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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 2, 23 mars 2017, n° 15-03902

DOUAI

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Lixxbail (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Fontaine

Conseillers :

Mmes André, Cordier

T. com. Douai, du 13 mai 2015

13 mai 2015

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 15 avril 2011, M. X, entrepreneur de travaux forestier, a conclu avec la SA Lixxbail un contrat de crédit-bail portant sur un tracteur forestier de marque Sogedep, acquis par Lixxbail auprès de la SARL MJE pour la somme de 71 760 euros TTC suivant facture du 10 mai 2011 mentionnant 12 000 heures d'utilisation.

Aux termes des conditions particulières du contrat de crédit-bail, il a été convenu de la location du matériel sur une durée irrévocable de 48 mois moyennant le paiement de 48 mensualités de 1 664,73 euros TTC à compter du 11 mai 2011, le contrat de crédit-bail venant à échéance en avril 2015.

Il a par ailleurs été stipulé que le crédit-bailleur s'engageait à faire bénéficier directement au locataire des garanties légales et conventionnelles liées à l'achat du véhicule et, en tant que de besoin, cédait ses droits à l'encontre du fournisseur.

Le matériel a été réceptionné selon procès-verbal du 15 mai 2011.

Alléguant de divers dysfonctionnements et d'un nombre d'heures de travail du véhicule en réalité supérieur à celui qui avait été contractuellement indiqué, M. X a saisi le juge des référés du Tribunal de grande instance de Valenciennes, et obtenu, suivant ordonnance du 13 décembre 2011, la désignation d'un expert, M. D.

Par acte d'huissier du 9 octobre 2012, la SARL MJE a fait assigner la SAS Sodegep, qui avait effectué la révision du tracteur avant sa livraison, afin que l'expertise lui soit opposable.

Selon ordonnance du 6 novembre 2012, le juge des référés a déclaré l'ordonnance de désignation d'expert du 13 décembre 2011 commune à la société Sogedep.

L'expert a déposé son rapport définitif le 26 mars 2013.

Par exploits d'huissier en date des 3 juin 2013 et 10 juin 2013, M. X a fait assigner la SA Lixxail et la SARL MJE devant le Tribunal de grande instance de Valenciennes afin d'obtenir, notamment, la résolution de la vente du 10 mai 2011.

Suivant ordonnance du 13 mars 2014, le juge de la mise en état du Tribunal de grande instance de Valenciennes s'est déclaré cette juridiction incompétente pour connaîtra du litige et a renvoyé l'affaire devant le Tribunal de commerce de Douai.

Courant mars 2015, alors que l'affaire était en délibéré devant le tribunal de commerce, M. X a levé l'option d'achat de manière anticipée.

Par jugement du 13 mai 2015, le Tribunal de commerce de Douai a:

- prononcé la résolution du contrat de vente du 10 mai 2011 portant sur le tracteur forestier de marque Sogedep,

- condamné la SARL MJE a à payer à M. X la somme de 71 760 euros au titre de la restitution du prix de vente du tracteur forestier,

- ordonné la restitution du matériel à la SARL MJE, aux entiers frais de transports et accessoires de la SARL MJE,

- débouté M. X de sa demande de dommages et intérêts,

- dit n'y avoir lieu de prononcer la résiliation du contrat de crédit-bail,

- débouté la SARL MJE et la société Lixxbail de l'ensemble de leurs demandes reconventionnelles, fins et conclusions,

- condamné la SARL MJE à payer la somme de 2 000 euros à M. X et la somme de 500 euros à la société Lixxbail en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la SARL MJE aux entiers dépens en ce compris le coût du procès-verbal de constat de Mme V. du 13 juillet 2011, le coût de la procédure de référé ainsi que le coût du rapport d'expertise taxé à 2 800 euros.

La SARL MJE a interjeté appel par déclaration du 25 juin 2015.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES:

Aux termes de ses conclusions d'appel signifiées par voie électronique le 12 septembre 2016, la SARL MJE demande à la cour d'appel de:

A titre principal, constater que la SARL MJE n'a pas la qualité de vendeur du tracteur forestier litigieux. En conséquence, réformer le jugement dont appel et:

- débouter M. X de l'ensemble de ses demandes.

