Cass. com., 29 mars 2017, n° 15-17.165
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Emo (SA), Sib ( SARL), Maigrot (ès qual.)
Défendeur :
Plassier, Courtoux (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Le Bras
Avocat général :
M. Debacq
Avocats :
SCP Piwnica, Molinié, SCP Le Bret-Desaché
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Emo et la société Sib ont consenti le 12 août 2009 à la société Du Design et M. Plassier un contrat de partenariat et de licence de marques ayant pour objet la création originale, la fabrication industrielle, la commercialisation et la promotion de collections de vêtements, celles-ci étant imaginées, créées et promues par M. Plassier et la société Du Design, développées et fabriquées par la société Emo et financées et commercialisées par la société Sib ; que M. Plassier et la société Du Design ont délivré le 15 janvier 2010 aux sociétés Emo et Sib sommation de payer une certaine somme au titre de factures impayées et constaté le 15 février 2010 que, la somme n'étant pas réglée, le contrat était résilié ; que contestant la résiliation, les sociétés Emo et Sib ont assigné M. Plassier et la société Du Design ainsi que M. Courtoux, ès qualités, en paiement de dommages-intérêts ; qu'à titre reconventionnel, M. Plassier a demandé la condamnation in solidum de la société Emo et de la société Sib au paiement de dommages-intérêts et M. Courtoux, ès qualités, leur condamnation pour concurrence déloyale et parasitisme ; que la société Emo a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, M. Maigrot étant désigné mandataire judiciaire ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses première et deuxième branches : - Attendu que les sociétés Emo et Sib font grief à l'arrêt de dire que le contrat de partenariat du 12 août 2009 a été valablement résilié à effet du 15 février 2010, de les condamner en paiement d'une certaine somme au titre des factures impayées, de leur ordonner de cesser toute exploitation ou commercialisation des modèles créés au titre du contrat et de les condamner au paiement de dommages-intérêts pour concurrence déloyale et parasitisme alors, selon le moyen : 1°) que la sommation du 15 janvier 2010 mettait en demeure les sociétés Emo et Sib de payer la somme de 117 195,68 euros en précisant " qu'à défaut et par dérogation au contrat dans la mesure où la situation de la société Du Design est gravement compromise du fait des sociétés Emo et Sib, considérer que la résiliation sera constatée et considérer que la résiliation du contrat est imputable aux sociétés Emo et Sib au titre de leurs manquements " ; que pour considérer que la convention avait été résiliée de plein droit un mois après la délivrance de cette sommation, la cour d'appel a retenu que cette sommation constituait la mise en œuvre de la clause résolutoire prévue au contrat ; que la sommation précisait pourtant expressément " déroger " au contrat ; que la cour d'appel a ce faisant violé les articles 1134 et 1184 du Code civil ; 2°) que la sommation mentionnait que, à défaut de paiement, " la résiliation serait constatée " ; qu'en retenant que la résiliation était acquise de plein droit un mois plus tard sans qu'un nouvel acte soit nécessaire, la cour d'appel a à nouveau violé les articles 1134 et 1184 du Code civil ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que la société Du Design et M. Plassier avaient délivré le 15 janvier 2010 sommation par acte d'huissier de respecter les clauses du contrat qui étaient citées et notamment de régler une certaine somme, d'indemniser la société Du Design et M. Plassier du préjudice subi du fait de l'absence de règlement et de fournir les moyens appropriés à ces derniers pour poursuivre l'exécution du contrat et relevé que la sommation faisait référence à la clause résolutoire de l'article 13.3 du contrat du 12 août 2009, l'arrêt retient que la mention " la résiliation du contrat sera constatée " dans la sommation renvoyait à la résiliation de plein droit du contrat prévue par l'article 13.3 sans qu'un acte distinct et supplémentaire soit exigé ; qu'il relève que les lettres du 15 février 2010 indiquaient que, les sommes qui étaient dues à la société Du Design au titre de l'exécution du contrat de partenariat n'ayant pas été réglées malgré la sommation délivrée le 15 janvier 2010, le contrat était résilié au visa des dispositions de l'article 13.3 ; qu'il en déduit que ces lettres s'étaient bornées à constater la résiliation du contrat en cours ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel a pu retenir que la sommation constituait la mise en œuvre de la clause résolutoire stipulée à l'article 13.3 ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du même pourvoi : - Attendu que les sociétés Emo et Sib font grief à l'arrêt de les condamner au paiement de dommages-intérêts pour concurrence déloyale alors, selon le moyen : 1°) que l'action en concurrence déloyale, qui est subsidiaire, doit être fondée sur des actes distincts de ceux sanctionnés au titre de la contrefaçon ; qu'en condamnant les sociétés Emo et Sib sur le fondement de la concurrence déloyale, sans rechercher si les faits qui leur étaient reprochés ne relevaient pas de la qualification de contrefaçon, la cour d'appel a privé sa décision de base légale sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ; 2°) que les sociétés Emo et Sib indiquaient qu'une action aux fins de contrefaçon sur le fondement de la commercialisation des produits litigieux était pendante devant le Tribunal de grande instance de Paris ; qu'en les condamnant au titre de la concurrence déloyale sans s'expliquer sur l'action en contrefaçon pendante pour les mêmes faits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu qu'étant saisie par M. Courtoux, ès qualités, d'une demande en réparation du préjudice subi par la société Du Design du fait d'actes de concurrence déloyale et parasitisme, la cour d'appel n'était pas tenue de procéder à une recherche qui n'était pas de nature à influer sur la solution du litige, ni de s'expliquer sur l'action en contrefaçon formée dans une instance distincte par M. Plassier ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses troisième et quatrième branches : - Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa première branche : - Vu l'article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; - Attendu que pour rejeter les demandes de dommages-intérêts de M. Plassier dirigées contre la société Emo et la société Sib pour la perte de rémunération subie du fait de l'inexécution du contrat, l'arrêt retient qu'il ne saurait se prévaloir de cette perte résultant de la résiliation du contrat à laquelle il a lui-même procédé ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le créancier peut demander à son cocontractant défaillant non seulement réparation du préjudice que lui cause l'inexécution du contrat, mais encore la résolution elle-même, peu important que celle-ci ait été décidée par lui, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi incident : rejette le pourvoi principal ; Et sur le pourvoi incident : casse et annule, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement ayant débouté M. Plassier de sa demande de dommages-intérêts à l'encontre de la société Emo et la société Sib, l'arrêt rendu le 19 février 2015, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.