CA Versailles, 3e ch., 30 mars 2017, n° 15-03041
VERSAILLES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Enedis (Sté)
Défendeur :
MMA IARD (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Boisselet
Conseillers :
Mmes Bazet, Derniaux
Le 25 juin 2008, un incendie a détruit un bâtiment d'exploitation appartenant à M. H. et assuré par les MMA. Une expertise amiable a été effectuée à la requête de l'assureur, et a conclu qu'une surtension sur le réseau électrique, manifestée par l'explosion d'un transformateur situé à proximité, et l'existence de dégâts en divers points de la maison d'habitation H., était à l'origine de l'incendie.
ERDF contestant sa responsabilité, M. H. et les MMA l'ont assignée devant le Tribunal de grande instance de Nanterre, par acte du 14 juin 2013.
Par jugement du 6 mars 2015, le Tribunal de grande instance de Nanterre a :
- déclaré l'action recevable,
- condamné ERDF à payer :
- aux MMA la somme de 68 694,00 euros
et au titre de l'article 700 du Code de procédure civile 2 500,00 euros
- à M. H., les sommes de 4 446,00 euros et 1 940,00 euros
- ordonné l'exécution provisoire,
- rejeté toutes autres demandes,
- condamné ERDF aux dépens.
ERDF en a relevé appel le 22 avril 2015, et prie la Cour, par dernières écritures du 20 juillet 2015, de
- déclarer la demande des MMA irrecevable, faute pour elle de justifier de sa subrogation effective dans les droits de son assuré,
- juger l'action prescrite sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du Code civil dans leur rédaction alors applicable,
- débouter les MMA et M. H. de toutes leurs demandes,
- condamner les MMA à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
Par conclusions du 27 août 2015, les MMA et M. H. demandent à la cour de :
- vu les articles 1384 et suivants du Code civil, condamner ERDF à payer :
- aux MMA la somme de 68 694,00 euros
- à M. H., les sommes de 4 446,00 euros et 1 940,00 euros
- condamner ERDF à payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile .
L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 février 2017.
Sur quoi, LA COUR :
Le tribunal a retenu qu'en application de l'article 1386-18 du Code civil, la victime d'un dommage pouvait se prévaloir d'un régime de responsabilité distinct de celui prévu par les articles 1386-1 et suivants de ce Code, et qu'ainsi les demandeurs étaient recevables à se prévaloir contre ERDF de la responsabilité du fait des choses résultant de l'article 1384 de ce Code, sans que l'alinéa 2 de ce dernier texte fût applicable.
ERDF expose que la demande de MMA est irrecevable faute pour elle de justifier de la subrogation dans les droits de son assuré, tant légale que conventionnelle. Elle fait valoir que l'action ne peut être fondée que sur les articles 1386-1 et suivants du Code civil, en sorte que la prescription de trois ans prévue par l'article 1386-17 est acquise. Elle observe enfin que l'action, à la supposer recevable, ne peut avoir qu'un fondement contractuel, puisqu'elle est tenue, malgré le principe de séparation des activités d'exploitation des réseaux, de transport et de distribution d'électricité, de celles de production et vente au consommateur final, de toutes les obligations contractuelles du fournisseur. Subsidiairement, elle fait valoir qu'elle ne pourrait être tenue que des dommages résultant exclusivement de la surtension, or en l'espèce le déclenchement de l'incendie est dû en premier lieu à la non-conformité des installations de la victime aux normes applicables, qui prévoient que lesdites installations doivent pouvoir résister à une surtension accidentelle.
M. H. et les MMA exposent que les dispositions des articles 1386-1 et suivants du Code civil n'ont pas vocation à s'appliquer, en l'absence de tout défaut intrinsèque de l'électricité fournie établi, et qu'en tout état de cause, il leur est loisible de se prévaloir d'un autre régime de responsabilité en application de l'article 1386-18 du Code civil. Ils rappellent que le lien contractuel n'existe qu'à l'égard d'EDF, mais non à celui d'ERDF, en sorte que l'article 1384 du Code civil est applicable, et que le fait qu'ERDF se soit vu imposer les obligations d'EDF en matière de gestion du réseau n'a pas pour effet d'en faire le cocontractant du consommateur. Ils font enfin valoir que la non-conformité des installations de M. H. n'est aucunement établie.
Sur la recevabilité de la demande des MMA :
La cour adopte sans réserve les motifs pertinents exposés par le tribunal sur la subrogation des MMA dans les droits de son assuré, et confirmera le jugement de ce chef.
Sur la responsabilité d'ERDF :
Il n'est pas contesté que le dommage est imputable à une surtension accidentelle due à un incident électrique ayant affecté un transformateur de distribution électrique situé à proximité de la propriété de M. H..
Le tribunal a justement rappelé que, selon l'article 1386-1 du Code civil, dans sa rédaction alors applicable, un producteur est responsable des dommages causés par un produit défectueux, et que, selon l'article 1386-3 de ce Code, l'électricité est un produit.
Il a également justement rappelé que la prescription de l'action en réparation fondée sur la responsabilité des produits défectueux est de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur.
S'il est vrai que l'article 138[6]-18 du Code civil, dans sa rédaction alors applicable, dispose que le régime de responsabilité des produits défectueux ne porte pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extra contractuelle ou au titre d'un régime spécial de responsabilité, c'est cependant à la condition que ces régimes de responsabilité aient un fondement différent.
Tel n'est pas le cas en l'espèce, puisqu'est invoquée seulement la circonstance que l'électricité parvenant dans la propriété de M. H. a été momentanément d'une puissance inadaptée, ce qui constitue incontestablement un défaut, les textes précités ne faisant aucune distinction entre les différents défauts possibles. Dès lors la responsabilité du fait des choses fondée sur l'article 1384 du Code civil, dans sa rédaction alors applicable, ne peut être considérée comme fournissant un fondement différent à la réclamation des MMA et de M. H..
Il est constant que le sinistre a eu lieu le 25 juin 2008, et que son origine électrique a été connue, au plus tard, le 3 février 2009, à la suite du rapport Texa.
L'action ayant été introduite le 14 juin 2013, soit plus de trois ans après, la prescription triennale prévue par l'article 1386-17 du Code civil, dans sa version alors applicable et devenu l'article 1245-16 du Code civil, est acquise.
Les MMA et M. H. seront dès lors déclarés irrecevables en leurs demandes, pour cause de prescription.
Les MMA supporteront en conséquence les dépens de première instance et d'appel, et contribueront aux frais de procédure exposés par ERDF à hauteur de 4 000 euros.
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, Confirme le jugement déféré en ce que les MMA ont été jugées valablement subrogées dans les droits de leur assuré M. H., L'infirmant en toutes ses autres dispositions, Déclare l'action entreprise par la société MMA et M. Loïc H. irrecevable pour cause de prescription, Condamne la société MMA à payer à la société ENEDIS anciennement dénommée ERDF la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, avec recouvrement direct.