- le condamner reconventionnellement à payer à la SARL MJE une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- dire n'y avoir de prononcer la résiliation du contrat de crédit-bail,

- le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise judiciaire et les frais de l'instance de référé.

À titre subsidiaire, si la cour devait retenir la qualité de vendeur de la SARL MJE et l'existence d'un vice caché tenant à la différence d'heures d'utilisation:

- constater que la différence d'heures d'utilisation n'est pas un vice d'une importance suffisante pour justifier la résolution de la vente du tracteur forestier.

En conséquence, réformer le jugement dont appel:

- dire et juger que la différence d'heures d'utilisation justifie une simple diminution du prix de vente de 12 975,08 euros,

- condamner la SARL MJE à payer la somme de 12 975,08 euros à M. X,

- le débouter du surplus de ses demandes,

- dire n'y avoir de prononcer la résiliation du contrat de crédit-bail,

- statuer ce que de droit sur l'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens, étant précisé que la mise en cause de la SA Lixxbail par M. X était superflue dans le cadre d'une action estimatoire et que M. X sera tenu au remboursement des frais irrépétibles et des dépens y afférent en première instance comme en cause d'appel.

À titre infiniment subsidiaire, si la cour devait ordonner la résolution de la vente du tracteur forestier à raison de l'existence d'un vice caché tenant à la différence d'heures d'utilisation:

- ordonner la résolution de la vente du tracteur forestier,

Vu l'article 1646 du Code civil et à défaut de preuve de la mauvaise foi du vendeur,

- condamner la SARL MJE à rembourser le prix de vente du tracteur forestier, en contrepartie de la restitution du véhicule,

- débouter M. X du surplus de ses demandes,

- statuer ce que de droit sur l'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens.

La société MJE fait valoir en premier lieu que les conditions de la garantie des vices cachés du vendeur ne sont pas remplies aux motifs que:

- elle n'a pas la qualité de vendeur, n'ayant jamais été propriétaire du tracteur litigieux mais seulement locataire au titre d'une location financière souscrite auprès de la société G Finance suivant premier contrat du 12 novembre 2007, mentionnant que la matériel est la propriété d'Oséo Financement, puis second contrat de location du 30 novembre 2009 mentionnant que le tracteur est la propriété de CMCIC Bail,

- la société G. Finances ayant donné son accord à la vente du tracteur à M. X, la responsabilité de la SARL MJE ne peut être recherchée sur le fondement de la garantie des vices cachés,

- l'existence d'un vice caché au jour de la vente rendant le tracteur impropre à un usage normal n'est pas démontrée, la différence de plus de 15 % entre les heures indiquées sur l'écran du tableau de bord et les heures enregistrées dans le calculateur moteur, seul désordre retenu par l'expert, n'étant pas de nature à rendre difficile ou impossible son utilisation,

- l'expert ne qualifie pas ni n'établit que les pannes à répétition affectant le tracteur soient dues à un vice caché, ces pannes pouvant être imputables à un défaut d'entretien, de fabrication de certaines pièces ou d'une usure prématurée due à une mauvaise utilisation.

A titre subsidiaire, la société MJE soutient que:

- à supposer même que le tracteur soit impropre à un usage normal, la différence d'heures d'utilisation n'est pas suffisamment grave pour justifier la résolution de la vente, alors en outre qu'il peut y être facilement remédié,

- seule l'action estimatoire est ouverte à l'acquéreur, correspondant à la moins-value estimée par l'expert, majorée du coût du remplacement de l'écran du tableau de bord, soit une valeur totale de 12 975,08 euros (18 % du prix de vente).

