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Décisions

Cass. com., 29 mars 2017, n° 15-10.885

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Impex (SA)

Défendeur :

Hervé et Philippe Schneider Distribution (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

M. Sémériva

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

Me Bertrand, SCP Boullez

Paris, pole 5 ch. 2, du 3 oct. 2014

3 octobre 2014

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 octobre 2014), que la société Impex a assigné la société Hervé et Philippe Schneider distribution en contrefaçon d'un modèle communautaire enregistré le 14 juin 2005 sous le numéro 000365036 et publié le 23 août 2005 sous le n° 2005/07 (le modèle) portant sur des sacs destinés à contenir des chaînes à neige pour pneus de véhicules automobiles, en contrefaçon de droit d'auteur, concurrence déloyale et parasitisme ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société Impex fait grief à l'arrêt d'écarter la protection du modèle par le droit d'auteur et de rejeter ses demandes alors, selon le moyen : 1°) qu'un modèle communautaire est protégé s'il est nouveau et s'il présente un caractère individuel, ce second caractère impliquant que le modèle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur ; que la société Impex ayant fait valoir dans ses conclusions d'appel que son modèle communautaire était protégeable sur le fondement des articles 4 et 6 du règlement communautaire n° 6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires, comme présentant notamment un caractère individuel, et conclu à la confirmation du jugement qui avait retenu l'existence d'un tel caractère, ce qui impliquait que le modèle portait l'empreinte de la personnalité de son auteur et était original, la cour d'appel ne pouvait, pour refuser toute protection sur le fondement du droit d'auteur, énoncer que la société Impex n'indiquait ni ne démontrait pas dans ses écritures que le modèle était une œuvre de l'esprit originale devant bénéficier de la protection au titre du droit d'auteur sans méconnaître les termes du litige tels qu'ils étaient fixés par ces conclusions, en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ; 2°) qu'après avoir elle-même constaté que le modèle de sac présentait un caractère individuel qui le rendait protégeable en tant que modèle communautaire déposé, la cour d'appel devait en déduire qu'il portait l'empreinte de la personnalité de son auteur et qu'il était original, ce qui le rendait protégeable sur le fondement du droit d'auteur ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a méconnu la portée juridique de ses propres constatations en violation des articles L. 112-1 du Code de la propriété intellectuelle et 96.2 du règlement CE n° 6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires ;

