Cass. crim., 4 mai 2017, n° 16-81.062
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guérin
Rapporteur :
Mme Chauchis
Avocat général :
M. Gaillardot
Avocats :
SCP Hémery, Thomas-Raquin, SCP Baraduc, Duhamel, Rameix
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par la sociéte X, contre l'ordonnance n° 6 du premier président de la Cour d'appel de Paris, en date du 6 janvier 2016, qui a prononcé sur la régularité des opérations de visite et de saisie effectuées par l'Autorité de la concurrence en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles ; - Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, L. 450-4, R. 450-2 du Code de commerce, 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, préliminaire, 56, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'ordonnance attaquée a rejeté l'ensemble des demandes de la société X, à l'exception de celle tendant à l'annulation des pièces numérotées 30 à 31, et confirmé l'ensemble des opérations de visite et de saisie effectuées les 17 octobre et 18 octobre 2013 ;
"aux motifs que les enquêteurs ont utilisé des méthodes disproportionnées au regard de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme ; que les atteintes aux principes d'inviolabilité du domicile de la personne morale doivent être strictement proportionnées au regard de l'objectif poursuivi ; qu'en procédant à une saisie massive des messageries des fichiers informatiques sans prévoir de garanties adéquates au respect des droits de la défense, les enquêteurs ont eu recours aux méthodes les plus intrusives de manière injustifiée ; que l'article 8, § 2, de la Convention européenne des droits de l'Homme dispose, tout en énonçant le droit au respect de sa vie privée et familiale, qu'" il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; que sur le caractère massif et indifférencié de la saisie, il y a lieu d'indiquer que la pratique en matière de visite domiciliaire consiste à effectivement introduire des mots clés mais également à introduire d'autres mots ou noms qui permettent une discrimination pour éviter de copier notamment, les correspondances échangées entre le ou les avocats et leurs clients ; que ceci étant précisé, une saisie lorsqu'elle est opérée dans ces conditions, ce qui semble être le cas en espèce, ne présente pas un caractère massif et indifférencié sous réserve que l'extraction des fichiers informatiques opérée par des agents de l'Administration, assistés d'un officier de police judiciaire, soit faite à partir de mots-clés dont l'intitulé est en lien avec le champ d'application de l'autorisation du juge ; que par ailleurs, le procès-verbal de visite et de saisies fait état d'un logiciel "Encase" utilisé par les administrations ou les autorités administratives indépendantes, lequel est un logiciel d'investigations et de recherche de preuves cryptées ou effacées directement dans le serveur ; que ce logiciel n'a pas été utilisé pour quatre salariés pour lesquels des éditions papiers ont été imprimées sous le contrôle de l'officier de police judiciaire et en la présence d'un représentant de l'entreprise qui ont pu constater la régularité des saisies effectuées par les rapporteurs et que celles-ci figurent avec une description suffisante dans les inventaires papiers, permettant sans équivoque de les identifier et de constater qu'elles entrent dans le champ d'application de l'autorisation ; qu'en l'espèce, il ressort de la lecture de l'inventaire que l'Administration est intervenue de manière sélective et ciblée que cette sélection ressort d'une part du nombres de fichiers saisis sur la totalité des fichiers existants (ratio de 0,08 % selon l'Autorité de la concurrence) et de quelques personnes dont les postes ont été visités et saisis et dont le nom de certaines apparaissaient dans les annexes de la requête de l'Administration (cf. courriels comminatoires visés dans notre décision concernant l'appel contre l'ordonnance) ; que par ailleurs, la pratique de la mise sous scellés provisoires n'est qu'une faculté laissée à la discrétion de l'Administration lorsqu'une difficulté survient au cours des opérations de visite et de saisie ; qu'en ce qui concerne, les techniques moins intrusives ou plus discriminantes comme celles qui seraient utilisées par les services d'enquêtes de la Commission européenne, l'Administration n'a pas à justifier de la méthode qu'elle emploie si celle-ci est appropriée au but recherché par l'ordonnance ; que cette pratique est celle qui permet de concilier l'efficacité de la recherche et le bon fonctionnement