A titre infiniment subsidiaire, si la résolution de la vente était ordonnée, l'appelante fait valoir, au visa de les articles 1645 et 1646 du Code civil que:

- elle ignorait les vices de la chose, de sorte qu'elle ne peut être tenue qu'à la restitution du prix de vente et du remboursement des frais occasionnés par la vente, à l'exclusion de tout autre dommage,

- contrairement à ce qu'indique l'expert, le représentant de la SARL MJE n'avait pas plus de compétences techniques que M. X ni le matériel nécessaire pour détecter l'existence d'une différence d'heures d'utilisation, les interventions d'entretien et de réparations ayant toutes été confiées par MJE à la société Sogedep,

- la différence d'heures d'utilisation sur les factures d'entretien ou de réparation, séparées de plusieurs mois, n'est pas de nature à attirer l'attention du client non averti, l'impartialité de la société Sogedep, qui affirme que MJE en avait connaissance, étant douteuse.

Enfin, la société MJE s'oppose à la demande de M. X tendant à ce qu'il ne soit ordonné que la restitution du prix de vente à hauteur de 61 760 euros et non la restitution du tracteur, soutenant que la facture produite par M. X portant sur la vente du matériel en cours d'instance pour la somme de 10 000 euros ne suffit pas à établir que la vente a bien eu lieu pour ce prix.

Aux termes de ses conclusions d'appel signifiées par voie électronique le 14 septembre 2016, M. X demande à la cour d'appel, au visa des article 1109, 1134, 1641, 1644 et 1645 du Code civil, de confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Douai en date du 13 mai 2015 en ce qu'il a :

- prononcé la résolution du contrat de vente du 10 mai 2011 concernant le tracteur forestier de marque Sogedep type SF 25,

- dit n'y avoir lieu à prononcer la résiliation du contrat de crédit-bail,

- débouté la SARL MJE et la société Lixxbail de l'ensemble de leurs fins, conclusions et demandes reconventionnelles,

- condamné la SARL MJE à payer la somme de 2 000 euros à M. X et la somme de 500 euros à la Société Lixxbail en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi que les dépens.

De réformer le jugement pour le surplus et, constatant que le tracteur litigieux a été revendu pendant le cours de la procédure :

- condamner la SARL MJE à payer à M. X la somme de 61 760 euros au titre de la restitution du prix de vente du tracteur,

- dire n'y avoir plus lieu à restitution en nature dudit tracteur par M. X,

- condamner la SARL MJE à lui payer la somme complémentaire de 24 135,99 euros à titre de dommages et intérêts,

- débouter la Société Lixxbail et la Société MJE de toutes leurs demandes fins et conclusions plus amples ou contraires en ce qu'elles sont dirigées contre lui,

- condamner la SARL MJE à lui payer une indemnité procédurale justement fixée à la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés à la cour, et aux entiers dépens.

S'agissant des contestations soulevées par MJE sur sa qualité de vendeur, M. X réplique que:

- la société MJE ne peut prétendre ne pas être propriétaire du tracteur alors que les factures correspondent bien à une vente entre MJE et M. X et entre MJE et Lixxbail, MJE n'ayant jamais fait état de sa qualité de locataire,

- si tel était le cas, MJE s'est comportée comme propriétaire apparent, de sorte que M. X pouvait légitimement croire en ses droits sur le tracteur,

- en tout état de cause, la société G Finance a donné son accord à la vente, laquelle ne peut donc être remise en question,

- il est constant en doctrine comme en jurisprudence que le vendeur ne doit pas nécessairement être propriétaire du bien vendeur au moment de la vente. Il suffit d'avoir cette qualité au moment du transfert de propriété.

Sur l'existence du vice caché et la mauvaise foi du vendeur, M. X fait valoir que:

- la différence d'heure de 15 % entre les heures indiquées sur le tableau de bord et le calculateur moteur, l'usure non précisée à l'achat, les pannes à répétition relevées par l'expert, constituent des dysfonctionnements et vices rédhibitoire tant ils sont de nature à diminuer fortement l'usage du tracteur,

- un tracteur qui accuse un nombre d'heures d'utilisation plus importante que prévu a une valeur moindre, rendra à moyen et long termes moins de service effectif et générera plus de frais d'entretien.

- s'il avait eu connaissance de ces défauts, il n'aurait jamais acquis ledit tracteur. quel présente un degré d'utilisation plus important que ce qu'il avait envisagé.

