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Décisions

CA Lyon, 1re ch. civ. A, 13 avril 2017, n° 15-04458

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Nouveau Auto Balzac (SARL)

Défendeur :

Locam (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bernaud

Conseillers :

Mme Clément, M. Nicolas

Avocats :

Selarl Onelaw, Selarl Lexi

T. com. Saint-Etienne, du 31 mars 2015

31 mars 2015

La société Nouveau Auto Balzac, qui exerce une activité d'entretien et de réparation de véhicules automobiles, a pris en location avec option d'achat auprès de la société Locam pour une durée de 60 mois une batterie de condensateur fournie par la société DMF Energie selon contrat du 30 octobre 2013.

Un procès-verbal de livraison et de conformité a été régularisé à la même date.

Après avoir honoré 5 échéances la société Nouveau Auto Balzac a interrompu ses paiements et ne les a pas repris malgré une mise en demeure du 18 juillet 2014.

Se prévalant de la résiliation de plein droit du contrat de location la société Locam a fait assigner la société Nouveau Auto Balzac devant le Tribunal de commerce de Saint-Étienne en paiement de la somme globale de 8 811,22 euros correspondant aux loyers échus impayés pour la période du 20 avril 2014 au 20 novembre 2014, aux 47 loyers à échoir de 6 845,08 euros et à la clause pénale forfaitaire de 10 % d'un montant de 801,02 euros.

Par jugement réputé contradictoire du 31 mars 2015 le Tribunal de commerce de Saint-Étienne a condamné la société Nouveau Auto Balzac à payer à la société Locam la somme de 8 010,20 euros au titre des loyers échus et à échoir avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, outre la somme de 1 euro au titre de la clause pénale.

La SARL Nouveau Auto Balzac a relevé appel de cette décision selon déclaration reçue le 28 mai 2015. Vu les dernières conclusions signifiées et déposées le 10 novembre 2015 par la SARL Nouveau Auto Balzac qui demande à la cour, par voie d'infirmation du jugement :

De dire et juger que le contrat de location a été nécessairement résilié ensuite de l'annulation du contrat de fourniture et de débouter la société Locam de l'ensemble de ses demandes,

Subsidiairement de prononcer la nullité du contrat de crédit-bail, qui ne comporte pas les mentions impératives exigées par les articles L. 121-21 et suivants et L. 311-8 du Code de la consommation, et en conséquence de débouter la société Locam de l'ensemble de ses demandes et de la condamner au remboursement de la somme de 589,35 euros hors-taxes au titre des loyers réglés,

plus subsidiairement de déclarer abusive l'indemnité de résiliation prévue à l'article 13 du contrat et à tout le moins de la réduire dans de très fortes proportions,

en tout état de cause de condamner la société Locam à lui payer une indemnité de procédure de 3 000 euros.

Vu les dernières conclusions signifiées et déposées le 8 janvier 2016 par la SAS Locam qui sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société Novolia Immobilier au paiement de la somme principale de 8 010,20 euros et qui par voie d'appel incident demande la condamnation de la société Nouveau Auto Balzac à lui payer la somme de 801,02 euros au titre de la clause pénale de 10 %, les intérêts au taux légal sur la somme de 8 811,22 euros à compter de la mise en demeure du 18 juillet 2014 avec capitalisation par année entière à compter du 26 octobre 2015, outre une indemnité de procédure de 3 000 euros.

Motifs de l'arrêt

Sur la résiliation du contrat de location avec option d'achat consécutivement à la résolution du contrat de fourniture :

Il est soutenu par la société Nouveau Auto Balzac que le contrat de fourniture a été annulé, ainsi qu'en atteste la reprise pure et simple du matériel par le fournisseur, et que par voie de conséquence le contrat de crédit-bail a nécessairement été résilié à défaut pour l'obligation de délivrance d'être exécutée.

Il est répliqué par la société Locam que la preuve de la restitution du matériel n'est pas rapportée et que toute éventuelle restitution à un tiers serait fautive et lui serait inopposable.

