CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 17 mars 2017, n° 16-09125
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Enerlis (SAS)
Défendeur :
Engie (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Perrin
Conseillers :
Mmes Renard, Douillet
Avocats :
Mes Baechlin, Havard-Duclos, Passa
La société Enerlis, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Nanterre le 18 novembre 2013, a pour activité déclarée la vente de produits et services en rapport avec l'énergie.
Elle se présente plus spécifiquement comme une société de services en efficacité énergétique et environnementale ayant pour activité le conseil et l'accompagnement des consommateurs d'énergie dans la mise en œuvre et la gestion de leurs programmes énergétiques et environnementaux.
Elle est titulaire de la marque française semi-figurative " Enerlis Efficacité Energétique & Environnementale " déposée en couleurs le 28 janvier 2014 et enregistrée sous le numéro 4 064 070 pour désigner notamment en classes 9, les " appareils et instruments de contrôle (inspection), appareils et instruments pour la conduite, la distribution, la transformation, l'accumulation, le réglage ou la commande du courant électrique ; batteries électriques ; appareils pour le diagnostic non à usage médical ".
La société Engie, anciennement connue sous la dénomination GDF Suez, est un groupe énergétique français né du rapprochement de plusieurs groupes industriels et notamment de la fusion en 2008 entre Gaz de France et Suez.
Elle est notamment titulaire des marques suivantes, déposées en couleur :
- la marque française complexe "engie", déposée le 9 avril 2015 par la société GDF Suez et enregistrée sous le n° 4 171 999 pour désigner en classes 1, 4, 7, 9, 11, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42 et 45 différents produits et services,
- la marque communautaire complexe "engie" déposée le 15 mai 2015 sous priorité de la marque française n° 4 171 999, et enregistrée avec modification sous le n° 14 063 747 pour désigner divers produits et services relevant des classes 1, 4, 7, 9, 11, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42 et 45,
- la marque communautaire semi-figurative " engie redécouvrons l'énergie ", déposée le 8 juin 2015 et enregistrée sous le n° 14 227 466 pour désigner divers produits et services relevant des classes 4, 40 et 42,
- la marque communautaire semi-figurative " engie Delivering the essentials of life ", déposée le 8 juin 2015 et enregistrée sous le n° 14 227 482 pour désigner divers produits et services relevant des classes 4, 40 et 42,
- la marque communautaire semi-figurative " engie Etre utile aux hommes ", déposée le 8 juin 2015 et enregistrée sous le n° 14 227 458 pour désigner divers produits et services relevant des classes 4, 40 et 42.
Faisant état d'un risque de confusion dans l'esprit du public tant entre les signes susvisés qu'entre les activités exercées par les deux sociétés en cause, la société Enerlis a, après y avoir été autorisée par une ordonnance du président du tribunal en date du 11 décembre 2015, et selon acte d'huissier en date du 14 décembre 2015, fait assigner la société Engie devant le tribunal de grande instance de Paris à jour fixe, en contrefaçon de marque, nullité de la marque semi-figurative " Engie " n° 4 171 999 ainsi que des marques communautaires semi-figuratives "Engie" n° 14 227 466, 14 227 482 et 14 227 458 et concurrence déloyale.
Par jugement contradictoire assorti de l'exécution provisoire, en date du 11 mars 2016, le Tribunal de grande instance de Paris a :
- rejeté l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la société Engie,
- déclaré irrecevable la demande en nullité formée à l'encontre des marques communautaires semi-figuratives "Engie" enregistrées sous les numéros 14 227 466, 14 227 482 et 14 227 458,
- renvoyé la société Enerlis à mieux se pourvoir sur cette demande,
- débouté la société Enerlis de l'ensemble de ses autres demandes,
- condamné la société Enerlis à payer à la société Engie la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- débouté la société Engie du surplus de ses demandes,
- condamné la société Enerlis aux dépens, dont recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
La société Enerlis a interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe en date du 19 avril 2016.