de la société visitée dans la mesure où si chaque fichier devait être vérifié, l'activité économique de ladite société pourrait être bloquée pendant plusieurs jours voire plusieurs semaines, ce qui n'est pas l'objectif d'une visite domiciliaire, à savoir ralentir, voire stopper l'activité économique et commerciale d'une société ; que les articles L. 450-4 et suivants du Code de commerce ne prévoient pas que la présence de l'avocat instituée dans les textes permette à celui-ci de valider une saisie effectuée ; qu'une copie des fichiers informatiques saisis est remise à l'occupant qui a la possibilité de la comparer avec l'original toujours présent dans son support de stockage et le cas échéant de la contester devant le premier président de la cour d'appel, ce qu'elle a fait en l'espèce ; que ces moyens seront rejetés ; que les enquêteurs n'ont pas respecté l'obligation de délivrer un inventaire exhaustif en violation des articles L. 450-4. R. 450-2 du Code de commerce et 56 du Code de procédure pénale ; que les enquêteurs sont légalement tenus de tenir un inventaire de toutes les pièces et documents saisis et de les placer sous scellés fermés et provisoires en cas de difficulté ; que les inventaires papiers et informatiques communiqués par les enquêteurs ne remplissent pas les conditions posées par le législateur ; que la réalisation des inventaires est régie par les dispositions de l'article R. 450-2 du Code de commerce qui mentionne que les procès-verbaux prévus à l'article L. 450-4 dudit Code relatent le déroulement de la visite et consignent les constatations effectuées ; qu'ils sont dressés sur le champ ; qu'ils comportent l'inventaire des pièces et documents saisis ; qu'il se déduit de cet article et de plusieurs décisions de jurisprudences significatives qu'aucune forme particulière de l'inventaire des pièces et des documents saisis n'est imposée, que celui-ci peut, à titre illustratif, prendre la forme d'une arborescence ; que la lecture attentive du procès-verbal de visite et de saisie établi le 18 octobre 2013 fait apparaître qu'il est repris le déroulement des opérations et ce en compagnie constante du représentant de la société visitée et des officiers de police judiciaire désignés ; que les agents de l'Administration ont procédé à une visite des bureaux et que les documents ont été saisis et côtés ; que des données informatiques ont été examinées ; que par exemple pour Mme A, aucun document n'a été imprimé ; que pour d'autres personnes, des ordinateurs ont été remis à l'équipe informatique pour être analysés ; que pour d'autres responsables, les données informatiques accessibles depuis leurs ordinateurs ont permis de constater la présence de documents entrant dans le champ des autorisations de visites et de saisies accordées par le juge des libertés et de la détention ; qu'il a été procédé à une analyse approfondie de cet ordinateur puis après avoir procédé à leur authentification numérique, les agents ont extrait des données numériques de cet ordinateur ; qu'ils ont élaboré un inventaire informatique de ces fichiers puis gravé un DVD-R vierge non réinscriptible ces fichiers et ont finalisé la gravure afin d'interdire tout ajout, retrait ou modification de son contenu s'agissant des fichiers informatiques de M. B, avant d'être placé sous le scellé n° 16 ce DVD-R a été copié en deux exemplaires, l'un destiné au rapporteur de l'Autorité de la concurrence et l'autre laissé à la société X ; que l'inventaire informatique des fichiers saisis a été gravé sur CD-R et placé en annexe 6 du procès-verbal et les documents papiers saisis et placés dans le scellé n° 11 (coté 1 à 98) après avoir été inventoriés ; que s'agissant des ordinateurs cryptés informatiquement, un travail minutieux a été effectué pour procéder à leur analyse et ce en présence constante du représentant des lieux et de l'officier de police judiciaire et la même démarche consistant à retranscrire fidèlement des fichiers du disque dur ou de l'ordinateur ont été accomplis avec la même minutie sans que les supports soient altérés, gravés sur des DVD-R copiés en double exemplaire placés sous des scellés numérotés et identifiables ; que la même pratique a été constatée dans d'autres bureaux ou des documents issus de messageries ont été placés dans des scellés numérotés et côté et ce toujours en présence de l'occupant des lieux et de l'officier de police judiciaire ; que s'agissant de la précision de l'inventaire des saisies informatiques il convient de rappeler que deux copies ont été effectuées, l'une étant