Sur ce

À l'appui de son affirmation selon laquelle le contrat de fourniture de la batterie aurait été "annulé" la société Nouveau Auto Balzac se prévaut d'une attestation de désinstallation du matériel datée du 8 avril 2014.

La preuve d'une restitution effective antérieurement à la première échéance impayée du 20 avril 2014 ne saurait toutefois résulter de ce document, qui émane de la société locataire elle-même et qui n'est revêtu que de la signature de son gérant. De la même façon la photocopie d'une " attestation de SAV " établie sur papier à en-tête de la société DMF, qui est signée exclusivement par le dirigeant de la société Nouveau Auto Balzac et qui ne décrit pas les travaux effectués par le technicien, ne saurait apporter la preuve de la reprise effective du matériel.

En toute hypothèse, à la supposer établie, une restitution de la batterie de condensateur au fournisseur, et non pas au loueur, qui en est propriétaire, ne serait pas de nature à justifier de la prétendue annulation ou résolution du contrat principal, en l'absence de tout élément attestant d'un défaut de conformité ou d'un dysfonctionnement du matériel, qui a été réceptionné sans réserve et dont il n'est nullement établi que contrairement aux engagements de la société DMF Energie il n'aurait pas permis d'optimiser la consommation d'électricité du garage.

La preuve d'une résolution amiable du contrat principal aux torts du fournisseur n'étant pas rapportée, la société Nouveau Auto Balzac n'est pas fondée à se prévaloir de la résiliation du contrat de location en raison de l'interdépendance des contrats.

Elle sera par conséquent déboutée de ce chef de demande.

Sur l'application des dispositions du Code de la consommation relatives au démarchage à domicile :

Il est soutenu par la société Nouveau Auto Balzac que la batterie de condensateur, qui n'était pas de nature à influer sur son chiffre d'affaires, n'était pas en rapport direct avec son activité professionnelle de réparation automobiles, de sorte que le contrat est nul faute de comporter les mentions impératives, notamment celles relatives au délai de renonciation, exigées par l'article L. 121-23 du Code de la consommation.

Il est répliqué par la société Locam que les dispositions du Code de la consommation relatives au démarchage à domicile ne s'appliquent pas aux personnes morales et qu'en toute hypothèse le matériel loué avait une destination directement professionnelle, ce qui a été expressément reconnu par une mention manuscrite.

Sur ce

Les contrats de fourniture et de location ont été conclus le 30 octobre 2013 antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 ayant modifié le Code de la consommation en matière de vente à distance et de vente hors établissement.

Conformément aux dispositions de l'article 34 de cette loi les contrats conclus avant le 13 juin 2014 demeurent soumis aux dispositions anciennes du Code de la consommation.

Or aux termes de l'article L. 121-21 ancien du Code de la consommation dans sa rédaction antérieure à la loi susvisée du 17 mars 2014 " est soumis aux dispositions de la présente section quiconque pratique ou fait pratiquer le démarchage, au domicile d'une personne physique, à sa résidence ou à son lieu de travail, même à sa demande, afin de lui proposer l'achat, la vente, la location, la location-vente ou la location avec option d'achat de biens ou la fourniture de services ".

La SARL Nouveau Auto Balzac ne peut donc revendiquer en l'espèce le bénéfice de la protection instituée par le Code de la consommation en matière de démarchage à domicile qui n'est applicable qu'aux contrats conclus entre un professionnel et une personne physique.

Au demeurant l'article L. 121-16 ancien du Code de la consommation dans sa rédaction postérieure à la loi du 17 mars 2014 devenu l'article L. 221-1 du nouveau Code de la consommation, décide que le contrat hors établissement est celui qui est conclu entre un professionnel et un consommateur, défini par l'article préliminaire du code comme étant une personne physique agissant à des fins non professionnelles, étant précisé que la société Nouveau Auto Balzac ne pourrait se prévaloir de l'extension de la protection aux contrats conclus entre deux professionnels instituée par l'article L. 121-16-1 III devenu L. 221-3 du Code de la consommation, puisque le contrat de location litigieux entre dans le champ de son activité principale.

