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Décisions

Cass. com., 29 mars 2017, n° 15-25.742

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Arcleman (SARL) Alcibiade

Défendeur :

Financière Postulka (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Tréard

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Gatineau, Fattaccini

T com. Bordeaux, du 28 juill. 2009

28 juillet 2009

LA COUR : - Attendu, selon les arrêts attaqués, que la société Flora Partner, aux droits de laquelle est venue la société Financière Postulka (le franchiseur), a conclu avec Mme Alcibiade un contrat de franchise pour une durée déterminée ; que Mme Alcibiade, en association avec son conjoint, a créé la société Arcleman pour exploiter cette franchise ; que le franchiseur a fait assigner Mme Alcibiade et la société Arcleman en résiliation du contrat aux torts du franchisé, paiement de dommages-intérêts et fermeture du magasin sous astreinte ; qu'à titre reconventionnel, Mme Alcibiade et la société Arcleman ont demandé la résiliation du contrat aux torts du franchiseur et le paiement de dommages-intérêts ; qu'après avoir ordonné une mesure d'expertise et statué avant dire droit par le premier arrêt attaqué du 13 novembre 2012, la cour d'appel, par le second du 6 août 2015, a, notamment, prononcé la résiliation du contrat aux torts exclusifs de Mme Alcibiade et de la société Arcleman ;

Sur le pourvoi, en ce qu'il attaque l'arrêt du 13 novembre 2012 : - Sur le second moyen : - Attendu que Mme Alcibiade et la société Arcleman font grief à l'arrêt de dire que le grief relatif à l'absence de communication des documents comptables par la société Arcleman et Mme Alcibiade est établi alors, selon le moyen : 1°) que, lorsqu'une partie a la charge de la preuve, celle-ci ne peut se déduire du silence opposé à sa demande par la partie adverse ; qu'en tenant pour acquis le défaut de communication du récapitulatif mensuel des achats hors centrale et des bilans et comptes annuels de résultats par cela seul que la société Arcleman et Mme Alcibiade n'ont pas contesté ne pas avoir exécuté leurs obligations de ce chef, la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ; 2°) que le seul fait que le franchiseur, sur une période d'exécution de plus de trois années, ait été contraint de rappeler, à trois reprises à son franchisé, qu'il devait lui communiquer son récapitulatif mensuel des achats hors centrale, ne permet pas de caractériser un manquement de ce dernier à l'obligation contractuelle de communication de documents ; qu'en se déterminant en fonction de cette seule circonstance, laquelle ne caractérisait qu'un oubli ponctuel et rare, et non un refus définitif et constant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu qu'il incombe à celui qui se prétend libéré de justifier le fait qui a produit l'extinction de son obligation ; qu'ayant relevé que le contrat de franchise imposait au franchisé de communiquer chaque mois un récapitulatif de ses achats hors centrale et tous les ans ses bilans et comptes de résultat détaillés et que le franchiseur se prévalait d'un manquement à cette obligation en produisant trois correspondances adressées au franchisé les 29 septembre 2006, 22 décembre 2006 et 17 octobre 2007 qui le lui rappelaient, c'est sans inverser la charge de la preuve, et par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve, qu'après avoir constaté que le franchisé ne contestait pas ce grief, la cour d'appel a retenu que le manquement reproché au franchisé était établi ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen, pris en ses première et neuvième branches : - Vu l'article 1315, alinéa 2, devenu 1353, alinéa 2, du Code civil ; - Attendu que pour écarter le manquement du franchiseur tiré de l'absence de création d'une centrale d'achats et de référencement, l'arrêt relève que les franchisés, qui lui reprochent d'avoir créé une simple centrale d'approvisionnement, ne s'expliquent pas sur les différences pouvant exister entre une centrale d'achats et une centrale d'approvisionnement, ni ne précisent en quoi une telle structure présenterait un moindre intérêt pour eux ; qu'il ajoute que les franchisés versent aux débats des constats qui démontrent que des prix pratiqués par le franchiseur ont été plus élevés que ceux obtenus par des indépendants, mais que le fait qu'il soit possible d'acheter hors de la centrale d'achat des produits à un coût moindre ne permet pas de caractériser une faute contractuelle ; qu'il ajoute encore que les constats dressés à la requête d'autres franchisés, établissant que, de façon ponctuelle, des fleurs ont été livrées endommagées ou pourrissantes, ne permettent pas non plus de conclure à la défaillance de la centrale, ce d'autant que le franchiseur s'est étonné de l'importance des avoirs réclamés par Mme Alcibiade par rapport aux autres franchisés ; qu'il retient que les courriels adressés par son associé ne peuvent davantage établir ces griefs, nul ne pouvant se constituer de preuve à soi-même ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il incombait au franchiseur de justifier de l'exécution des obligations mises à sa charge, consistant à créer une centrale d'achat conforme aux exigences de l'article 14-1 du contrat de franchise et à veiller à ce que celle-ci propose globalement un meilleur prix de vente aux franchisés que ce qu'ils pourraient avoir seuls auprès du même fournisseur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Sur le même moyen, pris en sa dixième branche : - Vu l'article 1315, alinéa 2, devenu 1353, alinéa 2, du Code civil ; - Attendu que pour écarter le manquement reproché au franchiseur au titre de son obligation d'assistance et de contrôle, l'arrêt relève que les franchisés, qui prétendent n'avoir bénéficié de cette prestation qu'au mois de juin 2006, n'apportent pas la preuve de ce grief, celle-ci ne pouvant résulter de leurs propres écrits, ni de ceux d'autres franchisés en litige avec le franchiseur ; qu'il ajoute que l'accès au magasin a été refusé le 11 juillet 2007 à Mme Bernet, chargée de cette assistance ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il incombait au franchiseur de justifier de l'exécution de l'obligation d'assistance lui incombant aux termes de l'article 8-3 du contrat de franchise, laquelle était contestée par les franchisés au cours des périodes de septembre 2005 à juin 2006 et de juillet 2006 à juillet 2007, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Sur le pourvoi, en ce qu'il attaque l'arrêt du 6 août 2015 : - Sur le premier moyen, pris en sa première branche : - Vu l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et l'article 455 du Code de procédure civile ; - Attendu que pour retenir que les manquements reprochés au franchiseur au titre des articles 14-6 et 14-7 du contrat de franchise ne sont pas établis, l'arrêt se borne, au titre de sa motivation, à reproduire sur tous les points en litige les conclusions d'appel de la société Financière Postulka ;