remise à l'occupant des lieux et de la société requérante en comparant cette copie avec l'original (ce qui se trouve dans le support informatique) était à même de vérifier si le contenu pouvait être contesté et de le soumettre, le cas échéant, à notre juridiction ; que l'inventaire des documents saisis a été retranscrit dans le procès-verbal de la page 9 à la page 21 et émargé en page 22 par les agents de l'Administration, les représentants des lieux et les officiers de police judiciaire sans qu'aucune difficulté n'ait été mentionnée dans le procès-verbal et qu'aucune réserve n'ait été annexée à ce procès-verbal ; qu'en l'espèce, aucune difficulté n'ayant été relevée les agents de l'Administration ont estimé que la pratique des scellés provisoires était inutile ; qu'au terme d'un examen in concreto du procès-verbal de visite et de saisie établi le 18 octobre 2013, force est de constater qu'aucune irrégularité ne peut être retenue ; que ces moyens seront rejetés ; que les enquêteurs ont porté une atteinte grave au secret des affaires d'X lors des opérations de visite et de saisie : que les dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce n'excluent pas du champ des documents pouvant faire l'objet d'une saisie ce qui serait de nature à porter atteinte à la protection du secret des affaires ; que par ailleurs, à la supposer établie, l'article L. 463-4 du Code de commerce permet en cas de contentieux devant l'Autorité de la concurrence à la partie mise en cause de demander le retrait total ou partiel et l'occultation des pièces ayant porté atteinte audit secret ; que la lecture de l'ordonnance et de ses annexes permet de constater que les sociétés bien que distinctes sont installées dans les mêmes lieux, ont le même dirigeant, un serveur informatique commun puisque les salariés de la société X et ceux d'X' France ont le même nom de domaine (@X.fr) et l'une est une filiale détenue à 100 % par l'autre ; que dans ces conditions, la violation du secret des affaires apparaît difficile à caractériser ; qu'à contrario, si les deux entreprises avaient été en position concurrentielle, le grief aurait pu être établi ; qu'enfin il n'est pas interdit dans ces conditions de dresser un procès-verbal commun pour plusieurs personnes morales ayant un lien de dépendance l'une envers l'autre même si ce sont des personnes morales distinctes dans la mesure où elles appartiennent au même groupe ; que la rédaction d'un procès-verbal unique étant dans ces conditions régulière dès lors que les pièces saisies avaient un lien avec les agissements prohibés visés dans l'autorisation du juge ; que ce moyen sera écarté ;
"1°) alors que les mesures de visite et de saisie doivent être strictement proportionnées au but poursuivi ; que les enquêteurs ne peuvent recourir à une saisie globale de messageries informatiques qu'à la condition de justifier de la nécessité d'une mesure aussi intrusive et de garantir aux entreprises visitées le droit d'être présentes lors de la sélection des pièces se rattachant au champ de l'enquête ; qu'en partant, en l'espèce, du principe que le recours, par les enquêteurs, à la saisie globale de messageries informatiques permettrait " de concilier l'efficacité de la recherche et le bon fonctionnement de la société visitée ", sans mieux s'expliquer sur la nécessité d'un tel procédé et sans s'expliquer sur le fait que la société X n'a pas eu la possibilité d'assister aux opérations de sélection des pièces et documents se rapportant au champ de l'enquête, le premier président de la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"2°) alors que les procès-verbaux prévus à l'article L. 450-4 du Code de commerce doivent comporter un inventaire permettant à l'entreprise visitée de connaître précisément la teneur des pièces et documents saisis ; qu'en se contentant d'affirmer qu'une copie des inventaires des saisies informatiques avait été remise à la société X et que cette dernière était " à même de vérifier si le contenu pouvait être contesté et de le soumettre, le cas échéant à notre juridiction ", sans mieux s'expliquer, comme il y était pourtant invité, sur le fait que, sur les inventaires informatiques, les intitulés des fichiers saisis étaient exclusivement retranscrits en langage informatique et qu'aucune indication n'était donnée quant à la nature et au contenu des pièces saisies, le premier président de la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"3°) alors que les enquêteurs ne peuvent, sans méconnaître le secret des affaires, établir un procès-verbal de visite