La société Nouveau Auto Balzac n'est par conséquent pas fondée à se prévaloir de l'irrégularité du contrat au regard des dispositions des articles L. 121-21 et suivants anciens du Code de la consommation.

Sur l'application des dispositions du Code de la consommation relatives aux opérations de crédit :

Il est soutenu par la société Nouveau Auto Balzac que le matériel n'étant pas en rapport avec son activité professionnelle, comme n'étant pas destiné au développement de son potentiel commercial, elle doit être considérée comme consommateur, ce qui implique que le contrat est nul pour défaut des mentions imposées par les articles L. 311-11 et suivants du Code de la consommation, dont notamment celles relatives au droit de rétractation.

Il est répliqué par la société Locam que la société Nouveau Auto Balzac a agi en qualité de commerçante pour les besoins de son activité professionnelle et que les dispositions relatives au crédit à la consommation ne lui sont pas applicables.

Sur ce

Aux termes de l'article L. 311-1 du Code de la consommation dans sa rédaction applicable en la cause de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 est considéré comme emprunteur ou consommateur toute personne physique qui est en relation avec un prêteur dans le cadre d'une opération de crédit réalisée ou envisagée dans un but étranger à son activité commerciale ou professionnelle.

La SARL Nouveau Auto Balzac ne peut donc pas davantage revendiquer en l'espèce le bénéfice de la protection instituée par le Code de la consommation en matière de crédit à la consommation, qui n'est applicable qu'aux contrats conclus entre un prêteur et une personne physique, peu important que le matériel financé à crédit soit ou non en rapport avec son activité professionnelle.

Au demeurant l'article L. 311-1 nouveau dans sa rédaction de l'ordonnance du 25 mars 2016 prévoit qu'est considérée comme emprunteur ou consommateur toute personne physique qui est en relation avec un prêteur dans le cadre d'une opération de crédit réalisée ou envisagé dans un but étranger à son activité commerciale ou professionnelle.

La société Nouveau Auto Balzac n'est par conséquent pas plus fondée à se prévaloir de l'irrégularité du contrat de location avec option d'achat au regard des dispositions des articles L. 311-11 et suivants du Code de la consommation.

Sur le caractère prétendument abusif de l'indemnité de résiliation contractuelle :

La société Nouveau Auto Balzac invoque les dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation en se fondant également sur l'absence de rapport direct entre le contrat de location et son activité professionnelle.

La société Locam réplique que les dispositions du Code de la consommation relatives aux clauses abusives ne s'appliquent pas entre commerçants ni a fortiori entre sociétés commerciales, et qu'en toute hypothèse l'indemnité de résiliation n'est nullement abusive, puisqu'elle est destinée à assurer l'équilibre de la location financière.

Sur ce

Selon l'article L. 132-1 ancien du Code de la consommation la protection contre les clauses abusives est applicable dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs.

Il est de principe qu'au sens de ce texte la protection peut être invoquée par une personne morale lorsque le contrat n'est pas en rapport direct avec l'exercice de sa profession.

Tel n'est cependant pas le cas en l'espèce alors que la batterie de condensateur prise en location est un matériel technique nécessaire à la production des services de réparations de véhicules automobiles offerts par la société Nouveau Auto Balzac.

Le contrat de location stipule d'ailleurs expressément que le locataire atteste que le contrat est en rapport direct avec son activité professionnelle.

Aux termes des articles L. 212-1 et L. 212-2 nouveaux du Code de la consommation la protection contre les clauses abusives est applicable aux contrats conclus entre professionnels et consommateurs et entre professionnels et non-professionnels.

Or, l'article liminaire du Code de la consommation définit d'une part le consommateur comme étant une personne physique n'agissant pas à des fins professionnelles, et d'autre part le non-professionnel comme étant toute personne morale qui n'agit pas à des fins professionnelles, de sorte qu'en l'espèce la société Nouveau Auto Balzac, qui a pris en location le matériel fourni par la société DMF Energie pour les besoins de son activité commerciale, ne peut pas plus revendiquer le bénéfice de la protection contre les clauses abusives sur le fondement du nouveau Code de la consommation.

