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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 19 avril 2017, n° 16-18055

PARIS

Ordonnance

PARTIES

Demandeur :

Vente-Privée.com (Sté)

Défendeur :

Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Fusaro

Avocats :

Mes Teytaud, Bocket

CA Paris n° 16-18055

19 avril 2017

Par ordonnance en date du 13 juin 2016, le juge des libertés et de la détention de Bobigny (ci-après JLD) a autorisé M. Dominique Bonnafous, directeur régional adjoint des entreprises, de la concurrence, de la consommation du travail et de l'emploi (ci-après DIRECCTE) d'Ile-de-France, responsable du pôle concurrence, consommation, répression des fraudes et métrologie, à procéder ou à faire procéder dans les locaux de la société Vente-Privée.com, aux visites et aux saisies prévues par les dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce afin de rechercher la preuve des pratiques commerciales trompeuses, en faisant référence à des prix de vente conseillés sans réalité économique, engendrant des décotes illusoires, contrevenant ainsi aux dispositions de l'article L. 121-1 du Code de la consommation, <adresse>, ainsi que dans ses établissements en exploitation directe aux adresses suivantes :

- siège social : <adresse>

- Établissement : <adresse>

- Établissement : <adresse>

- Établissement : <adresse>

- Établissement : <adresse>

Cette ordonnance a été établie suite à une requête de l'Administration dans laquelle la DIRECCTE indiquait que la société Vente-Privée.com serait présumée se livrer à des pratiques prohibées par l'article L. 121-1 du Code de la consommation.

Elle était accompagnée de 35 documents ou annexes.

Dans sa requête, l'Administration fait état d'informations selon lesquelles la société fournirait à sa clientèle des offres promotionnelles alléguant en guise de prix de vente conseillés sans réalité économique, et cette pratique pourrait être qualifiée de pratique commerciale trompeuse, délit prévu par l'article L. 121-1 du Code de la consommation et réprimé par l'article L. 121-6 de ce Code de la consommation.

Ainsi, aux termes des articles L. 121-1 et L. 121-1 II du Code de la consommation, une pratique commerciale serait trompeuse lorsqu'elle reposerait sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur concernant le prix, le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix, la portée des engagements de l'annonceur, et lorsqu'elle omettrait, dissimulerait ou fournirait de façon inintelligible, ambigüe ou à contretemps une information substantielle ou lorsqu'elle n'indiquerait pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte.

D'après les documents communiqués par l'Administration, la société Vente-Privée.com, créée en 2001, aurait pour activité le déstockage en ligne de grandes marques par le biais de ventes événementielles, principalement dans le domaine du prêt-à-porter, et que le marché français de la vente événementielle sur internet serait dominé depuis son émergence par les sociétés Vente-Privée.com et Showroomprivé.com, respectivement numéros 1 et 2, et que ces sociétés détiennent à elles seules plus de 90 % des parts de marché du secteur.

Selon l'Administration, le modèle économique de la société viserait à susciter l'urgence à acheter dans l'esprit du consommateur, et qu'elle réaliserait des offres de très courte durée (trois à cinq jours en moyenne), mais aussi des offres " Two Days " d'une durée de deux jours ainsi que des offres " One Day " d'une durée d'une seule journée.

La société Vente-Privée.com proposerait des ventes avec des quantités disponibles très limitées, et les articles placés dans le panier du consommateur ne seraient réservés que durant une période de 15 minutes, à l'issue de laquelle le panier se viderait automatiquement, ainsi le client disposerait donc d'un temps très limité pour effectuer des comparaisons de prix chez d'autres vendeurs, et pour mûrir son acte d'achat.

De plus, elle procéderait à des envois quotidiens " d'info lettres " présentant les offres du lendemain à l'ensemble de ses membres.

Par conséquent, cette stratégie commerciale pousserait à des achats impulsifs.

Il ressortait de ces investigations que des consommateurs se seraient adressés à la direction départementale de la protection des populations de Seine Saint Denis afin de dénoncer certaines pratiques, faisant état notamment de prix conseillés, affichés sur le site Vente-Privée.com, disproportionnés par rapport à la valeur réelle des produits, ainsi si ce fait était avéré, l'économie réalisée serait illusoire ou, du moins, bien moindre que celle prévue et espérée.

Par ailleurs, les rapports de constat réalisés par les enquêteurs sur des forums de discussion et réseaux sociaux sur internet, auraient permis de relever de très nombreuses réclamations de clients sur le site www.Vente-Privée.com, les consommateurs estimant subir des " arnaques " aux prix conseillés et aux réductions effectives dont ils bénéficieraient.

Par ailleurs, les enquêtes préalables réalisées par la Direction générale concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de la direction départementale de la protection des populations (ci-après DGCCRF) de Seine Saint Denis, menées auprès des différents fournisseurs de la société Vente-Privée.com, auraient mis en évidence des éléments susceptibles de caractériser des pratiques commerciales trompeuses et déloyales, quant au caractère promotionnel des offres proposées sur le site www.Vente-Privée.com, et ces enquêtes auraient donné lieu à l'établissement de rapports anonymisés afin d'éviter le risque potentiel de représailles économiques envers les fournisseurs et de préserver l'équilibre économique des relations commerciales dans ce secteur.

De nombreuses déclarations anonymisées de fournisseurs étaient également produites et selon plusieurs d'entre elles, l'ensemble de la relation commerciale serait imposée par le distributeur; que le distributeur déterminerait à la fois le prix de détail et le prix de vente conseillé afin d'établir la décote nécessaire à rendre l'offre attractive.

Ainsi, les indices résultant des enquêtes réalisées chez les fournisseurs, des plaintes des consommateurs, des articles de presse et reportages médias sur le sujet constitueraient un faisceau concordant, laissant penser que la société Vente-Privée.com mettrait en œuvre des pratiques promotionnelles destinées à tromper ou induire en erreur les consommateurs sur la réalité des prix de vente conseillés servant de référence à des annonces de réduction de prix.

Il était indiqué par l'Administration que les pouvoirs de l'article L. 450-3 du Code de commerce avaient déjà été utilisés dans les investigations précédentes et s'étaient avérés insuffisants pour lui permettre de mener à bien ses recherches et corroborer ses soupçons.

Sur la base de ces éléments, en application des dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce, le JLD de Bobigny a délivré une ordonnance de visite et de saisies au siège de la société Vente-Privée.com.

Les opérations se sont déroulées les 21 et 22 juin 2016 au siège social de la société Vente-Privée.com, <adresse> au sein de l'établissement <adresse>. Une réunion contradictoire aux fins d'ouverture des scellés a eu lieu les 16 et 17 août 2016.

Par déclaration au greffe de la Cour d'appel de Paris en date du 26 août 2016, la société Vente-Privée.com a formé un recours contre le déroulement des opérations de visite et de saisies.

L'affaire a été appelée à l'audience du 15 février 2017 à 9 heures et mise en délibéré pour être rendue le 19 avril 2017.

Par conclusions récapitulatives déposées au greffe de la Cour d'appel de Paris en date du 20 décembre 2016, la société Vente-Privée.com fait valoir :

I) à titre principal, la DGCCRF a violé les principes du respect des droits de la défense et de proportionnalité en faisant obstacle à ce que la société communique avec ses avocats et en lui imposant des opérations de visite et de saisies d'une durée excessive

- La DGCCRF a violé le principe du respect des droits de la défense en faisant obstacle à ce que Vente-Privée.com contacte ses avocats et en violant le secret de sa correspondance avec ceux-ci

La requérante tient à rappeler que d'après la jurisprudence de la Cour de Cassation, l'obligation d'assurer l'exercice des droits de la défense doit être respectée dès le stade de l'enquête préalable. Ainsi, selon l'article L. 450-4, alinéa 5 du Code de commerce, " l'ordonnance comporte la mention de la faculté pour l'occupant des lieux ou son représentant de faire appel à un conseil de son choix ".

Par ailleurs, selon l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, " les correspondances échangées entre le client et son avocat (...) sont couvertes par le secret professionnel ".

En l'espèce, lorsque Mme Blanc a souhaité faire appel à son avocat, il lui a été demandé de mettre son téléphone sur haut-parleur.

Il est argué que cette atteinte aux droits de la défense de Vente-Privée.com a été délibérée et coordonnée entre les agents de la DGCCRF présents sur les différents sites de l'entreprise. En effet, les agents ont procédé de la même manière sur le site <adresse>, comme en atteste M. Zindy, logisticien et occupant des lieux sur ce site (pièce n° 20).

La protection des correspondances avocat-client étant un droit fondamental, les enquêteurs ne peuvent exiger la mise sous écoute d'une conversation entre l'avocat et son client, ne serait-ce qu'à titre temporaire. Au demeurant, l'Administration s'est bien gardée d'informer les occupants des lieux de leur droit de désactiver le haut-parleur une fois sa vérification terminée.

Enfin, en ce qui concerne le " compte rendu d'assistance à une visite domiciliaire adressé le 22 juin 2016 par la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières " au JLD ayant autorisé les opérations, il est fait valoir qu'il n'a jamais été communiqué à Vente-Privée.com et ne figure pas en pièce n° 14 des écritures de l'Administration. En tout état de cause, ce document a été établi par l'Administration et ne saurait valoir à titre de preuve dans la présente procédure.

