CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 29 mars 2017, n° 15-22953
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
De Carrière (ès qual.); Circul'air (EURL), Basquin
Défendeur :
Société Industrielle de l'Ouest des Produits Isolants (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Luc
Conseillers :
Mme Mouthon Vidilles, M. Thomas
Avocats :
Mes Boccon Gibod, Armand, Etevenard, Smati-Bernier, Papin
Faits et procédure
La SAS Industrielle de l'Ouest des produits isolants, exerçant sous l'enseigne SAS Ouest Isol & Ventil (ci-après " la société Ouest Isol & Ventil ") est spécialisée dans la distribution de produits isolants pour la thermique industrielle et le génie climatique. Elle est une filiale du groupe SIG, premier distributeur en Europe du marché de l'isolation et de l'aménagement intérieur.
Au début de l'année 2011, la société Ouest Isol & Ventil s'est rapprochée de M. Basquin, ancien transporteur, afin de lui proposer un partenariat ayant pour objet la fabrication de gaines de ventilation. La société Ouest Isol & Ventil souhaitait disposer d'un fournisseur dans le sud-est de la France, afin de faciliter les livraisons de ses produits.
Le 4 février 2011, la société Ouest Isol & Ventil a adressé une lettre d'intention à M. Basquin, par laquelle elle s'engageait à lui garantir les chiffres d'affaires suivants :
90 000 euros pour 2011 ;
200 000 euros pour 2012 (selon les dires de la société Ouest Isol & Ventil, il s'agissait d'une prévision non engageante).
Le 17 février 2011, M. Basquin a créé la société Circul'air, fabricant de ventilation climatique.
Le 23 mars 2011, la société Circul'air a fait l'acquisition d'une machine dénommée " Spiro ", pour un montant de 149 587 euros, afin d'exploiter son activité de fabrication des gaines d'isolation.
La société Circul'air a engagé des frais et obtenu les prêts suivants :
le 7 mars 2012, une facilité de caisse de 20 000 euros auprès de la Banque Populaire Provençale et Corse,
le 17 août 2012, une autorisation de découvert de 10 000 euros ainsi qu'un prêt d'un montant de 60 000 euros dont M. Basquin était caution personnelle, auprès du Crédit du Nord,
le 25 novembre 2012, une autorisation de découvert de 20 000 euros auprès de la BNP Paribas en se portant caution personnelle.
Fin 2012, les commandes passées par la société Ouest Isol & Ventil auprès de la société Circul'air ont diminué.
La société Ouest Isol & Ventil a proposé à M. Basquin d'envisager la vente de sa société au groupe SIG. Le 20 décembre 2012, la société Ouest Isol & Ventil a envoyé à la société Circul'air une lettre d'engagement de confidentialité lui demandant d'accorder à sa société mère, le groupe SIG, l'exclusivité des négociations sur le rachat des actifs pendant une période de huit semaines. Cette lettre a été retournée signée par M. Basquin le 21 décembre 2012.
Le 15 janvier 2013, la société Ouest Isol & Ventil a demandé à M. Basquin de lui transmettre certaines informations sur son statut, ses comptes et la valorisation des stocks. M. Basquin a répondu à cette demande le 16 janvier 2013.
Le 24 janvier 2013, la société Ouest Isol & Ventil a proposé à M. Basquin la reprise de ses actifs pour un montant de 45 000 euros, l'abandon de son compte-courant d'associé d'une valeur de 28 000 euros, une rémunération mensuelle brute de 2 000 euros. L'opération devait être réalisée fin février.
Le 4 février 2013, M. Basquin a adressé à la société Ouest Isol & Ventil une contre-proposition : résiliation du bail à l'amiable, prix de cession du fonds de commerce et des actifs pour un montant de 70 000 euros et rémunération mensuelle brute de 3 200 euros.
Le 8 février 2013, la société Ouest Isol & Ventil a informé la société Circul'air qu'elle refusait la contre-proposition et mettait fin aux négociations.
Le chiffre d'affaires de la société Circul'air réalisé avec la société Ouest Isol est devenu nul.
Par ordonnance du 22 mai 2013, le Tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a désigné Me de Carrière mandataire ad hoc de la société Circul'air.
Le 18 juillet 2013, le Tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a prononcé la liquidation judiciaire de la société Circul'air.
Par acte du 25 février 2014, Me de Carrière ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Circul'air, ainsi que M. Basquin, ont assigné la société Ouest Isol & Ventil devant le Tribunal de commerce de Marseille au titre de sa responsabilité délictuelle pour rupture abusive des pourparlers, rupture brutale de la relation commerciale établie entre les parties et réparation du préjudice moral subi par M. Basquin.