- MJE a vendu un engin entaché de vices dont elle avait parfaitement connaissance et que lui-même ne pouvait les détecter,

- MJE, propriétaire ou utilisateur du tracteur depuis 2007, est de mauvaise foi car toutes les factures d'entretien et d'intervention, en sa possession, présentent des anomalies affectant le nombre d'heures, ce que confirme la société Sogedep.

Sur les conséquences de la résolution, M. X indique que:

- il a été contraint de revendre le tracteur pour le prix de 10 000 euros compte tenu de son état,

- au regard de l'impossibilité matérielle de restitution en nature, qui ne fait pas obstacle à l'effet rétroactif de la vente, une restitution par équivalent doit être ordonnée, de sorte que, le prix de vente se déduisant de la somme qui doit être restituée par MJE, celle-ci devra être condamnée à lui payer la somme de 61 760 euros.

Sur le sort du contrat de crédit bail, M. X explique que:

- devenu propriétaire du bien et subrogé dans les droits de Lixxbail à compter de la levée d'option en mars 2015, il ne maintient pas sa demande d'annulation du contrat de crédit-bail,

- pour le même motif, la demande de résiliation formée par Lixxbail ne peut prospérer,

- non responsable de la résolution du contrat de vente, il ne saurait être tenu de garantir une quelconque condamnation au profit de Lixxbail,

- l'indemnité forfaitaire de 5 % constitue une clause pénale manifestement excessive et sans cause réelle,

- les stipulations du contrat de crédit-bail aux termes desquelles la société Lixxbail a cédé ses droits et actions à l'encontre du fournisseur s'opposent à ce que la société Lixxbail puisse demander la condamnation de la société MJE au paiement de la somme de 71 760 euros TTC,

- il n'a aucune observation à formuler sur la demande de Lixxbail tendant à sa mise hors de cause en cas de non résolution judiciaire du contrat de vente.

Aux termes de ses conclusions d'appel signifiées par voie électronique le 30 décembre 2015, la SA Lixxbail demande à la cour d'appel de:

A titre principal,

- la mettre hors de cause,

- confirmer le jugement déféré en ce que les premiers juges ont dit n'y avoir lieu à prononcer la résiliation du contrat de crédit-bail et condamné la SARL MJE à payer à la SA Lixxbail la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles outre le bénéfice des dépens.

Subsidiairement,

- lui donner acte qu'elle s'en rapporte à la sagesse de la cour pour déterminer s'il existerait en l'espèce un quelconque motif suffisant susceptible de justifier la résolution du contrat de vente de matériel objet du contrat de crédit-bail n° 262844BB0, et ce aux torts exclusifs de la SARL MJE ; et, en conséquence,

1) Dans l'hypothèse où la cour entendrait confirmer le jugement déféré en ce que les premiers juges ont prononcé la résolution du contrat de vente, et ce aux torts exclusifs de la SARL MJE, il lui est demandé de :

- constater, dire et juger que le contrat de crédit-bail n° 262844BB0 est parvenu à son terme suite au rachat anticipé effectué par M. X ; et, en conséquence,

- mettre la SA Lixxbail hors de cause

Subsidiairement, si la cour entendait prononcer la résiliation du contrat de crédit-bail n° 262844BB0 à une date antérieure à la cession anticipée du matériel au profit de M. X:

- constater, dire et juger que la cession anticipée du matériel objet du contrat de crédit-bail n° 262844BB0 au profit de M. X est nulle et de nulle effet ; et, en conséquence,

- débouter M. X de sa demande visant à voir restituer à son profit la somme TTC de 71 760,00 euros correspondant au prix d'acquisition par la SA Lixxbail du matériel objet du contrat de crédit-bail n° 262844BB0 ;

- condamner la SARL MJE à payer à la SA Lixxbail la somme TTC de 71 760,00 euros en remboursement du prix d'achat du matériel en cause, outre intérêts de retard calculés au taux de 1 % par mois entre la date du règlement du prix d'achat dudit matériel et le jour du prononcé du jugement à intervenir,

- dire et juger que M. X garantira au profit de la SA Lixxbail l'obligation de remboursement mise à la charge de la SARL MJE,