Dans ces conditions, il est demandé l'annulation des opérations de visite et saisies et la restitution des pièces saisies à la requérante.

- La DGCCRF a violé les principes de proportionnalité et de respect des droits de la défense en imposant à Vente-Privée.com des opérations d'une durée excessive sans discontinuer

La requérante soutient que si l'article L. 450-4, alinéa 7 du Code de commerce ne fixe pas de limite explicite à la durée des opérations de visite et saisies, néanmoins il n'exonère pas les enquêteurs du respect de la vie privée et familiale de la société et de ses employés, ni du principe de proportionnalité des opérations, lesquels résultent de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (ci-après CESDH).

Au cas particulier, les opérations litigieuses ont commencé le 21 juin 2016 à 9h30 et se sont achevées le lendemain matin vers 7 heures, soit une durée d'environ 22 heures sans interruption.

Pendant ce temps, les enquêteurs n'ont fourni aux employés de Vente-Privée.com aucune information sur le déroulement des investigations ni l'heure escomptée de leur départ. Néanmoins, ils ont exigé que les juristes et informaticiens de Vente-Privée.com demeurent dans l'entreprise - et pour Mme Blanc, dans la salle "Comop" - pendant toute la durée des opérations.

Il est argué que cette contrainte exercée sur les employés de Vente-Privée.com n'était absolument pas nécessaire ni justifiée par les besoins de l'enquête. En effet, une fois la fouille des bureaux terminée et l'ensemble des documents rassemblés en salle " Comop ", à 22 heures, les enquêteurs auraient pu apposer des scellés pour interdire l'accès à cette salle et revenir le lendemain pour finaliser les saisies informatiques et rédiger le procès-verbal. Ainsi, seule la salle " Comop " aurait été bloquée, ce qui n'aurait pas affecté le fonctionnement de l'entreprise, et les nécessités de l'enquête auraient été parfaitement préservées par l'apposition des scellés.

A titre de comparaison, il est fait noter qu'en matière de concurrence, la Commission européenne a l'usage de discontinuer les opérations après 19 heures.

De surcroît, la requérante fait valoir que la durée excessive et ininterrompue des opérations a eu pour conséquence d'altérer substantiellement la discussion sur le procès-verbal de clôture des opérations. En effet, la première version de ce document, imprécise et peu compréhensible, n'a été remise aux représentants de Vente-Privée.com qu'après 5 heures du matin. A sa lecture, les représentants de Vente-Privée.com étaient dans l'incapacité de comprendre sur quels ordinateurs les données informatiques avaient été saisies et quel type de données était concerné.

Ainsi, la société Vente-Privée.com a été privée de la possibilité de défendre efficacement ses droits.

Il est soutenu que si l'Administration avait choisi de discontinuer les opérations, comme le fait la Commission européenne, et de finaliser les saisies informatiques et la rédaction du procès-verbal le lendemain, il ne fait pas de doute que les inspecteurs l'auraient rédigé en des termes nettement plus lisibles et compréhensibles pour l'entreprise, qui aurait de son côté eu le temps de formuler les réserves appropriées.

Par conséquent, il est demandé l'annulation des opérations de visite et saisies et la restitution des pièces saisies à la requérante.

II) à titre subsidiaire, l'irrégularité des saisies informatiques opérées dans les locaux de Vente-Privée.com

- La DGCCRF a violé la procédure prévue à l'article L. 450-4 du Code de commerce en s'affranchissant des instructions données par le JLD au cours des opérations

Il est rappelé qu'en application de l'article L. 450-4 du Code de commerce, les enquêteurs sont placés sous l'autorité du JLD pour les besoins des opérations de visite et saisies et sont tenus de se conformer à ses instructions.

En l'espèce, lors de son déplacement dans les locaux de Vente-Privée.com, le JLD a donné instruction aux enquêteurs de veiller à ne pas procéder à des saisies informatiques massives et indifférenciées et, notamment, à exclure des messageries électroniques les correspondances protégées par le secret de la correspondance avocat-client.

Or, les enquêteurs ont saisi un volume considérable de documents et ont refusé d'opérer le tri des correspondances couvertes par le secret de la correspondance avocat-client, violant ainsi, à double titre, les instructions reçues du JLD.

Il est soutenu que la violation des instructions données par le JLD justifie à elle seule l'annulation des opérations de visite et de saisies dans leur ensemble et la restitution des pièces saisies à la requérante.

- La DGCCRF a violé le droit de Vente-Privée.com au respect de la vie privée et des correspondances en procédant à des saisies informatiques massives et indifférenciés

La requérante fait valoir que les saisies opérées présentent un caractère massif et disproportionné, incompatible avec le droit au respect de la vie privée et du secret des correspondances.

En l'espèce, les enquêteurs ont saisi les messageries électroniques de plus de 30 employés de la société sans limiter ni les secteurs visés, ni la période relevant du champ de l'enquête, de telle sorte que les saisies informatiques concernent près d'un million de documents. Par ailleurs, ils ont refusé de communiquer aux représentants de Vente-Privée.com leurs critères de sélection de ces messageries, ainsi à plus forte raison que la méthode employée pour vérifier que celles-ci étaient bien " pour partie utile" à l'enquête.

S'agissant de l'argumentation de l'Administration, selon laquelle la comparaison avec les méthodes de la Commission européenne " n'est pas pertinente ", il est argué qu'elle repose sur une présentation tronquée et trompeuse des pouvoirs de la Commission européenne.

En effet, eux termes du règlement n° 1/2003, les entreprises sont tenues de se soumettre aux inspections que la Commission a ordonnées par voie de décision et, en cas d'opposition de l'entreprise, l'État membre intéressé leur prête l'assistance nécessaire, en requérant au besoin la force publique pour leur permettre d'exécuter leur mission. En pratique, la Commission anticipe fréquemment ce type de difficultés en requérant la force publique, sur autorisation judiciaire, avant de se présenter dans les locaux de l'entreprise.

A l'issue de l'inspection, l'entreprise peut s'adresser à la Commission pour lui faire connaître par écrit les réclamations sur les conditions du déroulement de l'inspection et obtenir la restitution des documents qui auraient été saisis en violation d'un droit protégé par le droit de l'Union européenne. Si la Commission refuse de faire droit à ces réclamations, son refus constitue une décision attaquable et un recours peut être exercé devant le Tribunal de l'Union européenne.

Par ailleurs, si les inspections de la Commission européenne se déroulent effectivement sur plusieurs jours, cette méthode lui permet de ne pas bloquer les salariés de l'entreprise pendant 22 heures d'affilée au sein de ses locaux et de sélectionner les seuls éléments en lien avec l'objet de l'enquête et non protégés par le secret professionnel.

Il est soutenu que c'est précisément l'application de cette méthode qui aurait été proportionnée dans la présente affaire.

De surcroît, la requérante met en exergue que la DGCCRF s'est bien gardée d'expliquer la méthode et les critères qu'elle a retenus pour sélectionner les fichiers saisis aussi bien lors des opérations que dans le présent recours.

Le respect par l'Administration du champ de l'ordonnance devrait pourtant s'apprécier prima facie, au regard de la méthode utilisée et non a posteriori, au vu du résultat obtenu. A défaut, le juge ne peut contrôler la méthode employée, qui détermine pourtant si les agents ont procédé à une sélection dans le respect de l'ordonnance.

Il est soutenu que cette lacune du contrôle juridictionnel est d'autant plus grave dans des affaires où, comme en l'espèce, le volume des documents saisis empêche tout contrôle juridictionnel effectif du résultat des saisies.

En effet, après avoir mobilisé ses équipes et celles de Kroll Ontrack pendant plus d'un mois pour identifier les documents saisis relevant de la correspondance avocat-client et des correspondances personnelles de ses dirigeants, Vente-Privée.com a dû renoncer à opérer le tri des éléments sans lien avec l'objet de l'enquête, qui se serait avéré trop long et coûteux. Il n'a donc été possible de vérifier si les messageries et autres documents saisis étaient au moins " pour partie utiles " à l'enquête.

Dans ces conditions, il est demandé l'annulation des opérations de visite et de saisies dans leur ensemble et la restitution des pièces saisies à la requérante.

- La DGCCRF a violé la loi et les droits de la défense en renversant la charge du tri des correspondances avocat-client et en privant Vente-Privée.com des moyens de protéger efficacement ces correspondances

a) La DGCCRF a violé la loi en plaçant les documents informatiques saisis sous scellés provisoires

En l'espèce, les enquêteurs ont placé sous scellé provisoire les fichiers de messagerie saisis dans leur intégralité, en demandant ensuite à Vente-Privée.com de procéder elle-même au tri des correspondances couvertes par le secret des correspondances avocat-client et en fixant un rendez-vous dans les locaux de l'entreprise pour procéder aux opérations d'expurgation.

