Cass. com., 29 mars 2017, n° 15-17.659
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Fascom international (Sté)
Défendeur :
Usinière de Bois Chéri (Sté), Phoenix Réunion (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Tréard
Avocat général :
M. Debacq
Avocats :
SCP Gatineau, Fattaccini, SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin
LA COUR : - Sur le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 1er octobre 2014 : - Vu l'article 978 du Code de procédure civile ; - Attendu qu'aucun grief n'étant formulé contre cet arrêt, il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi ;
Sur le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 6 février 2015 : - Sur le moyen relevé d'office, après avertissement délivré aux parties : - Vu les articles L. 442-6 et D. 442-3 du Code de commerce, ensemble les articles R. 311-3 du Code de l'organisation judiciaire et 620 du Code de procédure civile ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Fascom international (la société Fascom) commercialisait dans l'Ile de La Réunion des thés de la marque Bois Chéri produits par la société Usinière de Bois Chéri (la société Usinière) ; qu'ayant constaté que ces produits étaient distribués par la société Rennie et Thony marketing Océan indien, devenue la société Phoenix Réunion (la société Phoenix), tandis qu'elle-même n'était plus approvisionnée, la société Fascom a, le 9 août 2010, assigné les sociétés Usinière et Phoenix, devant le Tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de La Réunion, en reprochant à la première la rupture brutale de leur relation commerciale établie et à la seconde la part active prise dans cette rupture et la concurrence déloyale en résultant et en demandant leur condamnation in solidum au paiement de dommages-intérêts sur le fondement des articles L. 442-6, I, 5° du Code de commerce et 1382 du Code civil ; que sa demande ayant été rejetée, la société Fascom a formé appel devant la Cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion ;
Attendu qu'en application de l'article L. 442-6, III du Code de commerce, les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du même code sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret ; que l'article D. 442-3 du Code de commerce, issu du décret du 11 novembre 2009, fixe la liste des juridictions de première instance appelées à connaître de ces litiges et désigne la cour d'appel de Paris pour connaître des décisions rendues par ces juridictions ;
Attendu qu'à l'instar de ce que retient, en application de l'article R. 311-3 du Code de l'organisation judiciaire, la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation lorsqu'un appel est formé devant une cour d'appel dans le ressort de laquelle ne se trouve pas la juridiction ayant rendu la décision attaquée (2e Civ., 9 juillet 2009, n° 06-46.220, Bull II, n° 186 et 15 octobre 2015, n° 14-20.165), la Chambre commerciale, financière et économique de cette Cour juge, depuis plusieurs années, que, la Cour d'appel de Paris étant seule investie du pouvoir de statuer sur les recours formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce, la méconnaissance de ce pouvoir juridictionnel exclusif est sanctionnée par une fin de non-recevoir, de sorte qu'est irrecevable l'appel formé devant une autre cour d'appel (Com. 24 septembre 2013, n° 12-21.089, Bull. IV, n° 138), et que cette fin de non-recevoir doit être relevée d'office (Com. 31 mars 2015, n° 14-10.016, Bull IV, n° 59) ; que cette règle a été appliquée à toutes les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'article L. 442-6 du Code de commerce, même lorsqu'elles émanaient de juridictions non spécialement désignées ;
Attendu que cette dernière solution est source, pour les parties, d'insécurité juridique quant à la détermination de la cour d'appel pouvant connaître de leur recours, eu égard aux termes mêmes de l'article D. 442-3 du Code de commerce ; qu'elle conduit en outre au maintien de décisions rendues par des juridictions non spécialisées, les recours formés devant les autres cours d'appel que celle de Paris étant déclarés irrecevables, en l'état de cette jurisprudence ;
Attendu qu'il apparaît donc nécessaire d'amender cette jurisprudence, tout en préservant l'objectif du législateur de confier l'examen des litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce à des juridictions spécialisées ; qu'il convient, pour y parvenir, de retenir qu'en application des articles L. 442-6, III, et D. 442-3 du Code de commerce, seuls les recours formés contre les décisions rendues par les juridictions du premier degré spécialement désignées sont portés devant la Cour d'appel de Paris, de sorte qu'il appartient aux autres cours d'appel, conformément à l'article R. 311-3 du Code de l'organisation judiciaire, de connaître de tous les recours formés contre les décisions rendues par les juridictions situées dans leur ressort qui ne sont pas désignées par le second texte ; qu'il en est ainsi même dans l'hypothèse où celles-ci auront, à tort, statué sur l'application du premier, auquel cas elles devront relever, d'office, l'excès de pouvoir commis par ces juridictions en statuant sur des demandes qui, en ce qu'elles ne relevaient pas de leur pouvoir juridictionnel, étaient irrecevables ;
Attendu qu'en l'espèce, après avoir constaté que la société Fascom demandait, sur le fondement des articles L. 442-6, I, 5° du Code de commerce et 1382 du Code civil, la condamnation in solidum des sociétés Usinière et Phoenix au paiement de dommages-intérêts, l'arrêt déclare l'appel irrecevable ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, saisie de l'appel d'un jugement rendu par le Tribunal de Saint-Denis de La Réunion, juridiction non spécialement désignée située dans son ressort, il lui appartenait de déclarer l'appel recevable et d'examiner la recevabilité des demandes formées devant ce tribunal puis, le cas échéant, de statuer dans les limites de son propre pouvoir juridictionnel, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi : Constate la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt de la Cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion du 1er octobre 2014 ; Et sur le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 6 février 2015 : Casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 février 2015, entre les parties, par la Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée.