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Décisions

Cass. com., 29 mars 2017, n° 15-23.579

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Foucque (SAS), Société d'investissement et de gestion Foucque (SAS), Badat (ès qual.), Foucque Automobiles (Sté), Lageat (ès qual.), Bouvet (ès qual.), Bach (ès qual.)

Défendeur :

Automobiles Citroën (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Poillot-Peruzzetto

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, SCP Gatineau, Fattaccini

T. com. Paris, 13e ch., du 15 févr. 2013

15 février 2013

LA COUR : - Donne acte à la société Franklin Bach, représentée par M. Bach, de sa reprise d'instance en qualité de liquidateur de la société Foucque Automobiles, en remplacement de M. Badat ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Société d'investissement et de gestion Foucque (la SIGF) et la société Foucque, sa filiale, ont entretenu durant plusieurs années des relations commerciales avec la société Automobiles Citroën (la société Citroën) ; que dans leur dernier état, leurs relations étaient matérialisées par un contrat à durée indéterminée à effet au 1er décembre 2003, aux termes duquel la société Citroën confiait à la SIGF l'importation et la distribution de véhicules neufs et de pièces de rechange de la marque Citroën à La Réunion, tandis que la société Foucque intervenait en qualité de concessionnaire et distributeur agréé de pièces de rechange et réparateur agréé ; qu'en 2008, l'activité de cette dernière a été transférée, au moyen d'un apport partiel d'actifs, à la société Foucque automobiles ; que se prévalant de la réorganisation de son réseau de distribution en France et en Europe, la société Citroën a résilié le 20 mai 2009 ce contrat à effet au 31 mai 2011 ; que le 10 novembre 2010, la SIGF a cédé son fonds, emportant transfert du contrat à la société Foucque automobiles ; que reprochant l'illicéité de la résiliation et le caractère brutal de la rupture de la relation commerciale établie, les sociétés Foucque, SIGF et M. Badat, en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Foucque automobiles, l'ont assignée en réparation de leurs préjudices ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société Foucque, la SIGF et M. Bach, ès qualités, font grief à l'arrêt du rejet de leurs demandes alors, selon le moyen : 1°) que l'article 3.4 du règlement n° 1400/2002 impose au juge saisi du contentieux relatif à la rupture du contrat de s'assurer que cette dernière a été motivée par des raisons objective et transparentes et que ces dernières ont été détaillées et explicitées par l'auteur de la rupture ; qu'en se bornant à relever que les motifs invoqués par la société Automobiles Citroën dans sa lettre de résiliation étaient " clairement expliqués, à savoir la mise en œuvre de sa nouvelle politique de développement et de croissance, reposant sur le développement de la gamme et de nouvelles exigences visant à renforcer la satisfaction de la clientèle ", et que la société Citroën attestait " avoir résilié l'ensemble des contrats de ses réseaux en France et en Europe, pour le même motif, et avoir modifié les critères de sélection de ses concessionnaires ", la cour d'appel, qui s'est fondée sur des motifs impropres à établir que la résiliation avait été fondée sur des raisons détaillées, transparentes et objectives, a privé une première fois sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et 3.4 du règlement CE n° 1400/2002 ; 2°) que l'article 3.4 du règlement n° 1400 impose au juge saisi du contentieux relatif à la rupture du contrat de se prononcer sur le bien-fondé et la pertinence des motifs invoqués par son auteur ; qu'en se bornant à retenir que " les motifs invoqués par la société Automobiles Citroën " dans sa lettre de résiliation étaient " clairement expliqués, à savoir la mise en œuvre de sa nouvelle politique de développement et de croissance, reposant sur le développement de la gamme et de nouvelles exigences visant à renforcer la satisfaction de la clientèle " et que la société Automobiles Citroën attestait " avoir résilié l'ensemble des contrats de ses réseaux en France et en Europe, pour le même motif, et avoir modifié les critères de sélection de ses concessionnaires ", sans rechercher si les raisons avancées par le concédant étaient de nature à justifier sa décision de rompre le contrat, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé que selon l'article 17 du contrat, pour répondre aux prescriptions du règlement 1400/2002, la lettre de résiliation doit en " spécifier les raisons objectives et transparentes afin qu'il puisse être vérifié qu'elle n'est pas causée par des principes qui ne peuvent faire l'objet de restrictions dans le cadre de ce règlement ", l'arrêt relève que la société Citroën a motivé la résiliation du contrat par la mise en œuvre de sa nouvelle politique de croissance reposant sur le développement de la gamme et de nouvelles exigences visant à renforcer la satisfaction de la clientèle ; qu'il relève encore que la société Citroën atteste avoir résilié pour ce même motif ses contrats de concession en France et en Europe et modifié les critères de sélection de ses concessionnaires ; qu'il retient qu'au regard de cet objectif, la lettre de résiliation était suffisamment précise et explicite pour contrôler que les motifs avancés ne constituaient pas des restrictions de concurrence ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer la recherche inopérante invoquée par la deuxième branche, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branches : - Attendu que la société Foucque, la SIGF et M. Bach, ès qualités, font le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen : 1°) que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en relevant, en l'espèce, que " si la société SIGF soutient être en relations d'affaires avec Citroën depuis plus de 90 ans, la cour d'appel n'a reçu communication que du contrat du 30 juin 2004 ", ce qui revenait à introduire un doute sur l'ancienneté et la durée des relations des parties, cependant que la société Automobiles Citroën reconnaissait expressément, dans ses conclusions, être liée à la société SIGF depuis de nombreuses années, et que leurs relations avaient donné lieu à plusieurs contrats successifs dont le contrat du 30 juin 2004 n'était que le dernier en date, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile ; 2°) que le délai du préavis suffisant s'apprécie en tenant compte de la durée de la relation commerciale ; qu'en se fondant sur les mêmes motifs, qui ne mettent pas la Cour de cassation en mesure de contrôler que le préavis de deux ans consenti à la société Foucque aurait été suffisant au regard de la durée de ses relations commerciales avec la société Citroën, et en particulier de celles qui avaient préexisté au contrat d'importation résilié, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ;