En premier lieu, il est soutenu qu'il est tout à fait possible pour la DGCCRF de procéder au tri des messageries électroniques dans les locaux de l'entreprise pour identifier les messages couverts par le secret des correspondances avocat-client. Il suffit pour cela que l'Administration demande à la société de lui remettre les noms et coordonnées de ses avocats et applique une recherche par mots-clés.

Deuxièmement, il est argué que le recours à des scellés provisoires est prévu par l'article 56, alinéa 4 du Code de procédure pénale pour remédier aux difficultés relatives à l'inventaire des pièces saisies, et non pas à celles relatives à la sélection des pièces saisies.

Troisièmement, si l'article 56, alinéa 4 du Code de procédure pénale prévoit la possibilité pour les enquêteurs de recourir à des scellés provisoires, il ne prévoit pas pour autant le transfert sur la société faisant l'objet de l'enquête de la charge de procéder elle-même au tri des éléments placés dans ces scellés. Le recours à cette méthode a pour conséquence de renverser la charge du tri des correspondances avocat-client sur l'entreprise visitée.

En l'espèce, Vente-Privée.com a été obligée de faire appel à un prestataire externe, Kroll Ontrack, pour opérer ce tri, ce qui a généré un coût de 26 240 euros HT. La requérante argue qu'ainsi faisant, l'Administration externalise son obligation de respecter les droits de l'entreprise et lui demande d'en payer le coût.

Ainsi, le recours à l'article 56, alinéa 4 du Code de procédure pénale caractérise un véritable détournement de procédure qui n'a d'autre objet que de permettre à la DGCCRF de poursuivre ses saisies massives dans les locaux des entreprises.

Par conséquent, il est demandé de constater la violation de l'article 8 de la CESDH, du droit au respect des correspondances, de la confidentialité de la correspondance avocat-client et du principe de proportionnalité au préjudice de Vente-Privée.com.

Dans ces conditions, il est demandé l'annulation des opérations de visite et de saisies dans leur ensemble et la restitution des pièces saisies à la requérante.

b) La DGCCRF a violé les principes des droits de la défense et de la confidentialité des correspondances avocat-client en ne fournissant pas à Vente-Privée.com les moyens d'exclure efficacement ces correspondances du scellé provisoire

Il est cité une jurisprudence de la Cour de Cassation, selon laquelle " le pouvoir reconnu aux agents de [l'Autorité de la concurrence] par l'article L. 450-4 de saisir des documents et supports informatiques trouve sa limite dans le principe de la libre défense, qui commande de respecter la confidentialité des correspondances échangées entre un avocat et son client et liées à l'exercice des droits de la défense ".

Il est argué qu'au cas particulier, l'Administration a considérablement altéré la capacité de la requérante de procéder au tri des correspondances, en omettant de lui remettre une copie des fichiers informatiques placés dans le scellé provisoire.

En effet, la DGCCRF s'est contentée remettre à Vente-Privée.com 39 listes de fichiers informatiques (annexe 7 au procès-verbal), qui avaient été sélectionnés sur des supports divers (ordinateurs des salariés, serveurs de l'entreprise, etc.).

En dehors des messageries électroniques, la société requérante devait ainsi, à partir de la liste fournie par la DGCCRF, localiser 11 075 fichiers informatiques situés soit dans les ordinateurs de ses salariés soit dans les serveurs de l'entreprise.

Dès le lendemain des opérations, Vente-Privée.com a entrepris ce travail de localisation, en demandant aux salariés concernés de lui remettre leurs ordinateurs. Elle s'est toutefois heurtée à une difficulté majeure puisque les agents de la DGCCRF ont fait transiter les données sélectionnées par un ordinateur avant de les copier dans le scellé provisoire, ce qui a eu pour conséquence que les chemins d'accès figurant en annexe 7 n'étaient plus les mêmes que les chemins d'accès existant dans l'entreprise.

De même, lors de la remise de la liste des fichiers dont Vente-Privée.com souhaitait obtenir l'expurgation, les enquêteurs lui ont-ils opposé qu'ils ne parvenaient pas à localiser certains des fichiers listés (ceux identifiés en jaune dans la pièce n° 17). Cette difficulté aurait pu être évitée si Vente-Privée.com avait pu travailler, dès l'origine, sur une copie des fichiers saisis.

Il est soutenu que l'ensemble de ces difficultés provient d'une seule et même cause: l'absence de remise à la requérante d'une copie des fichiers placés dans le scellé provisoire, qui l'a empêché de travailler sur une base identique à celle qui a ensuite été utilisée par l'Administration pour opérer le tri des fichiers.

Par conséquence, il est demandé l'annulation des opérations de visite et de saisies dans leur ensemble et la restitution des pièces saisies à la requérante.

III) à titre très subsidiaire, l'irrégularité de la saisie des documents électroniques personnels des dirigeants de Vente-Privée.com

Il est argué que si au stade des opérations de visite et de saisies, l'Administration peut saisir des documents " pour partie utiles " à la manifestation de la vérité, il en va pas de même au stade du tri des éléments saisis, alors que la théorie de l'insécabilité ne peut plus être invoquée.

En effet, au moment du tri, il ne s'agit plus d'assurer l'intégrité du fichier saisi mais de l'expurger de tous ses éléments insaisissables, soit qu'ils soient couverts par le secret des correspondances avocat-client, soit qu'ils soient hors du champ de l'enquête.

Or, de même qu'il n'existe pas d'obstacle technique à ce que la DGCCRF excluz de sa saisie les courriels protégés par le secret de la correspondance avocat-client, il n'existe pas d'obstacle technique à ce qu'elle excluz les courriels personnels des dirigeants et employés de l'entreprise, qui ne sont pas concernés par ses enquêtes. Une décision de la Cour d'appel de Paris (arrêt " Bouygues " du 6 mai 2015) est cité à l'appui de cette argumentation.

En l'espèce, sept jours avant la date convenue pour l'ouverture et le tri du scellé provisoire, Vente-Privée.com a adressé à la DGCCRF la liste de 70 140 courriels personnels, sans lien avec l'objet de l'enquête ni avec l'activité de Vente-Privée.com, figurant dans 3 des 31 messageries électroniques saisies, à savoir celles de ses dirigeants, M. Granjon, Mme Sabates et M. Benhaim, pour qu'ils soient expurgés du scellé définitif (pièces n° 15-1 et n° 15-3).

Lors des opérations de tri, la DGCCRF a refusé purement et simplement d'examiner ces documents personnels, et donc de les exclure du scellé définitif, sans fournir aucune justification.

Il est soutenu qu'aucun élément objectif n'est susceptible de motiver un tel refus : en effet, Vente-Privée.com avait établi la liste des documents personnels sur la base de la même méthodologie que celle employée pour le tri des correspondances avocat-client. La DGCCRF était donc en mesure de vérifier le caractère personnel des courriels identifiés, tout comme elle avait été en mesure de vérifier la liste des correspondances avocat-client qui lui a été remise.

Par ailleurs, Vente-Privée.com avait informé à deux reprises l'Administration qu'elle avait fait appel à un prestataire externe pour opérer notamment le tri des correspondances personnelles de ses dirigeants, dans ses courriers des 18 et 20 juillet 2016, sans susciter aucune réaction ni opposition de la part de celle-ci. La DGCCRF a donc sciemment laissé la requérante engager des frais importants pour un tri dont elle n'avait pas l'intention de tenir compte. Il est argué qu'une telle attitude est déloyale et caractérise un détournement de pouvoir.

En particulier, il est soutenu que l'Administration ne saurait refuser la restitution des messages personnels des salariés et dirigeants de l'entreprise, au seul motif que cette restitution prendrait du temps. En effet, les impératifs de célérité qui peuvent exister au moment des opérations n'existent plus une fois qu'elles sont terminées.

En l'espèce, l'Administration ne conteste pas que les 70 140 courriels dont la restitution est demandée relèvent de la vie privée des dirigeants de Vente-Privée.com.

Pour ces raisons, la requérante demande de déclarer nulle la saisie des 70 140 courriels identifiés comme étant personnels et donc sans lien avec l'objet de l'enquête ; subsidiairement, dans le cas où la DGCCRF contesterait le caractère personnel des 70 140 documents irrégulièrement saisis, elle demande d'ordonner le tri contradictoire de ces documents.

En conclusion, la société Vente-Privée.com demande à titre principal, de prononcer la nullité des opérations de visite et de saisies menées dans les locaux de son siège social les 21 et 22 juin 2016 puis les 16 et 17 août 2016 et ordonner la restitution de l'ensemble des documents papier et électroniques saisis ; à titre subsidiaire, de prononcer la nullité des saisies informatiques réalisées dans les locaux de son siège social les 21 et 22 juin 2016 puis les 16 et 17 août 2016 et ordonner la restitution de l'ensemble des documents électroniques saisis ; très subsidiairement, de prononcer la nullité de la saisie des documents électroniques personnels de M. Granjon, Mme Sabates et M. Benhaim lors des opérations menées dans les locaux de son siège social les 21 et 22 juin 2016 puis les 16 et 17 août 2016 et ordonner la restitution de l'ensemble des documents électroniques saisis ou, à tout le moins, en cas de contestation de la DGCCRF quant au caractère personnel des documents saisis, ordonner le tri contradictoire de ces documents ; de condamner la DGCCRF à verser la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; de condamner la DGCCRF aux entiers dépens.