et de saisie et un inventaire communs pour deux sociétés distinctes ; qu'en relevant, pour juger que que la rédaction d'un procès-verbal unique pour les sociétés X et X' serait régulière, que ces deux sociétés sont installées dans les mêmes lieux, ont le même dirigeant, un serveur commun, que l'une est une filiale détenue à 100 % par l'autre, et que les pièces saisies avaient un lien avec les agissements prohibés visés dans l'autorisation du juge, cependant que de telles circonstances n'étaient pas de nature à exclure l'existence d'une atteinte au secret des affaires de la société X', le premier président de la cour d'appel a méconnu les textes susvisés" ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 450-4, R. 450-2 du Code de commerce, 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, préliminaire, 56, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'ordonnance attaquée a rejeté l'ensemble des demandes de la société X, à l'exception de celle tendant à l'annulation des pièces numérotées 30 à 31, et confirmé l'ensemble des opérations de visite et de saisie effectuées les 17 octobre et 18 octobre 2013 ;
"aux motifs que les enquêteurs ont saisi des fichiers de messagerie électronique en violation du droit fondamental à la confidentialité des correspondances avocats-clients ; que le droit fondamental au respect de la confidentialité des correspondances avocats-clients ; que les fichiers de messagerie électronique saisis par l'Autorité comprennent des correspondances avocats-clients ; que la seule présence des correspondances avocats-clients entraîne nécessairement la nullité de la saisie des fichiers informatiques ; que la violation du secret intervient dès que le fichier est saisi par l'enquêteur, le caractère prétendument insécable des fichiers de messageries électroniques, la sanction juridique appropriée est la nullité de la saisie du fichier informatique et non la restitution du document protégé ; qu'il est invoqué qu'il aurait été porté atteinte à la confidentialité des correspondances entre avocat/client liée au secret professionnel protégé par les dispositions de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 et consacrée par l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme sur le respect du droit au procès équitable ; que s'il est établi que le secret professionnel susmentionné doit être respecté de manière stricte, il est constant que les agents peuvent prendre connaissance des documents afin de juger s'ils doivent ou non les saisir et qu'il n'est nullement discuté que les documents couverts par le secret professionnel de l'avocat ne sont pas saisissables ; qu'il convient cependant de préciser que seules sont couvertes les correspondances échangées entre le client et son avocat ou entre l'avocat et ses confrères ce qui ne seraient pas le cas d'une correspondance échangée entre un avocat et un expert-comptable, les correspondances d'avocats directement adressées à la partie adverse ou de factures ; que le seul fait qu'un courrier émane d'un avocat n'a pas pour effet d'en interdire la saisie (dans l'hypothèse où il serait susceptible d'être impliqué dans la fraude présumée) et il est nécessaire d'en prendre connaissance pour en apprécier le caractère saisissable ou non ; qu'il y a lieu cependant de préciser que l'Administration est tributaire des informations qui sont données sur place par le représentant de la société et notamment des noms des avocats représentant la société mais également des noms des anciens avocats l'ayant représentée et des avocats avec laquelle cette société est en contact ; que s'agissant des investigations informatiques, en l'espèce un fichier informatique indivisible peut être saisi dans son entier, s'il est susceptible de contenir des éléments intéressant l'enquête ; que les rapporteurs de l'Autorité qui constatent la présence dans une messagerie de documents entrant dans le champ de l'ordonnance et qui les autorisent à procéder aux opérations de visite et de saisie n'ont d'autre choix que de procéder à la copie intégrale de celle-ci afin de préserver l'origine, l'intégrité et l'authenticité des documents saisis et ce dans le but de garantir les droits de l'entreprise par ces opérations ; qu'en l'espèce, le logiciel de messagerie utilisé serait du type " Lotus note " et est structuré de telle manière que les messages ne font pas l'objet d'enregistrements individuels mais sont enfermés dans un fichier conteneur au même type que les éléments de l'agenda ou des contacts ; que les agents de l'Administration n'ont pu que