TA Caen, 1re ch., 6 avril 2017, n° 1500352
CAEN
Jugement
PARTIES
Demandeur :
Département de la Manche
Défendeur :
Signaux Girod Nord-Ouest (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guillou (rapporteur)
Rapporteur public :
M. Bonneu
Conseillers :
M. Berrivin, Mme Bonfils
Avocats :
Mes Cabanes, Benelli
Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 16 février 2015 et 13 juillet et 10 novembre 2016, le département de la Manche, représenté par Me Cabanes, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de condamner la société Signaux Girod Nord-Ouest à lui verser la somme de 1 070 388 euros avec intérêts à compter de la date à laquelle est survenu le dommage, en réparation du préjudice que lui ont causé les pratiques anticoncurrentielles caractérisées par l'Autorité de la concurrence dans sa décision n° 10-D-39 ;
2°) de mettre à la charge de la société Signaux Girod Nord-Ouest la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision n° 10-D-39 du 22 décembre 2010 de l'Autorité de la concurrence a révélé que plusieurs sociétés fabriquant des panneaux de signalisation routière verticale, dont la société Girod Nord-Ouest, ont constitué un cartel afin de se répartir les marchés publics sur l'ensemble du territoire ; cette pratique a duré de 1997 à 2006 ;
- il a conclu avec la société SAS Signalisation, filiale de la société Signaux Girod, les marchés n° 99-007 du 31 janvier 1999, 02-034 du 18 mars 2002 et 05-018 du 31 mars 2005 ; il recherche la responsabilité sur le fondement de la responsabilité quasi-contractuelle de la société Signaux Girod Nord-Ouest en raison des surcoûts pratiqués dans le cadre des pratiques anticoncurrentielles auxquelles cette dernière s'est livrée ;
- les articles de presse invoqués par la société Signaux Girod Nord-Ouest ne lui permettaient pas de savoir qu'il était titulaire d'un droit à réparation ; il ne pouvait agir avant que le dommage ne soit constaté par l'autorité de la concurrence, dont la décision, qui lui a permis de connaître les faits lui permettant d'exercer une action, a été rendue le 22 décembre 2010 ;
- l'analyse de l'expert est préconisée par la Commission européenne ; l'expert s'est fondé sur des éléments contractuels et comptables ;
Par des mémoires en défense, enregistrés les 19 juin 2015 et 13 juillet et 16 novembre 2016, la société Signaux Girod Nord-Ouest conclut au rejet de la requête et demande au tribunal de condamner le département de la Manche à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la juridiction administrative est incompétente dès lors que lorsqu'une pratique anticoncurrentielle est invoquée par une personne publique à l'encontre d'une personne privée, seul le juge judiciaire est compétent ;
- l'action est prescrite, en application de l'article 2224 du Code civil ; le département de la Manche a eu connaissance des pratiques anticoncurrentielles par les articles parus sur le site du Parisien libéré le 22 juillet 2006, dans le Figaro le même jour, dans le Canard enchainé le 20 décembre 2006, et dans La Dépèche le 12 mars 2007 ; le délai de prescription a couru à compter du 22 juillet 2006 ; il a de nouveau couru à compter du lendemain de la publication de la loi du 17 juin 2008, soit le 19 juin 2008, et le délai a donc expiré le 19 juin 2013 ; le préjudice dont se prévaut le département de la Manche ne résulte pas de la décision de l'Autorité de la concurrence, mais des pratiques anticoncurrentielles ; lors du référé expertise, introduit le 18 septembre 2014, l'action était déjà prescrite ;
- le département n'établit pas un comportement dolosif à l'occasion de la passation des marchés concernés ; deux des six entreprises ayant proposé une offre pour le lot n° 1 du marché n° 05-018 étaient extérieures à l'entente ; elle était mieux disante que la société Nord signalisation, qui n'était pas membre de l'entente ; l'existence d'un surcoût n'est donc pas établie, pas plus qu'un comportement dolosif ;
- le lien de causalité entre la faute et le préjudice n'est pas établi ; l'évolution de son taux de marge de 2002 à 2009 démontre que la période d'entente anticoncurrentielle n'a pas eu d'incidence sur ses prix de vente, lesquels sont restés en rapport constant avec le coût des matières premières ;
- le montant du préjudice allégué n'est pas établi ; l'expert n'aboutit sur ce point qu'à des chiffres approximatifs résultant d'hypothèses théoriques ; le département de la Manche n'a pas transmis de données, notamment de bordereaux de prix, concernant les marchés n° 99-007 et 02-034 ; la méthode contrefactuelle implique une comparaison du scénario contrefactuel avec la situation réelle constatée ;
- c'est à tort que l'expert a pris en compte la période d'exécution du marché n° 05-018 postérieure à mars 2006, date de fin des pratiques anticoncurrentielles ; à cette date le département ne pouvait ignorer les manœuvres anticoncurrentielles et il lui appartenait de résilier ou de ne pas renouveler le marché ;
- le département de la Manche a retenu, en ce qui concerne le marché n° 05-018, une estimation prévisionnelle du prix du marché de 625 241,29 euros, alors qu'elle a formulé une offre de 549 724,99 euros ; le département n'a pas communiqué l'estimation prévisionnelle du prix du marché n° 99-007 ;
- l'expert n'a pris que très partiellement en compte la baisse du coût des matières premières et les innovations technologiques ;
- l'expert ne pouvait prendre en compte un coefficient d'érosion monétaire, dès lors que l'écoulement du temps est uniquement indemnisable par l'octroi d'intérêts.
