CA Chambéry, ch. civ. sect. 1, 7 mars 2017, n° 15-01107
CHAMBÉRY
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Abord Piscines (SARL) , Pierra (SAS) , Axa France Iard (SA), Gan Assurances (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Greiner
Conseillers :
MM. Leclercq, Balay
Le 3 aout 1998, les époux D. ont commandé à la société Abord Piscine, filiale de la société RP Industries, la fourniture et la pose d'une piscine avec un dallage en pierres reconstituées sur 150 m2 de surface posées du un béton armé de 10 à 15 cm d'épaisseur, outre 18 m2 de dalle béton armé, pour le prix de 215 000 FF TTC.
En outre, suivant bon de commande n° 817, M. D. a commandé à la société Abord Piscines 14,5 m2 de dalles saumon posées sur un béton armé existant pour la somme de 5 500 FF TTC.
Les travaux se sont terminés au 19 mai 2000, date de la facture finale, d'un montant de 249 910,44 FF TTC.
Le 9 mars 2004, les époux D. ont écrit à la société Abord Piscines pour leur faire part de la dégradation des margelles, qui éclatent et qui s'effritent.
La société Abord Piscines va alors remplacer la totalité des margelles et une partie des dalles courant 2005.
Le 19 mars 2008, les époux D. font faire dresser par huissier un constat des désordres.
Par ordonnances de référé des 17 juin 2008 et 13 janvier 2009, a été ordonnée par le président du Tribunal de grande instance de Thonon les Bains une expertise confiée à M. M., expert judiciaire, au contradictoire de la société Abord Piscines, de la société JP Concept, de la société RP Industries, représentée par Me R., son liquidateur, la société Pierra, aux droits de la société Creasol, fournisseur des dalles.
Dans son rapport du 15 janvier 2010, l'expert aboutit aux conclusions suivantes :
- malgré le changement de dalles, nombre de celles-ci sont endommagées, des fissures et des désagrégations apparaissant en surface, des joints restent à réaliser et les skimmers sont à sceller ;
- l'inachèvement du revêtement comme les désordres qui l'affectent rendent l'ouvrage impropre à sa destination ;
- les désordres ont pour cause un inachèvement, une qualité de dalle inadaptée, un défaut de pose ;
- l'analyse des dalles faites dans le rapport du 14 septembre 2009 de la société Ginger Cebtp Solen conclut à un défaut de taux d'hydratation du liant du mortier et à un dosage du ciment trop faible pour résister au gel ;
- les dalles en pierre reconstituée ne peuvent être posées en extérieur dans une région de moyenne montagne où l'action du gel/dégel est fréquente ;
- la pente est insuffisante pour éviter une stagnation de l'eau sur le revêtement ;
- il convient de déposer, d'évacuer et de changer la totalité du revêtement, y compris les margelles et la chape de pose, pour un coût qui peut être estimé suivant deux devis de novembre 2008 et décembre 2009 à 36 221,14 euros TTC.
Par acte du 1 juillet 2010, les époux D. ont assigné devant le Tribunal de grande instance de Thonon les Bains la société Abord Piscines prise en la personne de M. V., ès qualités de mandataire ad'hoc de la société Abord Piscines, puis, par acte du 4 avril 2011, à M. V. pris personnellement. Les sociétés Pierra et son assureur, la société Axa France Iard, RP Industries (représentée par son liquidateur, Me R.) et son assureur la société Gan, ont été appelées en cause.
Par jugement du 16 avril 2015, le tribunal a :
- rejeté les fins de non-recevoir soulevées par les défendeurs ;
- condamné la société Abord Piscines, représentée par son mandataire ad hoc, M. V., à payer aux époux D. :
* 36 221,14 euros indexée sur l'indice de la construction BT 01 de janvier 2010, et revalorisée à la date du jugement en fonction des variations de l'indice, au titre de la réparation des désordres du dallage ;
* 3 000 euros de dommages intérêts au titre du préjudice de jouissance ;
* 5 000 euros au titre des frais irrépétibles visés à l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamné M. V., à titre personnel, à payer aux époux D., in solidum avec la société Abord Piscines, la somme de 20 000 euros ;
- débouté les époux D. de leurs demandes à l'encontre des sociétés Pierra, Axa France Iard, Gan et RP Industries ;
- débouté M. V. de ses demandes en garantie à l'encontre des sociétés Pierra, Axa France Iard, Gan et RP Industries ;
- débouté M. V. et les sociétés Pierra, Axa France Iard, Gan et RP Industries de leurs demandes au titre des frais irrépétibles visés à l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamné M. V. en qualité de mandataire ad hoc de la société Abord Piscines et à titre personnel, aux dépens comprenant les frais d'expertise ;
- ordonné l'exécution provisoire.
