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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 8, 21 avril 2017, n° 16-03003

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Aéroville (SCI)

Défendeur :

Créteil Création (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Kerner Menay

Conseillers :

Mme Quentin de Gromard, M. Vasseur

Avocats :

Mes Saidji, Chesuet, Hittinger Roux, Martignon

TGI Bobigny, PR2S.? du 8 janv. 2016

8 janvier 2016

Exposé du litige

Par acte en date du 23 mars 2012, la société Aéroville a donné à bail à la société Créteil Création, un local n° 105 d'une surface de 84 m² situé au rez-de-chaussée du centre commercial Aéroville qui se trouve lui-même <adresse>, afin que le preneur y exploite sous l'enseigne Harcourt une activité de vente de chaussures et maroquinerie.

Le bail, prévu pour une durée de 10 ans à compter du 26 août 2013, a été consenti moyennant un loyer de base annuel de 78 120 euros HT, hors charges, hors accessoires et hors loyer additionnel, assis sur le chiffre d'affaires réalisé par le preneur.

Par acte du 27 juillet 2015, la société Aéroville a fait délivrer à la société Créteil Création un commandement visant la clause résolutoire insérée au bail d'avoir à payer la somme de 23 663,85 euros au titre des loyers et charges.

Par acte du 15 octobre 2015, la société Aéroville a fait assigner devant le juge des référés du Tribunal de grande instance de Bobigny, la société Créteil Création afin que soit constatée l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial, que la société Créteil Création soit condamnée à lui payer une provision sur les loyers impayés et les indemnités d'occupations et que son expulsion soit ordonnée.

Par une ordonnance du 8 janvier 2016, le juge des référés du Tribunal de Bobigny a dit n'y avoir lieu à référer sur les demandes, ni à faire application de l'article 700 du Code de procédure civile au motif notamment que les manquements imputés au bailleur, par le preneur, portant sur l'inexécution de son obligation d'animation et de promotion du centre commercial, prévue au contrat constituent des contestations sérieuses faisant obstacle à l'octroi d'une provision au titre des loyers et charges, seul le juge du fond ayant le pouvoir d'interpréter les clauses du bail, d'en définir leur portée et d'apprécier les défaillances des parties pour en tirer toutes conséquences en droit quant à l'équilibre du contrat.

Par déclaration en date du 28 janvier 2016, la société Aéroville a interjeté appel de cette ordonnance.

Aux termes de ses dernières conclusions du 1er mars 2017, la société Aéroville, sans plus solliciter l'acquisition de la clause résolutoire, demande à la cour d'infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et de condamner par provision la société Créteil Création à lui payer les sommes de 124 432,52 euros TTC, correspondant à l'arriéré figurant au décompte arrêté au 23 janvier 2017, ainsi que les intérêts au taux moyen mensuel de l'Eonia majoré de 400 points sur cette somme, dus à compter du 17 juillet 2015, soit 10 jours après l'envoi de la lettre RAR stipulée au bail. Subsidiairement, la société Aéroville demande de juger, dans l'hypothèse où des délais de paiement seraient accordés à la société Créteil Création, que la déchéance du terme interviendra non seulement en cas de défaut de respect par le preneur de l'échéancier accordé mais également en cas de défaut de paiement d'un seul des termes de loyers, charges et accessoires en cours et de limiter l'octroi des délais de paiements sollicités à une période n'excédant pas trois mois en jugeant que ces délais de paiement ne s'appliqueront que sur les seuls arriérés de loyers, à l'exclusion des charges, taxes et accessoires. Egalement, à titre subsidiaire, elle demande la condamnation, à titre provisionnel, de la société Créteil Création à lui payer au titre des arriérés de charges, taxes et accessoires arrêtés au 23 janvier 2017, la somme de 63 421 59 euros. Elle sollicite enfin la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et celle de 3 000 euros également au titre des frais irrépétibles d'appel.