Le département de la Manche a produit un mémoire enregistré le 10 février 2017 qui n'a pas été communiqué.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- l'ordonnance n° 1401787 du 7 mars 2016, par laquelle le président du tribunal a taxé les frais de l'expertise réalisée par M. Tessier.
Vu :
- le Code civil ;
- le Code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guillou,
- les conclusions de M. Bonneu, rapporteur public,
- et les observations de Me Cabanes, représentant le département de la Manche, et de Me Benelli, représentant la société Signaux Girod Nord-Ouest.
1. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la décision n° 10-D-39 du 22 décembre 2010 de l'Autorité de la concurrence et de l'arrêt du 29 mars 2012 de la Cour d'appel de Paris n° 2011/01228, que plusieurs sociétés fabriquant des panneaux de signalisation routière verticale ont constitué un cartel afin de se répartir les marchés publics sur l'ensemble du territoire, notamment en ce qui concerne les marchés conclus par les collectivités territoriales, que cette pratique a duré de 1997 à 2006 et que la société Signaux Girod Nord-Ouest, anciennement dénommée Société Armoricaine de Signalisation (SAS), est parmi les membres fondateurs de ce cartel et y a activement participé tout au long de la période concernée ; que le département de la Manche a conclu avec la société SAS les marchés à bons de commande n° 99-007 du 31 janvier 1999, 02-034 du 18 mars 2002 et 05-018 du 31 mars 2005 ; que le département de la Manche recherche la responsabilité de la société Signaux Girod Nord-Ouest sur le fondement quasi-contractuel en raison des surcoûts pratiqués dans le cadre des pratiques anticoncurrentielles auxquelles cette dernière s'est livrée ;
Sur la compétence de la juridiction administrative :
2. Considérant que les litiges relatifs à la responsabilité de personnes auxquelles sont imputés des comportements susceptibles d'avoir altéré les stipulations d'un contrat administratif, notamment ses clauses financières, dont la connaissance relève de la juridiction administrative, et d'avoir ainsi causé un préjudice à la personne publique qui a conclu ce contrat, relèvent de la compétence de la juridiction administrative ;
3. Considérant que le présent litige a pour objet l'engagement de la responsabilité de la société Signaux Girod Nord-Ouest en raison d'agissements susceptibles d'avoir conduit le département de la Manche à passer des marchés publics à des conditions de prix désavantageuses et tend à la réparation du préjudice qui résulterait de la différence entre les termes des marchés publics effectivement conclus et ceux auxquels ils auraient dû l'être dans des conditions normales de concurrence ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'un tel litige relève de la compétence de la juridiction administrative ; qu'il y a lieu en conséquence d'écarter l'exception d'incompétence soulevée par la société Signaux Girod Nord-Ouest ;
Sur l'exception de prescription :
4. Considérant que l'article 2224 du Code civil dans sa rédaction issue de l'article 1er de la loi du 17 juin 2008 susvisée, entrée en vigueur le 19 juin suivant, dispose : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. " ; qu'aux termes de l'article 2222 du même Code : " En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure " ;
5. Considérant que la société Signaux Girod Nord-Ouest soutient que l'action du département de la Manche est prescrite, en application de l'article 2224 du Code civil, dès lors qu'il a eu connaissance des pratiques anticoncurrentielles par les articles parus sur le site où les livraisons des journaux Le Parisien libéré le 22 juillet 2006, le Figaro le même jour, et Le Canard enchainé du 20 décembre 2006, et par un article paru sur le site de La Dépêche le 12 mars 2007 et qu'ainsi le délai de prescription aurait couru à compter du 22 juillet 2006, aurait de nouveau couru à compter du lendemain de la publication de la loi du 17 juin 2008, soit le 19 juin 2008, et aurait donc expiré le 19 juin 2013, et qu'en conséquence, à la date d'introduction du référé expertise, le 18 septembre 2014, l'action était déjà prescrite ;