La société Ouest Isol & Ventil a conclu au débouté de l'ensemble des demandes de la société Circul'air.
Par jugement du 19 novembre 2014, le Tribunal de commerce de Marseille a :
débouté Me de Carrière ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Circul'air EURL de sa demande de dommages et intérêts formée au titre de la rupture abusive des pourparlers, condamné la société Ouest Isol & Ventil à payer à Me de Carrière ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Circul'air EURL la somme de 15 139,14 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations contractuelles établies ainsi que la somme de 700 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
débouté M. Basquin de sa demande de dommages et intérêts,
condamné la société Ouest Isol & Ventil aux dépens toutes taxes comprises de la présente instance, conformément aux dispositions de l'article 515 du Code de procédure civile, ordonné pour le tout l'exécution provisoire,
rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions du présent jugement.
LA COUR,
Vu l'appel interjeté par Me de Carrière, ès qualités de liquidateur de la société Circul'air, et par M. Basquin, et leurs dernières conclusions du 18 avril 2016, par lesquelles il est demandé à la cour de :
déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté au nom de Me de Carrière, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Circul'air, et M. Basquin.
Sur la rupture abusive des pourparlers
infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Marseille en ce qu'il a débouté Me de Carrière, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Circul'air, et M. Basquin de leur demande de dommages et intérêts formée au titre de la rupture abusive des pourparlers,
en conséquence,
dire abusive la rupture des pourparlers aux torts exclusifs de la société Ouest Isol & Ventil, condamner la société Ouest Isol & Ventil à payer la somme de 20 000 euros à Me de Carrière, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Circul'air, à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive des pourparlers entamés avec la société Circul'air.
Sur la rupture abusive des relations commerciales établies
confirmer la décision du Tribunal de commerce de Marseille dans sa reconnaissance du caractère brutal et fautif de la rupture des relations commerciales établies et,
infirmer la décision du Tribunal de commerce de Marseille sur le montant des sommes allouées à ce titre à Me de Carrière, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Circul'air, et en ce qu'elle a débouté M. Basquin de sa demande de dommages et intérêts,
dire abusive la rupture de la relation commerciale établie aux torts exclusifs de la société Ouest Isol & Ventil, en conséquence,
condamner la société Ouest Isol & Ventil à payer la somme de 47 500 euros à Me de Carrière, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Circul'air, à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive de leur relation commerciale établie, et la somme de 177 645,50 euros à Me de Carrière, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Circul'air, à titre de dommages et intérêts pour les préjudices commerciaux subis suite à la rupture abusive des relations commerciales établies,
condamner la société Ouest Isol & Ventil à payer la somme de 10 000 euros à M. Basquin à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi par ce dernier,
condamner la société Ouest Isol & Ventil au paiement de la somme de 3 000 euros en application
des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
condamner la société Ouest Isol & Ventil aux entiers dépens de première instance et d'appel,
dire que les dépens pourront être directement recouvrés par la Selarl Lexavoué Paris-Versailles, en application de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées par la société Ouest Isol & Ventil, intimée, le 22 février 2016, par lesquelles il est demandé à la cour de :
déclarer mal fondé l'appel interjeté par M. Basquin et Me de Carrière, ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de la société Circul'air,
les en débouter,
dire la société Ouest Isol & Ventil recevable et bien-fondée en son appel incident,
confirmer la décision attaquée en ce qu'elle a constaté l'absence de faute dans la rupture des pourparlers et a rejeté toutes les demandes formulées à ce titre,
confirmer la décision attaquée en ce qu'elle a jugé que M. Basquin ne justifiait pas d'un préjudice distinct de celui de la société Circul'air et a rejeté toutes ses demandes,
infirmer la décision attaquée dans toutes ses autres dispositions.
