CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 19 avril 2017, n° 16-02308
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Itaca Europa Servicio Nutricion Animal (Sté)
Défendeur :
Valorex (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Luc
Conseillers :
Mme Mouthon Vidilles, M. Thomas
Avocats :
Mes Taze Bernard, Mateu, Grappotte-Benetreau, Depasse
FAITS ET PROCÉDURE
La société Valorex est spécialisée dans la fabrication d'aliments pour animaux de ferme, plus particulièrement les aliments extrudés.
La société Itaca Europa Servicio Nutricion Animal (ci-après, la " société Itaca ") est active dans la distribution des produits destinés à l'alimentation animale sur plusieurs marchés, et notamment en Italie. Son siège social est situé à Barcelone.
Le 1er juin 2010, la société Valorex a conclu une lettre d'intention avec la société Itaca, conférant à celle-ci l'exclusivité pour la distribution en Italie des produits de la société Valorex, en dehors des distributeurs clients historiques de cette dernière, pour une période de deux ans renouvelable en fonction des résultats obtenus, et avec des objectifs de vente minimum, résiliable avec un préavis de trois mois. Ce contrat a été signé par Madame Rosa Maria Garcia Ferrer pour la société Itaca et par Monsieur Stéphane Deleau pour la société Valorex.
Il n'est pas contesté que les relations commerciales se déroulaient de la façon suivante : la société Itaca recevait une commande du client qu'elle avait démarché en Italie et passait elle-même commande auprès de la société Valorex qui livrait directement ce client en Italie. La société Itaca réglait la société Valorex une fois qu'elle avait reçu le règlement de son propre client, directement livré par Valorex. Ces relations ont connu une croissance importante puisqu'elles ont généré, respectivement pour la société Valorex et la société Itaca, un chiffre d'affaires 2010 de 360 726 euros et 518 423 euros, un chiffre d'affaires de 2011 448 861 euros et 597 915 euros et en 2012, de 677 459 euros et 876 115 euros.
A partir du mois de janvier 2013, la société Itaca a interrompu le paiement des factures de la société Valorex, et a cessé de passer toute commande auprès de cette dernière. Elle expliquait qu'elle-même ne recevait plus ni de commande ni de paiement de la part de ses propres clients. Elle suspectait par ailleurs la société Valorex de violer son exclusivité.
Le 11 mars 2013, la société Valorex a informé la société Itaca de la fin de leurs relations contractuelles au 15 juin 2013, au motif que les factures de janvier à février 2013 étaient impayées, conformément à l'article 7 de la lettre d'intention.
Le 25 juin 2013, la société Itaca a présenté une requête auprès du Président du Tribunal de commerce de Rennes afin qu'un constat d'huissier soit diligenté dans les locaux de la société Valorex, aux fins de déterminer si la société Valorex avait failli aux obligations résultant de la lettre d'intention du 1er juin 2010.
Le 3 juillet 2013, il a été fait droit à cette requête et un procès-verbal de constat a été dressé le 23 juillet 2013. Par ordonnance du 19 septembre 2013, le Président du Tribunal de commerce de Rennes a autorisé la société Itaca à se faire communiquer les pièces saisies par l'huissier et séquestrées en son étude.
Par acte du 18 octobre 2013, la société Itaca a assigné à bref délai la société Valorex devant le Tribunal de commerce de Rennes. Elle se fondait sur les pièces recueillies par l'huissier pour accuser la société Valorex d'avoir livré directement ses clients en Italie et d'avoir ainsi violé son exclusivité.
Par jugement du 23 janvier 2014, le Tribunal de commerce de Rennes a, sous le régime de l'exécution provisoire :
- prononcé la résiliation judiciaire du contrat formé par la lettre d'intention aux torts exclusifs de la société Itaca,
- débouté la société Itaca de ses demandes fondées sur le non-respect de la clause d'exclusivité,
- dit qu'à la rupture du contrat, le préavis de trois mois octroyé par la société Valorex était justifié,
- débouté la société Itaca de ses demandes à ce titre,
- débouté la société Itaca de sa demande au titre du préjudice moral,
- débouté la société Valorex de sa demande de dommages et intérêts,
- dit qu'il n'y avait pas lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs autres demandes, fins, ou conclusions,
- dit que les dépens de l'instance seront partagés également entre les parties,
liquidé les frais de greffe à la somme de 81,12 euros tels que prévu aux articles 695 et 701 du Code de procédure civile.
