante et d'actes de publicité mensongère qu'aurait commis ADP.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Net Services de ses demandes fondées sur la responsabilité contractuelle et sur la violation des principes de la commande publique et des règles de la concurrence.

Sur la demande de nullité de la société La Conciergerie

L'appelante soutient que le comportement frauduleux de La Conciergerie rend illicite tant l'objet entendu subjectivement que la cause qui ont prévalu à sa création ce qui doit entraîner sa nullité.

Il résulte de l'application combinée des articles 1833 et 1844-10 du Code civil, que la nullité d'une société peut être prononcée en raison d'un objet illicite ou en raison d'une cause de l'obligation illicite et non pas en raison d'un comportement frauduleux qui par ailleurs n'est aucunement démontré en l'espèce.

La société La Conciergerie a été constituée en exécution de l'appel d'offre émis par ADP ce qui constitue une cause tout à fait licite. Son objet social était d'assurer un service d'accueil personnalisé des passagers qui est une activité licite. Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société Net Services de sa demande de nullité.

Sur la responsabilité de la société Quattro Limousines

Aucune obligation contractuelle n'existe entre la société Net Services et la société Quattro Limousines. En outre, l'appelante ne justifie pas des pratiques anticoncurrentielles ni de l'abus de position dominante allégués.

Sur la responsabilité de la société La Conciergerie

La société Net Service ne justifie pas comment en bénéficiant du local mis à bail par ADP, la société La Conciergerie aurait abusé d'une position dominante.

Sur la demande de dommages et intérêts de la société La Conciergerie pour concurrence déloyale

La société La Conciergerie expose qu'un nombre important de salariés a quitté l'entreprise pour rejoindre Net Services dans un temps très bref et que ces salariés ont de surcroît apporté à Net Services de nombreux clients. Elle soutient que la procédure intentée par Net Services avait pour unique finalité de permettre à cette dernière de tenter d'éliminer un concurrent et n'est que la suite logique de la désorganisation mise en place par ses soins depuis la création de La Conciergerie. Elle indique qu'elle a subi un préjudice important.

Net Service expose qu'elle n'a commis aucun acte de concurrence déloyale ; que l'embauche dans une société concurrente ne constitue pas un acte de concurrence déloyale ; que le déplacement de clientèle lié au départ du salarié n'est pas nécessairement constitutif d'un acte de concurrence déloyale ; que la démission des associés de Net Services de leurs fonctions au sein de La Conciergerie résulte exclusivement du comportement de cette dernière à leur égard ; que La Conciergerie n'apporte pas la preuve de l'existence d'une désorganisation.

Il est établi que le 4 juin 2011, Monsieur Yves A. a démissionné de ses fonctions au sein de La Conciergerie, suivi le 6 juin 2011 par Monsieur Mohamed R. puis le 7 juin 2011 par Monsieur Nettaji R., puis le 16 août 2011 par Messieurs Olivier et Nicola L. Il n'est pas versé aux débats les démissions de Messieurs Alexis B. et Riyad B. qui seraient intervenues les 31 juillet et 14 octobre 2011. Cependant il n'est pas contesté par Net Service que ces 7 salariés l'ont rejointe. Il convient de souligner que Messieurs R., R., A. et Messieurs Olivier et Nicolas L. sont actionnaires de la société Net Services.

Il résulte des contrats de travail produits par la Conciergerie que Messieurs Olivier et Nicolas L., Mohamed R. et Yves A. exerçaient la profession d'agent de passage, bien que sa lettre de démission de ce dernier fasse référence à ses fonctions de superviseur. La fiche de paie de janvier 2011 établit que M. R. exerçait celle de technicien commercial et non de directeur opérationnel comme elle le prétend dans ses écritures.

Messieurs Olivier et Nicolas L. et Mohamed R. avaient été embauchés au 1er décembre 2010. Le contrat de travail de M. A. est incomplet et aucune date n'y figure.

Ainsi le départ de 7 salariés, récemment embauchés par La Conciergerie, sur une période de 5 mois partis rejoindre la même entreprise opérant sur un même secteur d'activité constitue un démarchage important qui ne peut toutefois engager la responsabilité de la société New Efficient Travel Services que s'il a entraîné la désorganisation de la société La Conciergerie.

Or, si le caractère expérimenté des salariés démissionnaires peut se déduire de leur qualité d'associés de Net Service, la société Quattro Limousines ne justifie pas du caractère stratégique de leurs fonctions au sein de la Conciergerie ni du fait que les autres salariés de l'entreprise dont elle n'indique ni le nombre ni leurs fonctions n'étaient pas encore formés ce qui est en outre non justifié, de sorte qu'il est impossible de déterminer si le départ de ces salariés a entraîné la désorganisation de la société La Conciergerie.

En outre, elle ne justifie pas de la rupture des relations commerciales qu'elle entretenait avec ses clients Etoiles Limousines, Massy Limousine, Ambassdor, Evolution Voyages et Troïka ni que ces derniers aient rejoint Net Service ni de la perte de chiffre d'affaires allégué.

La société La Conciergerie ne démontre pas que Net Service a commis des actes de concurrence déloyale. Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné cette dernière à payer à La Conciergerie la somme de 65 000 euros.