statuant de nouveau,
dire que la rupture fautive des relations commerciales établies n'est pas caractérisée,
débouter Me de Carrière, ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de la société Circul'air, et M. Basquin, de toutes leurs demandes formulées sur ce fondement,
les débouter également pour le surplus de leurs demandes,
ordonner la restitution à la société Ouest Isol & Ventil de toutes les sommes réglées au titre de l'exécution provisoire prononcée par la décision attaquée,
condamner in solidum Me de Carrière, ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de la société Circul'air, et M. Basquin à verser à la société Ouest Isol & Ventil la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
les condamner aux entiers dépens dont le recouvrement pourra être poursuivi par Me Etevenard, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
SUR CE,
Sur la rupture fautive des pourparlers
Me de Carrière, ès qualités, et M. Basquin demandent l'infirmation du jugement du Tribunal de commerce de Marseille du 19 novembre 2014 en ce qu'il n'a pas dit fautive la rupture des pourparlers par la société Ouest Isol & Ventil. Les appelants soutiennent que la société Ouest Isol & Ventil a commis une faute en rompant sans négociations les pourparlers le 8 février 2014. En effet, en premier lieu, la société Ouest Isol & Ventil aurait rompu les pourparlers en l'absence de motifs légitimes, la contre-proposition de rachat émise par M. Basquin n'étant pas inopérante et ne pouvant s'analyser en un refus de négocier. Le groupe SIG se serait servi de cette contre-proposition pour arrêter les négociations qui ne présentaient plus d'intérêt dès lors qu'il avait acquis une nouvelle unité de production à Toulouse. En deuxième lieu, la société Circul'air était parfaitement fondée en sa croyance légitime dans la poursuite de bonne foi des négociations pour le rachat de son entreprise.
En troisième lieu, la société Ouest Isol & Ventil aurait été déloyale en imputant à M. Basquin la rupture des négociations, alors qu'elle-même n'avait pas la ferme intention de mener les pourparlers à terme de manière loyale et sincère, et avait en réalité l'intention de nuire à la société Circul'air.
La société Ouest Isol & Ventil soutient qu'elle n'a pas commis de faute en rompant les pourparlers, dans la mesure où elle a simplement usé de son droit de ne pas donner suite à une négociation encore peu avancée et dont l'issue était incertaine, et en refusant la contre-proposition émise par la société Circul'air, déconnectée de la réalité économique.
Rompre des pourparlers n'est pas en soi constitutif d'une faute, mais à condition que la négociation ait été entamée de bonne foi avec une intention sérieuse de conclure et que la rupture ait été effectuée loyalement, c'est-à-dire avec la prévenance qui convient à la situation.
A la suite d'une visite de M. Fenart, directeur général de la société Ouest Isol dans ses locaux le 28 novembre 2012, la société Ouest Isol & Ventil a proposé à M. Basquin d'envisager la vente de sa société au groupe SIG et, le 20 décembre 2012, a envoyé à la société Circul'air une lettre d'engagement de confidentialité lui demandant d'accorder à sa société mère, le groupe SIG, l'exclusivité des négociations sur le rachat des actifs pendant une période de huit semaines. Cette lettre a été retournée signée par M. Basquin le 21 décembre 2012. Il mentionnait dans ce courrier que son stock de matières premières était vide : " je n'ai pas pu faire d'appro avant la fin de l'année 2012 ". Il expliquait avoir " une activité réduite à 60 % faute de matière ". Il expliquait ensuite n'avoir pu donner suite aux demandes d'installateurs de gaines de ventilation à cause de ce manque.
Il reconnaissait que son bilan 2012 n'était pas bon mais que la société Circul'air avait bien des avantages, étant " la seule entreprise en petite structure à faire ce produit dans le grand sud-est ".
Le 15 janvier 2013, la société Ouest Isol & Ventil a demandé à M. Basquin de lui transmettre certaines informations sur son statut, ses comptes et la valorisation des stocks. M. Basquin a répondu à cette demande le 16 janvier 2013.
Le 24 janvier 2013, la société Ouest Isol & Ventil, prenant acte de la " situation plus dégradée qu'anticipée de la société ", a proposé à M. Basquin la reprise de ses actifs pour un montant de 45 000 euros, l'abandon de son compte-courant d'associé d'une valeur de 28 000 euros et une rémunération mensuelle brute de 2 000 euros. L'opération devait être réalisée fin février.
Le 4 février 2013, M. Basquin, faisant état de sa situation personnelle de caution, a adressé à la société Ouest Isol & Ventil une contre-proposition : résiliation du bail à l'amiable, prix de cession du fonds de commerce et des actifs pour un montant de 70 000 euros, rémunération mensuelle brute de 3 200 euros.
Le 8 février 2013, la société Ouest Isol & Ventil a informé la société Circul'air qu'elle refusait la contre-proposition et mettait fin aux négociations. La société Circul'air en a pris acte le même jour.
Les appelants ne démontrent pas que la société Ouest Isol & Ventil se serait engagée dans les discussions sans véritable intention de conclure, ni qu'elle aurait faussement entretenu la société Circul'air dans la croyance légitime d'un accord, la privant de la faculté de rechercher d'autres solutions, ni enfin qu'elle aurait usé de contrainte pour la forcer à accepter sa proposition.