Qu'en statuant ainsi, par une apparence de motivation pouvant faire peser un doute sur l'impartialité de la juridiction, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Sur le même moyen, pris en sa cinquième branche : - Vu l'article 1184 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; Attendu que pour prononcer la résiliation du contrat aux torts exclusifs des franchisés, l'arrêt retient que ces derniers ont commis une faute contractuelle en ne communiquant pas leurs statistiques mensuelles d'achats au franchiseur ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si ce manquement était d'une gravité suffisante pour justifier la résolution du contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Et sur le second moyen : - Vu l'article 455 du Code de procédure civile ; - Attendu que pour ordonner la restitution des matériels, manuels et autres éléments appartenant au franchiseur sous astreinte, l'arrêt se borne à confirmer la décision des premiers juges dans son ensemble ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions de Mme Alcibiade et de la société Arcleman qui faisaient valoir que le matériel à la restitution duquel elles avaient été condamnées en première instance avait déjà été restitué et qu'une facturation à ce titre avait été établie, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : casse et annule, mais seulement en ce qu'il dit que les griefs formulés par la société Arcleman et Mme Alcibiade à l'encontre du franchiseur ne sont pas prouvés, l'arrêt rendu le 13 novembre 2012, entre les parties, par la Cour d'appel de Bordeaux ; casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 août 2015, entre les parties, par la Cour d'appel de Bordeaux ; Remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel d'Angers.