Sur la demande de remboursement de prêt de la société Quattro Limousines

La société Quattro Limousines demande à la cour de condamner la société Net Services à lui payer la somme de 15 000 euros + 5 000 euros, soit 20 000 euros en remboursement du prêt consenti les 13 et 28 avril 2010, assortie des intérêts au taux légal. Elle expose que cette somme lui avait été prêtée, de manière amicale, pour l'aider à apurer près de 100 000 euros d'arriérés de TVA et lui éviter une cessation des paiements. Elle ajoute que les deux sociétés avaient décidé de travailler en collaboration à partir de l'année 2007.

La société Net Service soutient que la demande reconventionnelle en remboursement du prêt de la société Quattro Limousines est irrecevable pour absence de lien avec l'instance engagée par la concluante.

L'article 64 du Code de procédure civile définit la demande reconventionnelle comme celle par laquelle le défendeur prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire. L'article 70 du même Code conditionne la recevabilité d'une telle demande à l'existence d'un lien suffisant avec les prétentions originaires.

La demande initiale de la société New Efficient Travel services tend à obtenir la condamnation de la société Quattro Limousines à lui payer des dommages intérêts en raison du manquement par cette dernière à ses obligations contractuelles, soit pour faute commise dans le cadre des relations ayant existé entre les parties. La demande de remboursement de prêt qu'aurait consenti Quattro Limousine à New Efficient Travel Services dans ce même cadre présente donc un lien suffisant avec la demande initiale puisqu'elle tend à solder les comptes entre les parties, et est donc recevable.

Sur le fond, la société Quattro Limousines verse aux débats la copie de deux chèques en date des 13 et 28 avril 2010. La société New Efficient Travel Services ne conteste pas que les sommes réclamées lui ont été versées à titre de prêt.

Ceci étant exposé, si, en application de l'article L. 110-3 du Code de commerce, tous les moyens de preuve sont admissibles en matière de preuve, la seule production des deux chèques et de la mise en demeure de payer du 5 août 2011 ne suffisent pas, en l'absence de tout autre élément de nature à rapporter la preuve de l'obligation de remboursement du débiteur et donc la preuve du prêt allégué.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a condamné Net Services à rembourser à Quattro Limousines la somme de 20 000 euros. Cette dernière sera déboutée de sa demande en paiement.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive d'ADP

ADP a déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire par courrier du 7 août 2015 à hauteur de la somme de 65 055,84 euros, se décomposant comme suit :

50 000 euros dommages et intérêts pour procédure abusive,

15 000 euros article 700 du Code de procédure civile,

55,84 euros dépens

ADP ne rapporte pas la preuve qu'en l'assignant et en relevant appel d'une décision lui faisant grief, Net Services ne pouvait ignorer que son action était vouée à l'échec et a fait dégénérer son droit d'agir et de faire appel en abus qui ne peut résulter du seul fait qu'elle ne soit pas accueillie en ses demandes.

Le jugement entrepris sera dès lors infirmé en ce qu'il a condamné cette dernière à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sur la demande de dommage et intérêts pour procédure abusive de La Conciergerie

La société La Conciergerie sollicite la condamnation de Net Services à lui payer la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire.

La Conciergerie ne rapporte pas la preuve qu'en l'assignant et en relevant appel d'un jugement lui faisant grief, Net Services a fait dégénérer son droit d'agir et de faire appel en abus.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné cette dernière à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Les sociétés La Conciergerie et Quattro Limousines conserveront à leur charge les dépens par elles exposés à hauteur d'appel et seront déboutées de leur demande d'indemnité de procédure.

Les dépens exposés par ADP et par la société Net Services seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

Net Services sera déboutée de sa demande d'indemnité de procédure et condamnée, sur ce même fondement, à payer à chacune des intimées celle de 10 000 euros.

Par ces motifs : LA COUR, Vu l'article 16 du Code de procédure civile, Dit n'y avoir lieu à statuer sur l'exception d'irrecevabilité des conclusions signifiées le 6 janvier 2017 ; Infirme le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 3 mai 2015 en ses dispositions relatives à la condamnation de la société Net Efficient Services au profit de la société La Conciergerie Paris Airport pour concurrence déloyale au titre du remboursement du prêt et en ce qu'il a condamné la sociét New Efficient Travel Services pour procédure abusive ; Statuant à nouveau sur des points ; Déboute la société La Conciergerie Paris Airport de sa demande de dommages et intérêts pour concurrence déloyale ; Déboute la société La société Quattro Limousines de sa demande de remboursement de prêt ; Déboute la société La Conciergerie Paris Airport de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ; Déboute la société Aéroports de Paris de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ; Confirme le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions ; Y ajoutant, Dit que les sociétés La Conciergerie Paris Airport et Quattro Limousines conserveront à leur charge les dépens par elles exposés à hauteur d'appel ; Dit que les dépens exposés par la société New Efficient Travel Services seront employés en frais privilégiés de la procédure collective ; Déboute la société New Efficient Travel Services de sa demande d'indemnité de procédure ; Condamne la société New Efficient Travel Services à payer à la société Aéroports de Paris, à la société Quattro Limousines et à la société La Conciergerie Paris Airport la somme de 10 000 euros chacune en application de l'article 700 du Code de procédure civile.