Par conclusions récapitulatives et en réplique déposées le 10 février 2017, l'Administration fait valoir :

1) la prétendue violation des droits de la défense de la société Vente-Privée.com

1.1 Sur la prétendue exigence des enquêteurs d'avoir connaissance de la teneur des échanges entre l'occupant des lieux et son avocat

L'Administration soutient que la présentation des faits que la requérante fait dans ses conclusions est grossièrement inexacte et ne fait que témoigner de la mauvaise foi de la société Vente-Privée.com.

En effet, la première formalité devant être respectée dans le cadre d'une opération de visite et saisie est la notification à l'occupant des lieux de l'ordonnance l'ayant autorisée, comme le prévoit l'article L. 450-4 du Code de commerce.

En revanche, dès le début de l'opération et tant que n'ont pas été identifiés les bureaux et ordinateurs susceptibles de renfermer des éléments recherchés, il est indispensable d'empêcher l'occupant des lieux d'informer quiconque, notamment à l'intérieur de l'entreprise, de l'opération en cours.

C'est la raison pour laquelle, lorsque l'occupant des lieux sollicite de pouvoir contacter un avocat pour assister aux opérations, les enquêteurs doivent pouvoir vérifier que c'est bien vers un avocat que l'appel est dirigé, et demandent donc que le haut-parleur du poste téléphonique soit activé le temps de la mise en relation. Passée cette vérification initiale, la confidentialité de la communication entre l'occupant des lieux et son avocat est préservée, le haut-parleur est désactivé et l'occupant des lieux est invité à s'écarter des enquêteurs afin que ses propres propos ne soient pas audibles par eux.

En l'espèce, si les enquêteurs avaient exigé d'avoir connaissance de la teneur des échanges entre Mme Blanc et ses avocats, celle-ci n'aurait pas manqué de la signaler à ces derniers, qui n'auraient pas manqué de protester contre une telle atteinte aux droits de la défense.

Dans ces conditions, ce n'est donc pas sans une certaine mauvaise foi que Mme Blanc indique que la note d'observations qu'elle a souhaité remettre à l'officier de police judiciaire (ci-après OPJ) en fin d'opérations.

Par ailleurs, le compte rendu d'assistance à visite domiciliaire adressé le 22 juin 2016 par l'OPJ au JLD ayant autorisé les opérations, indique que celles-ci se sont déroulées " dans le strict respect de la procédure ", malgré les réserves formulées par les occupants des lieux.

Cette pièce, absente dans les premières conclusions, est annexée en pièce n° 21 aux présentes.

1.2 Sur la prétendue atteinte aux droits de la défense résultant d'une durée excessive des opérations

A titre liminaire, la DGCCRF fait noter la contradiction entre certaines critiques formulées par la société requérante, qui proteste contre le fait que les enquêteurs n'aient pas pris le temps de procéder eux-mêmes le jour du contrôle au tri de certains fichiers informatiques afin d'en extraire les correspondances avocat-client et le grief qu'elle formule contre la durée excessive des opérations.

Il est soutenu que la recherche de preuves lors des opérations de visite et saisies autorisées sur le fondement de l'article L. 450-4 du Code de commerce exige des investigations approfondies, qui se poursuivent fréquemment pendant des durées comparables à celle qui s'est révélée nécessaire en l'espèce.

Compte tenu de l'exigence, posée par l'article L. 450-4 du Code de commerce, d'une présence permanente d'un représentant de l'occupant des lieux, il est toujours indiqué aux personnes concernées que les opérations en cause sont susceptibles de se prolonger pendant de longues heures, mais également qu'il leur est loisible de se faire remplacer à tout moment par un autre représentant, comme le prévoit l'article L. 450-7 du Code de commerce.

C'est ainsi notamment que le procès-verbal qui relate le déroulement des opérations dans l'établissement <adresse> mentionne que Mme Blanc, occupante des lieux, a désigné à 18h30 Mme Debattista pour remplacer Mme Ebely ayant assisté à la première partie des opérations de l'une des équipes d'enquêteurs.

Il est soutenu que malgré la longueur des opérations, l'occupant des lieux a donc pu organiser sa présence et sa représentation tout au long de leur déroulement.

Dans ces conditions, l'argumentation selon laquelle la faculté pour l'occupant des lieux de se faire remplacer serait " totalement théorique ", au motif que l'entreprise ne disposerait que d'une seule directrice juridique et d'un nombre limité de juristes et d'informaticiens, est dénuée de pertinence.

En effet, il n'est attendu de l'occupant des lieux aucune expertise juridique lui permettant de discuter la régularité des opérations, mais uniquement d'être présent lors des opérations de visite et saisie et de pouvoir ainsi attester de la véracité de leur déroulement tel que retranscrit dans le procès-verbal.

Par ailleurs, la société requérante avait usé de sa possibilité de faire assister l'occupant des lieux par ses avocats. Trois d'entre eux se sont, en effet, présentés sur les lieux pour l'assister dès 10h35 puis à 11h35 et sont restés jusqu'à la clôture des opérations.

S'agissant des documents regroupés par les enquêteurs dans la salle " Comop ", sur laquelle il eût été possible d'apposer des scellés afin de reprendre les opérations les jours suivants, il est argué que s'il est vrai que tous les documents sur support papier avaient été recueillis en un lieu centralisé dès la soirée du 21 juillet 2016, la société Vente-Privée.com omet cependant le fait qu'il en allait différemment en ce qui concerne les données contenues dans les ordinateurs et serveurs informatiques de la société, qui constituent la plus grande partie des éléments saisis. L'examen de ces données s'est poursuivi jusqu'à 5h du matin le lendemain, heure à laquelle une première version de l'inventaire a pu être communiquée à la société Vente-Privée.com.

Il est soutenu que interrompre ces opérations pour les reprendre les jours suivants aurait rendu nécessaire de bloquer le réseau informatique de la société pendant une journée supplémentaire, voire davantage.

Quant à l'impossibilité de joindre le JLD pendant la nuit et à l'absence de réaction des officiers de police judiciaire afin de permettre à la société visitée d'exprimer ses commentaires, il est argué que ces argumentations sont dépourvues de fondement, en ce qu'aucune demande en ce sens n'a été formulée pendant les opérations.

Il en va de même concernant la critique selon laquelle la durée excessive des opérations et l'impossibilité de discuter du procès-verbal établi à la fin de la visite domiciliaire auraient empêché la requérante d'émettre des réserves. De surcroît, il est fait observer qu'il n'y a pas de discussion à avoir quant à la rédaction du procès-verbal, celle-ci relevant de la seule compétence des enquêteurs. Un arrêt de la Cour d'appel de Paris est cité à l'appui de cette argumentation.

Enfin, il est soutenu que l'argument selon lequel les représentants de la société Vente-Privée.com se seraient trouvés, du fait de la durée excessive des opérations, dans l'incapacité de comprendre à la lecture de la première version du procès-verbal qui leur fût présentée vers 5 heures du matin " sur quels ordinateurs les données informatiques avaient été saisies ", est sans fondement.

En effet, la lecture du procès-verbal définitif ne laisse pas apparaître aucune ambiguïté, imprécision ou équivoque sur l'identification des ordinateurs ou du réseau informatique de l'entreprise, d'où sont extraites les données saisies.

Pour ces différentes raisons, il est demandé de constater que les opérations de visite et saisie s'étant déroulées les 21 et 22 juin 2016 dans les locaux de la société Vente-Privée.com, et en particulier à son siège social, n'ont donné lieu à aucune violation des droits de la défense, ni lors des échanges téléphoniques que l'occupant des lieux a pu avoir avec ses avocats, ni en le soumettant à des opérations d'une durée disproportionnée qui aurait affecté sa capacité à formuler quelque contestation quant au déroulement des opérations.

2) la prétendue irrégularité des saisies informatiques

2.1 Sur la question du respect d'instructions données par le JLD

La DGFP fait valoir que le procès-verbal mentionne en sa troisième page la visite sur place qu'à effectuée le JLD 21 juin entre 13h et 13h35.

A cette occasion, ce magistrat s'est entretenu oralement avec l'occupant des lieux et ses conseils ainsi qu'avec les enquêteurs, sur les règles à respecter dans le cadre de la saisie de données informatiques sur les ordinateurs et serveurs de l'entreprise visitée.

En l'espèce, les enquêteurs ont informé le JLD de la procédure désormais appliquée par la DGCCRF offrant la possibilité à l'entreprise de demander la mise sous scellé fermé provisoire des fichiers informatiques retenus en vue d'être saisis afin qu'il puisse être procédé ultérieurement, mais très rapidement après les opérations, à l'expurgation des documents susceptibles de relever de la protection accordée aux correspondances avocat-client en application de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971.