Par dernières écritures notifiées par voie électronique le 28 octobre 2016, auxquelles il est expressément renvoyé, la société Enerlis demande à la cour, au visa des articles L. 711-4, L. 713-3 et L. 714-3 du Code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière de la directive 2008/95, puis de la directive 2015/2436, sur les marques et des articles 1382 et 1383, devenus 1240 et 1241, du Code civil, et aux termes d'un certain nombre de demandes de constats qui ne constituent pas des prétentions au sens du Code de procédure civile, de :
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,
- réformer le jugement entrepris du 11 mars 2016 en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en contrefaçon de sa marque française complexe " Enerlis " n° 4 064 070, de sa demande en concurrence déloyale et de sa demande en annulation de la marque française complexe n° 4 171 999 "Engie" de la société Engie,
En conséquence,
- juger que l'exploitation par la société Engie du signe complexe "Engie", objet de sa marque française n° 4 171 999, constitue la contrefaçon de la marque française complexe "Enerlis" n° 4 064 070, dont elle est titulaire,
- faire interdiction à la société Engie de poursuivre l'utilisation, sur quelque support que ce soit, du signe objet de sa marque n° 4 171 999, ou, à tout le moins, du signe dans ce graphisme, pour désigner les produits et services suivants :
- " les appareils et instruments de contrôle et d'inspection, de sécurité ou de diagnostic, dans le domaine de l'énergie, et notamment les thermostats, les compteurs d'électricité, de gaz ; les batteries rechargeables, piles à combustible et autres appareils pour l'accumulation du courant électrique ; les appareils et instruments pour la conduite, la distribution, la transformation, le réglage ou la commande du courant électrique , les services de production et de distribution d'énergie, et notamment d'électricité ; les services de conseil en efficacité énergétique et environnementale ; les services d'installation, d'entretien, de maintenance, de dépannage d'installations énergétiques ", et ce, sous astreinte de 1 000 euros, par jour et par infraction constatée, à compter de l'expiration d'un délai de 30 jours passé la signification de l'arrêt à intervenir,
- condamner la société Engie à lui verser une indemnité de 2 795 723 euros en réparation du préjudice que ces actes de contrefaçon, au cours de la période comprise entre le 1er mai 2015 et fin octobre 2016, lui ont causé, montant à parfaire pour tenir compte de la période à courir entre le 1er novembre et la date de l'arrêt à intervenir,
- prononcer l'annulation de la marque française complexe "Engie" n° 4 171 999, dont la société Engie est titulaire, pour les produits et services suivants :
- " dispositifs électroniques de surveillance, de contrôle, de sécurité, de chaleur, de refroidissement, de ventilation, et d'automatisation pour bâtiments et maisons individuelles, y compris détecteurs de fumée, émetteurs de signaux électroniques et de télécommunication, moniteurs, thermostats, variateurs régulateurs de lumière " ; " compteurs d'électricité, de gaz, d'eau; compteurs intelligents " ; " appareils de sécurité et d'automatisation pour les bâtiments et maisons individuelles " ; " appareils et instruments pour la conduite, la distribution, la transformation, l'accumulation, le réglage ou la commande du courant électrique " ; " piles à combustibles " ; " conduites d'électricité, canalisations électriques, matériels pour les conduites d'électricité ", de la classe 9,
- tous les services visés, en classe 35, à l'enregistrement de la marque de la société Engie ou, à tout le moins, les services de :
" Gestion des affaires commerciales liées à l'énergie, et plus particulièrement au gaz naturel et à l'électricité ; conseils, informations ou renseignements d'affaires auprès des collectivités territoriales, entreprises, artisans ou particuliers dans le domaine de l'énergie, de la protection de l'environnement ou du développement durable ; conseils commerciaux au profit de tiers en vue de l'amélioration et de la maîtrise de la consommation d'énergie ou dans le domaine du développement durable ; conseils et informations commerciales sur les consommations d'énergie avec ou sans réalisation de simulation tarifaire et prévisions de consommation ; analyse de prix de revient d'installations fonctionnant à l'aide de tout type d'énergie notamment en vue de l'amélioration et de la maîtrise de la consommation d'énergie ; expertise en