Elle n'est par conséquent pas fondée à soutenir que l'indemnité contractuelle de résiliation anticipée est réputée non écrite comme étant à l'origine d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

Sur la demande de réduction des clauses pénales :

La société Nouveau Auto Balzac soutient que l'indemnité de résiliation et la pénalité de 10 % constituent des clauses pénales soumises au pouvoir de modération du juge, tandis que la société Locam prétend que la clause de déchéance du terme stipulée dans un contrat à durée déterminée mettant à la charge du locataire défaillant l'intégralité des loyers à échoir ne constitue pas une clause pénale.

Sur ce

L'indemnité contractuelle de résiliation anticipée prévue à l'article 13 des conditions générales de location en cas de non-paiement des loyers, a été stipulée comme un moyen de contraindre le débiteur à l'exécution de ses obligations et comme une évaluation forfaitaire du préjudice subi par le crédit bailleur. Elle constitue donc une clause pénale soumise au pouvoir de modération du juge.

N'ayant pas restitué le matériel dans des conditions permettant son éventuelle relocation, la société Nouveau Auto Balzac ne fait pas cependant la preuve, qui lui incombe, du caractère manifestement excessif de l'indemnité de résiliation, alors que le préjudice subi par le loueur est caractérisé par la perte du capital mobilisé en vue de l'acquisition du bien loué et des revenus escomptés de l'opération.

L'indemnité contractuelle de résiliation ne saurait par conséquent en l'espèce être réduite.

De la même façon la pénalité forfaitaire de 801,02 euros n'apparaissant pas manifestement excessive dans son montant ou dans son taux, le jugement sera réformé en ce qu'il a alloué de ce chef à la société Locam la somme de un euro.

Sur la demande en paiement formée par la société Locam :

Dès lors qu'il est justifié d'une mise en demeure infructueuse adressée le 18 juillet 2014 à la société Nouveau Auto Balzac, c'est à bon droit que la société Locam s'est prévalue de la résiliation de plein droit du contrat de location dans les conditions prévues à l'article 13 des conditions générales.

Il a par conséquent justement été fait droit à la demande en paiement de la somme principale non contestée dans son quantum de 8 010,20 euros correspondant aux loyers échus impayés des 20 avril, 20 mai et 20 juin 2014 et aux 51 loyers à échoir, outre intérêts de retard.

Par voie de réformation partielle du jugement, il sera dès lors fait droit à la demande à concurrence de la somme globale de 8 811,22 euros, comprenant la pénalité de 10 %, qui portera intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 18 juillet 2014.

La capitalisation annuelle des intérêts de retard, qui est de droit en application de l'article 1154 du Code civil, sera en outre ordonnée à compter de la demande en justice par conclusions d'appel du 26 octobre 2015.

L'équité ne commande pas toutefois de faire application en cause d'appel de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la société intimée qui bénéficie d'une pénalité contractuelle de 801,02 euros.

Par ces motifs, LA COUR, statuant contradictoirement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi, Déboute la SARL Nouveau Auto Balzac de l'ensemble de ses demandes de résiliation ou d'annulation du contrat de location avec option d'achat, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SARL Nouveau Auto Balzac à payer à la SAS Locam la somme de 8 010,20 euros, Réforme le jugement déféré pour le surplus et statuant à nouveau en y ajoutant : Condamne la SARL Nouveau Auto Balzac à payer à la SAS Locam la somme complémentaire de 801,02 euros au titre de la pénalité de 10 %, Dit et juge que la condamnation totale de 8 811,22 euros portera intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 18 juillet 2014, Ordonne la capitalisation annuelle des intérêts de retard dans les conditions prévues à l'article 1154 du Code civil à compter du 26 octobre 2015. Dit n'y avoir lieu en cause d'appel à application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties, Condamne la SARL Nouveau Auto Balzac aux entiers dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de la Selarl d'avocats Lexi Conseil & Défense.