LA COUR,
Vu l'appel interjeté par la société Itaca et ses dernières conclusions notifiées et déposées le 5 décembre 2016, par lesquelles il est demandé à la cour de :
- recevoir la société Itaca en son appel et l'y déclarer bien fondée,
- annuler le jugement prononcé le 23 janvier 2014 par le Tribunal de commerce de Rennes et statuant par effet dévolutif,
Subsidiairement,
- confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que Itaca disposait d'une exclusivité de distribution toujours en cours au moment des manquements de Valorex et en sa demande de dommages et intérêts et déclarer Valorex irrecevable et subsidiairement mal fondée en sa contestation et en sa demande de dommages et intérêts,
Ce faisant, statuant à nouveau,
- dire que la société Valorex a violé la clause d'exclusivité contenue dans le contrat en date du 1er juin 2010,
- dire que la société Valorex a brutalement et abusivement rompu la relation contractuelle établie avec la société Itaca,
- dire que les fautes contractuelles et délictuelles de la société Valorex ont eu pour conséquence de générer un préjudice moral qui a été subi par la société Itaca et qu'il sera indemnisé par l'allocation de 10 000 (dix mille) euros mensuels depuis le 1er février 2013 jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir et, par conséquent, condamner la société Valorex à régler à la société Itaca la somme de 10 000 (dix mille) euros mensuels à compter du 1er février 2013 jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir,
Avant dire droit sur le préjudice,
- ordonner à la société Valorex de communiquer à la société Itaca les documents certifiés comptables établissant l'identité des acquéreurs ainsi que le nombre de ventes de produits extrudés pour le marché italien vendus à partir de 2013 afin de permettre à la société Itaca d'apprécier le préjudice entièrement subi, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,
- ordonner à la société Valorex de verser à la société Itaca la somme de 200 000 (deux cent mille) euros à titre de provision à valoir sur le préjudice qu'elle a subi résultant de la violation de la clause d'exclusivité prévue par le contrat du 1er juin 2010,
- ordonner à la société Valorex de verser à la société Itaca la somme provisionnelle de 130 000 (cent trente mille) euros au titre de dommages et intérêts résultant de la rupture brutale et abusive de la relation contractuelle qu'elle avait avec la société Itaca depuis le contrat du 1er juin 2010,
- condamner la société Valorex à verser à la société Itaca la somme de 50 000 (cinquante mille) euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner encore en tous les dépens dont le recouvrement sera poursuivi par Maître Laurence Taze-Bernard, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions notifiées et déposées le 18 janvier 2017 par la société Valorex, intimée, par lesquelles il est demandé à la cour de :
- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Rennes du 23 janvier 2014,
- débouter la société Itaca de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- dire que les manquements de la société Itaca à ses obligations contractuelles justifient que la résiliation de la lettre d'intention soit prononcée aux torts exclusifs de la société Itaca, subsidiairement,
- dire que la rupture des relations contractuelles n'a revêtu aucun caractère brutal justifiant une éventuelle indemnisation,
- condamner la société Itaca à payer à la société Valorex la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamner la société Itaca à payer à la société Valorex la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens qui seront recouvrés par la SCP Grapotte Benetreau, Avocat, dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Sur ce,
Sur la nullité du jugement pour absence de motivation
Si la société Itaca soutient que le tribunal de commerce, dans son jugement du 23 janvier 2014, a omis toute discussion sur la violation de l'obligation d'exclusivité qu'elle alléguait, il convient de relever qu'il a expressément rejeté ce moyen dans son dispositif, faisant droit aux explications de la société Valorex prétendant avoir été trompée par M. Prada, mandataire " apparent " de la société.
Il n'y a donc pas lieu de faire droit à sa demande.