affaires dans le domaine de la protection de l'environnement, des énergies nouvelles et du développement durable ; études et recherches de marché dans le domaine de la protection de l'environnement, des énergies nouvelles et du développement durable ; gestion de fichiers informatiques dans le domaine de l'énergie, de la protection de l'environnement ou du développement durable ; recherches d'informations dans des fichiers informatiques pour des tiers dans le domaine de l'énergie, de la protection de l'environnement ou du développement durable ; promotion pour le compte de tiers de produits fonctionnant à l'aide de tout type d'énergie ; démonstration de produits en vue de l'amélioration et de la maîtrise de la consommation d'énergie ",
- tous les services visés, en classe 36, à l'enregistrement de la marque de la société Engie ou, à tout le moins, les services de :
" Conseils et informations financières dans le domaine de la consommation d'énergie et de la performance énergétique ; services de conseils en matière financière pour la facturation et la programmation des dépenses liées à la consommation d'énergie ; services d'aide à la gestion financière dans le domaine de l'énergie, de la performance énergétique ou du développement durable ; consultation en matière financière dans le domaine de l'énergie, de la performance énergétique ou du développement durable ; consultation financière en matière d'offres tarifaires dans le domaine de la consommation et de la gestion de l'énergie ; étude financière et conseils financiers pour améliorer, développer et renouveler les installations énergétiques ; analyses financières, prêts financiers dans le domaine du développement et l'amélioration des installations énergétiques ; service de financement, prêts financiers à destination des installations de chauffage ou de production fonctionnant à partir de tout type d'énergie, et notamment à partir d'énergies renouvelables ; services d'informations financières par téléphone dans le domaine de l'énergie ",
- tous les services visés, en classe 37, à l'enregistrement de la marque de la société Engie ou, à tout le moins, les :
" Services d'installation, d'entretien, de maintenance, de dépannage, de réparation et de mise en service d'installations énergétiques, de chauffage, d'accumulation ou récupération de chaleur, de ventilation, de distribution d'eau, de climatisation et de conditionnement d'air en vue de la performance énergétique ou de la maîtrise des consommations ; services d'installation, d'entretien, de maintenance, de dépannage, de mise en service de pompes à chaleur, de panneaux photovoltaïques, de chaudières ; installation, programmation et entretien de systèmes dits domotiques, ainsi que d'automates programmables en vue de la performance énergétique, de la maîtrise des consommations ou de la gestion des réseaux intelligents (réseaux de distribution d'énergie utilisant des technologies informatiques pour améliorer l'adéquation de l'offre et de la demande d'énergie) ; information, inspection et conseils en matière de construction et supervision de travaux de construction et de rénovation de l'habitat, de bâtiments ou d'équipements industriels et tertiaires en vue de l'amélioration et de la maîtrise de la consommation d'énergie ",
- tous les services visés, en classe 38, à l'enregistrement de la marque litigieuse ou, à tout le moins, les services de :
" Transmission à distance de données relatives à des dispositifs, équipements et systèmes de mesure, d'analyse et de surveillance (contrôle) de la consommation d'énergie ou de fluides, en particulier à des systèmes domotiques ou des réseaux intelligents (réseaux de distribution d'énergie utilisant des technologies informatiques pour améliorer l'adéquation de l'offre et de la demande d'énergie), entre terminaux d'ordinateurs et/ou entre un compteur, un détecteur, un capteur, un lecteur d'informations et un terminal d'ordinateur ; pilotage à distance de dispositifs, d'équipements et de systèmes de mesure, d'analyse et de surveillance (contrôle) de la consommation d'énergie ou de fluides ",
- les services de " Transport, distribution et fourniture d'énergie, informations et conseils en matière de stockage, transport, distribution et fourniture d'énergie ", en classe 39,
