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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 22 mars 2017, n° 15-00226

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Zo et Associés (SARL)

Défendeur :

Pylones (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mme Mouthon Vidilles, M. Thomas

Avocats :

Mes Antomarchi, Chardin, Beguin

T. com. Nice, du 6 juin 2012

6 juin 2012

Faits et procédure

La SARL Zo et Associés exploitait deux magasins à Nice: la boutique "Sous le soleil", <adresse>, ainsi que la boutique "Le comptoir de l'image", dans le vieux Nice qu'elle louait à la société Elwey.

La SAS Pylones exerce une activité de distribution de demi-gros et de détail de marchandises de création, de design, d'ameublement, de cadeaux ainsi que de gadgets. Elle distribue ses produits soit par le biais de fonds de commerce lui appartenant, soit par l'intermédiaire de revendeurs situés sur le territoire national ou à l'étranger.

Pendant de nombreuses années, sans exclusivité de part et d'autre, la société Zo et Associés a régulièrement acheté à la société Pylones divers produits qu'elle revendait, parmi d'autres, dans ses deux boutiques niçoises.

Par exploit du 11 août 2011, soutenant que la société Pylones avait cessé de la livrer à compter de juin 2010, sans l'informer de sa volonté de rompre les relations contractuelles et sans préavis et alors qu'elle n'avait aucun retard de paiement, la société Zo et Associés l'a assignée devant le Tribunal de commerce de Nice afin d'indemnisation du préjudice subi du fait d'une rupture brutale et unilatérale d'une relation commerciale établie.

Par jugement du 6 juin 2012, le Tribunal de commerce de Nice a :

- débouté la société Zo et Associés de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- dit qu'il n'y a pas eu lieu de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Zo et Associés aux entiers dépens.

La société Zo et Associés a interjeté appel de ce jugement devant la Cour d'appel d'Aix-en-Provence et par ordonnance du 11 décembre 2014, l'appel a été déclaré irrecevable.

Par déclaration du 30 décembre 2014, la société Zo et Associés a interjeté appel général du jugement du Tribunal de commerce de Nice du 6 juin 2012 devant la Cour d'appel de Paris.

Vu les dernières conclusions notifiées et déposées par la société Zo et Associés le 6 janvier 2017, par lesquelles il est demandé à la cour de :

À titre principal :

- annuler le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Nice le 6 juin 2012,

- pour ne pas priver la société Zo et Associés du double degré de juridiction, renvoyer le dossier devant le Tribunal de commerce de Marseille qui est une des juridictions spécialisées visées par les articles L. 442-6, III in fine et D. 442-3 du Code de commerce et faisant partie de l'énumération de l'annexe 4-2-1 du titre quatrième du Code de commerce,

À titre subsidiaire, sur le fond, en cas d'évocation :

Vu les articles 1101 et suivants du Code civil,

Vu l'article 1147 et 1134 alinéa 3 dudit Code,

Vu l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce,

- dire recevable et bien fondé l'appel interjeté par la société Zo et Associés,

- réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Nice le 6 juin 2012,

- condamner la société Pylones à payer à la société Zo et Associés la somme de 91 301 euros au titre de la perte économique subie,

- condamner la société Pylones à payer à la société Zo et Associés la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts du fait de la rupture du contrat unilatérale et injustifiée,

- débouter la société Pylones de l'ensemble de ses demandes y compris celles à titre reconventionnel,

- condamner la société Pylones à payer à la société Zo et Associés la somme de 3 900 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- la condamner en outre aux dépens,

- dire que les sommes éventuellement dues au titre de l'article 10 du décret du 30 décembre 1996 modifié par le décret du 8 mars 2001 en cas d'exécution forcée, resteront à la charge du débiteur ;

Vu les dernières conclusions notifiées et déposées par la société Pylones le 9 janvier 2017, par lesquelles il est demandé à la cour de :

Vu les articles L. 442-6, III et D. 442-3 du Code de commerce,

- prononcer la nullité du jugement dont appel rendu le 6 juin 2012 par le Tribunal de commerce de Nice et renvoyer la société Zo et Associés à mieux se pourvoir,

Subsidiairement, si la cour devait faire application de l'article 562 du Code de procédure civile,

Vu les articles 1382, 1139 et 1146 du Code civil

- confirmer le jugement du 6 juin 2012 en ce qu'il a débouté la société Zo et Associés de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Zo et Associés à verser à la société Pylones une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner l'intimée aux entiers dépens ;

Sur ce,

Sur les demandes d'annulation du jugement

Les parties s'accordent à reconnaître que le Tribunal de commerce de Nice a excédé ses pouvoirs en statuant sur une demande d'indemnisation formée au titre d'une rupture brutale d'une relation commerciale établie. En effet, ce tribunal ne figure pas sur la liste des tribunaux spécialement désignés à l'annexe 4-2-1 de l'article D. 442-3 du Code de commerce auquel renvoie le dernier alinéa de l'article L. 446-2, III de sorte que le jugement entrepris sera annulé.

