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Décisions

CA Versailles, 1re ch. sect. 1, 17 mars 2017, n° 15-04790

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Palau

Conseillers :

Mmes Lelievre, Lauer

TGI Nanterre, du 18 juin 2015

18 juin 2015

Vu le jugement rendu le 18 juin 2015 par le Tribunal de grande instance de Nanterre qui a :

- rejeté l'ensemble des demandes,

- condamné M. E. aux dépens.

Vu l'appel relevé de cette décision le 1er juillet 2015 par M. E. qui dans ses dernières conclusions notifiées le 2 octobre 2015 demande à la Cour de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- condamner à titre principal Me H. au remboursement de la somme de 80 000 euros augmentée des intérêts légaux en vertu de la nullité du contrat de placement,

- condamner à titre subsidiaire Me H. au remboursement de la somme de 80 000 euros augmentée des intérêts légaux sur le fondement de l'article 1134 alinéa 3 du Code civil,

- condamner en tout état de cause Me H. au paiement de la somme de 80 000 euros augmentée des intérêts légaux,

- prononcer la condamnation de Me H. au remboursement de la somme de 80 000 euros augmentée des intérêts légaux sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,

- condamner Me H. au paiement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

Vu la signification de la déclaration d'appel à M. Mahdi H. ayant fait l'objet d'un procès-verbal de recherches infructueuses en date du 7 août 2015 sur le fondement de l'article 659 du Code de procédure civile,

Vu la signification des conclusions de M. Alain Ndomo E. à M. Mahdi H. ayant fait l'objet d'un procès-verbal de recherches infructueuses en date du 28 octobre 2015 sur le fondement de l'article 659 du Code de procédure civile,

sur ce, la Cour

Par acte du 2 juillet 2014, M. E. a fait assigner Me H. devant le Tribunal de grande instance de Nanterre sur le fondement des dispositions de l'article 1116 du Code civil aux fins de voir ordonner la nullité du contrat de placement conclu avec Me H..

Par le jugement dont appel, il a été débouté de ses demandes.

Considérant que M. Mahdi H. bien que régulièrement assigné par procès-verbal de recherches fructueuses n'a pas constitué avocat ; qu'il sera donc statué par arrêt rendu par défaut ;

Considérant que M. E., d'origine anglaise fait valoir qu'il réside en Arabie Saoudite où il exerce une activité de coach sportif auprès de " personnalités importantes "; " Qu'il a fait la connaissance de Me H. avocat au barreau des Hauts de seine en 2007 avec qui il a entretenu des rapports amicaux "; " Que ce dernier lui a fait part de prétendus placements qu'il effectuerait en bourse et de la fructification rapide de ces fonds "; " Que Me H. lui a proposé de lui confier une somme d'argent en s'engageant sur des rendements importants "; " Que le 17 janvier 2013, il a transféré à Me H. une somme de 80 000 euros par virement bancaire sur un compte à son nom "; " Que Me H. lui a précisé le 21 février 2013 avoir transféré ces fonds à un courtier puis l'a informé par courriels des 14 et 19 avril 2013 des gains déjà réalisés "; " Qu'en octobre 2013, Me H. lui a adressé la photographie de deux envois d'un montant de 2 000 euros chacun qui se sont révélés faux et ne correspondant à aucun envoi d'argent à son bénéfice "; " qu'il a alors tenté de contacter à plusieurs reprises Me H., sans succès, et lui a donc adressé une lettre de mise en demeure infructueuse le 12 mai 2014 ";

Considérant que M. E. soutient qu'abusant de sa qualité d'avocat et du manque de connaissance de M. E., Me H. l'a déterminé à lui remettre les 80 000 euros litigieux, matérialisant ainsi la formation d'un contrat de placement financier; Que le dol est caractérisé en l'espèce entrainant la nullité du contrat de placement financier; Qu'en effet, les premiers juges ont relevé à juste titre que : " en faisant croire de manière erronée à M. E. que Me H. était habilité à effectuer des placements en bourse et à les gérer pour le compte de celui-ci alors que sa qualité d'avocat le lui interdisait, il a commis des manœuvres frauduleuses "; Qu'il est démontré que c'est bien en vertu de sa qualité d'avocat que M. E. a confié la somme de 80 000 euros à Me H.; " Qu'en effet, l'intégralité des échanges intervenus à ce propos entre eux ont été effectués à partir de l'adresse email professionnelle de Me H.; Que M. E., étant étranger, s'est trompé sur les prérogatives et les pouvoirs de Me H. pensant que la qualité d'avocat en France octroyait la possibilité d'effectuer des placements financiers "; " Que c'est cette erreur qui a déterminé le consentement de M. E. à effectuer ce placement ";

Considérant que l'article 1116 du Code civil dans sa rédaction applicable au présent litige dispose que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ;