constater ce mode de stockage dans un fichier unique des éléments contenus dans " Lotus note ", n'ont pu en aucun cas le modifier (sauf à altérer son contenu) et ont été dans l'obligation de saisir le fichier conteneur dans son intégralité ; qu'enfin, s'agissant de l'annexe n° 1 citée dans les conclusions de la requérante en date du 31 octobre 2014, force est de constater que la société requérante produit un document intitulé " Annexe 1 Liste de fichiers informatiques saisis contenant des documents saisis couverts par la confidentialité des correspondances avocats-clients et/ou le droit au respect de la vie privée " ; que ces fichiers seraient des fichiers du scellé n° 17 extrait du disque dur de la société X et proviendrait des ordinateurs de cinq cadres dirigeants de cette société qu'ils sont intitulés: " efmaneur.nsf, araimbau.id, tfranck.nsf, fthierrc.td, fpoullie.nsf, fpoullie.id et araimbau.id " ; qu'à l'appui de cette annexe la société requérante ne caractérise pas la violation de la confidentialité de la correspondance avocat/client ; que la seule pièce ayant un lien avec les correspondances litigieuses est la pièce n° 31 du dossier de plaidoiries, rapportant trois courriels du même jour (29 avril 2013) échangés entre la SCP Sardi Rampazzo et M. C ; qu'aussi, pour toutes les autres correspondances litigieuses, les sociétés requérantes ne démontrent pas en quoi chaque fichier serait hors du champ d'application de l'ordonnance (même en s'y rattachant indirectement ou ayant un lien avec la fraude présumée) ou porterait atteinte au secret professionnel de l'avocat ; qu'il est constant que la présence de l'échange de courriels contestés dans la saisie des fichiers informatiques n'entraîne pas la nullité de toute la saisie ; que de plus, l'annulation des seules pièces bénéficiant de la protection prévue par l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 suffit à rétablir l'entreprise dans ses droits car elle offre à la requérante une double garantie tendant à l'élimination physique des documents protégés contenus dans les fichiers placés sous scellés en sus du caractère inutilisable de toute copie détenue, prononcée par le juge ; que compte tenu de ce qui précède, la saisie des courriels cités en pièce n° 31 sera annulée ; qu'il convient en revanche de valider l'ensemble des autres saisies informatiques ; que ce moyen sera rejeté à l'exception de la pièce n° 31 sus-mentionnée ; que les enquêteurs ont saisi des fichiers de messagerie électronique en violation du droit fondamental au respect de la vie privée ; sur le droit fondamental au respect de la vie privée ; que la saisie globale des fichiers de messagerie électronique opérée par l'Autorité comprend de nombreux e-mails personnels ; que comme l'indique la société requérante, le droit au respect de la vie privée est un principe général consacré par l'article 9 du Code civil, l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et d'autres chartes ou déclarations ; que de ce fait, les ingérences dans l'exercice du droit au respect de la vie privée doivent demeurer exceptionnelles et sont strictement encadrées par l'alinéa 2 de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ; que par conséquent, si la préservation du libre jeu de la concurrence justifie que l'Autorité puisse avoir recours à des opérations de visite et de saisie, sa mission est limitée par le respect de libertés publiques et individuelles tels que le droit fondamental au respect de la vie privée ; qu'il résulte cependant que des fichiers informatiques sont susceptibles de contenir des éléments intéressant l'enquête et dès lors que la présence parmi eux de pièces insaisissables ne saurait avoir pour effet d'invalider la saisie de tous les autres documents ; que la société requérante a produit une dizaine de courriels anonymisés joints en annexe 26 [sic - en réalité, en pièce n° 30], 7 courriels dont le premier émane de M. D et a comme objet: " Venue au monde d' ... " et le dernier provient de M. C et a pour objet " demande perso " ; que même si ces courriels ont été anonymisés, les éléments subsistant laissent apparaître qu'ils concerneraient des événements extra-professionnels et qu'il y a lieu, étant précisément identifiés, d'annuler leur saisie sans pour autant que cela affecte la globalité des saisies informatiques effectuées étant précisé que les enquêteurs ont analysé les messageries professionnelles des cadres de la société et non pas leurs messageries personnelles ; que la saisie des sept courriels cités en annexe 26 sera annulée; qu'il convient en revanche de valider l'ensemble des autres saisies informatiques ; que ce moyen sera écarté à l'exception de l'annexe 26 [en réalité, pièce n° 30] sus-mentionnée ;