Sur les relations contractuelles entre les parties
La société Itaca rappelle que le contrat conclu avec la société Valorex lui conférait l'exclusivité de distribution des extrudés Valorex en Italie, en dehors des clients historiques de Valorex, limitativement énumérés. Elle soutient que l'intimée a violé l'exclusivité de distribution qui lui était octroyée. En effet, elle indique qu'elle n'a plus reçu de nouvelles commandes ni de paiement de ses clients après le 16 janvier 2013 alors qu'elle recevait traditionnellement plusieurs commandes par semaine. En plus de cette interruption brutale de commande, l'appelante indique qu'elle n'a plus eu de contact avec l'intimée à partir de cette période. Elle affirme qu'aucune justification n'est propre à exonérer l'intimée de sa responsabilité. En effet, la société Itaca prétend que M. Prada n'a jamais exercé la moindre fonction de direction au sein de la société Itaca, n'est donc pas signataire du contrat de distribution et ne pouvait engager la société Itaca à l'égard de la société Valorex.
Elle soutient enfin qu'elle n'a, quant à elle, commis aucune faute dans l'exécution de ses obligations contractuelles, les ayant parfaitement respectées tout au long de l'exécution du contrat, du 1er juin 2010 au mois de février 2013, puis ayant légitimement invoqué l'exception d'inexécution devant l'arrêt des commandes imputable à la captation de ses clients par la société Valorex.
La société Valorex réplique que la société appelante prétend avoir été bénéficiaire d'une clause d'exclusivité alors même qu'elle ne respectait pas les objectifs prévus au contrat. Elle soutient que ce sont les manquements répétés à ses obligations contractuelles qui sont à l'origine de la résiliation du contrat. En effet, la société Itaca aurait cessé de passer des commandes et de payer les factures dès le mois de janvier 2013. L'intimée affirme avoir commencé à travailler avec la société Deatech à partir de mars 2013 puisqu'elle ne disposait plus de commandes de la société Itaca. Elle soutient que l'arrêt des commandes par la société Itaca l'avait placée dans une situation difficile qui l'avait obligée à rebondir pour rester sur le marché. Elle expose que M. Prada, salarié de la société Itaca et qui avait toujours été son interlocuteur au sein de la société, lui a demandé de facturer ses produits à la société Durlton, puis à la société Deatech, du même groupe que la société Valorex.
Sur la violation de l'exclusivité
Par le contrat conclu le 1er juin 2010 la société Itaca a obtenu l'exclusivité de distribution des extrudés Valorex en Italie, en dehors des clients historiques de cette société. Au terme du délai de deux ans, le contrat a été tacitement reconduit entre les parties.
Or, il résulte des pièces du dossier que la dernière commande reçue par la société Itaca de ses clients italiens a fait l'objet d'une livraison par la société Valorex le 4 février 2013 et d'une facture le 6 février 2013.
Par ailleurs, la société Deatech, client habituel, qui était sur le point d'effectuer une commande de sept camions de 24 tonnes auprès de la société Itaca le 30 janvier 2013, n'a plus donné suite à sa demande initiale. Suspectant un détournement de la clause d'exclusivité, le 4 février 2013, la société Itaca a adressé un courrier mettant en demeure la société Valorex de respecter le contrat signé en juin 2010. Ces soupçons ont été confirmés par les courriers électroniques appréhendés par l'huissier de justice lors des opérations de constat. Il en ressort que, dès le 19 février 2013, la société Valorex a émis des factures au profit de la société Durlton, trois factures en janvier 2013 et deux factures en février 2013 au profit de la société Deatech, en violation de l'exclusivité de la société Itaca.
Si la société Valorex prétend avoir été trompée par Monsieur Prada, salarié de la société Itaca, qui l'aurait incitée à substituer la société Durlton, puis la société Deatech à la société Itaca, elle n'en rapporte pas la preuve. En effet, si elle prétend que la société Durlton et la société Daetech étaient des sociétés soeurs de la société Itaca, elle ne le démontre par aucune pièce du dossier.