Mais attendu que l'arrêt relève que si la SIGF soutient être en relations d'affaires avec la société Citroën depuis plus de 90 ans, la cour d'appel n'a reçu communication que du contrat du 30 juin 2004 ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a apprécié souverainement la durée justifiée de la relation commerciale ayant existé entre les parties, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen, pris en sa cinquième branche : - Vu l'article 455 du Code de procédure civile ; - Attendu que pour dire que la SIGF ne démontre pas que le préavis n'aurait pas été effectif, l'arrêt retient que si la société Citroën a assorti sa lettre de résiliation d'une offre d'un nouveau contrat sous réserve que soient respectés des objectifs minimum de performance commerciale en véhicules neufs Citroën et pièces de rechange et accessoires, il est apparu très vite, dès le 4 décembre 2009, que la société Foucque serait loin de ces objectifs, sans que les sociétés appelantes démontrent que ces derniers auraient été fixés à un niveau excessivement élevé, et qu'elle ne pouvait envisager la conclusion d'un nouveau contrat ; qu'il ajoute que la société Foucque ne démontre pas s'être préoccupée d'atteindre les objectifs en cause, mais a réussi à vendre son fonds de commerce à un autre opérateur ;

Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Foucque qui faisait valoir qu'en conditionnant la conclusion d'un nouveau contrat d'importation à des objectifs de vente élevés, voir au maximum de la capacité du marché local, la société Citroën lui avait en réalité imposé plus d'obligations dans le cadre du préavis qu'avant la résiliation, de sorte qu'elle n'avait pu bénéficier d'un réel préavis, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : casse et annule, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il rejette les demandes de la société Foucque, de la Société d'investissement et de gestion Foucque et de M. Badat, en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Foucque automobiles, fondées sur l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce et statue sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile, l'arrêt rendu le 24 juin 2015, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.