Les époux D. ont relevé appel de cette décision.
Dans leurs conclusions récapitulatives n° 4, ils demandent à la Cour de réformer le jugement déféré en ce qu'il a :
- rejeté leurs demandes au titre du préjudice esthétique
- limité le préjudice de jouissance à 3 000 euros
- limité le coût des réparations à 36 221,14 euros
- limité la condamnation de M. V. au titre des réparations à 20 000 euros
- rejeté les demandes formées à l'encontre de la société Pierra et de son assureur,
Et de le confirmer pour le surplus, et statuant à nouveau :
- débouter M. V. en qualité de mandataire ad hoc et à titre personnel, et les sociétés Pierra et Axa de leurs demandes ;
- condamner in solidum M. V., ès qualités et pris personnellement, la société Pierra et son assureur Axa au paiement des sommes suivantes :
* 41 175,07 euros au titre des travaux
* 33 000 euros au titre du préjudice de jouissance
* 1 000 euros au titre du préjudice de jouissance lié aux travaux
* 6 600 euros au titre du préjudice esthétique
- corriger l'erreur matérielle en ajoutant que M. V. est condamné au paiement de la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles visés à l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner in solidum M. V., ès qualités et pris personnellement, la société Pierra et son assureur AXA au paiement de la somme de 25 000 euros au titre des frais irrépétibles visés à l'article 700 du Code de procédure civile.
Par conclusions récapitulatives, la société Abord Piscines et M. V. concluent à la réformation du jugement entrepris, au débouté des époux D. de leurs demandes, à titre subsidiaire, demandent à être relevés et garantis de toute condamnation par la société Pierra et la société Axa Iard, et demandent à la Cour de dire que M. V. n'a commis aucune faute en sa qualité de liquidateur et d'ancien gérant de la société Abord Piscines et de condamner les parties succombant à l'instance au paiement de la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles visés à l'article 700 du Code de procédure civile.
Par conclusions d'appel récapitulatives n° 3 et en réponse notifiées le 11 janvier 2017, la société Pierra conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il l'a mise hors de cause, et demande à la Cour de dire que les dalles qu'elle a fabriquées ne sont atteintes d'aucun vice susceptible d'engager sa responsabilité.
A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la Cour devait considérer qu'elle-même aurait une responsabilité en qualité de fabriquant du matériau mis en œuvre, elle demande à la Cour de :
- dire que l'action fondée sur l'article 1386-7 du Code civil est prescrite
- dire que celle fondée sur l'article 1386-1 du Code civil l'est aussi ;
- débouter les époux D. de leurs demandes sur ce fondement ;
- dire que l'action sur le fondement de l'article 1792-4 est mal fondée ;
- dire que l'action sur le fondement de l'article 1604 du Code civil est prescrite et mal fondée ;
- dire que l'action sur le fondement des vices cachés est prescrite ;
- débouter la société Abord Piscine de son action récursoire ;
- à titre infiniment subsidiaire, condamner M. V. est qualités, de la relever et garantir de toutes condamnations éventuelles ;
- en tout état de cause, condamner la partie succombante au paiement de la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles visés à l'article 700 du Code de procédure civile.
La compagnie Axa France Iard, par conclusions du 2 janvier 2017, conclut à la confirmation du jugement frappé d'appel et demande à la Cour de :
- condamner les époux D. ou qui mieux le devra, au paiement de la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles visés à l'article 700 du Code de procédure civile ;
- subsidiairement, constater que le contrat " responsabilité civile fabricant/négociant " souscrit par la société Pierra a été résilié à effet du 1er janvier 2007 et que la première réclamation à l'assuré date du 22 décembre 2008 ;
- dire que le contrat d'assurance en cours de validité souscrit par la société Pierra à partir du 1er janvier 2007 auprès de son nouvel assureur a seul vocation à prendre en charge le sinistre ;
- dire que les garanties de la police souscrite ne peuvent s'appliquer ;
- dire que les dalles fabriquées par la société Pierra ne constituent pas des " Epers " et qu'aucune condamnation ne peut être prononcée sur ce fondement ;
plus subsidiairement, constater qu'aucune action en réparation sur le fondement de l'article 1386-1 et suivants du Code civil n'a été exercée par les époux D. avant leurs conclusions récapitulatives n° 6 déposées devant le tribunal de grande instance ;
- dire que l'action en réparation au titre de la responsabilité du fabricant du fait des produits défectueux est prescrite depuis le 15 janvier 2013 et déclarer irrecevable la demande sur ce fondement ;
- plus subsidiairement encore, dire que le contrat d'assurance ne couvre que les frais de dépose et de repose des produits défectueux, à l'exclusion du remplacement des produits ;
- dire qu'elle-même est fondée à opposer à l'assuré et aux tiers la franchise contractuelle de 20 % avec un minimum de 2 250 euros et un maximum de 7 500 euros ;
- débouter les époux D. de leurs demandes ;
- rejeter la demande en garantie formée par la société Abord Piscines et M. V.