6. Considérant toutefois qu'eu égard à leur caractère général, les articles de presse allégués ne permettaient pas au département de connaître les faits susceptibles de révéler les manœuvres dolosives mises en œuvre par la société avec laquelle il a contracté ;
Sur la responsabilité :
7. Considérant que la société Signaux Girod Nord-Ouest soutient que le département de la Manche n'établit pas que la passation des marchés en litige aurait donné lieu à des manœuvres anticoncurrentielles au sens de l'article 1116 du Code civil ; qu'il résulte toutefois de l'instruction, et notamment des déclarations du président de la société Signaux Girod Nord-Ouest devant l'Autorité de la concurrence, que cette société et ses filiales ont usé des pratiques anticoncurrentielles de façon systématique et généralisée ; que les marchés en litige ont été conclus au cours de la période pendant laquelle l'entente anticoncurrentielle est établie ; que la circonstance alléguée par la société Signaux Girod Nord-Ouest que des entreprises non membres de l'entente ont proposé une offre pour le marché n° 05-018 et que son offre était mieux disante que l'offre de l'une de ces entreprises n'est pas, par elle-même, de nature à établir l'absence de manœuvre dolosive ; que dans ces conditions, le département de la Manche établit suffisamment l'existence d'agissements dolosifs susceptibles d'engager la responsabilité de la société Signaux Girod Nord-Ouest ;
Sur l'imputabilité et le préjudice :
8. Considérant que la société Signaux Girod Nord-Ouest soutient que le lien entre l'entente anticoncurrentielle et les surcoûts allégués n'est pas établi ; que, toutefois, la circonstance alléguée par la société Signaux Girod Nord-Ouest que des entreprises non membres de l'entente ont proposé une offre pour le marché n° 05-018 et que son offre était mieux disante que l'offre de l'une de ces entreprises n'est pas, par elle-même, de nature à établir l'absence de coût supplémentaire résultant du prix conclu dans des conditions désavantageuses ; que la circonstance que le département de la Manche a retenu, en ce qui concerne le marché n° 05-018, une estimation prévisionnelle du prix du marché de 625 241,29 euros, alors qu'elle a formulé une offre de 549 724,99 euros, n'est pas plus de nature à établir l'absence de surcoût ; que, si la société Signaux Girod Nord-Ouest soutient que l'évolution de son taux de marge de 2002 à 2009 démontre que la période d'entente anticoncurrentielle n'a pas eu d'incidence sur ses prix de vente, lesquels sont restés en rapport constant avec le coût des matières premières, une telle argumentation est sans incidence, puisque le préjudice allégué résulte de l'absence de concurrence, et donc d'un prix désavantageux ;
9. Considérant que la société Signaux Girod Nord-Ouest soutient que le département n'est pas fondé à rechercher sa responsabilité pour la période postérieure à mars 2006, date à laquelle les pratiques du cartel ont été dévoilées ; qu'il ne résulte toutefois pas de l'instruction que les seules révélations par voie de presse, intervenues en 2006, d'une entente généralisée en matière de marchés publics ayant pour objet des prestations en matière de signalisation routière verticale étaient de nature, eu égard à leur caractère général, à permettre au département de la Manche d'identifier le caractère anticoncurrentiel et dolosif des contrats qu'il avait conclus avec la société SAS ; que les prix stipulés au marché à bons de commande conclu en 2005 ont ainsi perduré, la cessation des pratiques anticoncurrentielles en 2006 n'ayant, en l'espèce, d'incidence que sur le marché conclu en 2009 ;
10. Considérant que la société Signaux Girod Nord-Ouest soutient que la méthode utilisée par l'expert, dite "contrefactuelle" n'aboutit qu'à des chiffres approximatifs résultant d'hypothèses théoriques ; que, toutefois, la nature même des pratiques anticoncurrentielles constatées, qui ont pour objet et pour effet de faire obstacle au libre jeu de la concurrence, et donc à la formation de prix optimaux pour le pouvoir adjudicateur, suppose une approche du type de celle retenue ;