La société Aéroville fait valoir qu'elle n'est tenue contractuellement à aucune obligation de maintien d'un environnement commercial favorable du centre et que conformément à une jurisprudence constante, en l'absence de stipulation contractuelle, le bailleur d'un local situé dans un centre commercial n'est pas tenu d'une telle obligation. Elle estime que quand bien même cette obligation serait stipulée, il s'agirait d'une obligation de moyen et non de résultat et qu'en tout état de cause, l'article 20 du contrat de bail stipule que le bailleur n'est pas responsable de l'état de commercialité du centre, stipulation au demeurant non équivoque, qui ne requiert aucune interprétation.

Elle expose en outre que la seule exception recevable au paiement des loyers par le preneur suppose que le bailleur ait failli à son obligation de délivrance en mettant le preneur dans l'impossibilité absolue d'utiliser les lieux conformément à leur destination et d'y exploiter son commerce. Or, selon l'appelante, la société Créteil Création n'apporte pas une telle preuve et se contente d'invoquer le résultat déficitaire de sa boutique, qui résulte plutôt d'un défaut de gestion raisonnée de l'effectif salarié.

L'appelante considère que l'argument selon lequel le simple fait pour le preneur d'invoquer le manquement du bailleur à ses obligations contractuelles suffirait à caractériser une contestation sérieuse, n'est pas recevable dès lors que cette argumentation repose sur deux arrêts isolés et non publiés de la Cour de cassation qui ne sauraient établir un principe général et qui portaient en réalité sur un problème d'interprétation du contrat. La société Aéroville estime de surcroît que les autres décisions citées par la société Créteil Création ne sont pas pertinentes et invoque elle-même une jurisprudence selon laquelle la contestation du preneur relative à un prétendu manquement du bailleur à ses obligations doit être étayée par des éléments concrets.

La société Aéroville soutient que, tenue d'une obligation contractuelle de moyen pour la promotion et l'animation du centre, elle a parfaitement exécuté cette obligation dès lors qu'elle a confié, par contrat en date du 19 juin 2013, à la société Espace Expansion une mission de gestion de prestations marketing dans le cadre de l'inauguration du centre et une mission globale d'achat groupé et de gestion des prestations liées à l'animation et à la promotion du centre.

L'appelante produit en outre des pièces attestant de la mise en œuvre d'opérations de promotion et d'animation dont les commençants du centre ont d'ailleurs été informés, ce qui a permis, selon l'appelante, d'accroître, la commercialité du centre Aéroville comme en témoigne l'augmentation du taux d'occupation du centre et du taux de fréquentation depuis janvier 2015, ce qui a d'ailleurs pu être établi par procès-verbal de constat d'huissier et par différents articles de presse. La société Aéroville précise qu'elle veille également à ce que les locaux vacants au sein du centre Aéroville soient occupés dans les délais les plus brefs.

La société Aéroville soutient qu'entre janvier 2014 et octobre 2016, le chiffre d'affaires du preneur a seulement enregistré une baisse de 1 % et que la prétendue perte d'exploitation invoquée par le preneur n'est pas conforme à la réalité. De plus, elle souligne que la courbe du chiffre d'affaires cumulé de la société Créteil Création ne suit pas la courbe de progression du chiffre d'affaires cumulé du centre en hausse de 20% et qu'ainsi la société Aéroville ne saurait se voir imputer les prétendues difficultés de la société Créteil Création.