Par ailleurs, elle ne peut prétendre avoir été induite en erreur par Monsieur Prada, alors qu'elle avait reçu un courrier de la société Itaca le 4 février 2013 lui demandant de respecter la clause d'exclusivité. Enfin, elle ne démontre pas avoir pu se méprendre sur la qualité de Monsieur Prada et ne peut se retrancher derrière son adresse mail mentionnant la société Itaca, pour prétendre avoir légitimement cru qu'il agissait au nom de la société Itaca. Celui-ci n'a en effet jamais eu de fonctions de direction et a été licencié par la société Itaca le 28 février 2013. Il ressort par ailleurs de la teneur des messages échangés entre Monsieur Prada et la société Valorex que celle-ci savait que Monsieur Maurizio Prada quittait la société Itaca en emportant sa clientèle. C'est ainsi que, le 6 février 2013, la société Valorex écrivait : " je viens de téléphoner à Maurizio Si j'ai bien compris, il quitte Itaca pour passer à Durlton. On doit recevoir un mail bientôt à ce sujet (...) Durlton va reprendre les activités de dvpt d'Itaca en lien avec Valorex, bbc, districoeur au 1er février Ithaca va gérer d'autres choses (...) ". Le 1er mars 2013, le représentant légal de la société Valorex, Monsieur Deleau, signataire du contrat de juin 2010, expliquait : " pour faire perdurer son fonds de commerce Maurizio propose que Deatech se substitue à la société Itaca et recouvre sur une durée d'un mois les encours d'Itaca. (...) Ce fonctionnement nous permet de livrer directement Deatech et de nous faire payer au fur et à mesure des livraisons. J'ai besoin que Maître Depasse me valide le fait qu'Itaca ne pourra réclamer les sommes à Deatech (qui se substitue à Itaca). (...) Donc aujourd'hui, Deatech reprend les dossiers de Itaca". Le même jour, Monsieur Deleau écrivait : " il faut que nous fassions le max pour être en direct avec Deatech, ce n'est pas possible sur tous les produits ". De plus, au cours des opérations de constat, Monsieur Deleau a confié à l'huissier que " Deatech est un client avec lequel Valorex travaille directement depuis début 2013 ". Il reconnaissait ainsi clairement sa violation, en toute connaissance de cause, de l'exclusivité de distribution consentie à la société Itaca depuis le début de l'année 2013 et jusqu'à la fin des trois mois de préavis.
Cette violation de l'exclusivité constitue une faute contractuelle.
Sur la rupture brutale des relations commerciales
La société Itaca soutient que la responsabilité délictuelle de l'intimée doit être mise en œuvre du fait de sa rupture brutale et abusive de leurs relations commerciales établies. Elle rappelle que la relation était stable et établie depuis 2010 et renforcée par le renouvellement dont elle avait fait l'objet en 2012. Or, la rupture résulte de la cessation de toute commande du jour au lendemain du fait de la captation par la société Valorex de la clientèle de la société Itaca. N'ayant obtenu aucun préavis, elle demande une indemnisation pour le défaut de préavis, dont elle évalue la durée raisonnable à une durée de six mois.
La société Valorex affirme que la rupture des relations commerciales était justifiée et non brutale. En effet, elle était justifiée par le fait que la société Itaca ne respectait pas ses principales obligations contractuelles. Subsidiairement, elle soutient que la résiliation du contrat a eu lieu le 15 juin 2013, après un préavis de trois mois, raisonnable au regard de la durée des relations. De plus, la société intimée soutient que c'est le comportement fautif de l'appelante qui a mis fin au contrat et qu'elle est seule responsable de la situation dans laquelle elle dit se trouver aujourd'hui.
Si aux termes de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce, " Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ", cet article précise également que ces dispositions ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. Seul un comportement suffisamment grave est de nature à dispenser le respect d'un préavis.
Par courrier du 11 mars 2013, la société Valorex informait la société Itaca de sa décision de mettre fin à leur relation contractuelle avec effet au 15 juin 2013 au motif que des factures courant de 15 janvier au 7 février 2013 n'était pas payées.