Considérant que le tribunal, après analyse exacte des pièces soumises à son appréciation puis à celle de la Cour, a justement retenu au terme de motifs que la cour adopte, qu'en faisant croire de manière erronée à M. Alain Ndomo E. qu'il était habilité à effectuer des placements en bourse et à les gérer pour le compte de celui-ci alors que sa qualité d'avocat lui interdisait, M. Mahdi H. a commis des manœuvres frauduleuses ;

Que toutefois, il résulte des pièces communiquées aux débats que les échanges entre les parties ont eu lieu depuis l'adresse électronique professionnelle de M. Mahdi H. ; Que M. Alain Ndomo E., à plusieurs reprises, s'est adressé à lui en employant l'expression " maître " ; Que c'est donc à tort que le tribunal a retenu que M. Alain Ndomo E. échouait à caractériser l'existence de manœuvres frauduleuses antérieures à la remise des fonds et ayant déterminé son consentement à conclure avec celui-ci un contrat de placement financier ;

Qu'en effet comme le retient justement le tribunal, il convient de rappeler que les manœuvres de M. Mahdi H. ont consisté à faire croire à M. Alain Ndomo E. qu'il était habilité à effectuer des placements en bourse et à les gérer pour le compte de celui-ci alors que sa qualité d'avocat le lui interdisait ;

Qu'il est donc établi que ces manœuvres ont été déterminantes du consentement de M. Alain Ndomo E. à remettre à M. Mahdi H. la somme de 80 000 euro dans le but d'effectuer un placement financier ; que peu importe dès lors que les parties aient entretenu également des rapports amicaux ;

Considérant en effet que le transfert de fonds d'un montant de 80 000 euro au bénéfice de M. Mahdi H. est justifié par bordereau de transfert télégraphique à son nom du 12 février 2013 (pièce n°2) de l'appelant ; Qu'en outre par courriel du 16 juillet 2015 (pièce n°12), soit postérieur au jugement querellé et toujours adressé depuis l'adresse électronique professionnelle " [...] ", M. Mahdi H. a reconnu avoir reçu des fonds de la part de M. Alain Ndomo E. en ces termes :

" salut Alain,

J'espère que tu te portes bien, je vais aller direct à l'essentiel si tu permets, je ne t'ai jamais escroqué ni eu aucun projet ou arrière-pensée pour le faire. Je me suis moi-même fait entourlouper par un broker et j'ai perdu beaucoup de mon propre argent. Je ne vais pas te prendre la tête davantage avec cela. Par ailleurs, je me fiche pas mal de toute démarche contentieuse de ta part pour une seule et unique raison, quelles que soient les initiatives que tu prennes ma volonté de te rendre ton argent est restée intacte et je n'ai jamais dérogé à cela car quelles que soient les pensées qui aient pu traverser ton esprit je t'ai toujours gardé très haut dans mon cœur et je suis sincèrement le premier à regretter cette situation.

Là j'ai mis les petits plats dans les grands et ma situation commence à s'arranger grâce à Dieu, je t'envoie un premier virement d'ici quelques jours et ne souhaite que deux choses : que ta situation s'arrange et que les pensées négatives qui nous ont pollués depuis deux ans s'écroulent. Tu peux m'appeler sur Viber dès lundi, de mon côté je te garantis que ça ne trainera pas je te le dois mais aussi à ta maman.

Sur le compte anglais ci-dessous c'est bon " Ou sur le compte KSA " " ;

Considérant que de tout ce qui précède il suit que le consentement de M. Alain Ndomo E. à remettre à M. Mahdi H. une somme de 80 000 euro a été surpris par les manœuvres dolosives de ce dernier ; Que ce contrat doit donc être annulé et M. Mahdi H. condamné à restituer à M. Alain Ndomo E. la somme de 80 000 euro avec intérêts au taux légal à compter du jugement du 18 juin 2015 ; Que le jugement déféré sera donc infirmé en ce sens ; qu'une astreinte n'est pas nécessaire en l'état';

Considérant que le jugement sera donc également infirmé en ses dispositions relatives à l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens ; Que, par conséquent M. Mahdi H. sera condamné à verser à M. Alain Ndomo E. la somme globale de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en complément des entiers dépens de première instance et d'appel ;

par ces motifs, Statuant par arrêt rendu par défaut et mis à disposition, Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nanterre le 18 juin 2015, Et, statuant à nouveau, Annule le contrat de placement financier conclu entre M. Alain Ndomo E. et M. Mahdi H., En conséquence, Condamne M. Mahdi H. à restituer à M. Alain Ndomo E. la somme de 80 000 euro avec intérêts au taux légal à compter du jugement du 18 juin 2015, Condamne M. Mahdi H. à payer à M. Alain Ndomo E. la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette les demandes plus amples ou contraires, Condamne M. Mahdi H. aux entiers dépens de première instance et d'appel. Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, signé par Monsieur Alain Palau, président, et par Madame Sabine Maréville, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.