- les services de " production d'énergie à partir d'énergies renouvelables notamment thermique, climatique, géothermique, éolienne, solaire, hydraulique ou issue de la biomasse ; location de générateurs d'énergie ; traitement de biomasse en vue de la production d'énergie ; information en matière de traitement de la biomasse et d'installations de production d'énergie ; service d'information et de conseil dans les domaines précités ; tri et recyclage de déchets et matières premières de récupération pour la production d'énergie ", en classe 40,
- tous les services visés, en classe 42, à l'enregistrement de la marque de la société Engie ou, à tout le moins, les :
" Services d'ingénierie ainsi que services d'analyses, de recherches et d'expertises techniques dans le domaine de l'énergie ; conception, maintenance, mise à jour et installation de logiciels dans les domaines énergétiques et du développement durable ; conseils techniques et d'ingénierie relatifs aux installations de production, stockage, distribution et fourniture d'énergie ; analyses (études de projets techniques) et recherches techniques industrielles relatives à la domotique et aux réseaux intelligents (réseaux de distribution d'énergie utilisant des technologies informatiques pour améliorer l'adéquation de l'offre et de la demande d'énergie) ; services de contrôles de qualité consistant en relevés techniques d'installations, mesures et relevés d'état ; études et analyses techniques et diagnostics (rendus par des ingénieurs) pour l'implantation d'installations de mise à disposition et/ou de production et/ou de distribution d'énergie à savoir d'électricité, de gaz, de chauffage et d'eau ; études, recherches et expertises (travaux d'ingénieurs) dans les domaines de l'énergie, de l'environnement et du développement durable ; conseils et informations techniques relatifs à l'énergie à la maîtrise de l'énergie ; information et conseils techniques sur les installations fonctionnant à l'aide de tout type d'énergie ; expertises techniques dans les domaines de la production d'énergie électrique, éolienne, solaire, hydraulique, géothermique, thermique, climatique, d'énergies renouvelables ",
- tous les services visés, en classe 45, à l'enregistrement de la marque de la société Engie, à savoir,
Gestion technique d'installations de production, de stockage, de transformation et de distribution d'énergies, à savoir contrôle de la sécurité des installations ; services de surveillance d'installations de stockage de gaz naturel et de réseaux de distribution de gaz naturel ou d'électricité ; consultations en matière de sécurité d'installations de stockage de gaz naturel et de réseaux de distribution de gaz naturel ou d'électricité,
- ordonner la transmission par le greffe de la décision à intervenir à l'Institut national de la propriété industrielle, aux fins de transcription sur le Registre national des marques, dès que l'arrêt sera devenu définitif,
- ordonner la publication de la décision à intervenir, en totalité ou par extrait, dans 10 journaux, revues ou magazines, de son choix et aux frais de la société Engie, le coût de chaque insertion ne pouvant excéder 4 000 euros, ainsi que sur la page d'accueil des deux sites de la société Engie : www.entreprises-collectivites.Engie.fr et www.particuliers.Engie.fr,
- juger qu'en exploitant un logo en forme de dôme, la société Engie a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Enerlis,
- faire interdiction à la société Engie de continuer à exploiter, directement ou indirectement, et sur quelque support que ce soit, le signe litigieux ou, à tout le moins, un dôme pour désigner des services de production et de distribution d'énergie et des services d'efficacité énergétique et environnementale, autrement dit de " conseil en économie d'énergie, protection de l'environnement et développement durable ", tels ceux visés dans l'enregistrement de sa marque n° 4171999, dans les classes 35, 36, 37, 40, 42 et 45, et ce sous astreinte de 1 000 euros, par jour et par infraction constatée, à compter de l'expiration d'un délai de 30 jours passé la signification de l'arrêt à intervenir,
- condamner la société Engie à lui verser la somme de 80 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale,
En tout état de cause,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a, au bénéfice de l'exécution provisoire, condamnée à verser à la société Engie la somme de 30 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société Engie à lui verser la somme de 90 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles qu'elle a engagés en première instance et en appel,
- condamner la société Engie aux entiers dépens, dont distraction au profit de son conseil en application de l'article 699 du Code de procédure civile.