La durée des négociations, limitées à huit semaines, n'était pas en soi de nature à démontrer l'avancement des pourparlers. En réalité, les pourparlers n'étaient pas avancés, car il n'y avait eu qu'une offre de la société Ouest Isol & Ventil et une contre-proposition très éloignée de la société Circul'air. L'issue des négociations était incertaine, comme le matérialise l'accord de confidentialité qui prévoyait expressément l'hypothèse d'un échec des pourparlers.
La rupture des pourparlers ne peut être considérée comme brutale dans la mesure où elle est intervenue deux semaines avant la fin de ce délai de huit semaines, et elle pouvait être prévisible, compte tenu de la contre-proposition de la société Circul'air, très éloignée de la proposition initiale.
La société Circul'air, qui prétendait avoir reçu d'autres propositions, aurait pu négocier avec d'autres sociétés.
De plus, la proposition initiale de la société Ouest Isol & Ventil ne semble pas manifestement basse, au vu de la situation dégradée de la société Circul'air. Enfin, le grief de rupture abusive des pourparlers n'est pas évoqué dans le courrier du 7 juin 2013 de Vincent de Carrière, mandataire ad hoc.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a estimé que la rupture des pourparlers par la société Ouest Isol & Ventil n'était pas fautive.
Sur la rupture brutale de la relation commerciale établie
Me de Carrière, ès qualités, ainsi que M. Basquin demandent la confirmation du jugement du Tribunal de commerce de Marseille du 19 novembre 2014 en ce qu'il a retenu le caractère brutal et sans préavis de la rupture des relations commerciales, et son infirmation en ce qu'il n'a pas tiré les conséquences de cette rupture. Ils soutiennent que la relation commerciale entre la société Circul'air et la société Ouest Isol & Ventil est une relation établie, du fait de sa régularité et de son intensité, la société Circul'air ayant, de juillet 2011 à décembre 2011, réalisé 86 % de son chiffre d'affaires avec la société Ouest Isol & Ventil. La rupture brutale des relations résulterait de l'arrêt des commandes par la société Ouest Isol & Ventil, en l'absence de préavis écrit. Compte tenu de l'état de dépendance économique dans lequel se trouvait la société Circul'air par rapport à Ouest Isol, ils estiment que le préavis aurait dû être de huit mois, soit correspondant à un manque à gagner de 47 500 euros.
La société Ouest Isol & Ventil soutient que la rupture des relations commerciales entre les parties n'est pas brutale, puisqu'elle serait justifiée par l'inexécution de ses obligations par la société Circul'air. En effet, elle aurait, dès le mois de juin 2012, cessé de respecter les délais de paiement des matières premières fournies par la société Ouest Isol & Ventil, et n'aurait plus payé aucune facture à partir de décembre 2012. Au surplus, il n'était pas nécessaire d'accorder un préavis à la société Circul'air, car celle-ci était dans l'incapacité de produire, et la jurisprudence considère qu'en cas d'impossibilité de poursuivre la relation commerciale aux conditions antérieures, le préavis est privé de tout intérêt. Elle soutient aussi que la société Circul'air pouvait anticiper la fin de la relation contractuelle, dans la mesure où elle n'honorait plus ses engagements depuis le mois de juin 2012. La société Ouest Isol & Ventil expose, enfin, que si aucun manquement de la société Circul'air n'était relevé, le préavis n'aurait dû être que de trois mois, compte tenu de la durée de la relation commerciale de 21 mois entre les parties.
Si aux termes de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce, " Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ", la société qui se prétend victime de cette rupture doit établir au préalable le caractère suffisamment prolongé, régulier, significatif et stable du courant d'affaires ayant existé entre elle et l'auteur de la rupture, qui pouvait lui laisser augurer que cette relation avait vocation à perdurer. Par ailleurs, " les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ".
La société Ouest Isol expose que la société Circul'air n'aurait jamais été en mesure de s'approvisionner correctement en matières premières pour fabriquer les gaines de ventilation, et qu'elle a dû lui avancer la matière première afin de voir ses livraisons de produits finis assurées. Or, dès le mois de décembre 2012, la société Circula'ir n'aurait plus payé ses matières premières et, parallèlement, elle n'aurait pu assurer les livraisons de produits finis aux établissements de la société Ouest Isol & Ventil, l'exposant à de réelles difficultés d'approvisionnement.
Mais la société Ouest Isol & Ventil ne démontre pas que la cessation des commandes passées à la société Circul'air aurait été motivée par les impayés de cette société. Il résulte des pièces du dossier qu'un flux d'affaires croissant était né entre les parties (96 000 euros en 2011 et 332 424 euros en 2012) et que 85 % du chiffre d'affaires de la société Circul'air était réalisé avec Ouest Isol & Ventil.
