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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 8, 31 mars 2017, n° 16-02325

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

AVF Promotions (SARL)

Défendeur :

Opas Iales (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Kerner-Menay

Conseillers :

M. Vasseur, Mme de Gromard

Avocats :

Mes Bispo, Guedj

T. com. Paris, prés., du 18 déc. 2015

18 décembre 2015

EXPOSE DU LITIGE

La SARL AVF immobilier a pour objet social la réalisation de transactions en matière immobilière. La SA Opas assure et édite la régie publicitaire d'une revue intitulée " Les Cahiers de l'Administration ".

Le 28 novembre 2014, à la suite du déplacement dans ses locaux de M. Bellaiche, employé de la société Opas, la société AVF Promotions, représentée par M. Adam Vieira, son directeur général, a signé un ordre d'insertion publicitaire dans la dite revue. La commande portait sur : " une double page publi-info, deux pages de visuel programme et de deux pages interview ", au tarif de 36 000 euros TTC.

La publication des articles programmés est intervenue et la société Opas a mis en demeure la société AVF Promotions de régler la facture correspondante suivant courriers recommandés avec accusé de réception des 11 et 25 mai 2015.

Après avoir proposé un règlement amiable du litige, la société Opas a, le 2 décembre 2015, assigné la société AVF Promotions devant le juge des référés du Tribunal de commerce de Paris aux fins de la voir condamnée à lui payer la somme provisionnelle de 36 000 euros sur la facture impayée du 28 novembre 2014, avec intérêts au taux légal à compter du 11 mai 2015 et de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Suivant une ordonnance du 18 décembre 2015, le juge des référés du Tribunal de commerce de Paris a:

- condamné la SARL AVF Promotions à payer à la SA Opas Iales, à titre de provision, la somme de 36 000 euros, avec les intérêts au taux légal à compter du 11 mai 2015 ;

- débouté la SARL AVF Promotions de sa demande de délais de paiement ;

- condamné la SARL AVF Promotions à payer à la SA Opas Iales la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par déclaration en date du 15 janvier 2016, la SARL AVF Promotions a interjeté appel de cette ordonnance.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 15 mars 2016, la société AVF Promotions demande à la cour de la dire et juger recevable et bien fondée, en son appel ; de débouter purement et simplement la SAS Opas de ses demandes, fins et conclusions, comme irrecevables et mal fondées ; d'infirmer l'ordonnance rendue en date du 18 décembre 2015 par le Tribunal de commerce de Paris. Elle demande à la cour de statuer à nouveau et à titre principal se déclarer incompétente ; dire n'y avoir lieu à référé ; renvoyer la société Opas à mieux se pourvoir. A titre subsidiaire, elle sollicite que les plus larges délais de paiement lui soit accordés, à savoir 24 mois ;

Elle demande également la condamnation de la SAS Opas aux dépens de la présente instance et sa condamnation à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société AVF Promotions précise que d'un commun accord, l'ordre d'insertion du 28 octobre 2014 était conditionné à l'accord de son service financier ; que l'original de l'ordre d'insertion régularisé ne lui a pas été remis ; que par courrier recommandé du 3 novembre 2014, elle a informé la société Opas qu'elle ne donnait pas une suite favorable à la commande ; que sur demande de son adversaire qui n'avait pas été retiré ce courrier, elle l'a à nouveau transmis le 10 décembre 2014.

La société AVF soutient que la demande de règlement de la société Opas se heurte à une contestation sérieuse. Elle considère en premier lieu qu'elle est un consommateur au sens de la loi Hamon en qualité de personne morale dont le nombre des salariés est inférieur ou égal à 5, et qu'elle pouvait donc se rétracter valablement en application l'article L. 121-1 du Code de la consommation.