La société Aéroville estime qu'il n'y a pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties dès lors que les clauses du bail ont été négociées en toute connaissance de cause par les parties et que cette allégation ne vise qu'à détourner l'objet du présent litige. Elle estime également qu'eu égard à la mauvaise foi du preneur, qui ne justifie pas, de surcroît, de l'impossibilité de s'acquitter immédiatement de l'arriéré locatif, il convient de rejeter sa demande de délais de paiement et que dans le cas où il lui en serait accordé, il convient de les subordonner à une déchéance du terme en cas de non-respect de l'échéancier et de les limiter à 3 mois.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 22 février 2017, la société Créteil Création demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise et de débouter la société Aéroville de toutes ses demandes, fins et conclusions. Elle demande de dire et juger qu'elle oppose aux demandes de la société Aéroville des contestations sérieuses en se prévalant de l'exception d'inexécution afin de ne pas régler légitimement l'intégralité des sommes appelées au titre des arriérés de loyers et charges, et ce, au vu des manquements graves et répétées par la bailleresse à ses obligations contractuelles essentielles. Elle demande de constater que le bail commercial conclu entre les parties comprend en son article 17 une obligation de promotion et d'animation du centre commercial à la charge de la SCI Aéroville et que celle-ci a manqué à cette obligation contractuelle résultant de l'article 17 du bail. Elle demande de constater que le bail conclu entre les parties et les pièces versées aux débats justifient d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au sens de l'article L. 442-6 I 2° du Code de commerce et de constater que la SCI Aéroville ne justifie pas des charges appelées dans son décompte. En conséquence, elle sollicite qu'il soit jugé que les demandes de la société Aéroville se heurtent à des contestations sérieuses. A titre subsidiaire, elle demande qu'il soit accordé un échéancier de 24 mois pour le paiement de toute provision allouée à la SCI Aéroville et que les effets de la clause résolutoires soient suspendus pendant ledit échéancier. Elle sollicite également le rejet du surplus des demandes de son adversaire, notamment sa demande majoration du taux d'intérêt de retard à compter du 17 juillet 2015, compte tenu de l'existence de contestations sérieuses. Elle demande enfin l'allocation d'une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'une autre somme du même montant au titre des frais irrépétibles d'appel.

La société Créteil Création rappelle que l'exception d'inexécution permet au débiteur d'une obligation de ne pas s'exécuter dès lors que son cocontractant n'exécute pas lui-même l'obligation qui lui incombe. Elle fait valoir que le bailleur est tenu d'une obligation de commercialité consistant à faire bénéficier le preneur exploitant son fonds de commerce dans un centre commercial d'un environnement commercial permettant l'afflux de chalands, que cette obligation constitue un des aspects de l'obligation de délivrance du bailleur prévue par l'article 1719 du Code civil, que l'article 17 des stipulations générales et l'article 9 des stipulations particulières du bail prévoient bien une telle obligation à la charge de la société Aéroville.

La société Créteil Création estime également que la jurisprudence reconnaît que le fait pour le preneur d'invoquer le manquement du bailleur à ses obligations contractuelles, obligations de commercialité comprise, est constitutif d'une contestation sérieuse que le juge des référés ne peut pas trancher, que cette position a été confirmée par la juridiction des référés à plusieurs reprises et que la jurisprudence a été amenée à préciser les critères du bien-fondé de la contestation sérieuse, résidant dans le manque d'attractivité du centre commercial et dans les pertes du preneur.

La société Créteil Création soutient que le centre commercial Aéroville connaît un manque d'attractivité depuis son ouverture en octobre 2013, le groupe Unibail-Rodamco ayant d'ailleurs précisé ne pas avoir atteint ses objectifs en terme de fréquentation fixés à 12 millions, qu'à ce jour, ces difficultés ne font que s'aggraver, le chiffre de visiteurs en 2015 étant 30 % inférieur au chiffre annoncé.

Selon la société Créteil Création, cet état de fait est d'ailleurs confirmé par un reportage du 11 septembre 2014 diffusé lors du journal télévisé de France 2, par le constat lors de l'audience de référé de première instance en novembre 2015 de la fermeture dans le centre Aéroville de onze enseignes et de onze enseignes supplémentaires depuis cette date, soit vingt-deux enseignes depuis octobre 2013. A ce titre, la société Créteil Création produit un procès-verbal de constat d'huissier établi le mercredi 1er février 2017 et indique que ce constat fait état du caractère inexact du plan versé aux débats par la société Aéroville ainsi que des chiffres concernant le taux d'occupation et la surface inoccupée. En effet, la société Créteil Création estime que, compte tenu du départ le 3 mars 2016 de la société C&A du centre en raison de pertes trop importantes, il est impossible qu'au 30 juin 2016, seuls 2 970 m² soient inoccupés, la cellule occupée par l'enseigne C&A représentant à elle seule 2 829 m². Cela est, selon l'intimée, confirmé par le constat d'huissier en date du 1er février 2017 qui établit que plus de 6 000 m sont inoccupés dans le centre commercial.

