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Décisions

CA Versailles, 3e ch., 3 novembre 2016, n° 16-00463

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Axa France Vie (SA) , AGIPI (Association)

Défendeur :

CLCV (Association)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Boisselet

Conseillers :

Mmes Bazet, Derniaux

Avocats :

Mes Herman, Ghueldre, Bernier, Debray, Bourdel, Feron-Poloni

TGI Nanterre, JME, du 8 janv. 2016

8 janvier 2016

Par acte du 28 octobre 2014, l'association " Consommation Logement et Cadre de Vie " (ci-après CLCV) a assigné, en application des articles L. 421-3 et suivants du Code de la consommation, l'Association Générale Interprofessionnelle de Prévoyance et d'Investissement (ci-après AGIPI) et la société Axa France Vie (ci-après Axa) afin d'obtenir réparation de divers préjudices subis par un groupe d'adhérents bénéficiaires d'un contrat collectif d'assurance sur la vie dénommé " Contrat Compte Libre d'Epargne et de Retraite ".

Axa et l'AGIPI ont formé un incident devant le juge de la mise en état, afin de voir déclarer nulle l'assignation, en ce que n'est pas suffisamment explicité le cas de chacun des adhérents inclus dans le groupe visé. AGIPI a également demandé qu'en soient exclues certaines catégories de bénéficiaires et contesté la représentativité des cas exposés.

Par ordonnance du 8 janvier 2016, le juge de la mise en état a rejeté ces demandes et a condamné les demanderesses à l'incident à payer à CLCV la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Axa et AGIPI ont formé appel le 19 janvier 2016.

Axa demande à la cour, par dernières écritures du 13 juin 2016, de :

- constater la nullité de l'assignation faute de présentation des cas individuels, et à défaut d'exposé des moyens de fait et de droit,

- condamner CLCV à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par dernières écritures du 10 juin 2016, AGIPI forme des demandes similaires, au motif que les cas individuels visés dans l'assignation ne seraient pas représentatifs.

Par dernières écritures du 22 juin 2016, CLCV sollicite le rejet des demandes, et réclame une indemnité de procédure de 5 000 euros.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 septembre 2016.

Sur quoi, LA COUR :

Le juge de la mise en état a retenu pour l'essentiel que, bien que compétent pour examiner la régularité formelle d'une assignation, il ne lui appartenait pas de vérifier la recevabilité de l'action de groupe, ni son bien-fondé, et que la définition du groupe lésé touchait le fond du droit. En revanche, les conditions formelles de régularité de l'acte introductif d'instance étaient respectées puisque sont visés au moins deux cas individuels, en l'espèce 9, et que les textes utiles sont visés et les moyens exposés.

Les demandes subsidiaires d'AGIPI ont été également rejetées, au motif que le juge de la mise en état n'était pas compétent pour circonscrire le groupe et définir les conditions de rattachement à ce dernier.

La cour ne peut que renvoyer à l'exposé complet de la procédure instituée par les articles L. 423-1 du Code de la consommation, devenus L. 623-1 et suivants du même Code contenu dans l'ordonnance déférée, et relative aux actions en justice des associations de défense des consommateurs. Il sera seulement rappelé que l'article R. 423-3 du Code de la consommation, devenu R. 623-3 de ce Code, dispose qu'outre les mentions prescrites aux articles 56 et 752 du Code de procédure civile, l'assignation expose expressément à peine de nullité les cas individuels présentés par l'association au soutien de son action.

L'examen des assignations du 28 octobre 2014 ne fait apparaître aucune irrégularité de forme, puisqu'ainsi que l'a constaté le juge de la mise en état les textes fondant la demande y sont visés, les griefs articulés contre les défenderesses de façon suffisante, et plusieurs cas individuels exposés. Ces assignations mentionnent expressément que CLCV demande réparation des préjudices individuels résultant, pour les adhérents et bénéficiaires du contrat collectif d'assurance sur la vie dénommé " Contrat Compte Libre d'Epargne et de Retraite " (CLER) commercialisé par Axa et souscrit par AGIPI, de l'inexécution des obligations contractuelles stipulées en ce qui concerne l'ensemble des adhérents ayant souscrit ce contrat avant le 1er juin 1995, et les bénéficiaires des contrats en ce que ces adhérents ou bénéficiaires n'ont pas bénéficié du taux de rendement annuel minimal net de 4,5 % l'an garanti par le contrat. Elle rappelle un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 17 septembre 2013 ayant jugé qu'Axa et AGIPI étaient tenues de garantir ce taux dans les conditions contractuelles pour les adhésions antérieures au 1er juin 1995, et les versements réguliers programmés avant cette date.

Cette demande, suffisamment explicite pour mettre en mesure Axa et AGIPI de se défendre utilement, est illustrée par 7 cas individuels comportant, pour chacun, les nom et prénom de l'adhérent, son adresse, le numéro de son contrat et la date d'adhésion, ainsi que l'extrait des conditions générales contenant la stipulation invoquée.

La contestation d'Axa et AGIPI remet en cause la représentativité des cas cités, aux motifs que ne serait pas présentée la situation des bénéficiaires, et que la diversité des situations contractuelles individuelles visées, à raison notamment de la diversité des conditions générales applicables, interdirait d'y voir un groupe.

Néanmoins, le seul rappel du déroulement de la procédure de cette action spécifique démontre que la pertinence des cas individuels exposés dans l'assignation ne peut être examinée par le juge de la mise en état, puisqu'elle constitue, précisément, l'objet de la première phase de la procédure de cette action, au cours de laquelle le juge (du fond) examine tous les moyens de défense opposés par le professionnel relatifs à la mise en cause de sa responsabilité, à la définition du groupe de consommateurs à l'égard desquels sa responsabilité est engagée, aux critères de rattachement à ce groupe, aux préjudices susceptibles d'être réparés ainsi qu'à leur montant. Ainsi, les arguments relatifs à la diversité des conditions générales applicables, et à l'absence de représentativité des cas exposés constituent des moyens de fond et ne sauraient être examinés dans le cadre de la mise en état.

Il importe peu par ailleurs que les cas visés ne comportent que des adhérents et non des bénéficiaires, puisque le préjudice allégué est identique.

Dès lors, les contestations élevées par Axa et AGIPI devant le juge de la mise en état concernent bel et bien la recevabilité de l'action ou son bien-fondé, et le juge de la mise en état a justement considéré qu'il n'avait pas le pouvoir de les trancher. L'ordonnance sera confirmée en toutes ses dispositions.

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, Condamne les sociétés Axa France Vie et l'Association Générale Interprofessionnelle de Prévoyance et d'Investissement AGIPI à payer à l'Association Consommation Logement et Cadre de Vie la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Les condamne également aux dépens du présent appel, avec recouvrement direct.