Par dernières écritures notifiées par voie électronique le 8 décembre 2016, auxquelles il est expressément renvoyé, la société Engie demande à la cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée en ses conclusions d'intimée et d'appel incident,
A titre principal :
- dire et juger qu'aucun acte de contrefaçon de marque par imitation n'a été commis par elle à l'encontre de la société Enerlis,
- dire et juger qu'aucun acte de concurrence déloyale n'a été commis par elle au préjudice de la société Enerlis,
En conséquence :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a ce qu'il l'a déboutée de sa demande en procédure abusive,
- dire et juger que la société Enerlis n'a pu légitimement se méprendre sur l'étendue de ses droits et la condamner à lui verser la somme de 1 euro pour procédure abusive,
A titre subsidiaire,
- dire et juger que, si par extraordinaire la cour devait considérer qu'il existe un risque de confusion entre les marques "Enerlis" et "Engie" ou entre les identités visuelles des parties en présence, (elle) débouterait néanmoins Enerlis de ses demandes, cette dernière étant à l'origine de cette confusion,
A titre infiniment subsidiaire,
- subordonner toutes éventuelles mesures d'interdiction et de destruction à l'octroi, pour la société Engie, d'un délai minimum de 15 mois pour s'y conformer, à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
En tout état de cause :
- condamner la société Enerlis à lui verser la somme de 200 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société Enerlis aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de son conseil, dans les conditions prévues à l'article 699 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 15 décembre 2016.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la contrefaçon
Considérant qu'il a été précédemment exposé que la société Enerlis est titulaire de la marque française semi-figurative " Enerlis Efficacité Energétique & Environnementale " déposée en couleurs le 28 janvier 2014 et enregistrée sous le numéro 4 064 070 pour désigner notamment en classes 9, les " appareils et instruments de contrôle (inspection), appareils et instruments pour la conduite, la distribution, la transformation, l'accumulation, le réglage ou la commande du courant électrique ; batteries électriques ; appareils pour le diagnostic non à usage médical " ;
Qu'elle incrimine tant le dépôt de la marque "Engie" que l'usage par la société intimée du logo "Engie"
Considérant que les signes en présence étant différents, c'est au regard de l'article 713-3 b) du Code de la Propriété Intellectuelle qui dispose que " sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public, l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ", qu'il convient d'apprécier la contrefaçon ;
Qu'il y a lieu plus particulièrement de rechercher si, au regard d'une appréciation des degrés de similitude entre les signes et entre les produits désignés, il existe un risque de confusion dans l'esprit du public , lequel comprend le risque d'association, qui doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce ; que cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par celles-ci en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants ;
Qu'en outre, un faible degré de similitude entre les produits ou services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les signes et inversement ;
Sur la comparaison des produits et services
Considérant qu'il convient de rappeler que pour apprécier la similitude entre les produits ou services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre les produits ou services et que ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire ;
Considérant que la société Enerlis oppose dans le cadre du présent litige les
" Appareils et instruments de contrôle (inspection); appareils et instruments pour la conduite, la distribution, la transformation, l'accumulation, le réglage ou la commande du courant électrique ; batteries électriques ; appareils pour le diagnostic non à usage médical " visés au dépôt de la marque dont elle est titulaire ;
Que les " dispositifs électroniques de surveillance, de contrôle, de sécurité, de chaleur, de refroidissement, de ventilation, et d'automatisation pour bâtiments et maisons individuelles, y compris détecteurs de fumée, émetteurs de signaux électroniques et de télécommunication, moniteurs, thermostats, variateurs régulateurs de lumière, les compteurs d'électricité, de gaz, d'eau; compteurs intelligents et les appareils de sécurité et d'automatisation pour les bâtiments et maisons individuelles " visés au dépôt de la marque "Engie" ainsi que les thermostats que la société Engie présente sur son site internet, sont similaires voire identiques aux " appareils et instruments de contrôle (inspection) et aux appareils pour le diagnostic non à usage médical " opposés ;