La société Créteil Création fait valoir que les documents produits par la société Aéroville, relatifs à la fréquentation du centre sont dépourvus de valeur probatoire dès lors qu'ils ne sont pas certifiés, qu'aucun élément n'est communiqué pour justifier de la méthodologie de comptage de cette fréquentation, que ces chiffres sont en contradiction avec le départ des enseignes et le constat d'huissier du 1er février 2017, que le constat d'huissier que produit la société Aéroville en date du 4 juin 2016 a été effectué pour les besoins d'un autre litige et ne peut attester du flux de visiteurs dans le centre commercial, ce comptage ayant été effectué sciemment lors du créneau le plus fréquenté de la semaine pour le centre. Elle considère en outre que les éléments produits par la bailleresse concernant son obligation de promotion et d'animation sont insuffisants.

Elle fait de surcroît valoir que la société Aéroville est parfaitement consciente des difficultés que rencontre le centre, celle-ci ayant en effet renoncé à sa demande d'acquisition de la clause résolutoire du bail durant l'audience de plaidoirie de première instance, ce qui prouve que l'appelante a conscience qu'elle ne pourra pas retrouver un locataire.

De plus, l'intimé soutient qu'elle a subi plus de 91 000 euros de pertes depuis l'ouverture du centre en octobre 2013, qu'elle a réglé la totalité du loyers et des charges depuis cette ouverture jusqu'au 2ème trimestre 2015, ne disposant plus d'assez de trésorerie au 3e trimestre 2015 pour s'acquitter de la totalité du loyer. Elle précise que les chiffres utilisés par la société Aéroville correspondent au chiffre d'affaire cumulé de 3 magasins répartis dans 3 centres commerciaux et ne correspondent donc pas aux résultats du magasin présent dans le centre commercial Aéroville et que les taux de charges salariales dont fait état l'appelante sont conformes aux usages et sont parfaitement justifiés au regard notamment des horaires imposés par la société Aéroville.

La société Créteil Création précise que l'article L. 442-6-I 2° du Code de commerce sanctionne les obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties et que la jurisprudence a confirmé que ce déséquilibre significatif s'apprécie d'une part au vu des clauses exorbitantes de droit du bail commercial conclu entre les parties et d'autre part, par référence à la commercialité défaillante du centre commercial.

A ce titre, la société Créteil Création estime que le bail liant les parties a été conclu avec une période d'exécution ferme de six ans et que partant, même en cas de commercialité inexistante, le preneur ne peut délivrer un congé pour mettre un terme au bail alors que le bailleur ne s'engage à aucun résultat de commercialité et peut délivrer des commandements de payer, ce qui constitue un déséquilibre dans les droits et obligations des parties. Le preneur estime aussi que seul le bailleur est en charge de l'animation et de la promotion du centre commercial pour laquelle il paye des contributions élevés qu'il ne pourrait contester et qu'en contrepartie de la commercialité annoncée d'un local, le preneur s'engage à verser des loyers élevés. Ainsi, la société Créteil Création estime qu'il est manifeste que les clauses précitées n'imposent que des obligations aux preneurs et aucune contrainte aux bailleurs, ce qui constitue un nouveau déséquilibre significatif pour le commerçant.

S'agissant des charges, la société Créteil Création soutient qu'il est de jurisprudence constante que le bailleur est tenu de justifier les charges locatives facturées au locataire, qu'il lui incombe de justifier du montant et de la ventilation des charges réclamées et que le non-respect de cette obligation est sanctionné par l'absence de cause des charges appelées. Or, selon la société Créteil Création, les factures transmises par la société Aéroville ne permettent pas d'identifier et d'affecter les sommes dues par le preneur, le montant de ces charges n'étant appuyé par aucune pièce justificative, ce qui démontre le non-respect par la société Aéroville de l'obligation susmentionnée.

La société Créteil Création estime que du fait de sa bonne foi, de son règlement régulier des loyers avant le 3e trimestre 2015 et de ses difficultés financières, elle est légitime et bien-fondée à demander l'octroi de délais de paiement. Elle considère en outre que la demande de la société Aéroville de majoration de 400 points des intérêts constitue une source d'enrichissement sans cause et une clause pénale manifestement excessive qui doit être rejetée.