11. Considérant que l'expert, pour évaluer le niveau du surprix, a utilisé une méthode basée sur la comparaison des prix pratiqués, selon les produits, au cours de la période impactée par les pratiques anticoncurrentielles, qui inclut la période d'exécution du marché conclu en 2005 qui s'est achevée en 2008, et des prix pratiqués au cours de la période postérieure, soit les prix des marchés conclus en 2009 et 2012 ; qu'il a raisonné en euro constant ; qu'il a pris en compte l'incidence de l'évolution du coût des matières premières utilisées et a inclus la TVA ; qu'il a conclu à un surcoût de 23 %, soit un préjudice de 1 070 388 euros, tenant compte des quantités commandées ; que, toutefois, ces comparaisons n'ont porté que sur des données chiffrées des années 2005 et suivantes ; qu'en effet l'expert n'a pas disposé de données relatives à l'exécution des marchés conclus en 1999 et 2002, soit la période d'exécution de 1999 à 2004 ; que l'expert a cependant conclu que le surprix subi par le département de la Manche au cours de cette période devait être du même ordre, eu égard à la stabilité des prix pratiqués postérieurement à la hausse constatée à l'occasion de la mise en œuvre de l'entente anticoncurrentielle, et à l'identité du prestataire ; que la société Signaux Girod Nord-Ouest ne produit aucun élément de nature à infirmer cet avis ;
12. Considérant que la société Signaux Girod Nord-Ouest fait valoir que l'évolution des prix sur l'ensemble de la période ne fait que refléter celui des matières premières ; que, toutefois, l'expert établit que les matières premières n'entrent que pour 15 à 18 % dans le prix des produits, et que l'évolution des prix de ces matières a un impact de l'ordre de 1 à 5 % sur les prix ;
13. Considérant que la société Signaux Girod Nord-Ouest soutient que l'expert ne pouvait prendre en compte un coefficient d'érosion monétaire, dès lors que l'écoulement du temps est uniquement indemnisable par l'octroi d'intérêts ; que, toutefois, c'est à juste titre que l'expert, pour comparer le niveau des prix nominaux pratiqués selon les années en cause, les a corrigés en fonction d'un coefficient d'érosion monétaire ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le département de la Manche est fondé à demander la condamnation de la société Signaux Girod Nord-Ouest à lui payer la somme de 1 070 388 euros retenue par l'expert en réparation du préjudice subi du fait des pratiques anticoncurrentielles auxquelles elle s'est livrée dans le cadre d'un cartel ;
Sur les intérêts :
15. Considérant qu'en application de l'article 1153 du Code civil, il y a lieu de mettre à la charge de la société Signaux Girod Nord-Ouest le paiement d'intérêts à compter de la date d'enregistrement de la requête, soit le 16 février 2015, et non pas à compter de la survenance des dommages, comme le demande le département de la Manche ;
Sur les frais d'expertise :
16. Considérant qu'il y a lieu de mettre les frais d'expertise, taxés à hauteur de 17 652,59 euros par l'ordonnance n° 1401787 du 7 mars 2016, à la charge définitive de la société Signaux Girod Nord-Ouest.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative :
17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de la Manche, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Signaux Girod Nord-Ouest demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Signaux Girod Nord-Ouest une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le département de la Manche et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La société Signaux Girod Nord-Ouest est condamnée à verser au département de la Manche la somme de 1 070 388 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 16 février 2015.
Article 2 : Les frais d'expertise, taxés à un montant de 17 652,59 euros toutes taxes comprises, sont mis à la charge définitive de la société Signaux Girod Nord-Ouest.
Article 3 : La société Signaux Girod versera la somme de 1 500 euros au département de la Manche en application de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête du département et les conclusions de la société Signaux Girod Nord-Ouest tendant à l'application de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié au département de la Manche et à la société Signaux Girod Nord-Ouest.