Que les " piles à combustible " désignées par la société Engie sur son site Internet et au dépôt de la marque incriminée ainsi que " les appareils et instruments pour la conduite, la distribution, la transformation, l'accumulation, le réglage ou la commande du courant électrique " sont également des produits identiques ou similaires aux " batteries électriques " couvertes par la marque première ;
Que " les appareils destinés au réglage et à la commande du courant électrique dans les habitations ou de la robotique industrielle " exploités par la société Engie sous le signe litigieux et les " appareils et instruments pour la conduite, la distribution, la transformation, l'accumulation, le réglage ou la commande du courant électrique, piles à combustibles, compteurs d'électricité et les conduites d'électricité, canalisations électriques, matériels pour les conduites d'électricité " visés au dépôt de la marque "Engie" sont des produits identiques ou similaires aux " appareils et instruments pour la conduite, la distribution, la transformation, l'accumulation, le réglage ou la commande du courant électrique " couverts par la marque première ;
Considérant, par ailleurs, que les " services de transport, distribution et fourniture d'énergie " exploités par la société intimée et visés par la marque "Engie" présentent un lien étroit et obligatoire avec " les appareils et instruments pour la conduite et la distribution du courant électrique " visés par la marque première dès lors qu'ils se rapportent à des prestations spécifiquement dédiées auxdits produits et ont pour objet ces mêmes produits désignés par la marque antérieure ; qu'il s'agit donc de services similaires par complémentarité aux produits visés par la marque antérieure;
Considérant de même, que les " services de production et d'énergie électrique, distribution et fourniture d'énergie " sont étroitement liés à l'utilisation des " batteries électriques " qui stockent l'énergie produite ; qu'il s'agit donc de produits et services similaires par complémentarité, le public étant fondé à leur attribuer une même origine ;
Considérant que les services de " distribution d'énergie, d'installation, d'entretien, de maintenance, de dépannage d'installations énergétiques " sont également similaires par complémentarité aux " appareils et instruments de contrôle (inspection) ou de diagnostic ", visés à l'enregistrement de la marque "Enerlis" invoquée, dans la mesure où ils peuvent être utilisés dans le cadre des prestations fournies par la société Engie sous le signe litigieux ou être intégrés aux dispositifs utilisés pour fournir lesdits services ;
Considérant, enfin, que les conseils en efficacité énergétique et environnementale fournis par la société Engie sont similaires par complémentarité aux " appareils et instruments d'inspection ou de diagnostic ", destinés à identifier les sources possibles de réduction de consommation d'énergie et les moyens de mise en œuvre d'énergies alternatives, dès lors qu'ils s'accompagnent nécessairement de l'emploi de tels appareils et instruments ;
Considérant en revanche, et sauf à méconnaître le principe de spécialité inhérent au droit des marques, que tous les autres produits et services listés au dispositif des dernières écritures de l'appelante auxquels la cour se réfère expressément, qui au demeurant ne font l'objet d'aucune analyse dans ces même écritures, ne sont ni identiques ni similaires aux produits opposés ;
Sur la comparaison des signes
Considérant que la marque semi-figurative " Enerlis Efficacité Energétique & Environnementale " est ainsi représentée :
Que la marque complexe française Engie n° 4 171 999 dont elle est titulaire la société Engie pour désigner est ainsi représentée :