Sur les conséquences de l'annulation du jugement

En revanche, les parties s'opposent sur les conséquences de cette annulation, la société Zo et Associés demandant à la cour de renvoyer l'affaire devant le Tribunal de commerce de Marseille afin de ne pas être privée du double degré de juridiction et la société Pylones sollicitant le renvoi de l'appelante à mieux se pourvoir.

Or, aux termes de l'article 562 du Code de procédure civile, la dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel n'est pas limité à certains chefs ou lorsqu'il tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Il ressort clairement de ces dispositions que lorsque la cour annule le jugement, par l'effet dévolutif de l'appel, de surcroît général, comme tel est le cas en l'espèce, elle est investie du devoir de statuer à nouveau en fait et en droit sur la totalité du litige, sans pouvoir renvoyer l'examen de l'affaire aux premiers juges.

En conséquence et étant relevé que les parties ont conclu au fond, les demandes de renvois seront rejetées et il y a lieu de statuer à nouveau.

Sur la rupture brutale des relations commerciales établies

Les parties ne discutent pas avoir entretenu des relations commerciales établies, matérialisées par des bons de commandes payés et livrés, sans qu'aucun contrat de partenariat tacite ou écrit ne soit formalisé et ce, selon les dires de la société Zo et Associés, non contestés par la société Pylones, depuis plus de 15 ans.

La société Zo et Associés soutient que la société Pylones a brutalement rompu, sans préavis, les relations contractuelles entre les parties en arrêtant la livraison des produits Pylones à compter de juin 2010. Elle prétend qu'en janvier 2010, le représentant de la société Pylones lui a indiqué verbalement de passer " sa dernière commande " en juin 2010 et que c'est la raison pour laquelle elle a cessé de passer d'autres commandes sachant qu'elles ne seraient pas honorées. Elle ajoute qu'elle a alors continué d'écouler les produits achetés mais sans pouvoir se réapprovisionner. Elle se prévaut de l'attestation de son expert-comptable qui certifie une diminution de la vente des produits Pylones qui est passée de 34 622 euros en 2009 à 8 407 euros en 2012. Elle considère que la rupture d'approvisionnement est bien réelle et que du fait de l'absence de préavis, elle est brutale, imprévisible, soudaine et violente.

La société Pylones réplique que les relations commerciales ont cessé exclusivement du fait de l'appelante qui n'a plus passé de commandes dès lors qu'en suite d'un congé sans offre de renouvellement reçu le 31 mars 2008, elle a spontanément restitué ses locaux <adresse> d'une superficie de 130 m², en avril 2010, moyennant le versement d'une indemnité de 415 000 euros. Elle affirme que la société Zo et Associés n'apporte pas la preuve d'un quelconque refus de livraison et relève qu'aucune mise en demeure de procéder à une livraison, ne lui a été délivrée. Elle avance que la société Zo et Associés a dû considérer que la seconde boutique du vieux Nice, d'une superficie de 30 m2 et dans laquelle elle ne distribuait pas de produits Pylones avant 2009, était insuffisante pour accueillir de nouveaux produits.

Aux termes de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, " Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : 5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ; "

Il appartient à la société Zo et Associés qui se prétend victime d'une rupture brutale des relations commerciales, de rapporter la preuve, à tout le moins, que la société Pylones est l'auteur de la rupture.

Or, elle ne produit aucun document attestant de l'envoi de bons de commandes que la société Pylones aurait refusé d'honorer et elle prétend que le représentant de la société Pylones lui aurait dit verbalement de ne plus passer de commandes à compter de juin 2010, sans en justifier. Il ne saurait être déduit de la seule attestation de son expert-comptable faisant état d'une diminution du volume de ses achats auprès de la société Pylones, que cette baisse a pour origine un refus de livraison de la part de cette dernière.

En conséquence, faute de justifier que la rupture des relations commerciales est imputable à la société Pylones, la société Zo et Associés sera déboutée de l'intégralité de ses demandes.

Par ces motifs : LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, publiquement par mise à disposition au greffe, Prononce l'annulation du jugement rendu par le Tribunal de commerce de Nice le 6 juin 2012, Et vu l'article 562 du Code de procédure civile, statuant à nouveau : Déboute la société Zo et Associés de l'intégralité de ses demandes, Condamne la société Zo et Associés aux dépens, Condamne la société Zo et Associés à verser à la société Pylones la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.