Elle ajoute qu'il était bien convenu avec son adversaire que l'ordre d'insertion était à régulariser après accord de son service financier ; que de ce fait l'ordre d'insertion en original ne lui a pas été remis alors qu'il s'agit d'un document obligatoire en matière de démarchage ; que l'attestation produite par la société Opas n'indique rien sur la prétendue remise de l'original de l'ordre d'insertion régularisé ; qu'aucune facture ne lui a été adressée par email du 28 novembre 2014,

Il s'en suit qu'elle ne pouvait avoir pris la pleine conscience de son engagement sans la remise de l'original de l'ordre d'insertion.

Enfin, la société AVF Promotions fait valoir qu'elle est de bonne foi et qu'elle a cru légitimement pouvoir bénéficier du statut protecteur de la loi Hamon et pouvoir adresser ce courrier de rétractation dans le délai imparti et qu'elle rencontre actuellement des difficultés financières et ne peut faire face au paiement de cette dette de 36 000 euros que par un échéancier de paiement non inférieur à 24 mois.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 15 février 2017, la SA Opas Iales demande à la cour de confirmer l'ordonnance de référé du 18 décembre 2015 en toutes ses dispositions ; de débouter la société AVF Promotions de l'ensemble de ses demandes comme irrecevables et mal fondées. Elle sollicite également de condamner la société AVF Promotions à régler à la société Opas la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et de condamner la société AVF Promotions aux entiers dépens de l'instance.

La société Opas fait valoir qu'il est incontestable que la société AVF Promotions s'est engagée à régler le montant de l'insertion publicitaire et que la société Opas n'a jamais reçu le moindre règlement de sa facture malgré les relances et mises en demeure adressées, de sorte que sa créance est fondée et non sérieusement contestable.

Elle souligne que seule une page du livre d'entrée et de sortie du personnel tenant en deux pages produit par la société AVF Promotions est certifié conforme, que, de surcroît, la société AVF promotions dispose de locaux dans trois villes différentes ; qu'une SCI de construction vente dont la société AVF Promotions est gérante a été créée en avril 2014 et son siège social fixé dans les mêmes locaux que la société AVF Promotions de Gretz-Armainvilliers ; que le gérant assure la direction d'une multitude de sociétés ; que la société AVF ne peut être considérée comme une petite structure pouvant se prévaloir des dispositions de l'article L. 121-16-1 du Code de la consommation, d'autant qu'il ressort clairement du livre d'entrée et de sortie du personnel, qu'au jour de la signature de l'ordre d'insertion publicitaire, la société AVF Promotions employait plus de 5 salariés, état de fait confirmé par les renseignements juridiques de l'appelante sur le site " Société.com ".

La société Opas fait également valoir que la société AVF Promotions était en possession d'un exemplaire de l'ordre d'insertion et qu'elle avait bien connaissance de l'étendue de son engagement et ce bien que l'ordre d'insertion ne soit pas un original. Elle remarque que la société AVF Promotions verse aux débats son courrier de rétractation en date du 3 novembre 2014 et que la pièce jointe est précisément l'exemplaire de l'ordre d'insertion qui lui a été remis le 28 octobre 2014 lors de la signature, sur lequel le client a ultérieurement indiqué " annulé le 03/11/2014 ".

Elle s'oppose à la demande de délais de paiement. Elle précise qu'elle a mis à exécution l'ordonnance de référé du 18 décembre 2015 auprès d'un huissier qui lui a rendu compte de l'existence d'au moins trois autres comptes bancaires détenus par la société AVF Promotions et que le compte bancaire de la CAIXA est quasi exclusivement utilisé pour des frais de bouche, vestimentaire, postaux et de déplacement et aucun crédit n'y est mentionné, les entrées d'argent provenant de l'activité de la société devant, selon la société Opas, nécessairement être créditées sur les autres comptes bancaires de la société AVF Promotions.

Elle souligne en effet que son adversaire a publié le 31 décembre 2014 une variation totale du bilan (actif / passif) de 3 328 600 euros, dont 831 600 euros de capitaux propres pour un chiffre d'affaires de 993 600 euros et un résultat net bénéficiaire de 110 000 euros.