Motifs de la décision
Sur les désordres
Il résulte du rapport d'expertise et du constat d'huissier versé aux débats que tant les margelles que les dalles en pierre reconstituée autour de la piscine réalisée par la société Abord Piscines s'effritent, rendant l'accès pied nu au bassin dangereux, en raison des risques de coupures générés par les éclats de pierre, et ce, malgré les travaux de réparation intervenus avant l'expertise. C'est donc par une exacte appréciation des circonstances de la cause que le premier juge a considéré que les désordres relevaient de la garantie décennale des constructeurs, s'agissant d'un vice non apparent à la réception, rendant l'ouvrage impropre à sa destination, et dénoncé dans le délai décennal, la réception tacite étant de mai 2000 et l'assignation au fond ayant été délivrée le 15 janvier 2010.
Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
Concernant le préjudice subi par les époux D. :
- le montant des travaux de réparations retenus par le tribunal, à savoir la somme de 36 221,14 euros indexée sur l'indice de la construction BT 01 de janvier 2010, et revalorisée à la date du jugement en fonction des variations de l'indice, au titre de la réparation des désordres du dallage, résulte du rapport d'expertise, l'expert ayant pris soin de s'appuyer sur des devis d'entreprise pour chiffrer le coût des travaux. Ce montant sera donc repris par la Cour. Concernant l'indexation, l'indice du coût de la construction n'est pas pertinent en l'occurrence, car incluant notamment le coût du foncier, alors que l'indice INSEE BT 01 recouvre les travaux de bâtiment proprement dit. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
- les époux D. ont subi un préjudice immatériel, consistant notamment en un préjudice esthétique, l'aspect de la villa étant affecté par la présence d'un dallage détérioré ; par ailleurs, les travaux de reprise des désordres va produite des nuisances pour les occupants de la villa ; surtout, la piscine, même si elle a pu toujours être en état de fonctionnement, a vu son usage, sinon compromis totalement, du moins gêné sérieusement, et ce, en particulier depuis l'année 2008, date à laquelle un constat d'huissier démontrant la réalité des désordres, a été dressé. La Cour trouve dans ces conditions les éléments suffisants pour fixer le montant de ces préjudices immatériels à la somme de 15 000 euros.
Sur la responsabilité de M. V.
Si c'est la société Abord Piscines qui est débitrice envers les époux D. de la garantie décennale de l'article 1792 du Code civil, il convient de relever que la société Abord Piscines a été liquidée et la clôture des opérations de liquidation est intervenue. Après publication de la clôture de la liquidation et après radiation de la société au registre du commerce et des sociétés, on devrait considérer que les créanciers sociaux ne peuvent plus s'adresser à la société, laquelle a perdu la personnalité morale.
Toutefois, la clôture de la liquidation ne produit ses effets que lorsque l'intégralité des droits et obligations à caractère social sera liquidée. En effet, si, après clôture de la liquidation, accomplissement des formalités de publicité et radiation de la société, un créancier est omis ou un litige n'est pas terminé, la jurisprudence admet que la personnalité morale d'une société subsiste aussi longtemps que les droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés.
Dès lors, comme c'est le cas en l'espèce, qu'un mandataire ad hoc en la personne de M. V. a été désigné par le tribunal, ce mandataire est chargé de représenter la société et de régler le passif impayé, puisque le mandat du liquidateur a pris fin. Ainsi, une condamnation de la société Abord Piscines reste possible. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Par ailleurs, M. V. voit sa responsabilité recherchée, tout d'abord pour n'avoir pas, en sa qualité de gérant de la société Abord Piscines, fait souscrire à celle-ci une assurance garantissant la responsabilité civile décennale de la société.