- condamner M. X à payer à la SA Lixxbail la somme TTC de 3 995,35 euros au titre de l'indemnité forfaitaire égale à 5% du montant total des loyers prévus aux conditions particulière du contrat de crédit-bail n° 262844BB0, et ce en compensation du manque à gagner de la SA Lixxbail consécutif à la résiliation dudit contrat,

- dire et juger qu'il incombe à M. X de restituer à la SARL MJE le matériel en cause, ainsi que les documents techniques et/ou administratifs y afférents, et ce aux frais de la SARL MJE,

- débouter M. X de toutes ses demandes, fins, moyens et prétentions,

2) Dans l'hypothèse où la cour rejetterait la demande de résolution du contrat de fourniture de matériel, il est demandé à la cour de :

- constater, dire et juger que le contrat de crédit-bail n° 262844BB0 est parvenu à ton terme suite au rachat anticipé effectué par M. X,

- mettre la SA Lixxbail hors de cause.

En toute hypothèse :

- débouter la SARL MJE de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et prétention dirigées à l'encontre de la SA Lixxbail,

- condamner la partie qui succombera à payer à la SA Lixxbail la somme de 5 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la partie qui succombera aux entiers frais et dépens de l'instance.

La SA Lixxbail sollicite en premier lieu sa mise hors de cause aux motifs que M. X, qui a exécuté ses engagements et acquis le matériel objet du contrat de crédit-bail en procédant au règlement anticipé des dernières échéances dues et en levant l'option d'achat, est devenu propriétaire du tracteur forestier, de sorte que Lixxbail n'est plus concernée par cette procédure.

Subsidiairement, dans l'hypothèse où elle ne serait pas mise hors de cause, la SA Lixxbail, qui précise s'en rapporter sur la résolution du contrat de fourniture de matériel, entend faire les observations suivantes:

1) En cas de confirmation de la résolution de la vente du matériel, Lixxbail fait valoir que:

- il conviendra, compte tenu du rachat anticipé du matériel par M. X et du terme du contrat de crédit-bail, de confirmer également la disparition du contrat pour l'avenir et non sa remise en cause de manière rétroactive,

- subsidiairement, la résolution du contrat de vente du matériel en raison des dysfonctionnements allégués par M. X ne peut en aucun cas conduire à la résolution du contrat de crédit-bail mais seulement à sa résiliation,

- il en résulte que les loyers réglés jusqu'au prononcé de la résolution de la vente demeure acquis au bailleur,

- devrait aussi être prononcée la nullité de la cession anticipée au profit de M. X, la résiliation du contrat de crédit-bail rendant impossible la cession du matériel au profit du preneur,

- si la cour devait prononcer la résiliation du contrat de crédit-bail, MJE devrait lui rembourser la prix d'achat du matériel et les intérêts de retard, en exécution de l'article 5 3) des conditions générales du contrat de crédit-bail aux terme du contrat, M. X devrait la garantir de cet obligation de remboursement mise à la charge de la SARL MJE et être condamné à lui verser une indemnité forfaitaire égale à 5% du montant total des loyers prévus aux conditions particulières du contrat de crédit-bail, soit la somme de 3 995,35 euros.

Lixxbail rappelle qu'en cas de résolution de la ventre, seule la résiliation du contrat de crédit-bail, qui n'a d'effet que pour l'avenir, peut être prononcée, non sa résolution, de sorte qu'en l'espèce, le contrat étant parvenu à son terme, il ne peut y avoir de résiliation.

La crédit-bailleresse indique qu'elle a exécuté ses obligations contractuelles et n'a aucune responsabilité dans les dysfonctionnements allégués par M. X; celui-ci ne peut prétendre faire peser sur Lixxbail le coût du crédit accordé.

2) En cas de rejet de la demande de résolution judiciaire du contrat de vente, Lixxbail fait valoir qu'elle doit être mise hors de cause, le contrat de crédit-bail ayant épuisé ses effets puisque M. X s'est acquitté de ses obligations à son égard et a acquis le matériel.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la résolution de la vente

Sur la qualité de vendeur de la SARL MJE

L'article 31 du Code de procédure civile dispose que " l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé ".

