Cass. com., 29 mars 2017, n° 15-16.452
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Weiss France (Sté)
Défendeur :
Everbal (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Marc Lévis, SCP Yves, Blaise Capron
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Everbal a commandé une chaudière à la société Weiss France (la société Weiss) qui a procédé à sa livraison et à son installation ; que les réserves émises par la société Everbal, le 5 mai 2009, à la livraison de la machine, ont été levées le 14 août suivant, à l'exception de quatre qui l'ont été au cours de l'été 2010 ; que la société Everbal n'ayant pas réglé le solde du prix, la société Weiss l'a assignée en paiement ; qu'à titre reconventionnel, se plaignant de dysfonctionnements ayant entraîné l'arrêt de la machine, la société Everbal a demandé réparation du préjudice subi ;
Sur le premier moyen : - Attendu que la société Weiss fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Everbal la somme de 139 906,05 euros à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt et de rejeter sa demande en dommages-intérêts pour résistance abusive alors, selon le moyen : 1°) que les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que la cour d'appel a constaté en l'espèce que l'ensemble des réserves avait été levé après la livraison de la machine vendue ; que la cour d'appel ne pouvait donc revenir sur la levée de ces réserves en retenant la responsabilité de la société Weiss pour un prétendu manquement à une obligation de résultat de livrer la chose, tout en constatant que les réserves avaient été levées ; qu'en retenant malgré tout l'inexécution par la société Weiss de son obligation de livrer la chose vendue, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1134 du Code civil ; 2°) que les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que les parties étaient en l'espèce liées par un contrat de vente d'une machine, avec une garantie classique ; que cette obligation de garantie ne saurait se confondre avec l'obligation de délivrer la chose vendue ; que pour retenir l'inexécution par la société Weiss de son obligation de livrer une chose conforme au contrat et en bon état de marche, la cour d'appel a retenu des faits tenants à la garantie que doit tout vendeur ; que l'obligation de livrer une chose qui fonctionne ne se confond pas avec l'obligation qui consiste à garantir les défaillances qui naissent après une utilisation défectueuse de la chose vendue ; qu'en retenant l'inexécution par la société Weiss de son obligation de délivrer une chose conforme et en état de marche, la cour d'appel s'est fondée sur des faits qui tenaient à la garantie et non à la livraison ; qu'en statuant ainsi la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ; 3°) que la responsabilité civile suppose la démonstration d'un lien de causalité entre le fait générateur, assimilé à une inexécution contractuelle, et le dommage allégué ; qu'en supposant que la société Weiss ait mal exécuté l'une de ses obligations, encore fallait-il constater un lien de causalité entre cette prétendue inexécution et le dommage que la société Everbal entendait voir réparer ; qu'en ne procédant pas à la caractérisation de ce lien de causalité, comme elle y était pourtant invitée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ; 4°) qu'il n'est pas permis aux juges du fond de considérer un point comme constant, alors qu'il est contesté par les parties ; qu'en l'espèce la société Weiss avait longuement contesté le préjudice invoqué par la société Everbal, non seulement en ce qui concerne le lien de causalité, mais aussi s'agissant de sa caractérisation et de son évaluation ; qu'en considérant, cependant, que la société Weiss ne contestait pas le préjudice invoqué par la société Everbal, la cour d'appel a violé l'article 4 du Code de procédure civile, ensemble l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir constaté que les réserves ont été levées le 14 août 2009, à l'exception de quatre d'entre elles qui ont été levées au cours de l'été 2010, l'arrêt relève que les dysfonctionnements de la chaudière sont survenus dès les semaines qui ont suivi son installation et sa mise en œuvre, en juin et septembre 2009, ainsi qu'en janvier, février et mai 2010 ; qu'il retient que la société Weiss avait l'obligation contractuelle non seulement de livrer la chaudière mais aussi d'assurer son installation et sa mise en œuvre et qu'elle devait s'assurer de la qualité de la chaudière livrée, de sa compatibilité avec les installations existantes et livrer une machine en état de fonctionner ; qu'il retient encore que la société Weiss, tenue d'une obligation de résultat, ne produit aucun élément tendant à établir que les dysfonctionnements constatés aient eu pour origine la mauvaise utilisation de l'acquéreur ou une cause extérieure ; qu'il en déduit que la société Everbal doit obtenir réparation exacte de son préjudice résultant des arrêts de la chaudière ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, dont il résulte que les dysfonctionnements de la chaudière étaient antérieurs à la levée complète des réserves, c'est sans méconnaître les conséquences légales de ses constatations que la cour d'appel, qui a caractérisé l'existence d'un lien de causalité entre les manquements relevés et le préjudice qu'elle indemnisait, a retenu la responsabilité de la société Weiss pour manquement à son obligation de délivrance ;
Et attendu, en second lieu, que la cour d'appel n'a pas dit que la société Weiss ne contestait pas le montant du préjudice lié à l'arrêt de la chaudière, mais a retenu que les contestations de la société Weiss n'étaient pas fondées ; d'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa quatrième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le second moyen : - Vu l'article 564 du Code de procédure civile ; - Attendu que pour déclarer irrecevable la demande en paiement de la facture n° FA002977 formée par la société Weiss, l'arrêt, après avoir constaté que le tribunal de Saint-Quentin a annulé, par jugement du 4 avril 2014, l'ordonnance d'injonction de payer rendue sur la requête de la société Weiss, et déclaré les demandes de cette dernière irrecevables aux motifs qu'elles avaient été évoquées dans le cadre de la procédure objet du jugement du 25 janvier 2013 et d'un appel pendant devant elle, retient que la demande en paiement de la facture litigieuse n'a pas été formée en première instance par la société Weiss et que cette demande est par conséquent nouvelle en application de l'article 564 du Code de procédure civile et ne peut être déclarée recevable ; qu'il ajoute qu'il appartenait à la société Weiss d'interjeter appel du jugement en date du 4 avril 2014 afin de permettre à la cour d'appel de connaître éventuellement de sa demande en paiement ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le jugement du 4 avril 2014, en ce qu'il avait annulé l'ordonnance d'injonction de payer obtenue par la société Weiss, constituait un fait dont la survenance au cours de l'instance d'appel était à l'origine de la demande en paiement de la facture dont elle était saisie, et que cette demande était en lien avec les prétentions initiales formées devant les premiers juges, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Par ces motifs : casse et annule, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la demande en paiement de la facture n° FA002977 formée par la société Weiss France, l'arrêt rendu le 12 février 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai.