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Décisions

Cass. com., 29 mars 2017, n° 15-24.241

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Sodisco (SARL)

Défendeur :

Venturi

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Orsini

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois

Bastia, ch. civ. B, du 24 juin 2015

24 juin 2015

LA COUR : - Sur le moyen relevé d'office, après avertissement délivré aux parties : - Vu les articles L. 442-6 et D. 442-3 du Code de commerce, ensemble les articles 122, 125 et 620 du Code de procédure civile et R. 311-3 du Code de l'organisation judiciaire ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Sodisco, imputant à Mme Venturi la rupture brutale de la relation commerciale établie qu'elles entretenaient depuis plusieurs années, l'a assignée, le 14 février 2012, en réparation de son préjudice sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ; que sa demande ayant été rejetée, la société Sodisco a formé appel devant la Cour d'appel de Bastia ;

Attendu qu'en application de l'article L. 442-6, III du Code de commerce, les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du même code sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret ; que l'article D. 442-3 du Code de commerce, issu du décret du 11 novembre 2009, fixe la liste des juridictions de première instance appelées à connaître de ces litiges et désigne la Cour d'appel de Paris pour connaître des décisions rendues par ces juridictions ;

Attendu qu'à l'instar de ce que retient, en application de l'article R. 311-3 du Code de l'organisation judiciaire, la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation lorsqu'un appel est formé devant une cour d'appel dans le ressort de laquelle ne se trouve pas la juridiction ayant rendu la décision attaquée (2e Civ., 9 juillet 2009, n° 06-46.220, Bull II, n° 186 et 15 octobre 2015, n° 14-20.165), la Chambre commerciale, financière et économique de cette Cour juge, depuis plusieurs années, que, la Cour d'appel de Paris étant seule investie du pouvoir de statuer sur les recours formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce, la méconnaissance de ce pouvoir juridictionnel exclusif est sanctionnée par une fin de non-recevoir, de sorte qu'est irrecevable l'appel formé devant une autre cour d'appel (Com. 24 septembre 2013, n° 12-21.089, Bull. IV, n° 138), et que cette fin de non-recevoir doit être relevée d'office (Com., 31 mars 2015, n° 14-10.016, Bull. IV, n° 59) ; que cette règle a été appliquée à toutes les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'article L. 442-6 du Code de commerce, même lorsqu'elles émanaient de juridictions non spécialement désignées ;

Attendu que cette dernière solution est source, pour les parties, d'insécurité juridique quant à la détermination de la cour d'appel pouvant connaître de leur recours, eu égard aux termes mêmes de l'article D. 442-3 du Code de commerce ; qu'elle conduit en outre au maintien de décisions rendues par des juridictions non spécialisées, les recours formés devant les autres cours d'appel que celle de Paris étant déclarés irrecevables, en l'état de cette jurisprudence ;

Attendu qu'il apparaît donc nécessaire d'amender cette jurisprudence, tout en préservant l'objectif du législateur de confier l'examen des litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce à des juridictions spécialisées ; qu'il convient, pour y parvenir, de retenir qu'en application des articles L. 442-6, III, et D. 442-3 du Code de commerce, seuls les recours formés contre les décisions rendues par les juridictions du premier degré spécialement désignées sont portés devant la Cour d'appel de Paris, de sorte qu'il appartient aux autres cours d'appel, conformément à l'article R. 311-3 du Code de l'organisation judiciaire, de connaître de tous les recours formés contre les décisions rendues par les juridictions situées dans leur ressort qui ne sont pas désignées par le second texte ; qu'il en est ainsi même dans l'hypothèse où celles-ci auront, à tort, statué sur l'application du premier, auquel cas elles devront relever, d'office, l'excès de pouvoir commis par ces juridictions en statuant sur des demandes qui, en ce qu'elles ne relevaient pas de leur pouvoir juridictionnel, étaient irrecevables ;

Attendu, qu'en l'espèce, l'arrêt rejette la demande de la société Sodisco en retenant que la durée du préavis de deux mois dont a bénéficié cette société est suffisant au regard des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ;

Qu'en statuant ainsi, sans relever d'office l'irrecevabilité des demandes fondées sur l'article L. 442-6 du Code de commerce formées devant le Tribunal de commerce de Bastia, juridiction non spécialisée, la cour d'appel, qui était elle-même dépourvue de tout pouvoir juridictionnel pour statuer sur un litige portant sur l'application de cet article, a violé les textes susvisés ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi : casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 juin 2015, entre les parties, par la Cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Bastia, autrement composée.