Si depuis l'ordonnance du 8 juin 2005, une piscine non couverte traditionnelle n'est pas soumise à l'organisation d'assurance décennale, de même que ses équipements (sauf si l'on peut considérer qu'il y aurait un lien avec un " pool house " accessoire, lui-même soumis à l'obligation d'assurance, ce qui n'est pas le cas en l'espèce), à l'époque de la construction, soit antérieurement à l'ordonnance, la règle était différente. Parce que pour construire une piscine, il faut faire usage des techniques de bâtiment, ces travaux étaient soumis à assurance décennale obligatoire.
Dès lors, M. V. voit sa responsabilité engagée, puisque c'est à lui qu'il incombait de souscrire cette assurance, le manquement à cette obligation étant du reste sanctionné pénalement.
Il convient de noter que la prescription de trois ans encourue n'est pas acquise, puisque celle-ci ne court qu'à compter de la révélation de l'absence d'assurance, soit en mai 2009.
D'autre part, M. V. a procédé à la clôture des opérations de liquidation amiable de la société Abord Piscines, le 24 juillet 2009, alors que l'expertise était en cours et qu'il apparaissait que la responsabilité du constructeur était susceptible d'être engagée par les époux D.
Il a ainsi empêché les époux D. d'agir au fond contre la société Abord Piscines et d'intenter une action directe, en leur qualité de tiers lésé, contre un assureur solvable.
Il en est résulté pour les époux D. un dommage consistant en l'impossibilité pour eux de pouvoir agir contre un assureur, qui aurait couvert le coût des travaux, d'une part, et en la perte d'une chance d'obtenir de la société Abord Piscines l'indemnisation de leurs dommages immatériels (qui ne sont pas couverts par l'assurance responsabilité civile décennale obligatoire).
En conséquence, M. V. sera condamné à payer le montant des travaux de réparation, indexation incluse, outre la somme de 10 000 euros à titre de dommages intérêts concernant les dommages immatériels.
Enfin, il sera condamné à payer aux appelants la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles visés à l'article 700 du Code de procédure civile exposés en cause d'appel, la condamnation prononcée à ce titre par le premier juge étant confirmée.
Sur la responsabilité de la société Pierra
La responsabilité du fait des produits défectueux
Le dommage subi par le produit défectueux lui-même ne donne pas droit à réparation (C. civ., art. 1386-2, al. 2), cette exclusion étant due au fait que, puisque la responsabilité du producteur s'applique aux dommages causés par le produit défectueux, elle exclut nécessairement le dommage subi par ledit produit.
En revanche, de même que les dommages aux biens entrent dans le champ d'application de la loi, le producteur est également tenu de réparer les préjudices immatériels consécutifs qui peuvent être engendrés par un dommage aux biens, l'article 1386-2 ancien du Code civil ne faisant aucune distinction et visant tous les dommages résultant d'une atteinte à un bien.
La loi impartit à la victime un délai de trois ans pour agir en réparation de son préjudice (C. civ., art. 1386-17 ancien) qui court à compter de la date où la victime a connaissance de trois éléments : le dommage, le défaut et l'identité du producteur.
En l'espèce :
- le dommage est apparu dès 2004, puisque M. D. a écrit le 9 mars 2004 à la société Abord Piscines pour lui signaler " la situation catastrophique des margelles + quelques mètres carrés de dalles à changer " ;
- dans ce même courrier, le défaut affectant le matériau était identifié, M. D. écrivant " j'ignore si le gel est responsable de cet état mais les margelles soit éclatent les unes derrière les autres, soit s'effritent comme du sable, suite très certainement à un problème de fabrication de votre fournisseur " ;
- quant à l'identité de celui-ci, elle était connue de M. D. en 2007, celui-ci écrivant à la société Pierra le 26 juillet 2007 : " votre fils a engagé un bras de fer avec l'entreprise de fourniture de dalles, la société SAS Pierra à Villereal ". Mais en réalité, son identité était connue du maître d'ouvrage bien avant. La société Abord Piscines avait écrit dès le 24 avril 2004 aux époux D. que " M. V. a contacté M. P., le gérant de la société RP Industries " et le 3 avril 2005 M. D. avait écrit à cette société la lettre suivante : " M. P., suite à notre dernière conversation téléphonique et comme convenu, je vous communique le nombre de dalles à changer en plus du kit complet de margelles ".