Aux termes de l'article 1641 du Code civil, dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016, applicable au présent litige, " le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rende impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminue tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un prix moindre, s'il les avait connus ".

Il ressort des pièces versées aux débats par l'appelante que le tracteur forestier litigieux a fait l'objet d'un premier contrat de location financière, en date du 12 novembre 2007, d'une durée de 48 mois, entre la société G Finance et la SARL MJE, ledit contrat mentionnant que le matériel était la propriété d'Oséo Financement (pièces 1 à 4), puis d'un second contrat de même nature le 30 novembre 2009, d'une durée de 36 mois (prenant fin le 19 décembre 2012), entre les mêmes parties, le propriétaire étant désormais la société CM CIC Bail (pièces 5).

Il est donc clairement établi que lors de la vente du tracteur à la société Lixxbail, le 10 mai 2011, la société MJE n'était que locataire du tracteur cédé.

Il est par ailleurs constant et prouvé par les pièces produites, que c'est la société MJE, désignée comme "le fournisseur" dans le contrat de crédit-bail qui, bien que non propriétaire, a vendu le tracteur forestier à Lixxbail (pièces 2, 3, 5 de Lixxbail et 6 de MJE).

L'appelante en déduit que sa responsabilité sur le fondement de la garantie due par le vendeur à raison des vices cachés ne peut être recherchée faute d'avoir la qualité de propriétaire du tracteur litigieux.

Cependant la garantie des vices cachés n'est pas liée à la propriété mais à la vente et il importe peu, pour l'application de l'article 1641 du Code civil que le vendeur soit, dans ses rapports avec l'acquéreur, le vendeur de la chose d'autrui.

Or, la société MJE s'est présentée comme le vendeur du tracteur, a procédé à sa livraison, a établi la facture à son nom et en a perçu le prix.

Dès lors, d'une part, qu'elle s'est comportée comme le vendeur du véhicule, d'autre part, qu'elle n'a pas fait connaître à l'acquéreur une éventuelle qualité de mandataire, qu'au demeurant elle n'invoque même pas, la SARL MJE doit personnellement supporter les obligations attachées à la vente, notamment la garantie des vices cachés.

Sur l'existence d'un vice caché

Selon l'article 1641 déjà cité, la mise en jeu de la garantie des vices cachés est subordonnée aux conditions suivantes:

- le défaut affectant la chose est caché, l'article 1642 du même Code précisant que le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre; le caractère caché ou apparent d'un vice s'apprécie in concreto,

- ce défaut doit rendre la chose impropre à l'usage auquel on la destine, ou en diminuer tellement l'usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou en aurait donné un moindre prix s'il l'avait connu. Le vice s'apprécie par rapport à la destination de la chose selon une conception fonctionnelle, la destination pouvant être immuable ou varier selon la perspective retenue par les parties,

- le vice doit être existant lors de la vente elle-même, précisément à l'instant du transfert de propriété.

Il résulte par ailleurs de l'article 1604 du même Code, dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016, applicable au présent litige, que le vendeur est tenu de l'obligation de délivrer une chose conforme aux caractéristiques convenues par les parties.

En l'espèce, suivant procès-verbal en date du 13 juillet 2011, Me Van Dan B., huissier de justice requis par M. X, lui-même alerté par la société en charge des réparations sur l'engin, a constaté que l'écran intégré au tableau de bord du tracteur forestier indiquait un temps de travail de 12 379 heures alors que l'ordinateur branché directement sur le calculateur moteur fait état d'un temps de 14 792 h 47 mns.

Lors de sa première expertise, réalisée le 21 mars 2012, l'expert M. D. a relevé 15 420 heures sur le calculateur moteur et 12 952 heures sur l'horamètre du tableau de bord, soit une différence d'utilisation de 2 468 heures, soit encore, plus de 15 %.

L'expert indique que cette anomalie, d'une part, ne pouvait pas être détectée par M. X car il était nécessaire de posséder une ordinateur portable spécifique à ce matériel, d'autre part apparaît à la lecture des différentes factures d'entretien et de réparation établies par la société Sogedep alors que MJE en était l'utilisatrice.