Sur ce, LA COUR

Sur le principe de la dette locative de la société Créteil Création :

Le bailleur commercial est tenu, par application de l'article 1719 du Code civil, de délivrer au preneur la chose louée, d'entretenir cette chose en état de servir à son usage et d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail. Le fait que, lorsque les locaux loués sont situés dans l'enceinte d'un centre commercial, le bailleur soit propriétaire de l'ensemble des locaux situés dans la galerie marchande n'induit pas en soi, à défaut de stipulation expresse du bail, qu'il soit tenu, au titre de son obligation de délivrance, le devoir d'assurer la commercialité du centre.

En l'espèce, loin de comporter une telle stipulation, le bail conclu entre la société Aéroville et la société Créteil Création stipule, en son article 20 des dispositions générales que " le Preneur et ses assureurs renoncent à tout recours contre le Bailleur (...) en cas de défaut d'exploitation des autres locaux du Centre ou de certains d'entre eux (...) ; le Bailleur n'étant pas responsable de l'état de commercialité du Centre ".

Sans qu'il ne soit besoin de l'interpréter, une telle clause n'induit pas que le bail soit tenu, au titre de son obligation de délivrance, d'assurer la commercialité du centre. Au demeurant, la société Créteil Création indique elle-même dans ses conclusions, en page 21, que " de son côté, la bailleresse ne s'engage à aucun résultat en terme de commercialité ". A défaut d'établir que la société Aéroville serait tenue d'une telle obligation, la société Créteil Création n'est pas en mesure d'opposer valablement une exception d'inexécution pour se soustraire au paiement des loyers.

A titre surabondant, quand bien même la société Aéroville aurait-elle été débitrice d'une telle obligation, les éléments produits par la société Créteil Création ne sont pas de nature à caractériser un manquement à cet égard de la part du bailleur. En effet, si la société Créteil Création fait état d'un procès-verbal de constat d'huissier de justice en date du 1er février 2017 dans lequel est constatée la fermeture de vingt " cellules " correspondant à des anciens emplacements de magasins, il n'est pour autant pas établi que le centre commercial, qui n'a ouvert que récemment, au mois d'octobre 2013, souffrirait d'une particulière désaffection de la clientèle, un autre huissier de justice ayant, par un constat du 4 juin 2016 établi à la requête de la société Aéroville, relaté que ce centre apparaissait dûment fréquenté au moment où il a effectué ses constatations. De même, les articles de presse produits par la société Aéroville, et notamment l'article du journal Le Parisien en date du 15 mars 2016, relatent que la fréquentation du centre, qui comprend notamment deux cents magasins, connaît une hausse significativement supérieure à celle des autres centres commerciaux du territoire français.

Aussi apparaît-il que le moyen soulevé par la société Créteil Création, tiré de l'exception d'inexécution, par la société Aéroville, d'une obligation qu'elle aurait d'assurer la commercialité des lieux loués, manque tant en droit qu'en fait et ne saurait par conséquent, constituer une contestation sérieuse pour la demande de condamnation à une provision correspondant au montant des loyers.

Par ailleurs, le fait que le magasin Harcourt du centre Aéroville, soit parmi ceux que possède la société Créteil Création dans différents centres commerciaux, celui qui enregistre un déficit ne constitue pas davantage pour cette dernière un motif suffisant pour se soustraire à son obligation de payer les loyers.

Enfin, la société Créteil Création invoque un déséquilibre des relations contractuelles qui résulterait de ce que " la bailleresse ne s'engage à aucun résultat en terme de commercialité " cependant qu'elle-même, en qualité de preneur, est dans l'impossibilité contractuelle de délivrer un congé pendant une durée de six ans. Ce seul rapprochement de deux obligations respectives des parties, outre qu'il ne caractérise pas en soi le déséquilibre dénoncé par la société Créteil Création, ne constitue en tout état de cause pas le fondement d'une contestation sérieuse permettant à celle-ci de se soustraire au paiement des loyers.

