CA Pau, 1re ch., 28 mars 2017, n° 17-1358
PAU
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Stodim (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Sartrand
Conseillers :
Mm. Castagne, Darracq
Faits et procédure :
Le 15 octobre 2011, M. et Mme de A. ont commandé une cuisine intégrée d'une valeur de 9 000 euro à la SARL Stodim.
Le 28 décembre 2011, M. et Mme de A. ont signé un bon de commande rectificatif d'une valeur de 9 450 euro.
La date de pose de la cuisine est fixée au 15 mars 2012.
La livraison est intervenue le 7 mars 2012.
Le prix a été entièrement payé par les acheteurs.
M. et Mme de A. considèrent que la marchandise livrée n'est pas conforme à la commande et que son installation a été retardée en raison de ces défauts. Ils ont sollicité la SARL Stodim afin d'obtenir l'installation définitive de leur cuisine et le paiement de pénalités de retard.
Le 30 juillet 2012, un rapport d'expertise privée effectuée à la demande des époux de A. précisait que ces désordres concernaient la hotte aspirante, un panneau de bois rajouté, des poignées de meubles mal posées, des caissons plus clairs que les façades et une huche à pain de 30 cm au lieu de 40 cm.
Faute d'intervention du vendeur, dans le cadre d'une procédure de référé à la requête des époux de A. et par ordonnance en date du 13 janvier 2014, M. G. était désigné en qualité d'expert ; il déposait son rapport le 12 mars 2014.
Par acte d'huissier en date du 12 juin 2014, M. et Mme de A. ont fait assigner la SARL Stodim devant le tribunal d'instance de Tarbes afin d'obtenir, sur le fondement d'un défaut de conformité, sa condamnation à leur payer les sommes de 6 352,45 euro pour remplacement des meubles et 1 417,50 euro pour pénalités de retard.
Par jugement en date du 21 mai 2015, le tribunal d'instance de Tarbes a déclaré recevables les demandes de M. et Mme de A., a dit que la cuisine livrée et posée par la SARL Stodim n'était pas conforme à la cuisine commandée et qu'elle était atteinte de désordres, a condamné la SARL Stodim à payer à M. et Mme de A. la somme de 6 352,45 euro au titre des travaux de reprise et 1 417,50 euro au titre de pénalités de retard.
Suivant déclaration enregistrée au greffe de la Cour le 16 juin 2015, la SARL Stodim a relevé appel de cette décision.
Moyens et prétentions des parties :
Dans ses dernières conclusions en date du 15 septembre 2015, la SARL Stodim demande à la Cour de réformer le jugement déféré, de débouter les consorts de A. de leurs demandes et subsidiairement, s'il y avait lieu à application de pénalités de retard, de juger que ces pénalités ne sauraient excéder la somme de 391,30 euro.
Elle réclame 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions en date du 13 novembre 2015, M. et Mme de A. demandent à la Cour de confirmer le jugement déféré et de leur allouer en outre la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est en date du 28 octobre 2016.
SUR QUOI
Il n'est ni contestable ni contesté que M. et Mme de A. ont signé le 28 décembre 2011 le bon de commande de la cuisine litigieuse, que ce bon de commande porte la mention " confirme et remplace, avec les modifications apportées, le bon de commande initial du 15 octobre 2011 ".
M. et Mme de A. fondent leur demande principale d'indemnisation sur les dispositions des articles 1602 et suivants du Code civil et notamment sur celles de l'article 1604 qui prévoit l'obligation de délivrance conforme de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur.
En droit, pour la mise en œuvre de ces dispositions légales, on considère que la preuve de la non-conformité, qui est à la charge de l'acquéreur, résulte du constat de l'existence d'une différence de la chose vendue avec les caractéristiques convenues, notamment dans le bon de commande.