En résiliant sans préavis les relations commerciales, alors qu'aucune faute d'une gravité suffisante n'était imputable à la société Circul'air, la société Ouest Isol s'est rendue responsable d'une rupture brutale des relations commerciales établies. Compte tenu de la durée de la relation entre les parties de deux années et du pourcentage de chiffre d'affaires réalisé par Circul'air avec Ouest Isol, il y a lieu d'approuver les premiers juges d'avoir fixé à trois mois la durée du préavis qui aurait du être consenti à la société Circul'air et évalué l'indemnisation allouée à la société Circul'air à la somme de 15 139,14 euros
Sur les préjudices annexes
Me de Carrière ainsi que M. Basquin demandent la condamnation de la société Ouest Isol & Ventil au paiement de la somme de 177 645,50 euros correspondant à :
3 000 euros pour la perte des locaux commerciaux,
4 645,50 euros pour la perte des stocks,
70 000 euros pour le coût d'amortissement de la machine Spiro,
100 000 euros pour le coût lié à la désorganisation de l'appareil productif de la société Circul'air.
La société Ouest Isol & Ventil soutient que, en l'absence de rupture brutale des relations commerciales établies, les appelants doivent être déboutés de leurs demandes d'indemnisation, seuls étant indemnisables les préjudices résultant de la brutalité de la rupture, et non de la rupture elle-même.
La société Circul'air a dû faire l'acquisition de la machine Spiro pour satisfaire les commandes de la société Ouest Isol & Ventil. La brutalité de la rupture des relations commerciales avec son seul client l'a conduite à devoir rembourser cette machine à l'organisme de crédit-bail, pour un montant non amorti de 114 000 euros. Or il résulte des pièces versées aux débats que la société CM CIC Bail, agissant pour la société IVTECH (isolation ventilation technologie conseils et développement) a racheté le matériel pour un montant de 70 000 euros (message du 28 juin 2014 : pièce 30 des appelants).
Il y a donc lieu de condamner la société Ouest Isol à payer à Maître Carrière, ès qualités, la somme de 44 000 euros en dédommagement.
Faute de liens suffisants entre les autres demandes et la brutalité de la rupture, la cour ne peut faire droit à celles-ci.
Il y a donc lieu de d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les appelantes de toutes leurs demandes complémentaires.
Sur la liquidation judiciaire de la société Circul'air
Si Me de Carrière ainsi que M. Basquin soutiennent que la brutalité de la rupture des relations commerciales établies a conduit à la liquidation judiciaire de la société Circul'air, la société Ouest Isol & Ventil le conteste, dans la mesure où celle-ci a volontairement refusé des clients afin de se consacrer exclusivement à la société Ouest Isol & Ventil.
Aucun élément versé aux débats ne permettant d'établir un lien de causalité entre la brutalité de la rupture et la liquidation judiciaire de la société Circul'air, dont le dirigeant faisait déjà état de difficultés structurelles dans son courrier du 21 décembre 2012, il y a lieu de rejeter cette demande et de confirmer sur ce point le jugement entrepris.
Sur le préjudice moral subi par M. Basquin
Me de Carrière ainsi que M. Basquin demandent la condamnation de la société Ouest Isol & Ventil au paiement de la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral subi par M. Basquin, celui-ci ayant connu des difficultés de reconversion et divers troubles psychiatriques.
Mais la société Ouest Isol & Ventil soutient à juste titre que M. Basquin s'est lui-même placé dans la situation professionnelle dans laquelle il est actuellement et que sa situation de surendettement résulte majoritairement des prêts souscrits à titre personnel, notamment pour l'achat de son véhicule personnel avant la création de sa société.
Le lien du préjudice qu'il allègue avec la brutalité de la rupture n'est au surplus pas établi.
Sur les frais irrépétibles
La société Ouest Isol & Ventil succombant à titre principal, elle sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer la somme de 3 000 euros à la société Circul'air au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf sur le quantum des préjudices annexes de la société Circul'air, l'infirme sur ce point, Et, statuant à nouveau, condamne la société industrielle de l'ouest des produits isolants, exerçant sous l'enseigne SAS Ouest Isol & Ventil à payer à Maître Vincent de Carrière, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Circul'air, la somme de 44 000 euros en réparation du remboursement de la machine Spiro, condamne la société industrielle de l'ouest des produits isolants, exerçant sous l'enseigne SAS Ouest Isol & Ventil aux dépens de l'instance d'appel, qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, la condamne à payer à Maître de Carrière, ès qualités, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.