Sur le montant de l'arriéré locatif :

- Sur le montant dû en principal :

Au soutien de sa demande, la société Aéroville produit un décompte arrêté au 23 janvier 2017. Ce décompte comprend une somme de 238,74 euros indiqué comme correspondant à des " frais huissier suite commandement du 27/072015 " ainsi qu'une somme de 2 129,56 euros indiquée comme correspondant à des " pénalités de retard suite commandement du 27/072015 ".

Cependant, la première somme ne peut être réclamée dans le décompte alors qu'elle l'est déjà au titre des dépens, de sorte qu'elle est réclamée à un double titre. Il en va de même s'agissant de la seconde alors que sont également réclamés des intérêts conventionnels de retard. Il convient donc de les soustraire des sommes réclamées à titre principal.

Par ailleurs, il est constant que cette somme comprend celle de 63 421,59 correspondants aux charges, taxes et accessoires. Contrairement à ce qu'indique la société Créteil Création, la ventilation des charges auprès de celle-ci est justifiée par la société Aéroville qui justifie les avoir calculées en tenant compte du quotient de tantième applicable au preneur, ainsi qu'il résulte des relevés individuels par répartition qu'elle a versés aux débats. Aussi la société Créteil Création ne soulève-t-elle pas à ce sujet une contestation sérieuse justifiant qu'il ne soit pas fait droit à la demande de provision formulée de ce chef.

Il convient en conséquence de fixer le montant de la provision en principal à la somme de 122 064,22 euros.

- Sur le montant des intérêts conventionnels :

La société Aéroville demande l'application du taux de base Eonia plus 400 points, ce qui correspond, selon l'article 7 du bail à une majoration de 4 % l'an. Si la société Créteil Création ne conteste pas que cet intérêt soit calculé à compter du 17 juillet 2015, correspondant à un délai de dix jours suivant l'envoi d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception par le bailleur, ainsi que le prévoit le bail, la société Créteil Création expose cependant que cette majoration du taux de 400 points constituerait une clause pénale.

Cependant, non seulement cette majoration n'est pas présentée comme telle mais en outre, le paiement d'une indemnité due au titre de la clause pénale n'est que l'exécution d'une clause librement acceptée qui vise à sanctionner le manquement d'une partie à ses obligations contractuelles. Si le juge des référés ne peut modérer la clause pénale, il peut accorder une provision à valoir sur le montant non contestable de cette clause, qui n'a d'autre limite que le montant prévu au contrat.

En l'espèce, il n'apparaît pas que l'application de cet intérêt fasse l'objet d'une contestation sérieuse de la part de la société Créteil Création.

Sur la demande de délais de paiement :

Compte-tenu des délais dont a déjà bénéficié en fait la société Créteil Création et du fait que celle-ci fait état des difficultés de son seul magasin situé dans la zone commerciale Aéroville mais pas de sa situation financière dans son ensemble, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande de délais de paiement.

Sur les autres demandes :

Partie succombante au principal, la société Créteil Création sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel. En revanche, dès lors que la société Aéroville ne poursuit plus l'acquisition de la clause résolutoire, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande tendant à ce que ceux-ci comprennent le coût du commandement de payer visant ladite clause.

Il apparaît équitable de condamner la société Créteil Création à verser à la société Aéroville la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, sans qu'il n'y ait lieu de fixer une somme spécifique au titre des frais irrépétibles exposés en première instance.

Par ces motifs ; Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise ; Statuant à nouveau, Condamne la société Créteil Création à verser à la société Aéroville une provision à valoir sur l'arriéré locatif arrêté au 23 janvier 2017 d'un montant de 122 064,22 euros, avec intérêts conventionnels à compter du 17 juillet 2015 au taux de base Eonia augmenté de 4 % l'an ; Rejette la demande de délais de paiement formulée par la société Créteil Création ; Condamne la société Créteil Création à verser à la société Aéroville la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne la société Créteil Création aux dépens, lesquels ne comprennent pas le coût du commandement de payer du 27 juillet 2015, et dit que les dépens pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.