Il convient donc de prendre en considération les énonciations du seul bon de commande du 28 décembre 2011 qui a remplacé celui du 15 octobre 2011, étant précisé que l'expert judiciaire M. G. a dit que " la description de ce bon de commande n° 2 semblait se rapprocher de ce qui a été réalisé.
Par ailleurs, les conclusions des deux parties se réfèrent au seul bon de commande du 28 décembre 2011, notamment en ce qui concerne la date de livraison convenue, soit le 15 mars 2012, ainsi que les conditions générales de vente invoquées.
De l'expertise judiciaire contradictoire de M. G., il résulte notamment que la liste des défauts ou malfaçons allégués comporte cinq points litigieux sur lesquels il convient de revenir :
1 - En ce qui concerne la hotte aspirante : sa hauteur d'implantation par rapport à la plaque de cuisson est de 73 cm ; les fabricants de ces appareils recommandent une fixation à une hauteur comprise entre 55 et 65 cm ; selon l'expert, l'implantation plus haute de cette hotte a certainement une incidence sur l'efficacité de l'aspiration ; toutefois, ces recommandations ne constituent pas des règles ou normes d'implantation. La Cour observe en outre que cette précision de hauteur ne figure pas dans le bon de commande. Par ailleurs, il n'est pas soutenu que cette hauteur d'implantation de hotte soit mentionnée dans les documents annexes ; enfin, la preuve d'un défaut de fonctionnement de la hotte n'est pas rapportée. Par conséquent, ce grief ne sera pas retenu au titre d'un défaut de conformité de la chose vendue au sens des dispositions de l'article 1604 du Code civil.
2 et 4 - En ce qui concerne les panneaux de bois rajoutés par la SARL Stodim pour couvrir la façade visible du meuble : l'expert indique qu'il s'agit d'un habillage grossier posé sur des caissons de couleur bois, que cet habillage grossier est inesthétique. Ces panneaux viennent en surépaisseur comme des pièces rapportées et sont totalement inutiles. Sur ce point, la Cour constate que dans une lettre en date du 2 juillet 2011, la SARL Stodim a reconnu qu'à la suite d'une erreur de l'usine, elle devait installer quatre panneaux dont la réception était prévue la semaine n° 28. Sur ce point particulier, iI résulte donc des constatations de l'expert et des écrits du vendeur, mis en cohérence, que le matériau fourni aux acheteurs n'était pas conforme à la commande et que le vendeur a cru devoir en masquer grossièrement les conséquences en apposant des panneaux de bois en surépaisseur, totalement inutiles et inesthétiques. Ce grief entre dans les prévisions des dispositions de l'article 1604 du Code civil et constitue un défaut de conformité ; en effet, pour l'appréciation de l'étendue de l'obligation de délivrance faite au vendeur, il doit être tenu compte des caractéristiques en considération desquelles la vente a été conclue, et notamment des caractéristiques d'ordre esthétique, la dimension esthétique étant importante dans l'achat et l'implantation d'une cuisine intégrée.
3 - En ce qui concerne les poignées de meubles non posées horizontalement : l'expert conclut que les acheteurs avaient fait une demande précise concernant l'implantation de ces poignées qui n'a pas été réalisée conformément au plan et dessins fournis. Il s'agit donc également d'un défaut de conformité dont la conséquence est l'obligation de changer la façade sur laquelle chaque poignée a été visée.
5 - En ce qui concerne la huche à pain : la huche commandée initialement était de 40 cm, une huche de 30 cm a été livrée, toutefois, cette modification de dimension de la huche a été mentionnée sur le descriptif du deuxième bon de commande mais elle ne figure pas sur le plan de cuisine fourni avec ce document. Par conséquent, le défaut de conformité sera retenu dans la mesure où l'implantation d'une huche à pain moins large a entraîné un décalage du plan de cuisson de 10 cm qui ne s'imposait pas techniquement selon l'expert.
Les conclusions de l'expert soulignent le caractère essentiellement esthétique du préjudice subi par les acheteurs.