Sur ce, LA COUR

L'article 873 alinéa 2 du Code de procédure civile prévoit que le président du tribunal de commerce peut, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder en référé au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

La société appelante demande le bénéfice des dispositions de la loi dite " Hamon " qui, dans sa version applicable à la date de conclusion du contrat, soit le 28 octobre 2014 précisait : " Au sens du présent Code, est considérée comme un consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ".

L'article L. 121-16-1, III du Code de la consommation prévoit que le dispositif protecteur des consommateurs entre consommateurs et professionnels, est étendu aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

Il est constant que la société AVF Promotions, dont l'activité principale est la transaction immobilière, a signé un ordre d'insertion d'espaces publicitaires dans une revue spécialisée, " Les Cahiers de l'Administration " publiés in fine dans un numéro consacré au projet " Grand Paris ".

La cour ne peut que constater que le contrat signé, entre deux professionnels le 28 octobre 2014 valant ordre d'insertion de publicités concernait en premier chef l'activité principale de la SARL Promotions.

De surcroît, la lecture de la copie du registre du personnel produit par la société AVF Promotions établit la présence au 28 octobre 2014 de 6 salariés : Morgan Cognard du 1er avril 2010 au 30 novembre 2015, Diane Rey du 8 octobre 2014 au 30 septembre 2015, Marie-Alice Saraiva embauchée le 11 juin 2014, Farah Manéta, embauchée le 12 novembre 2013, Sokunthear Lim embauchée le 8 avril 2013 et Nathalie Sanson, embauchée le 15 octobre 2012.

Il résulte de ces développements et, avec l'évidence requise par le juge des référés, que le droit de la consommation n'est pas applicable au contrat dont la société Opas demande l'exécution.

La société Opas a produit l'ordre d'insertion du 28 octobre valant commande de la société AVF qui ne conteste pas en avoir reçu un exemplaire ultérieurement retransmis à la société Opas à l'occasion de l'envoi de la lettre adressée le 3 novembre 2014 qui était intitulée " annulation d'ordre d'insertion ".

La cour constate que l'ordre d'insertion ne contenait aucune réserve quant à l'engagement des parties et qu'il n'était ainsi nullement conditionné à un accord préalable du service financier de la société AVF. Au demeurant, il ne prévoyait pas davantage de références au Code de la consommation, inapplicable en l'espèce comme indiqué précédemment.

Une facture correspondant à la prestation commandée a été établie le 28 octobre et transmise par mail à la société AVF (pièce n° 2 de la société Opas) qui a également été destinataire de plusieurs lettres de mise en demeure avant l'introduction de la procédure.

Il n'est pas contesté que la société Opas a exécuté la prestation, les articles publicitaires commandés ayant été publiés. Dès lors, l'obligation au paiement de la société AVF est parfaitement établie et la société doit être condamnée, au paiement, à titre provisionnel, des sommes dues au titre du contrat du 28 octobre 2014.

Le jugement du tribunal de commerce sera donc confirmé en ce sens.

La société AVF Promotions sollicite des délais de paiement en invoquant des problèmes de trésorerie.

Elle produit, à l'appui de cette demande, le relevé d'un compte ouvert à la banque Caixa pour la période du 30 novembre 2015 au 31 décembre 2015. Ce seul élément qui ne rend pas compte de la situation réelle de la société à ce jour, ne justifie pas des difficultés financières évoquées de sorte que la demande de délais de paiement sera rejetée.

L'équité commande condamner la SARL AVF Promotions à payer à la société Opas la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile. Elle sera également condamnée aux dépens de l'instance d'appel.

Par ces motifs : Confirme le jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 18 décembre 2015 dans toutes ses dispositions y compris en ce qu'elle a rejeté la demande de délais de paiement ; Y ajoutant, Condamne la SARL AVF Promotions à payer la somme de 2 500 euros à la SA Opas en application de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur d'appel ; Condamne la SARL AVF Promotions aux entiers dépens de l'instance d'appel.