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Décisions

Cass. com., 29 mars 2017, n° 15-15.337

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Campus privé d'Alsace (SARL)

Défendeur :

Conférence Hippocrate (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Le Bras

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Bénabent, Jéhannin, Me Rémy-Corlay

Colmar, 2e ch. civ. A, du 23 janv. 2015

23 janvier 2015

LA COUR : - Sur le moyen relevé d'office, après avertissement délivré aux parties : - Vu les articles L. 442-6 et D. 442-4 du Code de commerce, ensemble les articles R. 311-3 du Code de l'organisation judiciaire et 620 du Code de procédure civile ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Estudia, devenue la société Campus Privé d'Alsace (la société), s'estimant victime de la rupture brutale d'une relation commerciale établie, a assigné l'association Institut la Conférence Hippocrate (l'association) devant le Tribunal de grande instance de Strasbourg en réparation de son préjudice sur le fondement de l'article L. 442-6 du Code de commerce et, subsidiairement, sur celui de l'article 1382 du Code civil ; que la société a fait appel de la décision rejetant sa demande devant la cour d'appel de Colmar ; qu'ayant formé une requête en irrecevabilité de l'appel, l'association a déféré à la cour d'appel l'ordonnance du conseiller de la mise en état qui l'avait rejetée ;

Attendu qu'en application de l'article L. 442-6, III, du Code de commerce les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du même Code sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret ; que l'article D. 442-4 du Code de commerce, issu du décret du 11 novembre 2009, fixe la liste des juridictions de première instance appelées à connaître de ces litiges et désigne la cour d'appel de Paris pour connaître des décisions rendues par ces juridictions ;

Attendu qu'à l'instar de ce que retient, en application de l'article R. 311-3 du Code de l'organisation judiciaire, la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation lorsqu'un appel est formé devant une cour d'appel dans le ressort de laquelle ne se trouve pas la juridiction ayant rendu la décision attaquée (2e Civ., 9 juillet 2009, n° 06-46.220, Bull II, n° 186 et 15 octobre 2015, n° 14-20.165), la Chambre commerciale, financière et économique de cette Cour juge, depuis plusieurs années, que, la cour d'appel de Paris étant seule investie du pouvoir de statuer sur les recours formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce, la méconnaissance de ce pouvoir juridictionnel exclusif est sanctionnée par une fin de non-recevoir, de sorte qu'est irrecevable l'appel formé devant une autre cour d'appel (Com., 24 septembre 2013, n° 12-21.089, Bull. IV, n° 138), et que cette fin de non-recevoir doit être relevée d'office (Com., 31 mars 2015, n° 14-10.016, Bull IV, n° 59) ; que cette règle a été appliquée à toutes les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'article L. 442-6 du Code de commerce, même lorsqu'elles émanaient de juridictions non spécialement désignées ;

Attendu que cette dernière solution est source, pour les parties, d'insécurité juridique quant à la détermination de la cour d'appel pouvant connaître de leur recours, eu égard aux termes mêmes de l'article D. 442-3 du Code de commerce ; qu'elle conduit en outre au maintien de décisions rendues par des juridictions non spécialisées, les recours formés devant les autres cours d'appel que celle de Paris étant déclarés irrecevables, en l'état de cette jurisprudence ;

Attendu qu'il apparaît donc nécessaire d'amender cette jurisprudence, tout en préservant l'objectif du législateur de confier l'examen des litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce à des juridictions spécialisées ; qu'il convient, pour y parvenir, de retenir qu'en application des articles L. 442-6, III, et D. 442-3 du Code de commerce, seuls les recours formés contre les décisions rendues par les juridictions du premier degré spécialement désignées sont portés devant la Cour d'appel de Paris, de sorte qu'il appartient aux autres cours d'appel, conformément à l'article R. 311-3 du Code de l'organisation judiciaire, de connaître de tous les recours formés contre les décisions rendues par les juridictions situées dans leur ressort qui ne sont pas désignées par le second texte ; qu'il en est ainsi même dans l'hypothèse où celles-ci auront, à tort, statué sur l'application du premier, auquel cas elles devront relever, d'office, l'excès de pouvoir commis par ces juridictions en statuant sur des demandes qui, en ce qu'elles ne relevaient pas de leur pouvoir juridictionnel, étaient irrecevables ;

Attendu que pour déclarer l'appel irrecevable, l'arrêt retient qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 442-6, III, 5° et D. 442-4 du Code de commerce que seule la Cour d'appel de Paris est investie du pouvoir de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du même Code et qu'une autre cour d'appel ne peut se trouver investie de ce pouvoir au seul motif que la décision critiquée aurait été rendue par une juridiction de son ressort, elle-même au demeurant dépourvue du pouvoir de statuer en la matière ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle était saisie d'un incident de recevabilité de l'appel formé contre un jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Strasbourg, juridiction non spécialement désignée située dans son ressort, la cour d'appel qui aurait dû déclarer l'appel recevable, a violé les textes susvisés ;

Et vu l'article 627 du Code de procédure civile, après avertissement délivré aux parties ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi : casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 janvier 2015, entre les parties, par la Cour d'appel de Colmar ; Dit n'y avoir lieu à renvoi.