Il est argué que c'est vainement que la société Vente-Privée.com tente de faire valoir, au paragraphe 102 de ses conclusions récapitulatives, que ces explications fournies au JLD par les enquêteurs sur la procédure dite des scellés fermés provisoires ne sauraient valoir accord de sa part. En effet, le JLD a quitté les lieux à 13h35 en autorisant la poursuite des opérations, malgré les réserves formulées par l'occupant des lieux, et sans que celui-ci ne conteste plus avant les modalités d'enquête, et notamment les modalités d'examen et de copie des données informatiques de l'entreprise.

L'Administration demande à ce que ce moyen soit écarté.

2.2 Sur le fait que la DGCCRF aurait violé le droit de la requérante au respect de la vie privée et des correspondances en procédant à des saisies informatiques massives et indifférenciées

Il est soutenu que, contrairement aux pratiques de la Commission européenne, les investigations conduites sur le fondement de l'article L. 450-4 du Code de commerce nécessitent une autorisation judiciaire préalable, que les opérations de visite et de saisies sont effectuées en présence constante d'un OPJ et sous le contrôle du JLD ayant autorisé les opérations, et qu'elles ouvrent la possibilité d'un recours juridictionnel pour l'entreprise, ce qui n'est pas le cas des enquêtes conduites par des agents de la Commission européenne qui ne dispose pas de pouvoirs de visite et de saisies.

L'Administration estime qu'il est paradoxal de la part de la société Vente-Privée.com de contester l'absence de tri des fichiers de messagerie dans l'entreprise le jour des opérations, alors que dans le même temps, elle s'indigne de la durée excessive des opérations et de l'atteinte à ses droits que cette durée excessive aurait constitué.

Il est argué que la saisie d'une trentaine de messageries des salariés de la société Vente-Privée.com se révèle tout à fait limitée, tant au regard des effectifs des sites visités par les enquêteurs (approximativement 700 personnes <adresse> et 550 personnes <adresse> que par rapport à l'effectif total de l'entreprise qui serait, en France de plus de 2000 salariés.

En l'espèce, le nombre de personnes dont les enquêteurs ont saisi les messageries après avoir constaté qu'elles comportaient des éléments entrant dans le champ de l'enquête, demeure tout à fait mesuré et proportionné au regard de la dimension de la société, leader européen de son secteur.

La DGFP soutient que les données informatiques saisies autres que les fichiers de messagerie, l'examen des données figurant dont l'inventaire des fichiers et annexe 7 au procès-verbal de visite et saisie des 22 et 23 juin 2016 montre que le nombre de fichiers saisis sur les ordinateurs et les deux répertoires du serveur de la société, rapporté au nombre total de fichiers figurant sur ces supports s'élève à moins de 0,5 % des éléments examinés.

Dès lors, les saisies informatiques ne sont ni massives ni indifférenciées.

Par ailleurs, il est argué que les critères de sélection des messageries n'ont pas à être communiqués et qu'il suffit qu'une messagerie contienne un élément entrant dans le champ de l'enquête, tels que défini dans l'ordonnance autorisant l'opération pour que cette saisie soit justifiée.

Il est demandé le rejet de ce moyen.

2.3 Sur le fait que la DGCCRF aurait violé la loi et les droits de la défense en renversant la charge du tri des correspondances avocat-client et en privant la requérante des moyens de protéger efficacement ces correspondances

- sur la prétendue violation de la loi et des droits de la défense

Sur la critique du recours à la procédure des scellés fermés provisoires au motif que cette technique conduirait à un détournement de procédure au regard des dispositions de l'article 56, alinéa 4 du Code de procédure pénale, l'Administration fait valoir que la difficulté de la saisie réside dans le fait que les fichiers de messagerie sont susceptibles de contenir des correspondances avocat-clients.

Par ailleurs, cette procédure ne fait pas grief à l'entreprise car elle a été mise en œuvre pour assurer mieux encore la protection des pièces saisies et permettre aux sociétés d'écarter rapidement certains documents des scellés définitifs, étant précisé que la société a la possibilité de refuser cette proposition.

Enfin, il est soutenu que s'agissant de la " charge du tri " nul n'est mieux placé que l'entreprise elle-même pour connaître le contenu de ses propres fichiers et que la société Vente-Privée.com était parfaitement en droit de ne pas accepter la proposition qui lui était faite par les enquêteurs et préférer contester plus tard, devant le juge, les saisies réalisées.

Ainsi, l'Administration indique qu'elle ne saurait être tenue pour responsable du volume important des fichiers de messagerie, ni de leur contenu et la mise en œuvre de cette procédure n'a en rien affecté le respect des droits de la défense, pas plus que le principe de proportionnalité.

- sur le fait que la DGCCRF aurait violé les principes des droits de la défense et de la confidentialité des correspondances avocat-client en ne fournissant pas à Vente-Privée.com les moyens d'exclure efficacement ces correspondances du scellé provisoire

La DGCCRF soutient que, comme le mentionne, en page 19, le procès-verbal de visite et de saisie des 21 et 22 juin 2016, afin de permettre à la société Vente-Privée.com d'établir la liste des documents qu'elle estime protégés par le secret de la correspondance avocat-client au sens de la loi du 31/12/1971 parmi les fichiers retenus en vue d'être saisis, les enquêteurs ont élaboré des listes exhaustives, dont copies ont été remises à l'occupant des lieux en annexe au procès-verbal de visite et de saisie.

Ainsi, les listes remises détaillent le nom, la taille, l'empreinte numérique et le chemin d'accès complet du fichier sur le support où il a été sélectionné, permettant la localisation et l'authentification de chacun des fichiers sélectionnés par les enquêteurs.

Dès lors la société était seule en possession des originaux et des copies figurant sur les supports mis à disposition des enquêteurs.

Selon l'Administration, la méthodologie employée par la requérante pour réparer ses insuffisances, l'a conduite à opérer une sélection plus étendue que celle réalisée par les enquêteurs et donc à solliciter l'expurgation non seulement de documents saisis mais aussi de documents ne figurant pas dans le scellé provisoire.

En conséquence l'Administration conclut au rejet de ce moyen.

3) sur la saisie prétendument irrégulière de documents intéressant la vie privée des dirigeants de Vente-Privée.com

Il est soutenu qu'il avait été clairement indiqué à l'occupant des lieux, puis confirmé aux responsables de la société par un courrier recommandé leur étant adressé le 4 août 2016, que c'était bien à l'élimination des documents devant bénéficier de la protection de la correspondance avocat-client que serait consacré la seconde réunion.

Ainsi, le procès-verbal rédigé lors de ces opérations révèle qu'elles se sont déroulées pendant deux journées entières et ont occasionné pour chacun des participants environ 20 heures de travail.

L'Administration indique que compte tenu du temps considérable qu'aurait nécessité l'élimination des éléments à caractère personnel (70 140 messages selon la requérante), les enquêteurs ont limité les opérations des 16 et 17 août 2016 à l'expurgation des documents protégés en application de la loi du 31 décembre 1971, et n'ont pas pu matériellement accéder à la demande des représentants et avocats de la société Vente-Privée.com de procéder à l'élimination de la masse considérable de messages à caractère personnel qu'ils disaient avoir identifiés.

Il est argué que cette possible présence, parmi les données saisies, documents relevant de la vie privée est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie et ne saurait être regardée comme une pratique déloyale de la part de l'Administration, moins encore comme un détournement de pouvoir.

En l'espèce les enquêteurs ont clairement dès l'origine informé la société Vente-Privée.com que les opérations de tri contradictoire, devant conduire à l'expurgation des scellés fermés provisoires, ne concerneraient que les documents relevant de la protection du secret des correspondances avec les avocats, qui mettaient en jeu l'exercice des droits de la défense.

L'Administration fait valoir que s'il s'avère que certains documents présentent effectivement un caractère personnel et confidentiel, il convient de se demander en quoi le fait qu'une messagerie contienne de tels documents puisse faire grief à l'entreprise dans laquelle ils ont été saisis.

Il est conclu au rejet de ce moyen.

En conséquence, il est demandé de dire que les opérations de visite et de saisie en application de l'ordonnance 11/2016 rendue par le JLD de Bobigny au siège de la société Vente-Privée.com ont été réalisées conformément aux dispositions des articles L. 450-4 du Code de commerce et 56 et suivants du Code de procédure pénale, de rejeter la demande de nullité de ces opérations formée par la société Vente-Privée.com, de rejeter la demande de tri contradictoire partiel de documents à caractère personnel formulée par la société Vente-Privée.com et en conséquence condamner la société requérante aux entiers dépens.

Par avis écrit enregistré au greffe de la Cour d'appel de Paris le 29 décembre 2016, le Ministère public fait valoir:

I) Sur le moyen fondé sur la prétendue violation des principes de respect des droits de la défense et de proportionnalité

- l'absence d'obstacle aux droits de la défense

Il est indiqué que la circonstance, selon laquelle la directrice juridique de la société requérante, s'étant vu, tout d'abord, demander de signer le procès-verbal de notification des opérations avant tout appel à ses avocats, n'est pas de nature à affecter les droits de la défense, cet acte étant destiné à officialiser en temps réel le début des opérations.