Considérant que d'un point de vue visuel, la marque première est composée, sur deux lignes séparée par une ligne horizontale épaisse, du terme "Enerlis" composé de sept lettres de style anguleux, de même dimension, certaines étant en majuscules (L et S ) et d'autres en minuscules (e, i et r) et de couleur bleue et verte légèrement dégradée du haut vers le bas sans qu'aucun pantone ne soit cependant revendiqué au dépôt, et de la formule " Efficacité Energétique & Environnementale " figurant en dessous en caractères ordinaires, de dimension inférieure et de couleur bleue ; que la marque complexe Engie est composée de cinq lettres, minuscules et majuscules, inscrites dans une typographie particulière de forme arrondie, le point du " i " pouvant évoquer une flamme, le tout de couleur bleue sans revendication de pantone, et surmonté d'un élément figuratif, non pas abstrait comme le soutient l'appelante mais qui est composé du haut d'une sphère, de l'horizon ou du soleil levant que le public pertinent, soit en l'espèce non seulement les professionnels de l'énergie mais aussi le consommateur moyennement attentif eu égard à la nature des produits et services en cause, gardera en mémoire compte tenu de sa taille et de son positionnement ;
Que d'un point de vue phonétique, la marque première est composée de cinq mots et se lira en 21 temps en tenant compte de tous ses composants tandis que le signe incriminé se lira en 2 temps ; que le terme "Enerlis" se lira [E] [ NER] [LIS ], la dernière syllabe étant peu utilisée dans la langue française, et le terme "Engie" [N] [GI] ;
Que d'un point de vue conceptuel, dans le signe antérieur, le public pertinent gardera en mémoire, de par son caractère dominant et arbitraire, le terme "Enerlis", la formule " Efficacité Energétique & Environnementale " qui le suit, purement descriptive de la destination des produits en cause, ayant un caractère négligeable dans l'impression produite par la marque du fait de sa taille et de sa position et ne sera donc pas retenue par le public pertinent contrairement à ce que prétend l'intimée, tout comme le trait horizontal qui sépare les éléments ; que ce terme "Enerlis" n'a aucune signification immédiate ; que le signe "Engie" peut apparaître comme étant la contraction du mot énergie dont il est en tout état de cause l'évocation immédiate , évocation que renforce la présence de l'élément figuratif tout aussi à même d'influencer l'impression d'ensemble créée par la marque que l'élément verbal ;
Considérant enfin, que si la notoriété d'une marque est susceptible d'influer sur l'appréciation du risque de confusion en raison du caractère distinctif accru que lui confère ladite renommée, cette notoriété, qui ne peut au demeurant concerner que la marque première et non pas la marque seconde, ne peut en tout état de cause dispenser de rechercher s'il existe entre les signes opposés un risque de confusion ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que nonobstant l'identité ou la similarité de certains des produits et/ou services concernés, la faible similitude entre les signes en cause pris dans leur ensemble exclut tout risque de confusion pour le public pertinent ; qu'il convient d'ajouter à cet égard que ni les attestations et e-mails des employés, clients ou partenaires de l'appelante produits aux débats, ni l'étude de sondages réalisée par la société Engie et dont se prévaut la société Enerlis, laquelle révèle que seulement un sondé sur deux pour le premier sondage, et 24 % pour le second pensent que les signes " sont liés " ne suffisent à remettre en cause l'analyse globale des signes ainsi menée ;
Que dans ces conditions le jugement qui a rejeté les demandes formées par la société Enerlis au titre de la contrefaçon doit être confirmé ;
Sur la concurrence déloyale
Considérant que la société Enerlis reproche aux premiers juges d'avoir rejeté sa demande en concurrence déloyale formée à l'encontre de la société Engie en faisant valoir qu'elle exploite depuis le commencement de ses activités sur le marché, début 2014, de façon systématique et intensive et sur tous ses supports de communication et documents commerciaux, et notamment sur son site internet et sur la brochure qu'elle distribue à la clientèle et à ses partenaires financiers potentiels, un élément graphique en forme de dôme et que l'exploitation par la société Engie, à compter de mai 2015, soit postérieurement, d'un logo qui comporte également un élément graphique en forme de dôme est de nature à créer un risque de confusion dans l'esprit du public qui sera amené à croire en l'existence d'un lien entre les entreprises en cause ;
Que la société Engie réplique en substance que le dôme opposé par l'appelante n'est pas identifié puisqu'il ne s'agit pas d'un élément graphique unique, constant et identifiable, mais d'un visuel pouvant se présenter sous divers formes et aspects, qu'aucun élément probant ne permet d'établir l'antériorité d'usage de ce logo, au demeurant banal et inapte à identifier la société Enerlis aux yeux du public, enfin et en tout état de cause qu'il n'existe aucun risque de confusion entre les éléments figuratifs en cause ;