Or, il résulte des pièces du dossier que le premier impayé de la société Itaca à l'égard de la société Valorex arrivait à échéance le lundi 4 février 2013 et s'élevait à 3 453,64 euros. Les documents appréhendés par l'huissier établissent par ailleurs que la société Deatech a été facturée par la société Valorex pour des factures impayées d'Itaca.
Si la société Itaca a tardé à payer ses factures, cette situation résulte de l'arrêt des commandes fin février 2013 dû au détournement de ses clients et à des détournements de facturation. Le petit retard qui lui était reproché ne saurait constituer une faute de gravité suffisante pour dispenser la société Valorex du respect d'un préavis raisonnable.
Le délai de préavis doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné. La durée du préavis doit être fixée à une durée suffisante pour permettre à l'entreprise de se réorienter, c'est-à-dire pour préparer le redéploiement de son activité, trouver un autre partenaire ou une autre solution de remplacement. Les principaux critères à prendre en compte sont l'ancienneté des relations, le volume d'affaires et la progression du chiffre d'affaires, les investissements effectués, les relations d'exclusivité, la spécificité des produits et la dépendance économique. Le délai de préavis suffisant s'apprécie au moment de la notification de la rupture.
En l'espèce, la durée de trois ans des relations commerciales et le volume d'affaires concerné justifie l'octroi d'un préavis de trois mois, en l'absence de situation de dépendance démontrée.
Le préavis formellement consenti le 11 mars 2013, d'une durée de trois mois, était donc raisonnable.
Mais ce préavis n'a pas été effectif, puisque la société Valorex n'a pas respecté son obligation de respecter l'exclusivité de la société Itaca. Il y a donc lieu de qualifier de brutale la rupture intervenue.
Sur la demande de dommages-intérêts
La société Itaca demande, concernant la violation de la clause d'exclusivité que lui soit versée à titre de provision la somme de 200 000 euros. Elle demande également l'allocation d'une somme provisionnelle équivalant à six mois de son chiffre d'affaires 2012 augmentée de 30 %, soit 130 000 euros à parfaire au titre de la rupture brutale de la relation commerciale. Enfin, elle demande l'allocation d'une somme de 10 000 euros par mois depuis les faits incriminés jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir en réparation de son préjudice moral. Elle demande avant-dire droit d'ordonner à la société Valorex de lui communiquer les documents certifiés comptables établissant l'identité des acquéreurs ainsi que le nombre de ventes de produits extrudés pour le marché italien vendu à partir de 2013 pour lui permettre d'apprécier son préjudice, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard.
Mais sur le préjudice matériel, il y a lieu de statuer au vu des éléments versés aux débats par la société Itaca à la suite des opérations diligentées par l'huissier, à savoir les chiffres d'affaires réalisés en 2010, 2011 et 2012 et les chiffres relatifs aux ventes de Valorex à Deatech et à Durlton en violation de l'obligation d'exclusivité.
Le préjudice relatif à la violation de la clause d'exclusivité sera calculé de janvier au 11 mars 2013 et il est compris, pour la période du préavis de trois mois, dans le préjudice résultant de la rupture brutale. La cour dispose des éléments suffisants pour évaluer ce préjudice à la somme de 200 000 euros.
Il y a lieu, en revanche, de rejeter la demande fondée sur le préjudice moral, qui n'est étayée par aucun élément.
Sur la demande de la société Valorex pour procédure abusive
La société Itaca a intenté une action couronnée de succès, qui n'était donc pas abusive. Cette demande sera donc rejetée.
Sur les dépens et frais irrépétibles
La société Valorex succombant au principal sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à la société Itaca la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : Rejette la demande de nullité du jugement, Infirme le jugement en toutes ses dispositions, Et, statuant à nouveau, Dit que la société Valorex a violé la clause d'exclusivité contenue dans le contrat du 1er juin 2010, Dit que la société Valorex a abusivement et brutalement rompu la relation contractuelle établie avec la société Itaca, Condamne la société Valorex à payer à la société Itaca la somme de 200 000 euros en réparation de son préjudice matériel, La déboute du surplus de ses demandes, Rejette la demande de la société Valorex pour procédure abusive, Condamne la société Valorex aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Condamne la société Valorex à payer à la société Itaca la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.