Par ailleurs, le fait que les enquêteurs " lui ont demandé de mettre son téléphone sur haut-parleur " était justifié par le souci de vérifier qu'il s'agissait bien des avocats de la société qui étaient contactés et non les lieux où d'autres opérations de visite et saisies avaient lieu en concomitance.

Enfin, concernant les avocats de la société requérante, étant présents pendant la durée des opérations et qui ont souhaité " se placer derrière les ordinateurs fouillés ou à défaut prendre connaissance des mots-clés utilisés pour les recherches informatiques ", le Ministère public soutient que le rôle de l'avocat n'est en aucun cas de prendre connaissance des méthodes et techniques utilisées par les enquêteurs ainsi que des mots-clés et des méthodes utilisées pouvant permettre aux entreprises d'anticiper les contrôles sur ces points, voire de bloquer les techniques d'investigations ainsi utilisées.

Dès lors, aucune violation des droits de la défense ne peut être caractérisée.

- l'absence de griefs liés à " la durée excessive des opérations "

Il est argué, d'une part, qu'il existe des différences majeures entre les procédures européenne et française, notamment concernant l'engagement de coopérer avec les enquêteurs, donné par les entreprises visitées qui bénéficient d'inspections se déroulant sur plusieurs journées et, d'autre part, que la loi française ne pose pas de limites de durée au déroulement des opérations, étant précisé que la personne morale visitée dispose, à tout moment, de la faculté de faire relayer les salariés qu'elle a initialement désignés pour suivre les opérations ou y assister. En outre, la mise en œuvre en une seule fois, de manière continue, de la mission confiée par le JLD permet de limiter au maximum la gêne occasionnée à la société visitée.

Enfin, les observations de la représentante de la société et de ses conseils ont été prises en comptes ou signalées sur le procès-verbal.

- le caractère adapté à la taille de l'entreprise requérante et à l'importance de son activité par internet, du volume des fichiers informatiques saisis et placés sous scellés

Il est exposé, d'une part, qu'en l'espèce, le volume des fichiers saisis est extrêmement faible au regard des données informatiques utilisées par l'entreprise et, d'autre part, que la Cour de cassation impose de manière insécable, la saisie des messageries professionnelles.

Ainsi, les saisies informatiques effectuées n'étaient ni massives, ni indifférenciées et le contrôle juridictionnel, exercé en temps réel, s'il y a lieu, par le JLD, puis par le Premier Président de la cour d'appel, est effectif.

- la remise par les enquêteurs à la requérante d'un CD-Rom sur lequel figurait, selon elle "un inventaire de plus de 10 000 fichiers informatiques avec l'indication d'un chemin d'accès censé permettre de les localiser, soit sur les ordinateurs des employés, soit sur le serveur de l'entreprise " ne peut être utilement critiquée

Le Ministère public fait valoir que l'information sur les fichiers saisis en copie par l'Administration, alors que la société en conserve la pleine disposition, est nécessaire et suffisante: l'entreprise, a fortiori lorsqu'elle exerce son activité par site internet, dispose de tous les moyens nécessaires à l'individualisation des fichiers saisis.

- la circonstance relevée par la requérante, qu'il ne lui ait pas été " fourni de copie des fichiers informatiques placés dans le scellé provisoire " ne lui fait pas grief, dès lors qu'elle avait gardé la libre disposition de tous les fichiers et qu'elle était en mesure de prendre connaissance par elle-même du contenu de ce scellé provisoire, dont l'inventaire lui avait été remis

Il est indiqué qu'il appartenait à l'entreprise de faire valoir que tel ou tel élément qu'elle avait identifié comme portant atteinte à la correspondance protégée entre elle-même et l'un de ses avocats devait, au moment de la constitution contradictoire du scellé définitif, être retiré.

Le Ministère public relève le caractère contradictoire de la position de la requérante critiquant à la fois la durée excessive du déroulement des opérations et soutenant dans le même temps que les enquêteurs auraient dû faire le tri à l'intérieur des fichiers et des documents saisis.

II- Sur l'identification par la société requérante des fichiers informatiques saisis et placés sous scellés provisoires

Il est soutenu que si sur les 39 listes de fichiers informatiques, sélectionnés sur les serveurs de l'entreprise et les ordinateurs de certains salariés et remis par la DGCCRF, 8 d'entre eux étaient contestés par la requérante, la localisation de ces fichiers ne constituait pas factuellement une difficulté importante pour une entreprise, dont l'activité se déroule sur internet et qui dispose nécessairement de ce fait d'une assistance informatique permanente et performante.

Il est relevé que les listes remises à l'occupant des lieux " permettaient la localisation et l'authentification, sans doute possible, de chacun des fichiers sélectionnés par les enquêteurs ".

III- Sur la saisie de documents électroniques personnels des dirigeants de la requérante

Selon le Ministère public, il appartenait à la société visitée, invitée à se prononcer sur le placement sous scellé définitif des éléments figurant dans les scellés provisoires, de désigner aux enquêteurs les éléments devant, selon elle, être écartés au titre de la protection de la vie privée.

Lors de la réunion contradictoire qui lui est proposée dans ses locaux, relativement au contenu du scellé provisoire, avant qu'il soit transformé en scellé définitif, c'est à la requérante qu'il appartient de désigner précisément les courriels dont elle estime qu'ils devraient être écartés du scellé définitif, afin que s'engage sur les pièces ainsi désignées par elle un débat contradictoire.

En aucun cas cette expurgation ne peut relever du seul contrôle de l'Administration, ce qui aurait conduit à paralyser l'activité de l'enquête. De même, la restitution des messages personnels ne peut procéder d'une obligation de tri qui serait mise à la charge de l'Administration.

Ainsi, seule la société visitée peut prendre l'initiative par une demande d'examen contradictoire des messages qu'elle a identifiés.

Il est argué que, dès lors que les magistrats saisis d'un recours sur une éventuelle sanction pourront vérifier que de tels éléments n'ont pas été utilisés par l'Administration pour caractériser une pratique prohibée, ce qui paraît aller de soi, ou pour porter effectivement atteinte à la vie privée de la personne concernée, cette situation ne cause grief à quiconque.

Ainsi, il ne pourra être ordonné le tri contradictoire des documents appartenant aux dirigeants et salariés dont les messageries ont été saisies de manière insécable, ce tri ne pouvant intervenir que sur le fondement des désignations expresses des mails concernés par la société visitée.

En conséquence, il est demandé le rejet du recours pour l'ensemble des demandes de nullités et de tri contradictoire qu'elle a formulées et de constater la régularité des opérations de visite et de saisies opérées par la DGCCRF au siège social de la société Vente-Privée.com.

SUR CE

I) A titre principal, la DGCCRF a violé les principes du respect des droits de la défense et de proportionnalité en faisant obstacle à ce que la société communique avec ses avocats et en lui imposant des opérations de visite et de saisies d'une durée excessive

- La DGCCRF a violé le principe du respect des droits de la défense en faisant obstacle à ce que Vente-Privée.com contacte ses avocats et en violant le secret de sa correspondance avec ceux-ci

Il est argué que l'Administration a violé les droits de la défense, notamment en exigeant que Mme Blanc, représentant de la société au sein de l'établissement <adresse> mette son téléphone sur haut-parleur lors de sa prise de contact avec ses avocats et que le haut-parleur n'aurait pas été désactivé par la suite et qu'il a été procédé de même lors de la visite de l'établissement <adresse>.

L'article L. 450-4, 5e alinéa du Code de commerce dispose que " l'ordonnance comporte la mention de la faculté pour l'occupant des lieux ou de son représentant de faire appel à un conseil de son choix. L'exercice de cette faculté n'entraîne pas la suspension des opérations de visite et de saisie ". Il est également établi que l'assistance ainsi conférée par la présence de l'avocat l'est, dès le stade de l'enquête préalable.

Il convient de souligner, à titre préalable, que le recours engagé a été formé contre l'établissement <adresse> et que la société Vente-Privée.com s'est désistée de son appel et de son recours contre les opérations de visite et de saisie concernant le site <adresse>.

Il ressort de la lecture du procès-verbal de visite et de saisie dressé le 21 juin 2016, date des opérations au sein de l'établissement <adresse> que " Mme Blanc a fait appel à Maître Rémi Lorrain et Maître Constance Bocket du cabinet Darrois Villey et Maître Guillaume Aubron du même cabinet, qui se sont présentés dans l'entreprise, respectivement à 10h35, pour Maître Lorrain et Maître Bocket et à 11h35 pour Maître Aubron ".

Il est constant que, lorsque les enquêteurs d'une Administration ou d'une Autorité administrative indépendante se présentent sur les lieux faisant l'objet d'une visite domiciliaire, une de leurs principales priorités est d'apposer les scellés sur l'ensemble des bureaux à visiter et d'éviter toute communication vers des tiers extérieurs, à l'exception des avocats à contacter. Cette mesure se justifie par l'intérêt de préserver l'enquête et d'éviter toute déperdition de preuve malencontreuse, au sein du site visité mais également au sein d'autre sites de la société, ce qui était le cas en l'espèce puisque l'établissement <adresse> faisait l'objet d'une visite simultanée.