"1°) alors que la présence, au sein d'un fichier informatique saisi, d'éléments insaisissables, doit entraîner la nullité de la saisie du fichier dans son entier ; qu'en retenant, au contraire, que la présence, au sein d'un fichier saisi, de pièces insaisissables n'aurait pas pour effet d'invalider la saisie des autres documents compris dans ce fichier, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;
"2°) alors que le pouvoir reconnu aux agents de l'Autorité de la concurrence par l'article L. 450-4 du Code de commerce, de saisir des documents et supports informatiques, trouve sa limite dans le principe de la libre défense qui commande de respecter la confidentialité des correspondances échangées entre un avocat et son client et liées à l'exercice des droits de la défense ; que la violation du secret professionnel entre un avocat et son client intervient dès que le document est saisi par les enquêteurs ; qu'ainsi, la présence, au sein d'un fichier informatique saisi, d'éléments couverts par le secret des correspondances avocat-client doit entraîner la nullité de la saisie du fichier dans son entier ; qu'en se limitant à annuler la saisie des seuls échanges de correspondances avocat-client communiqués, à titre d'exemples, par la société X en tant que pièce n° 31, sans prendre en considération le fait que les documents litigieux n'étaient que des exemples de messages issus des fichiers informatiques visés dans l'annexe 1 des conclusions de la société X et sans rechercher si la nullité de la saisie de ces fichiers informatiques n'était pas, en conséquence, encourue, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"3°) alors que le pouvoir reconnu aux agents de l'Autorité de la concurrence par l'article L. 450-4 du Code de commerce, de saisir des documents et supports informatiques, trouve également sa limite dans le droit au respect de la vie privée ; que la présence, au sein d'un fichier informatique saisi, d'éléments couverts par le droit au respect de la vie privée, doit entraîner la nullité de la saisie du fichier dans son entier ; qu'en se limitant à annuler la saisie des seuls messages personnels communiqués, à titre d'exemples, par la société X en tant que pièce n° 30, sans prendre en considération le fait que les documents litigieux n'étaient que des exemples de messages issus des fichiers informatiques visés dans l'annexe 1 des conclusions de la société X et sans rechercher si la nullité de la saisie de ces fichiers informatiques n'était pas, en conséquence, encourue, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Les moyens étant réunis ; - Attendu que, pour dire régulières les opérations réalisées dans les locaux de la société demanderesse, après avoir annulé certaines pièces aux fins de protection du secret des correspondances entre un client et son avocat et du droit au respect de la vie privée, l'ordonnance attaquée prononce par les motifs repris aux moyens ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, dépourvues d'insuffisance comme de contradiction, le juge, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont il était saisi, a justifié sa décision ;
Que, d'une part, il a procédé à une analyse de la nécessité des mesures prises par les agents de l'Administration ayant eu recours à une saisie sélective et ciblée permettant de concilier l'efficacité de la recherche et le bon fonctionnement de la société visitée ;
Que, d'autre part, il a constaté que les fichiers saisis avaient été identifiés et inventoriés, selon des modalités permettant à la société, à laquelle une copie des fichiers avait été remise, d'en connaître précisément la teneur et d'invoquer, dans le cadre de son recours, le cas échéant, les éléments de nature à établir que certaines pièces saisies ne pouvaient l'être ;
Que, par ailleurs, il a caractérisé, par une appréciation qui relève de son pouvoir souverain, qu'aucune atteinte au secret des affaires n'était démontrée ;
Qu'enfin, le premier président a, à bon droit, limité l'annulation de la saisie à certains fichiers parmi ceux produits devant lui par la société au soutien de ses allégations, dès lors que la saisie irrégulière de certains fichiers ou documents est sans effet sur la validité des opérations de visite et des autres saisies ; d'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'ordonnance est régulière en la forme ;
Rejette le pourvoi.