Sur le montant du préjudice, l'expert l'a chiffré à une valeur équivalente au prix spécifié dans le bon de commande pour l'ensemble des points 1 à 5 de son expertise, soit 6 352,45 euro.
Le premier juge a retenu ce montant alors que le point n° 1 concernant l'implantation de la hotte n'a pas été retenu au titre des défauts de conformité.
En droit, les juges du fond disposent d'un pouvoir souverain d'appréciation pour fixer les modalités de réparation du préjudice résultant d'un défaut de conformité et l'acquéreur qui demande, non la résolution de la vente, comme c'est le cas en l'espèce, mais l'allocation de dommages-intérêts doit justifier l'existence d'un préjudice.
Le préjudice établi est donc relatif à la réparation des défauts de conformité n° 2 à 5, il s'agit d'un préjudice esthétique, le changement de la totalité des meubles ne s'imposent pas en tant que mesure de réparation dès lors que le changement des seules façades ou portes est suffisant, notamment en ce qui concerne l'implantation des poignées visées ; par ailleurs, comme le relève l'expert, le bon de commande n° 2 précisait que des changements de teinte étaient possibles pour certaines parties du mobilier ; il n'y a donc pas lieu de changer les étagères ou autres montants et supports.
Par conséquent, le montant du préjudice ne doit pas être chiffré à la somme de 6 352,45 euro.
Il convient donc d'infirmer le jugement déféré sur ce point et de fixer à la somme de 2 500 euro le montant de l'indemnisation revenant à M. et Mme de A..
Sur les pénalités de retard :
L'article 6-3 des conditions générales de vente prévoit des indemnités en faveur de l'acheteur en cas de retard ; toutefois, cet article 6-3 qui est à replacer au paragraphe 6 desdites conditions générales concerne uniquement les pénalités dues en cas de retard de livraison de la chose ; or, en l'espèce, le retard allégué s'analyse comme un défaut d'exécution de l'obligation de délivrance conforme, dans les limites ci-dessus rappelées.
On rappellera que l'existence de défauts fonctionnels de la cuisine ou de ses éléments n'est ni établie ni soutenue par les acquéreurs qui ne contestent pas son installation à la date du 15 mars 2011.
La cuisine a été livrée le 7 mars 2011 et installée les 8 et 9 mars 2011, dans les délais contractuellement prévus, soit avant le 15 mars 2011, mais elle a présenté les défauts esthétiques décrits ci-dessus. Par conséquent, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 1611 du Code civil qui prévoit que " dans tous les cas, le vendeur doit être condamné aux dommages-intérêts s'il résulte un préjudice pour l'acquéreur du défaut de délivrance au terme convenu " ; en l'espèce, le défaut de délivrance conforme au terme convenu doit donner lieu à paiement de la somme de 500 euro à titre de dommages-intérêts.
Le jugement déféré sera infirmé en ce sens.
La SARL Stodim qui succombe doit les entiers dépens ainsi que la somme de 1 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Infirme le jugement rendu par le Tribunal d'instance de Tarbes le 21 mai 2015 sauf en ce qu'il a statué sur les dépens et frais irrépétibles de première instance. Et, statuant à nouveau, Dit que la SARL Stodim a été défaillante dans son obligation de délivrance conforme de la cuisine intégrée commandée par M. et Mme de A. le 28 décembre 2011. Fixe à la somme de 2 500 euro (deux mille cinq cents euros) le montant du droit à réparation résultant de ce préjudice. Fixe à la somme de 500 euro (cinq cents euros) le montant des dommages-intérêts dus à M. et Mme de A. en raison du défaut de délivrance conforme au terme convenu. Condamne la SARL Stodim à payer à M. et Mme de A. la somme totale de 3 000 euro (trois mille euros). La condamne à leur payer la somme de 1 000 euro (mille euros) en application de l'article 700 du Code de procédure civile. La condamne aux entiers dépens.