Dans le cas présent, il n'est pas contesté que, lors de l'attache prise avec les conseils de la société, Mme Blanc, représentant légal, a dû mettre sur haut-parleur son téléphone, comme elle l'indique dans ses observations annexées au procès-verbal. Cependant rien ne permet d'établir que l'ensemble de l'échange téléphonique entre le représentant et ses conseils se soit réalisé en présence des enquêteurs de la DGCCRF.

La mise sur haut-parleur lors de la prise de contact téléphonique est une précaution utile pour s'assurer qu'il s'agit bien d'un cabinet d'avocats et non pas d'autres tiers.

Par ailleurs, le risque de déperdition de preuve n'est pas hypothétique puisque la lecture du procès-verbal susmentionné indique " Bureau de Stéphanie Roland, responsable des ventes high-tech/hifi : Avons constaté que le scellé apposé sur les bannettes avec l'affichette comportant les mentions " Liberté, Egalité, Fraternité, République Française, enquête en cours, bureau sous scellés défense d'entrer, Article 434-22 du Code pénal : le bris de scellés apposés par l'autorité publique est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. La tentative de bris de scellés est punie des même peines " apposé était brisé et présent dans la corbeille à papier avec l'affichette précitée. L'officier de police judiciaire a constaté le bris de scellés.

Mme Roland a justifié le bris de scellés par le fait qu'elle pensait les investigations la concernant achevées à la suite de la restitution de son ordinateur et par la nécessité d'accéder à ses documents.

Avons informé de cet incident par SMS le juge des libertés et de la détention, qui a sollicité un entretien téléphonique avec Frédéric Henry, officier de police judiciaire " (page 6).

De surcroît, le même procès-verbal mentionne " Bureau de Minerve Larripa, responsable des ventes au sein d'un open space : Avons constaté que le scellé comportant l'affichette mentionnant " Liberté, Egalité, Fraternité, République Française, enquête en cours, bureau sous scelles défense d'entrer, Article 434-22 du Code pénal : le bris de scellés apposés par l'autorité publique est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. La tentative de bris de scellés est punie des même peines " apposé sur des documents présents sur le bureau était brisé.

Mme Larripa a indiqué avoir récupéré un carnet de travail, le scellé étant déjà brisé, selon elle (page 7).

Dès lors, s'agissant d'un acte indispensable pour préserver la sincérité des investigations, la mise sur haut-parleur, lors de la prise de contact avec le ou les conseils de la société, n'a pas porté atteinte aux dispositions de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, selon lesquelles " les correspondances échangées entre le client et son avocat (...) sont couvertes par le secret professionnel ", étant précisé que les opérations se sont déroulées en présence constante de l'officier de police judiciaire désigné, lequel a relaté dans son compte rendu d'assistance à visite domiciliaire en date du 23 mai 2016 les deux incidents de bris de scellés susvisés et a indiqué que les opérations menées s'étaient déroulées " dans le strict respect de la procédure ".

Ce moyen sera rejeté.

- La DGCCRF a violé les principes de proportionnalité et de respect des droits de la défense en imposant à Vente-Privée.com des opérations d'une durée excessive sans discontinuer

Il est constant que les dispositions de l'article L. 450-4, alinéa 7 ne fixent pas de limites temporelles à la durée des opérations de visite et de saisies mais encadrent le début de celles-ci dans un créneau horaire, à savoir entre 6 heures et 21 heures.

En l'espèce, les opérations ont débuté le 21 juin 2016 à 9h30 et se sont terminées le lendemain 22 juin 2016 à 7h10.

Il ressort du procès-verbal des opérations en date du 21 juin 2016 que " Mme Blanc, occupant des lieux, a désigné Jennifer Ebely et Eugénie Mazan, juristes de son service pour être les représentants de l'occupant des lieux durant les opérations de visite et de saisies, à compter de 10 heures (...). Mme Isabelle Blanc a ensuite désigné Monsieur Damien Cazenave, pour la remplacer entre 16h45 et 18h25, puis à son retour, a désigné Mme Christine Debattista en lieu et place de Mme Ebely à 18h30. Ces désignations ont été effectuées par des mandats écrits (...) ".

Il s'ensuit que les salariés désignés par l'occupant des lieux ont eu la possibilité de se relayer, de sorte que le désagrément occasionné pour chacun d'entre eux a été limité dans le temps.

Par ailleurs, toute comparaison avec les méthodes employées par les enquêteurs de la Commission européenne est inadaptée.

En effet, il convient de souligner que les inspections des agents de la Commission européenne qui agissent sur le fondement d'une décision administrative, sans contrôle d'un juge, hors la présence de tout officier de police judiciaire et qui n'ouvrent pas droit à un recours juridictionnel direct, ne peuvent pas être transposées avec celles des enquêteurs de la DGCCRF, agissant sur autorisation judiciaire, sous le contrôle d'un juge et d'officiers de police judiciaire et donnant lieu à un recours juridictionnel effectif et surtout pouvant saisir les supports informatiques (ordinateurs, serveurs), contrairement à leurs homologues de la Commission européenne.

Par ailleurs, les agents de la Commission européenne ne procèdent que par emport de copies, alors que les enquêteurs peuvent saisir les supports informatiques. Cette pratique est celle qui permet de concilier l'efficacité de la recherche et le bon fonctionnement de la société visitée dans la mesure où si chaque fichier devait être vérifié, l'activité économique de ladite société pourrait être bloquée pendant plusieurs jours voire plusieurs semaines, ce qui n'est pas l'objectif d'une visite domiciliaire, à savoir ralentir, voire stopper l'activité économique et commerciale d'une société (si le serveur ou les ordinateurs étaient saisis, ce qui est tout à fait possible juridiquement).

Sur l'argument selon lequel la durée excessive et ininterrompue des opérations a eu pour conséquence d'altérer substantiellement la discussion sur le procès-verbal de clôture des opérations, il y a lieu de rappeler, d'une part, que l'établissement d'un procès-verbal ou d'un inventaire n'est pas un acte devant faire l'objet d'un débat contradictoire, ce débat ayant lieu devant le délégué du Premier Président et, d'autre part, l'occupant des lieux a eu la possibilité de rédiger des observations par écrit, lesquelles ont été annexées au procès-verbal.

En conséquence, l'atteinte au respect de la vie privée et familiale de la société et de ses employés, ni celle relative au principe de proportionnalité des opérations, résultant de l'article 8 de la CESDH, ou aux droits de la défense de la société ne sont caractérisées.

Dès lors, ce moyen sera écarté.

II) A titre subsidiaire, l'irrégularité des saisies informatiques opérées dans les locaux de Vente-Privée.com

- La DGCCRF a violé la procédure prévue à l'article L. 450-4 du Code de commerce en s'affranchissant des instructions données par le JLD au cours des opérations

Au cas présent, il suffit de se reporter une nouvelle fois au procès-verbal des opérations du 21 mai 2016 pour retenir que le JLD de Bobigny a eu le contrôle des opérations pendant la durée de celles-ci.

En effet, il est mentionné que " M. Charles Prats, vice-président placé près le Premier Président de la Cour d'appel de Paris, délégué pour exercer les fonctions de juge des libertés et de la détention au Tribunal de grande instance de Bobigny, signataire de l'ordonnance du 13 juin 2016 autorisant les opérations s'est rendu sur le site des opérations, en salle Comop entre 13h et 13h35 " (page 3), " lors de sa présence, M. Charles Prats, vice-président (...) nous a interrogé sur les moyens techniques mis en œuvre par l'Administration dans l'hypothèse où des documents seraient susceptibles de relever de la protection accordée par l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 parmi les fichiers de messagerie sélectionnés en vue d'être saisis, en présence de M. Patrice Mahe, officier de police judiciaire, nous lui avons détaillé la possibilité offerte à l'entreprise de demander la mise sous scellé provisoire, de même que l'expurgation avant la constitution d'un scellé définitif, des fichiers informatiques retenus en vue d'être saisis par les enquêteurs susceptibles de relever de la protection accordée par l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 " (page 15).

Enfin, il a été joint à 18h56 pour avoir connaissance de l'incident susmentionné relatif aux bris de scellés et a pu à cette occasion s'entretenir avec l'officier de police judiciaire.

Il en est déduit que le JLD a été tenu informé du déroulement des opérations et s'est fait expliquer sur place la méthode de mise sous scellés provisoires employée pour préserver les correspondances protégées par le secret des échanges avocat-client.

Il n'y a donc pas eu de violation des instructions données par le JLD.

Ce moyen sera rejeté.

- La DGCCRF a violé le droit de Vente-Privée.com au respect de la vie privée et des correspondances en procédant à des saisies informatiques massives et indifférenciés

Il est argué que les saisies opérées présentaient un caractère massif et disproportionné, incompatible avec le droit au respect de la vie privée et du secret des correspondances.

Il a été répondu supra à l'argument relatif à la comparaison entre les pouvoirs dévolus aux enquêteurs de la Commission et ceux mis en place par ceux de la DGCCRF.

S'agissant de la saisie informatique massive et indifférenciée qu'aurait opérée l'Administration, il convient de retenir que l'activité de la société Vente-Privée.com relève dans son intégralité du commerce en ligne.