Considérant ceci étant exposé, que l'élément figuratif revendiqué par la société Enerlis et qu'elle qualifie de dôme, est ainsi représenté :
Et que le dôme incriminé est quant à lui représenté de la façon suivante :
Considérant que le logo revendiqué par la société Enerlis est identifié et identifiable même si l'appelante indique elle-même dans ses dernières écritures qu'il est décliné sous différentes formes et couleurs et parfois combiné avec d'autres éléments verbaux ou graphiques, et notamment utilisé en surimpression ; que la société Enerlis justifie de l'exploitation de ce logo sur un extrait de sa brochure d'avril 2004, sur son site Internet accessible à l'adresse www.Enerlis.fr depuis mai 2014 comme en attestent des copies d'écran, certes issues du site archive.org , ainsi que le constat d'huissier effectué sur ce même site le 10 octobre 2016, étant précisé que les autres pièces produites à cet effet, notamment les cartes de visite des membres de la société ou leurs courriers électroniques ne sont pas datés ou postérieurs à mai 2015 ou encore ne comporte pas le logo considéré ;
Considérant, toutefois, que la cour relève que l'élément figuratif revendiqué par la société Enerlis et qu'elle qualifie de dôme, est en réalité le " n " minuscule de "Enerlis" en forme de pont et non pas un dôme ; que l'examen comparatif de cet élément figuratif et des supports publicitaires de la société Engie qui sont incriminés par l'appelante au titre de la concurrence déloyale révèle qu'il n'existe aucun risque de confusion entre les logos dans l'esprit du public, tant ils diffèrent dans leur construction et dans leur forme, une voûte pleine de couleur bleu-vert dont la largeur est plus importante en son sommet, formant ainsi un pont pour le logo "Enerlis" et un arc de cercle de couleur bleue présentant un dégradé d'intensité et évoquant une sphère, l'horizon ou le soleil levant pour le logo "Engie", ni même entre les activités respectivement exercées par les deux sociétés en litige ;
Considérant enfin, que le fait que ces éléments graphiques soient combinés avec les dénominations "Engie" et "Enerlis", par ailleurs incriminées au titre de la contrefaçon de marque, n'est pas plus de nature à caractériser un acte de concurrence déloyale à l'encontre de l'intimée dès lors que, outre le fait que les dénominations sont placées différemment, soit généralement au centre du " dôme " pour le terme "Enerlis" et toujours en-dessous de l'élément figuratif pour le terme "Engie", il a été dit qu'il n'existe aucun signe de confusion ou même d'association entre les éléments figuratifs en cause ;
Considérant, en définitive, que le jugement doit également être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en concurrence déloyale de la société Enerlis ;
Sur la demande incidente en dommages-intérêts pour procédure abusive
Considérant que l'exercice d'une action en justice constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus que dans le cas de malice, de mauvaise foi, ou d'erreur grossière équipollente au dol ;
Que faute pour la société Engie de rapporter la preuve d'une quelconque intention de nuire ou d'une légèreté blâmable de la part de la société Enerlis, qui, même en assignant à jour fixe et en modifiant ses demandes, notamment indemnitaires, a pu légitimement se méprendre sur l'étendue de ses droits, sa demande tendant à voir condamner cette dernière au paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive doit être rejetée ;
Sur les autres demandes
Considérant qu'y a lieu de condamner la société Enerlis, partie perdante, aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile;
Considérant enfin, que la société Engie a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge ; qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 dans la mesure qui sera précisée au dispositif du présent arrêt.
Par ces motifs : Confirme le jugement rendu entre les parties le 11 mars 2016 en ce qu'il a débouté la société Enerlis de l'ensemble de ses demandes en contrefaçon de marque et en concurrence déloyale et débouté la société Engie de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive. Y ajoutant, Condamne la société Enerlis à payer à la société Engie la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne la société Enerlis aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.