Cass. com., 29 mars 2017, n° 15-26.476
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Achat direct (SARL), Malfaisan (ès qual.)
Défendeur :
Le Quernec
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Laporte
Avocat général :
M. Debacq
Avocats :
SCP Bénabent, Jéhannin, SCP Célice, Soltner, Texidor, Périer
LA COUR : - Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Achat direct et M. Malfaisan, en qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de celle-ci, que sur le pourvoi incident relevé par M. Le Quernec ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Achat direct ayant résilié le contrat d'agence commerciale qui la liait à M. Le Quernec pour faute grave, celui-ci l'a assignée afin de lui voir imputer la rupture ; que la société Achat direct a formé une demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour préjudice commercial ; qu'elle a été mise en redressement judiciaire, M. Malfaisan étant nommé mandataire judiciaire ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa troisième branche : - Vu les articles L. 134-3 et L. 134-13 du Code de commerce ; - Attendu que pour imputer la rupture du contrat à la société Achat direct en excluant la faute grave de M. Le Quernec, condamner la première à payer au second des indemnités de cessation de contrat ainsi que de préavis et rejeter la demande reconventionnelle de la société Achat direct en réparation du préjudice résultant de la violation par l'agent de ses obligations contractuelles, l'arrêt, après avoir constaté que M. Le Quernec avait accepté de commercialiser des luminaires pour le compte de la société People love it, retient que la société Achat direct, qui ne justifie pas que l'agent ait représenté pour celle-là d'autres produits que les luminaires, ne démontre pas qu'il a commis une faute grave ;
Qu'en statuant ainsi, après avoir constaté, par motifs propres et adoptés, que le mandat donné par la société Achat direct à M. Le Quernec portait sur la commercialisation de tous ses produits dans le secteur de la grande distribution, rayon bazar et décoration, et que la société People love it avait pour activité l'achat et la vente import/export de tout article sans prédominance alimentaire, ce dont il se déduisait que les deux sociétés se trouvaient dans un rapport de concurrence, de sorte que l'acceptation par M. Le Quernec de la représentation de la société People love it, fût-ce pour une catégorie de produits, sans l'autorisation de la société Achat direct, était constitutive d'une faute grave, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur le même moyen de ce pourvoi, pris en sa quatrième branche : - Vu les articles L. 134-3 et L. 134-13 du Code de commerce ; - Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient encore que lorsque la société Achat direct a fait état de ce que l'activité de la société People love it était directement concurrente de la sienne, M. Le Quernec a pris l'engagement de cesser toute relation avec celle-ci ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le seul fait pour M. Le Quernec de représenter, sans autorisation de la société Achat direct, la société People love it, entreprise concurrente de celle de sa mandante, était de nature à constituer une faute grave privative de toute indemnité lors de la cessation du contrat, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident : - Vu les articles L. 134-6, alinéa 2, R. 134-3 et R. 134-4 du Code de commerce ; - Attendu que pour rejeter la demande d'expertise de M. Le Quernec au titre des commissions concernant le client Electrodépôt, l'arrêt retient que la société Achat direct ne disposait pas d'un seul agent commercial et que, M. Le Quernec ne justifiant pas des produits qu'il avait représentés auprès de ce client, il ne peut être suppléé à sa carence probatoire par une mesure d'expertise ;
Qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il n'était pas contesté que la société Electrodépôt faisait partie de la clientèle réservée par le contrat à M. Le Quernec de sorte que celui-ci avait un droit à commission pour toute opération conclue pendant sa durée et qu'il incombait au mandant de fournir les éléments permettant leur calcul, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs inopérants, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 septembre 2015, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.