Il y a lieu par ailleurs de mettre en perspective le volume des documents saisis sur l'ensemble des documents, à savoir 0,50 % selon les données de l'Administration.

En outre, il est constant que l'Administration n'a pas à révéler le logiciel ainsi que les mots-clés utilisés, étant précisé qu'au stade de l'enquête préalable, le champ des investigations doit être relativement large.

Le seul fait, vérifié par le juge, qu'une messagerie électronique contienne pour partie seulement des éléments entrant dans le champ de l'autorisation judiciaire suffit à valider la saisie globale opérée ; que la saisie, dans ce cadre global, de certains documents personnels à des salariés ou de documents étrangers à l'objet de l'opération, autorisée par le juge, n'invalide pas la saisie mais doit conduire l'Administration à restituer les documents concernés, dès lors qu'ils auront été identifiés par les intéressés ; qu'au stade de l'enquête aucune disposition légale n'impose de dévoiler contradictoirement les moteurs de recherche ou mots-clés utilisés pour identifier les documents saisis (30 novembre 2011, Crim., n° 10-81.748, Présidence M. Louvel)

Enfin, il est constant que les opérations de tri contradictoire d'une scellé provisoire menées pour constituer le scellé définitif, ne concernent que les seuls documents relevant de la protection légale découlant des dispositions de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, selon lesquelles " les correspondances échangées entre le client et son avocat (...) sont couvertes par le secret professionnel " et que s'agissant de ces documents, la société avait en sa possession une liste précise des documents saisis et les originaux à sa disposition et pouvait ainsi identifier ces documents protégés.

Ce moyen sera écarté.

- La DGCCRF a violé la loi et les droits de la défense en renversant la charge du tri des correspondances avocat-client et en privant Vente-Privée.com des moyens de protéger efficacement ces correspondances

a) La DGCCRF a violé la loi en plaçant les documents informatiques saisis sous scellés provisoires

Il est soutenu qu'il serait tout à fait possible pour la DGCCRF de procéder au tri des messageries électroniques dans les locaux de l'entreprise pour identifier les messages couverts par le secret des correspondances avocat-client. Il suffirait pour cela que l'Administration demande à la société de lui remettre les noms et coordonnées de ses avocats et applique une recherche par mots-clés.

Cette argumentation n'est pas pertinente car si la loi du 31 décembre 1971 en son article 66-5 énonce "en toute matière, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client où destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception de celles portant la mention "officielle" les notes d'entretien et, plus généralement toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel" et que ce principe essentiel n'est nullement contesté. Cependant, ce principe n'est pas absolu et souffre de plusieurs exceptions.

En effet, nul n'est mieux placé que la société elle-même pour identifier ses propres messages. Inverser " la charge du tri ", comme le suggère la requérante, aboutirait à de nouvelles contestations sur l'identification de ces messages. A titre illustratif, il ne saurait être admis que les échanges entre deux correspondants avec en copie jointe un avocat puissent bénéficier de la protection légale relative à la confidentialité des échanges avocat/client, sauf à dénaturer cette protection légale. En effet, il suffirait pour une société d'échanger des mails avec une autre société, avec en copie conforme un destinataire qui aurait la qualité d'avocat, pour que tout échange puisse bénéficier de ce privilège légal.

Il convient également de rappeler que la procédure dite de la mise sous scellés provisoires n'est qu'une faculté offerte à la société qui peut, si elle l'estime inadaptée, la refuser.

Dès lors, il est paradoxal de soutenir que la DGCCRF a violé la loi en plaçant les documents protégés sous scellés provisoires, alors que la société a préalablement demandé à bénéficier de cette faculté.

Ainsi, le détournement de procédure n'est pas caractérisé, la société requérante ayant connaissance préalablement que la procédure dite des scellés fermés provisoires ne concernait que les documents protégés par le privilège légal, ainsi qu'il ressort du procès-verbal du 21 juin 2016 en sa page 18: " avons demandé à l'occupant des lieux si les fichiers de messagerie retenus en vue d'être saisis contiennent des documents protégés par le secret de la correspondance avocat-client. Mme Isabelle Blanc, occupant des lieux, a indiqué que certains fichiers de messagerie saisis contiennent des documents protégés par le secret de la correspondance avocat-client. Mme Isabelle Blanc, occupant des lieux a été invitée en conséquence, à fournir, sous forme de tableau, la liste des documents dont elle estime qu'ils sont protégés par le secret de la correspondance avocat-client.

Le modèle de tableau à remplir, comportant les mentions nécessaires à l'extraction des documents protégés par le secret de la correspondance avocat-client, a été remis à l'occupant des lieux, en annexe 7 du présent procès-verbal l'occupant des lieux s'engage à adresser ledit tableau aux enquêteurs à la DIRRECTE Ile-de-France, <adresse>, en vue de sa réception au plus tard sept jours avant la date de rendez-vous. Mme Isabelle Blanc, occupant des lieux, a été informée du fait qu'il était procédé à la mise sous scellé provisoire des fichiers informatiques retenus en vue d'être saisis par les enquêteurs ".

Ce moyen sera rejeté.

b) La DGCCRF a violé les principes des droits de la défense et de la confidentialité des correspondances avocat-client en ne fournissant pas à Vente-Privée.com les moyens d'exclure efficacement ces correspondances du scellé provisoire

Sur l'argumentation de la société requérante, selon laquelle elle n'aurait pas été en mesure d'identifier les documents saisis, il y a lieu de relever, à ce titre, qu'un inventaire suffisamment précis, indiquant le nom des fichiers, leur extension, leur provenance et leur empreinte numérique, avait été dressé et lui avait été remis, et que la société Vente-Privée.com était en possession des originaux des documents saisis et que partant, elle était en mesure de les identifier.

Dès lors, la remise d'une copie du scellé des fichiers placés dans le scellé provisoire n'était pas justifiée, étant également précisé que la société requérante spécialisée dans le commerce en ligne et leader européen du secteur, est censée disposer d'un service informatique de haut niveau.

Ce moyen sera écarté.

III) A titre très subsidiaire, l'irrégularité de la saisie des documents électroniques personnels des dirigeants de Vente-Privée.com

Il a été produit un CD regroupant une liste de 70 140 courriels personnels, qui seraient selon la requérante sans lien avec l'objet de l'enquête ni avec l'activité de Vente-Privée.com, figurant dans 3 des 31 messageries électroniques saisies, à savoir celles de ses dirigeants, M. Grangeon, Mme Sabates et M. Benhaim.

La lecture de ce CD qui contient une très longue liste des courriels avec des intitulés pour certains peu explicites ou qui pourraient être pour partie en lien avec le champ d'application de l'ordonnance (messagerie Grangeon : n° 362 : extrait KBIS immobilière Wilson N, n° 364 : accord Coprod, n° 367 : LX.JAG), étant précisé qu'il n'est pas possible d'ouvrir ces fichiers pour savoir s'il s'agit ou pas d'intitulés fantaisistes ou non et de procéder ainsi à un examen in concreto et ce, malgré le nom impressionnant de courriels " personnels " figurant dans la messagerie professionnelle de chacun des trois dirigeants (23 380).

Par ailleurs, la mention " perso " ou " personnelle " dans un intitulé de fichier ne constitue pas, en elle-même, un élément de nature à déterminer si le contenu dudit fichier est d'ordre strictement confidentiel.

Dès lors, ces fichiers n'avaient pas à être expurgés du scellé définitif, puisque celui-ci ne concernait que les correspondance protégées par le privilège légal et il aurait été contraire à la logique économique de la société Vente-Privée.com de procéder à l'examen des courriels des 31 messageries, un par un, lors des opérations de visite et de saisies, au risque de paralyser l'activité de la société durant au moins une semaine, étant précisé que le coût de l'externisation de certaines prestations est dérisoire par rapport à la perte prévisible en chiffre d'affaire.

En tout état de cause, si des courriels personnels ont été saisis sur les messageries professionnelles, de trois dirigeants de la société requérante, en raison de l'insécabilité de celles-ci, ceux-ci n'ayant aucun intérêt pour la DGCCRF, l'Administration ne pourrait en aucun cas en faire usage.

Enfin, il est inopportun d'ordonner un tri d'une telle quantité de documents, dont la présence sur une messagerie professionnelle est inhabituelle.

Ce moyen sera écarté.

En conséquence, les opérations de visite et de saisies des 21 et 22 juin 2016 ainsi que les opérations des 16 et 17 août 2016 sont déclarées régulières.

Aucune considération ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs ; Statuant contradictoirement et en dernier ressort : Confirmons l'ensemble des opérations de visite et de saisie effectuées les 21 et 22 juin 2016 au siège social de la société Vente-Privée.com, <adresse> et celles aux fins d'ouverture des scellés ayant eu lieu les 16 et 17 août 2016 ; Rejetons la demande de tri contradictoire des documents qualifiés de personnels des trois dirigeants de la société Vente-Privée.com ; Rejetons les autres demandes ; Disons n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Disons que la charge des dépens sera supportée par la société Vente-Privée.com.