La cour considère en conséquence que dès cette date, les époux D. étaient parfaitement informés et du dommage et de l'identité du fournisseur, et qu'en conséquence, le point de départ de la prescription doit être fixé au 3 avril 2005 au plus tard. Or, la première assignation délivrée par les époux D. ne l'a été que le 18 avril 2008, soit plus de trois ans après, et ne l'a pas été du reste à l'encontre du fournisseur, qui n'a été appelé en cause que le 22 décembre 2008, par la société Abord Piscines.
L'action est ainsi prescrite sur ce fondement.
La responsabilité décennale
Pour que le fabricant d'un élément pouvant entraîner la responsabilité solidaire (Epers) puisse être déclaré responsable de plein droit sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, il faut que le matériau en question ait été conçu pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance, et qu'il ait été conçu pour une utilisation spécifique. En d'autres termes, le matériau doit avoir été fabriqué spécialement pour l'ouvrage à construire. Il en résulte que se trouvent exclus du champ des Epers tout produit dont l'utilisation reste indifférenciée tant que le concepteur de l'ouvrage n'a pas décidé de leur emploi.
Tel est bien le cas en l'occurrence, puisque les dalles et margelles n'étaient pas destinées spécifiquement à la piscine des époux D., car non vouées à un usage exclusif, précis et déterminé à l'avance. Elles pouvaient être mises en œuvre sur n'importe quel chantier de piscine.
En conséquence, la responsabilité du fabricant ne peut être engagée sur le fondement de l'article 1792-4 du Code civil.
La garantie des vices cachés
Il est constant que l'acquéreur final peut agir directement contre le fabriquant, puisque dans le cas de ventes successives, le sous-acquéreur peut agir, au choix, contre son vendeur ou contre les vendeurs antérieurs.
Les époux D. sont donc fondés à invoquer la garantie des vices cachés à l'encontre de la société Pierra. Toutefois, l'article 1648 du Code civil impartit un délai de deux ans à compter de la découverte du vice pour agir.
Or, l'action a été intentée contre le fabriquant en 2008, (du reste, par la société Abord Piscines) alors que les époux D. était au courant du vice affectant le matériau depuis l'année 2004.
Leur action est là encore prescrite.
La non-conformité
Il est de principe que le défaut de conformité ne couvre que le manquement aux spécifications du contrat et que, dès lors qu'est en cause une non-conformité à l'usage normal de la chose, l'inexécution de l'obligation du vendeur ressortit à la garantie des vices cachés, non à la délivrance. Parce qu'en l'espèce, le litige a trait à la déficience physique du matériau livré et non à sa non-conformité à la commande, il ne peut relever que de la seule garantie des vices cachés et non de celle liée à l'obligation pour le vendeur de délivrer un produit conforme aux spécifications contractuelles.
La demande est ainsi irrecevable sur ce fondement.
C'est donc exactement que le premier juge a débouté les époux D. de leur action dirigée contre les sociétés Pierra et RP Industries et leurs assureurs.
Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
L'équité ne commande pas en revanche l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais exposés par les intimés.
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement déféré sauf en ce que : - le préjudice de jouissance a été fixé à la somme de 3 000 euros, - M. V. a été condamné au paiement de la somme de 20 000 euros, Le réforme de ces chefs, Statuant à nouveau et y ajoutant, Condamne in solidum la société Abord Piscines représentée par son mandataire ad hoc, M. Pascal V., et M. V. à payer aux époux D. la somme de 15 000 euros de dommages intérêts pour préjudice de jouissance, la solidarité de M. V. étant limitée à la somme de 10 000 euros et celle de 36 221,14 euros outre indexation sur l'indice Insee BT 01 à compter du mois de janvier 2010 jusqu'à la date du jugement, les intérêts courant ensuite au taux légal à compter de cette date sur la totalité de la somme, indexation incluse, au titre des travaux de reprise des désordres, Condamne in solidum la société Abord Piscines représentée par son mandataire ad hoc, M. Pascal V., et M. V. à payer aux époux D. la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles visés à l'article 700 du Code de procédure civile exposés en cause d'appel, Déboute les parties du surplus de leur demande, Condamne in solidum la société Abord Piscines représentée par son mandataire ad hoc, M. Pascal V., et M. V. aux dépens de première instance et d'appel.