M. D. conclut que ce "dysfonctionnement" n'est pas de nature à rendre difficile ou impossible l'utilisation du tracteur mais que celui-ci présente une usure d'utilisation plus importante que celle envisagée par M. X.

Enfin, l'expert observe que le tracteur n'a fonctionné que durant 469 heures en 9 mois en raison des nombreuses pannes l'ayant affecté.

Ainsi que le relève justement la société MJE, la ou les causes de ces pannes ne sont pas déterminées, ni par l'expertise, l'expert n'ayant pas mené d'investigation technique sur ce point, ni par aucune autre pièce versée aux débats. Ainsi, il n'est pas établi que ces "pannes à répétition" soient dues à un défaut inhérent au tracteur, étant observé qu'elles pourraient être la conséquence de multiples autres facteurs (vétusté, défaut d'entretien, usure prématurée due à de mauvaises conditions d'utilisation...).

L'existence d'un vice caché ne saurait donc être déduite de ces pannes.

Par ailleurs, ainsi que le relève l'expert, la différence de l'ordre de 15 % relative au nombre d'heures d'utilisation du matériel entre ce qui avait été contractuellement prévu (12 000 heures) et la réalité, ne le rend pas impropre à l'usage auquel on le destine, le tracteur pouvant être utilisé dans toutes ses fonctionnalités et répondre aux services attendus.

Egalement, et pour la même raison, le fait que l'engin rendra à moyen et long terme un service effectif moindre et qu'il générera plus de frais d'entretien n'en diminue pas l'usage au sens des dispositions de l'article 1641 du Code civil, cette circonstance étant seulement de nature à diminuer la durée d'utilisation du matériel telle qu'elle était escomptée par l'acquéreur et à lui faire supporter plus tôt les frais due à la vétusté, mais non à rendre difficile ni même à seulement gêner, l'usage auquel il est destiné.

Enfin, le simple fait que cette anomalie sur la durée d'utilisation n'ait pas été détectable par l'acquéreur ne suffit pas à lui faire revêtir la qualification de "vice caché" au sens des dispositions précitées.

Il convient en conséquence de réformer le jugement et de débouter M. X de sa demande de résolution du contrat de vente, étant précisé que la cour, saisie d'une demande fondée sur l'existence d'un vice caché dont la preuve n'est pas rapportée, n'est pas tenue de changer la dénomination ou le fondement juridique de la demande et de rechercher d'office si cette action pouvait être fondée sur un manquement du vendeur à son obligation de délivrance.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par M. X

Aux termes de l'article 1645 du Code civil, dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016, applicable au présent litige, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.

La demande de résolution du contrat sur le fondement de la garantie des vices cachés étant rejetée, il convient de débouter M. X de sa demande de dommages et intérêts.

Sur le contrat de crédit-bail

Ainsi que le relève la société Lixxbail, la cour, sans qu'il y ait lieu de mettre l'intimée hors de cause, ne peut que constater que M. X s'est acquitté de ses obligations à l'égard du crédit-bailleur, qu'il a acquis le matériel objet de ce contrat et que ce dernier a épuisé ses effets.

Sur les frais et dépens

M. X, qui succombe en ses prétentions, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais de l'instance en référé et les frais d'expertise judiciaire.

L'équité commande de rejeter les demandes de la SARL MJE et de M. X formées au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Lixxbail les frais qu'elle a exposés non compris dans les dépens. M. X sera condamné à lui verser la somme de 2 000 euros à ce titre.

Par ces motifs Reforme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il déboute M. X de sa demande de dommages et intérêts. Statuant à nouveau des chefs réformés et Y Ajoutant: Deboute M. X de sa demande de résolution du contrat de vente portant sur le tracteur forestier de marque Sogedep type SF 25. Dit n'y avoir Lieu en conséquence à restitution du prix de vente ni à restitution du matériel. Constate que le contrat de crédit-bail conclu entre M. X et la SA Lixxbail est parvenu à son terme. Deboute la SARL MJE de sa demande formée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Deboute M. X de sa demande formée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne M. X à payer à la SA Lixxbail la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne M. X aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais de l'instance en référé et les frais d'expertise judiciaire.