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Décisions

CA Douai, 1re ch. sect. 1, 6 avril 2017, n° 16-01810

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Afibel (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Zavaro

Conseillers :

M. Poupet, Mme Boutié

TGI Lille, du 12 févr. 2016

12 février 2016

Mme Germaine P., exposant avoir été rendue destinataire de plusieurs courriers de la société Afibel, spécialisée dans la vente par correspondance, lui faisant croire qu'elle était la gagnante de diverses sommes d'argent, a assigné ladite société devant le Tribunal de grande instance de Lille en paiement des sommes qu'elle disait lui avoir été promises et, subsidiairement, en indemnisation du préjudice moral qu'elle déclarait lui avoir été causé par la profusion de courriers et relances émanant de la société Afibel ayant eu pour effet de troubler son discernement et de l'empêcher de se livrer à un examen correct des messages litigieux.

Par jugement contradictoire du 12 février 2016, le tribunal a condamné la société Afibel à payer à Mme P. la somme de deux euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 août 2014 mais a débouté Mme P. du surplus de ses demandes et l'a condamnée aux dépens et au paiement à la société Afibel de la somme de mille euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Mme P., ayant relevé appel de ce jugement, sollicite son infirmation et la condamnation de la société Afibel à lui payer, à titre principal, au visa de l'article 1371 du Code civil, la somme de 35 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision, à titre subsidiaire, au visa de l'article 1382 du Code civil, 15 000 euros à titre de dommages et intérêts et, en toute hypothèse, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, 2 000 euros, ainsi qu'aux dépens.

La société Afibel conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de Mme P. aux dépens et au paiement à son profit d'une indemnité pour frais irrépétibles de 3 000 euros.

Vu les conclusions de l'appelante en date du 30 mai 2016 et les conclusions de l'intimée en date du 27 juillet 2016.

Sur ce,

Attendu que le tribunal a commencé la motivation de sa décision par un rappel complet, qu'il n'est donc pas utile de renouveler, des textes applicables en la matière, en particulier l'article 1371 du Code civil et divers articles du code de la consommation, ainsi que des principes jurisprudentiels devant présider à leur application ;

qu'après examen des documents adressés à Mme P. dans le cadre des quatre opérations, tirages, loteries litigieux, la cour partage l'analyse qu'en a fait le tribunal au terme d'une description minutieuse, concluant à une suffisante mise en évidence de l'aléa affectant le gain annoncé, permettant d'exclure une conviction sincère de l'appelante quant à sa condition de gagnante, et adopte sa motivation ;

que les longs développements de l'appelante sur les principes affirmés et réaffirmés par la cour de cassation selon lesquels, d'une part, un tel litige s'examine exclusivement au regard de l'article 1371 du Code civil et de la théorie des quasi-contrats, d'autre part, il appartient à la juridiction saisie de rechercher essentiellement, dans les documents envoyés par une société telle qu'Afibel et annonçant un gain, l'existence ou non d'un aléa perceptible à première lecture, sont inopérants pour remettre en cause la décision des premiers juges puisque ce sont effectivement ces principes qu'ils ont rappelés et appliqués et que les développements en question ne constituent pas une critique spécifique de l'analyse concrète de chaque courrier à laquelle s'est justement livré le tribunal ;

que le combat éthique des consommateurs, traduit par les conclusions de l'appelante, contre des pratiques des sociétés de vente par correspondance qu'ils jugent délibérément trompeuses ne peut, en l'état du droit, dispenser les parties et, surtout, les tribunaux de l'analyse poussée, au cas par cas, des documents des opérations contestées ;

que la critique sommaire consistant à mettre en exergue une phrase, telle " Mme P. a la garantie de recevoir 5 000 euro ", sans en examiner la portée au regard des autres informations contenues dans un même courrier, ne satisfait pas à l'analyse exigeante attendue et est insuffisante pour combattre celle à laquelle a procédé le tribunal au cas présent ;

qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qui concerne le rejet, à l'exception d'un gain de deux euros, des demandes principales de Mme P. ;

attendu que les conclusions d'appel de cette dernière ne comportent aucune motivation de sa demande subsidiaire de dommages et intérêts et, par conséquent, aucune démonstration du préjudice allégué au regard non seulement, sur un plan général, des effets des pratiques contestées sur les clients, souvent âgés, aux capacités visuelles et d'analyse émoussées, mais aussi, singulièrement, de la situation propre de Mme P. ;

que le jugement ne peut donc qu'être également confirmé de ce chef ;

attendu qu'il appartient à l'appelante, partie perdante, de supporter la charge des dépens conformément à l'article 696 du Code de procédure civile ;

qu'il n'est pas inéquitable, vu l'article 700 du même Code, de laisser à l'intimée la charge de ses frais irrépétibles.

Par ces motifs, LA COUR, confirme le jugement entrepris, déboute la société Afibel de sa demande d'indemnité pour frais irrépétibles, condamne Mme Germaine P. aux dépens.