Mais attendu que les articles L. 112-1 du Code de la propriété intellectuelle et 96.2 du règlement CE n° 6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires n'imposent pas un cumul total ou de plein droit des protections qu'ils instituent, mais autorisent seulement un tel cumul lorsque les possibilités respectives des différentes protections sont satisfaites, de sorte que la cour d'appel n'a méconnu ni les termes du litige ni la portée de ces textes en examinant si les conditions de la protection spécifique, par le droit d'auteur, du modèle communautaire enregistré étaient réunies ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu que la société Impex fait grief à l'arrêt de rejeter son action en contrefaçon de modèle alors, selon le moyen : 1°) que la protection conférée par le dessin ou le modèle communautaire s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l'utilisateur averti une impression visuelle globale différente ; que le juge ne peut écarter la contrefaçon que s'il existe une différence claire entre l'impression globale produite par le modèle revendiqué sur un utilisateur averti et celle produite sur lui par le modèle argué de contrefaçon, compte tenu du produit auquel le modèle s'applique, du secteur industriel dont il relève et du degré de liberté du créateur dans l'élaboration du modèle ; que pour décider que le sac incriminé ne produisait pas sur le " public averti " une même impression visuelle globale que le modèle de la société Impex, la cour d'appel s'est bornée à retenir que si les produits présentaient entre eux certaines ressemblances, le modèle revendiqué avait " une forme nettement plus ovoïde " un renflement sensiblement de même forme ovoïde sur la face avant ", ainsi que " des contrastes de couleur " ; qu'en se fondant ainsi sur la seule constatation de différences entre les produits sans expliquer en quoi ces différences procuraient, malgré les ressemblances qu'elle a relevées, une impression globale différente, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence d'une différence claire entre l'impression globale produite respectivement par les produits en présence, compte tenu de leur nature et du secteur industriel dont ils relevaient, sur un utilisateur averti et qui a constaté, au contraire, qu'il existait de nombreuses formes possibles de conditionnements pour chaînes à neige, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 10 du règlement CE n° 6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires et L. 515-1 du Code de la propriété intellectuelle ; 2°) que tout jugement doit être motivé ; que la cour d'appel ne pouvait énoncer, par motifs propres, qu'il n'était pas démontré que les caractéristiques du modèle revendiqué par la société Impex - au nombre desquelles figuraient deux demi-coques reliées par une fermeture éclair, une fenêtre transparente sur au moins une face, une poignée souple sur chaque demi-coque avec une partie auto-agrippante et quatre plots en plastique sur le fond du sac - présentaient un caractère purement technique pour contenir des chaînes à neige d'automobiles et, par motifs adoptés du jugement, que ces éléments étaient " largement commandés par des impératifs fonctionnels liés au transport de deux jeux de chaînes à neige chacun placé dans une coque " et que les sacs de chaînes à neige pour automobiles présentaient couramment de telles caractéristiques, sans entacher sa décision d'une contradiction qui la prive de motifs, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant retenu que, si les produits en cause présentent deux coques, reliées par une fermeture éclair, une fenêtre transparente sur au moins une face, une poignée souple sur chacune des demi-coques avec une partie auto-agrippante, quatre plots en plastique sur le fond du sac, le modèle n° 365036 a une forme nettement plus ovoïde, un renflement sensiblement de même forme ovoïde sur la face avant, ainsi que des contrastes de couleurs, la cour d'appel, qui n'était pas saisie de conclusions l'invitant à apprécier le degré de liberté du créateur dans l'élaboration du modèle, a pu en déduire que le sac incriminé ne produisait pas sur le " public " averti une même impression visuelle globale ;

Et attendu, d'autre part, que, la cour d'appel n'ayant pas adopté les motifs contraires des premiers juges, elle ne s'est pas contredite ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;

Et sur le troisième moyen : - Attendu que la société Impex fait enfin grief à l'arrêt de rejeter son action en concurrence déloyale et parasitaire alors, selon le moyen : 1°) que la cassation de l'arrêt en ce qu'il rejette l'action en contrefaçon de modèle pour la raison que le produit argué de contrefaçon ne produirait pas, pour l'utilisateur averti, la même impression globale que l'impression produite par le modèle doit entraîner, par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt en ce qu'il rejette l'action en concurrence déloyale fondée sur l'existence d'un risque de confusion entre les produits pour un consommateur moyennement attentif, en application de l'article 625 du Code de procédure civile ; 2°) que tout fait de concurrence déloyale est générateur d'un trouble commercial et implique l'existence d'un préjudice ; que la cour d'appel ne pouvait rejeter l'action en concurrence déloyale au motif que la société Impex n'aurait communiqué aucune information sur les investissements qu'elle consacrait à son produit et dont la société concurrente aurait indûment profité sans rechercher si les actes de concurrence déloyale qu'elle invoquait n'avaient pas entraîné pour elle un trouble commercial impliquant l'existence d'un préjudice, privant ainsi sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, que le rejet du deuxième moyen rend le grief de la première branche sans portée ;

Et attendu, d'autre part, qu'après avoir écarté toute concurrence déloyale de la part de la société Hervé et Philippe Schneider distribution, ce qui impliquait l'absence de préjudice de ce chef, c'est à bon droit que la cour d'appel a examiné, quant au grief de parasitisme, si la société Impex justifiait d'investissements caractérisant l'effort commercial et financier dont elle soutenait que la partie adverse bénéficiait indûment ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.